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C/15243/2020

ACJC/903/2021 du 08.07.2021 sur OTPI/824/2020 ( SP ) , JUGE

Normes : CPC.261
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15243/2020 ACJC/903/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du JEUDI 8 JUILLET 2021

 

Entre

1) Monsieur A______, domicilié ______ (Suède),

2) Monsieur B______, domicilié ______ (Suède),

appelants d'une ordonnance rendue par la 25ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 30 décembre 2020, comparant tous deux par Me Patrick HUNZIKER et Mahault FREI DE CLAVIERE, avocats, RVMH Avocats, rue Gourgas 5, case postale 31, 1211 Genève 8, en l'Etude desquels ils font élection de domicile,

et

C______ (GUERNESEY) LTD, sise ______ Guernesey, intimée, comparant par
Me Christian GIROD, avocat, Schellenberg Wittmer SA, rue des Alpes 15bis, case postale 2088, 1211 Genève 1, en l'Etude duquel elle fait élection de domicile.


EN FAIT

A.           Par ordonnance OTPI/824/2020 du 30 décembre 2020, reçue le 18 janvier 2021 par A______ et B______, le Tribunal de première instance a rejeté
la requête de mesures provisionnelles formée par ceux-ci à l'encontre de C______ (GUERNESEY) LTD (ch. 1 du dispositif), révoqué en conséquence l'ordonnance rendue sur mesures superprovisionnelles le 6 août 2020 (ch. 2), mis les frais judiciaires - arrêtés à 3'251 fr. - à la charge de A______ et B______, pris solidairement, les compensant avec les avances qu'ils avaient versées (ch. 3), ordonné la restitution de 149 fr. à A______ et B______, pris solidairement (ch. 4), condamné ces derniers, solidairement, à verser à C______ LTD le montant de 2'000 fr. à titre de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B.            a. Par acte expédié le 28 janvier 2021 à la Cour de justice, A______ et B______ appellent de cette ordonnance, dont ils requièrent l'annulation. Ils concluent, avec suite de frais judiciaires et dépens, principalement, à ce que la Cour ordonne le blocage du compte bancaire portant selon toute vraisemblance le n° 1______, détenu selon toute vraisemblance par C______ (GUERNESEY) LTD - anciennement par D______ LTD - auprès de E______ à Genève, concernant le "O______ Trust" et dont feu F______ était l'ayant droit économique, fasse interdiction à C______ LTD, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP, de procéder ou faire procéder à tout retrait ou transfert (investissement, ou toute autre forme de disposition) par débit du compte bancaire visé, respectivement de disposer de tous autres avoirs dont feu F______ était l'ayant droit économique auprès dudit établissement bancaire et ordonne la remise en mains propres, par huissier, de l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice ainsi prononcée à [la banque] E______ à Genève. Subsidiairement, ils sollicitent que la Cour renvoie la cause au Tribunal pour qu'il statue dans le sens des considérants de l'arrêt.

Ils allèguent des faits nouveaux et produisent deux nouvelles pièces, à savoir un avis de droit du 28 janvier 2021 de Me G______, avocat à Monaco, et une lettre du cabinet d'avocats H______ au cabinet d'avocats I______ du 4 septembre 2020.

b. Par arrêt ACJC/164/2021 du 8 février 2021, la Cour a rejeté la requête de A______ et B______ tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché à l'ordonnance querellée et dit qu'il serait statué sur les frais liés à la décision dans l'arrêt rendu sur le fond.

c. Dans sa réponse, C______ (GUERNESEY) LTD a conclu à la confirmation de l'ordonnance querellée, avec suite de frais judiciaires et dépens.

Elle a produit de nouvelles pièces, à savoir un avis de droit complémentaire du 10 février 2021 de Me J______, avocate à Monaco, et un courrier de ses conseils à E______ du 11 février 2021.

d. La parties ont répliqué, respectivement dupliqué, persistant dans leurs conclusions.

Elles ont encore produit de nouvelles pièces. A______ et B______ ont versé au dossier un avis de droit de Me G______ du 1er mars 2021, ainsi que ses annexes, soit un jugement du Tribunal correctionnel de Monaco du 2 février 2021 et un courrier de Me G______ à la Cour d'Appel de Monaco du 22 février 2021.

C______ LTD a produit un avis de droit complémentaire du 10 mars 2021.

e. Les parties ont été avisées par plis du greffe de la Cour du 17 mars 2021, reçu le lendemain, de ce que la cause était gardée à juger.

f. Par courrier du 1er avril 2021, A______ et B______ ont fait valoir leur droit inconditionnel à la réplique, persistant dans leurs conclusions. Ils ont allégué deux faits nouveaux et produit deux nouvelles pièces, à savoir un avis de droit de Me G______ du 1er avril 2021 et un "consent order" du 26 mars 2021.

g. Par courrier du 13 avril 2021, C______ (GUERNESEY) LTD s'est déterminée sur la réplique spontanée de A______ et B______ du 1er avril 2021, persistant dans ses conclusions.

h. Les parties se sont encore déterminées par courriers des 23 et 29 avril 2021, persistant dans leurs conclusions respectives.

C.           Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. F______, de nationalité suédoise, né le ______ 1924 à K______ (Suède), est décédé le ______ 2020 à Monaco où il était domicilié. Sa succession y a été ouverte le 5 mars 2020 auprès de Me L______, notaire.

b. A______ et B______ sont les fils de feu F______ et de sa première épouse, M______.

c. Feu F______ a ensuite été marié à N______.

d. Le 4 mai 2005, feu F______ a constitué un trust appelé "AC______ Trust", régi par le droit de Guernesey (Royaume-Uni) et dont son épouse était la première bénéficiaire et lui le second. P______ TRUST LTD, à Guernesey, en était le trustee. Après le décès de N______ le ______ 2013, feu F______ en est devenu le seul bénéficiaire.

e. Le 17 mai 2014, feu F______ s'est marié avec Q______, laquelle avait déjà un fils, R______.

f. Par contrat de mariage du 21 mai 2014, feu F______ et Q______ ont convenu que leur régime matrimonial était régi par le droit suédois, l'ensemble des biens du patrimoine de l'épouse lui appartenant en propre et l'ensemble des biens du patrimoine de l'époux faisant partie des biens matrimoniaux.

g. Le 26 mai 2014, feu F______ et son épouse ont rédigé un testament dans lequel A______ et B______ étaient renvoyés à leur réserve.

h. Le 2 mars 2015, feu F______ a informé P______ TRUST LTD à Guernesey de son intention de distribuer tous les biens du "AC______ Trust" au bénéficiaire, à savoir à lui-même, sans délai. Il souhaitait gérer ses actifs "d'une manière plus pratique et plus proche de [son] domicile et de [ses] centres d'intérêts".

i. Le 21 mai 2015, P______ TRUST LTD a indiqué à feu F______ que, compte tenu de son état de santé et de son âge avancé, elle avait eu l'intention de solliciter un certificat médical qu'elle n'avait toutefois pas eu le temps de requérir puisque dans l'intervalle, ce dernier avait sollicité le transfert du "trusteeship" à D______ LTD, instruction à laquelle P______ TRUST LTD devait donner suite sans être tenue de vérifier la capacité de discernement du bénéficiaire, contrairement à la décision de distribution des actifs.

j. Le 28 mai 2015, feu F______ a constitué le "O______ Trust" (ci-après également: le Trust), trust irrévocable et discrétionnaire, dont il était le bénéficiaire, D______ LTD en était le trustee et S______, avocat et conseiller financier, le protector.

k. Les 31 juillet et 5 novembre 2015, feu F______ a rédigé deux lettres de souhaits à l'attention de D______ LTD.

Dans sa lettre du 5 novembre 2015, il a exprimé sa volonté que D______ LTD nomme R______, la [société] T______ et U______ en qualité de seconds bénéficiaires du "O______ Trust" et a indiqué dans quelles proportions.

l. En octobre 2015, une procédure pénale a été ouverte à Monaco contre R______ et S______, notamment pour abus frauduleux de l'état de vulnérabilité ou de l'état de dépendance au préjudice de feu F______.

m. Q______ est décédée le ______ 2015.

n. Le 30 novembre 2015, feu F______ a rédigé un nouveau testament en la forme authentique devant notaire à Monaco, dans lequel il précisait que le droit monégasque était applicable à l'ensemble de sa succession, sous réserve de l'éventuel droit du lieu de situation d'immeubles. Il réduisait A______ et B______ à leur part de réserve, conformément aux dispositions de la loi successorale en vigueur au moment de son décès, sur les biens mobiliers dépendant de la succession. Il constituait enfin des legs en faveur notamment de R______, S______ et la T______. Il désignait S______ en qualité d'exécuteur testamentaire.

o. Le 7 décembre 2015, les actifs déposés à Guernesey concernant le "AC______ Trust" ont été transférés sur un compte auprès de V______, à Monaco, dont le bénéficiaire économique était D______ LTD en tant que trustee du "O______ Trust".

p. Le 11 mars 2016, le Tribunal de première instance de Monaco (ci-après : le Tribunal de Monaco) a prononcé une tutelle en faveur de feu F______ et a nommé W______ en qualité d'administratrice judiciaire de ses biens.

Par arrêt du 4 juillet 2016, la Cour d'appel de Monaco a confirmé la mesure, mais désigné X______ en lieu et place de W______.

La Cour d'appel de Monaco a retenu notamment que le Dr Y______ avait déposé le 4 décembre 2015 un rapport aux termes duquel il avait conclu à l'affaiblissement des facultés mentales et corporelles de feu F______ liées à un processus d'involution sénile, outre à la présence de troubles de la mémoire et de l'orientation temporo-spatiale induisant un affaiblissement de l'esprit critique et un risque réel de spoliation.

q. Par courrier du 7 janvier 2017, feu F______ a écrit à D______ LTD "following my conversation with Mr Z______, I hereby confirm that, as the beneficiary of O______ Trust, I agree to the transfer of the assets to E______ in Switzerland" ("Suite à ma conversation avec M. Z______, je confirme par la présente, en tant que bénéficiaire du O______ Trust, accepter le transfert des actifs à la banque E______ en Suisse") (traduction libre de la Cour).

Il a également écrit "please act in my best interest and so that my sons have never access to the trust it has been the case for years and there is no reason to change this" ("Je vous prie d'agir dans mon intérêt et de manière à ce que mes fils n'aient jamais accès au trust cela a été le cas pendant des années et il n'y a aucune raison de changer cela") (traduction libre de C______ (GUERNESEY) LTD).

r. Par fax du 28 février 2017, D______ LTD a adressé à V______, à Monaco, une instruction de transférer la totalité des avoirs détenus sur le compte n° 2______, à savoir 46'043'364.78 euros, en faveur du "O______ Trust" auprès de E______, à Genève.

s. Une partie des actifs du "O______ Trust" a été transférée auprès de E______, à Genève, sur le compte n° 1______ dont le titulaire était le nouveau trustee, C______ (GUERNESEY) LTD (anciennement C______ TRUST (GUERNESEY) LTD), société active dans la gestion fiduciaire de trusts. Z______ en est l'un des directeurs.

t. A la requête de l'Office de police monégasque, un montant de 28'094'013,66 euros, non encore transféré, a été séquestré auprès de V______ à Monaco, au motif que S______ faisait l'objet d'une enquête pénale pour abus de faiblesse au préjudice de feu F______.

u. Par ordonnance du 24 janvier 2018, le Tribunal de Monaco a rejeté la demande de levée de la saisie bancaire sur le compte ouvert au nom de D______ LTD en qualité de trustee du "O______ Trust" auprès de V______, à Monaco.

Le Tribunal de Monaco a retenu que le protector du " O______ Trust", S______, inculpé d'abus de faiblesse au préjudice de feu F______, pouvait modifier l'identité du trustee de la même manière que la liste des bénéficiaires du trust.

v. Le 28 mars 2018, C______ (GUERNESEY) LTD a destitué S______ de ses fonctions de protector et nommé X______ à sa place.

w. Le 8 mai 2018, la Cour d'appel de Monaco a levé le séquestre.

x. Par acte du 7 juin 2019, X______ a requis du Tribunal de Monaco une extension de sa mission aux fins de pouvoir remplacer l'actuel trustee du " O______ Trust", C______ LTD, par un trustee à Monaco.

y. Par jugement du 11 juillet 2019, le Tribunal de Monaco a étendu la mission de X______ aux fins de désigner AA______, de l'étude AB______, à Monaco, en qualité de trustee du " O______ Trust", en remplacement de l'actuel trustee, à savoir la société C______ LTD, ce afin de permettre le rapatriement des actifs de feu F______ sur le territoire monégasque et de mandater le cabinet H______, à Guernesey, afin de mettre fin au " O______ Trust".

Le Tribunal de Monaco a retenu que "dans le cadre d'une information judiciaire et en exécution d'une commission rogatoire, le compte ouvert au nom du « O______ TRUST » dans les livres de l'établissement bancaire V______ Monaco a été bloqué. L'établissement a confirmé la mesure de séquestre du compte ouvert au nom de « D______ TRUST LTD » pour la somme de 28'094'013,66 euros, A______ ayant été identifié comme le « settlor », et premier bénéficiaire du trust. Le 8 mai 2018, la société « D______ », aujourd'hui dénommée « C______ TRUST (GUERNESEY) », a donné instruction à la banque V______ Monaco de transférer la totalité des fonds à la banque E______ Genève. Le trustee du « O______ TRUST », la société « C______ TRUST (GUERNESEY) » a donc agi en contradiction avec l'objectif exprimé préalablement par le constituant, à savoir le rapatriement des actifs à Monaco".

z. Par courriers du 12 février 2020, C______ (GUERNESEY) LTD a informé les bénéficiaires du " O______ Trust" de son intention de demander des instructions ("Application for Directions") au Tribunal compétent à Guernesey s'agissant de la révocation de sa fonction de trustee du " O______ Trust".

aa. Par courriels des 20 et 26 février 2020, U______ et R______ ont donné leur accord au dépôt de cette requête, suite à quoi, le 20 mars 2020, C______ (GUERNESEY) LTD a déposé auprès du Tribunal Royal de Guernesey une "Application for Directions" afin d'obtenir son avis quant à la possible reconnaissance à Guernesey des décisions du Tribunal de Monaco des 4 juillet 2016 et 11 juillet 2019.

bb. Au décès de feu F______, le 3 mars 2020, les liquidités à Monaco, au nom de ce dernier s'élevaient à 15'961'719,14 euros et 2'963'022,54 USD. Il était propriétaire d'un appartement à Monaco estimé à 3'760'000 euros et détenait des actifs en Suède estimés à 40'000 euros. Le "O______ Trust" détenait 46'000'000 euros. Il avait également constitué le "Pouilly Trust" qui détenait 12'000'000 euros.

cc. Par courrier du 4 mars 2020, A______ et B______ ont informé [la banque] E______ que C______ (GUERNESEY) LTD n'était plus trustee du "O______ Trust", de sorte que la banque ne pouvait plus exécuter d'instruction provenant de cette dernière.

dd. Le 30 avril 2020, la [banque] E______ leur a répondu qu'en l'absence de document de légitimation démontrant qu'ils agissaient valablement pour le compte du trust ou du trustee, elle ne pouvait leur fournir aucune information.

ee. Par jugement du 9 avril 2020, le Tribunal de Monaco a désigné X______ en qualité d'administrateur provisoire de la succession de feu F______ avec pour mission de procéder à l'ouverture de la succession auprès d'un notaire monégasque et de pourvoir à l'inventaire et à la gestion de l'actif et du passif de celle-ci, en payant toutes dettes, frais et charges restant dus.

ff. Le 29 juillet 2020, les bénéficiaires du "O______ Trust" - R______, la T______ et U______ - ont fait part à C______ (GUERNESEY) LTD de leur décision de mettre fin au "O______ Trust" et lui ont demandé de procéder à la distribution des actifs dans les proportions indiquées par le constituant dans sa lettre de souhaits du 5 novembre 2015. Ils considéraient que C______ LTD demeurait le trustee du "O______ Trust" mais le courrier était également adressé à AB______ et H______ pour le cas où le transfert du "trusteeship" en faveur de AB______ était valablement intervenu.

gg. Le 3 août 2020, C______ LTD a indiqué à AB______ qu'elle était liée par la demande des bénéficiaires et qu'elle procéderait à une distribution le 10 août 2020, à moins que les parties qui s'y opposaient ne présentent une demande sur le fondement de la section 53(4) de la loi de Guernesey sur les trusts.

hh. Le même jour, C______ LTD a écrit à X______ et AB______ qu'elle prenait acte de la décision et des instructions des bénéficiaires. La liquidation du "O______ Trust" ayant été valablement requise selon le droit applicable au trust, elle se pencherait sur la distribution requise mais n'y procéderait que si toutes les parties étaient d'accord et à défaut, elle solliciterait la décision du Tribunal Royal de Guernesey.

ii. Le 10 août 2020, AB______ et X______ se sont opposés à la distribution.

jj. Le 7 octobre 2020, A______ et B______ ont déposé devant le Tribunal de Monaco une assignation en liquidation-partage de la succession de feu F______, à l'encontre de C______ (GUERNESEY) LTD, demandant la réduction des libéralités empiétant sur leurs droits réservataires.

kk. Le 8 octobre 2020, le Tribunal Royal de Guernesey a ordonné que les frais judiciaires de C______ (GUERNESEY) LTD et de AB______ soient payés sur les fonds du trust, y compris les frais résultant de la procédure en Suisse.

ll. Le 2 février 2021, le Tribunal correctionnel de Monaco a déclaré S______ coupable d'abus frauduleux de l'état de vulnérabilité ou de l'état de dépendance et "relaxé" R______ des fins de la poursuite. Le jugement a fait l'objet d'un appel à la Cour d'Appel de Monaco, actuellement pendant.

Le Tribunal a retenu que feu F______ avait "été privé, en raison de sa vulnérabilité, de sa liberté de choisir les bénéficiaires de son testament, comme les bénéficiaires de ses trusts et ne pouvait apporter un consentement libre et éclairé. [ ] En moins d'un an, S______, parfait inconnu des A______/B______/F______ début 2014, [avait réussi] à se faire attribuer, outre des revenus conséquents, une grande partie de la fortune de F______ grâce à d'importantes libéralités tant dans le cadre de la succession monégasque que celle des trusts à l'instar d'un membre de la famille".

S'agissant de R______, "il [avait] bénéficié de nombreuses largesses de la part de son beau-père dont un don de 500'000 euros pour l'achat d'un appartement. Il [était] devenu bénéficiaire du trust de celui-ci et légataire au terme de son testament. Sa position [était] néanmoins sensiblement différente de S______ puisqu'il [venait], notamment, aux droits de la succession de sa mère en application du contrat de mariage et des dispositions ultérieures prises par F______ en faveur de son épouse. [ ] Si son inaction coupable et sa convoitise [étaient] moralement blâmables, elles ne [constituaient] pas pour autant des actes suffisamment concrets susceptibles de caractériser pénalement une complicité d'abus frauduleux de l'état de vulnérabilité".

D.           a. Par acte déposé le 6 août 2020 au greffe du Tribunal de première instance, complété par des déterminations du 16 novembre 2020, A______ et B______ ont formé une requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles à l'encontre de C______ (GUERNESEY) LTD concluant, sous suite de frais et dépens, à ce que le Tribunal ordonne le blocage du compte bancaire, portant selon toute vraisemblance le n° 1______ détenu selon toute vraisemblance par C______ LTD - anciennement D______ LTD - auprès de [la banque] E______ à Genève, concernant le "O______ Trust" et dont feu F______ était l'ayant droit économique, fasse interdiction à C______ LTD, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP, de procéder ou faire procéder à tout retrait ou transfert (investissement, ou toute autre forme de disposition) par débit du compte bancaire précité, respectivement de disposer de tous autres avoirs dont feu F______ était l'ayant droit économique auprès dudit établissement bancaire et ordonne la remise en mains propres, par huissier, de l'ordonnance sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles prononcée à E______ à Genève.

Ils ont fait valoir que peu avant la constitution du "O______ Trust", le 2 mars 2015, feu F______ avait demandé à P______ TRUST LTD le rapatriement à Monaco de l'intégralité des avoirs du trust sur un compte personnel. En raison de l'âge et de l'état de santé de feu F______, le trustee avait souhaité obtenir un certificat médical avant d'exécuter l'instruction. N'ayant pas reçu ledit certificat, le trustee n'avait pas pu transférer les avoirs et avait ensuite été remplacé par D______ LTD. Ainsi, les actifs déposés chez E______ appartenaient au de cujus, le jugement rendu par le Tribunal de Monaco le 11 juillet 2019 étant clair à ce sujet, et entraient dans les actifs successoraux. En tant qu'héritiers réservataires de feu F______, ils avaient le droit à la protection de leur réserve d'un quart chacun, soit 20'000'000 euros, en application du droit suédois et d'un tiers chacun, soit 26'666'666 euros, en application du droit monégasque, sur une masse successorale estimée à 80'000'000 euros. Ils étaient donc titulaires d'une prétention de nature successorale et la distribution des actifs détenus en trust aux bénéficiaires du trust leur causerait un préjudice difficilement réparable.

b. Par ordonnance du 6 août 2020, le Tribunal a fait droit à la requête de mesures superprovisionnelles.

c. Dans ses déterminations du 14 octobre 2020, C______ (GUERNESEY) LTD a conclu, sous suite de frais et dépens, au rejet de la requête et à la levée du blocage du compte bancaire n° 1______.

Elle a fait valoir que A______ et B______ n'avaient jamais été les bénéficiaires du "O______ Trust", qu'ils ne disposaient d'aucun droit sur les avoirs déposés sur le compte dont elle était titulaire auprès de [la banque] E______, que ce soit en vertu du droit des trusts ou du droit des successions et que le jugement rendu par le Tribunal de Monaco le 11 juillet 2019 n'y changeait rien. En outre, en droit monégasque, si la réserve des héritiers réservataires était atteinte, ces derniers disposaient d'une prétention en réduction, la réduction des donations s'opérant en principe en valeur. Elle estimait la prétention de A______ et B______ à hauteur de 38'666'666 euros, soit 19'333'333 euros chacun (53'333'333 euros [soit 2/3 de 80'000'000 euros] - 14'666'666 euros [soit 2/3 de 22'000'000 euros (80'000'000 euros - 46'000'000 euros - 12'000'000 euros)]. Les héritiers réservataires ne disposaient que d'une créance en argent contre le bénéficiaire de libéralités et non d'un droit en nature sur les actifs donnés, seul le bénéficiaire/donataire ayant la possibilité, à certaines conditions, de rapporter le bien donné en nature plutôt que sa contre-valeur en espèces. La mesure sollicitée constituait ainsi un séquestre déguisé, interdit en droit suisse. En outre, la liquidation du trust nécessitant l'accord de toutes les parties et AB______ et X______ s'étant opposés à la distribution, elle n'y procéderait pas avant d'avoir obtenu l'accord du Tribunal de Guernesey, de sorte que le risque de A______ et B______ de subir un préjudice difficilement réparable n'était pas rendu vraisemblable. Elle a enfin admis que le compte auprès de la [banque] E______ avait une "valeur non inférieure à 46'000'000 euros".

E.            Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal a retenu qu'il ne ressortait pas clairement du jugement du Tribunal de Monaco du 11 juillet 2019 que les actifs détenus en trust étaient la propriété du de cujus et qu'il existait des biens de ce dernier en Suisse. Le défunt était domicilié à Monaco au moment de son décès, de sorte que sa succession était soumise au droit monégasque, ce que le de cujus avait expressément accepté dans son testament du 30 novembre 2015. Le trust était, lui, régi par la loi de Guernesey, choisie par le constituant. Le droit monégasque n'avait pas tranché la question de savoir si les actifs transférés au trust du vivant du de cujus, mais ayant vocation à être distribués après sa mort, devaient être assimilés à des donations ou des legs. Se référant à la jurisprudence française, conformément aux avis de droit produits par les parties, le Tribunal a retenu que les libéralités que le de cujus avaient consenties au trust devaient être prises en compte dans la masse successorale afin de calculer la réserve héréditaire et devaient être considérées comme des donations, par principe réductibles en valeur, exceptionnellement en nature. Il en découlait que dans l'hypothèse où A______ et B______ obtiendraient gain de cause dans l'action en liquidation-partage qu'ils avaient formée devant le juge monégasque à l'encontre de C______ (GUERNESEY) LTD, ils obtiendraient très vraisemblablement une créance à l'encontre de cette dernière, de sorte que la mesure de blocage qu'ils sollicitaient par le biais des mesures provisionnelles constituait un séquestre déguisé, interdit en droit fédéral. Dès lors, la requête de mesures provisionnelles devait être rejetée.


 

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC). Dans les affaires patrimoniales, il est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

La décision querellée est une décision de rejet de mesures provisionnelles. Compte tenu des actifs litigieux, la valeur litigieuse de 10'000 fr. est largement atteinte. La voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai de 10 jours et dans la forme prescrits (art. 142 al. 1, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC), l'appel est recevable. Il en va de même de la réponse, de la réplique et de la duplique (art. 314 al. 1 et 316 al. 2 CPC). Il est pour le reste renvoyé au considérant 2.2. ci-dessous.

1.3 La Cour revoit le fond du litige avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC) et applique le droit d'office (art. 57 CPC).

1.4 Dans le cadre de mesures provisionnelles, instruites selon la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), la cognition du juge est circonscrite à la vraisemblance des faits allégués ainsi qu'à un examen sommaire du droit (ATF 131 III 473 consid. 2.3; 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_442/2013 du 24 juillet 2013 consid. 2.1 et 5). Les moyens de preuve sont, en principe, limités à ceux qui sont immédiatement disponibles (art. 254 CPC; Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., 2010, p. 283 n° 1556).

1.5.1 En raison du domicile et du siège des parties, la cause revêt un caractère international (ATF 136 III 142 consid. 3.2; 132 III 609 consid. 4).

Le juge suisse saisi examine d'office sa compétence ainsi que la question du droit applicable au litige, sur la base du droit international privé suisse en tant que lex fori (ATF 136 III 142 consid. 3.2; 135 III 259 consid. 2.1; 133 III 37 consid. 2).

En l'absence de convention internationale, il y a lieu, pour statuer sur ces aspects, de se référer à la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP).

A teneur de l'art. 10 let. b LDIP sont compétents pour prononcer des mesures provisoires les tribunaux du lieu de l'exécution de la mesure, pour autant que celle-ci soit urgente et nécessaire (ATF 134 III 326; ACJC/1110/2012 du 8 août 2012 consid. 4.1; Bucher, Commentaire romand LDIP/CL, 2011, n. 18 ad art. 10 LDIP).

Les dispositions de la LDIP ne précisent pas selon quelle loi les mesures provisoires doivent être examinées (Bucher, op. cit., n. 7 ss ad art. 10 LDIP). Il n'est pas arbitraire d'appliquer le droit suisse lorsque l'affaire est urgente, notamment en matière de séquestre (arrêts du Tribunal fédéral 5A_60/2013 du 27 mai 2013 consid. 3.2.1.2; 5A_259/2010 du 26 avril 2012 consid. 7.3.2.2; 5P.355/2006 du 8 novembre 2006 consid. 4.2).

1.5.2 En l'espèce, les mesures requises tendent notamment au blocage d'avoirs détenus par l'intimée auprès d'un établissement genevois, de sorte que le lieu d'exécution se situe à Genève. Ces mesures apparaissent prima facie revêtir un caractère urgent et nécessaire. En effet, il conviendrait d'éviter que, dans l'hypothèse où il serait fait droit au fond à la prétention des appelants, ceux-ci ne puissent plus obtenir les fonds.

Par conséquent, c'est à juste titre que le Tribunal a admis sa compétence rationae loci et rationae materiae (art. 86 al. 1 et al. 2 let. a et c LOJ). Le premier juge a par ailleurs à juste titre appliqué le droit suisse s'agissant des conditions relatives au prononcé de mesures provisionnelles.

2. Les parties allèguent des faits nouveaux et déposent des pièces nouvelles.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

2.1.1 Il faut distinguer les "vrais nova" des "pseudo nova". Les "vrais nova" sont des faits et moyens de preuve qui ne sont survenus qu'après la fin des débats principaux, soit après la clôture des plaidoiries finales (ATF 138 III 788 consid. 4.2; Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 11 ad art. 229 CPC). En appel, ils sont en principe toujours admissibles, pourvu qu'ils soient invoqués sans retard dès leur découverte. Les "pseudo nova" sont des faits et moyens de preuve qui étaient déjà survenus lorsque les débats principaux de première instance ont été clôturés. Leur admissibilité est largement limitée en appel, dès lors qu'ils sont irrecevables lorsqu'en faisant preuve de la diligence requise, ils auraient déjà pu être invoqués dans la procédure de première instance. Il appartient au plaideur d'exposer en détails les motifs pour lesquels il n'a pas pu présenter le "pseudo nova" en première instance déjà (ATF 143 III 42 consid. 4.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1006/2017 du 5 février 2018 consid. 3.3).

La production d'expertises juridiques ou d'avis de droit destinés à étayer l'argumentation juridique d'une partie n'est pas visée par l'interdiction des novas, mais doit être faite dans le délai de recours ou d'appel (arrêts du Tribunal fédéral 4A_303/2018 du 17 octobre 2018 consid. 3.2; 4A_511/2008 du 3 février 2009 consid. 2). Un avis de droit ne constitue toutefois pas un moyen de preuve mais il revêt la valeur d'une simple allégation de partie (arrêts du Tribunal fédéral 5A_301/2010 du 5 août 2010 consid. 3.1; 1A_225/2005 du 17 octobre 2006 consid. 2).

2.1.2 En appel, les faits et moyens de preuves nouveaux (vrais ou pseudo nova) qui surviennent jusqu'au début de la phase de délibérations de l'instance supérieure peuvent encore être introduits en appel, aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC. La phase des délibérations débute à la clôture d'éventuels débats d'appel (ATF 138 III 788 consid. 4.2), ou lorsque l'autorité d'appel indique formellement qu'elle considère que la cause est en état d'être jugée et qu'elle passe désormais aux délibérations (ATF 142 III 413 consid. 2.2.3).

A partir du début des délibérations, les parties ne peuvent plus introduire de nova, même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC sont réunies (arrêt du Tribunal fédéral 5A_456/2016 du 28 octobre 2016 consid. 4.1.2).

En vertu du droit inconditionnel à la réplique, chaque partie a toutefois le droit de se déterminer sur l'ensemble des actes de l'adverse partie ou du tribunal (ATF 146 III 97 consid. 3.4.1). La partie qui estime nécessaire une détermination sur une écriture qui lui a été adressée pour information doit en principe l'adresser ou la requérir immédiatement; à défaut, il faut admettre qu'elle y renonce (ATF 138 I 484 consid. 2.2 et 2.5). En procédure ordinaire, le Tribunal fédéral a énoncé que l'on ne pouvait en tout cas pas admettre une renonciation au droit de réplique avant l'écoulement d'un délai de 10 jours suivant la communication de l'écriture (arrêt du Tribunal fédéral 5D_112/2013 du 15 août 2013 consid. 2.2.3).

2.2 En l'espèce, les appelants n'expliquent pas pour quelles raisons ils n'ont pas produit en première instance la lettre du 4 septembre 2020 du cabinet H______ au cabinet I______, antérieure à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger. Cette pièce est donc irrecevable, comme le nouvel allégué formé par les appelants sur la base de cette pièce.

S'agissant des avis de droit des 28 janvier et 1er mars 2021 produits par les appelants à l'appui de leur mémoire d'appel et de la réplique et ceux des 10 février et 10 mars 2021 produits par l'intimé à l'appui de son mémoire réponse et de la duplique, dans la mesure où ils portent tous sur la qualification d'une libéralité résultant d'un trust en droit monégasque et les modalités de réduction d'une telle libéralité, que ces faits ont été présentés devant le premier juge - de sorte que les avis de droit complémentaires sont uniquement destinés à étayer l'argumentation juridique des parties -, et qu'ils ont été produits sans retard, ils sont recevables.

Les autres pièces nouvelles produites par les parties avant le début des délibérations par la Cour ont été établies postérieurement à la date à laquelle la cause a été gardée à juger par le premier juge et ont été produites sans retard. Les parties n'auraient en outre pas pu les obtenir avant. Ces pièces sont par conséquent recevables, y compris les faits qu'elles visent.

S'agissant du courrier adressé par les appelants à la Cour le 1er avril 2021, les deux nouveaux allégués qui y figurent sont irrecevables ainsi que les deux pièces qui s'y rapportent, ceux-ci ayant été produit après que la cause ait été gardée à juger par la Cour. Sont en revanche recevables, en vertu du droit inconditionnel à la réplique, les déterminations des appelants sur les allégués nouveaux formulés par l'intimée dans sa duplique.

Les déterminations de l'intimée du 13 avril 2021, portant uniquement sur l'un des deux nouveaux allégués précités sont irrecevables. Il en va de même des déterminations des parties des 23 et 29 avril 2021, qui se réfèrent audit nouvel allégué.

3. Les appelants font grief au Tribunal d'avoir considéré que la mesure sollicitée constituait un séquestre déguisé. Ils lui reprochent d'avoir retenu qu'ils n'avaient pas rendu vraisemblable que les actifs détenus par l'intimée et qui se situaient en Suisse appartenaient en réalité au de cujus. Ils estiment être titulaire d'un droit sur ces actifs résultant de l'action en liquidation-partage déposée à Monaco et non d'une créance à l'encontre du trustee. Ainsi, la restitution desdits actifs devrait être effectuée en nature et non en espèces. A leur avis, seules des mesures provisionnelles tendant à la saisie conservatoire d'actifs et à l'interdiction pour l'intimée d'exécuter une demande de transfert sur le compte concerné peuvent être prononcées, à l'exclusion de tout séquestre.

En outre, les appelants soutiennent que les conditions d'octroi des mesures provisionnelles sont réunies: en cas de non blocage immédiat des avoirs détenus par l'intimée en trust, celle-ci les distribuera prochainement aux bénéficiaires du Trust, qui ont déjà sollicité la fin du Trust et la distribution des actifs, ce qui leur causera un préjudice difficilement réparable, voire irréparable.

3.1.1 Selon l'art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b).

Le requérant doit rendre vraisemblable tant l'existence de sa prétention matérielle de nature civile que sa mise en danger ou atteinte par un préjudice difficilement réparable, ainsi que l'urgence (Huber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2016, n. 23 ad art. 261 CPC).

Le requérant doit rendre vraisemblable que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès, la mesure provisionnelle ne pouvant être accordée que dans la perspective de l'action au fond qui doit la valider (cf. art. 263 et 268 al. 2 CPC; ATF 131 III 473 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_1016/2015 du 15 septembre 2016 consid. 5.3; Bohnet, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 7 ad art. 261). Il doit en outre rendre vraisemblable une atteinte au droit ou son imminence, sur la base d'éléments objectifs (Bohnet, op. cit., n. 10 ad art. 261 CPC).

Doit également être rendu vraisemblable l'existence d'un préjudice difficilement réparable, qui peut être de nature patrimoniale ou immatérielle (Message relatif au CPC, FF 2006 p. 6961; Bohnet, op. cit., n. 11 ad art. 261 CPC; Huber, op. cit., n. 20 ad art. 261 CPC). Le requérant doit rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause. En d'autres termes, il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets. Est difficilement réparable le préjudice qui sera plus tard impossible ou difficile à mesurer ou à compenser entièrement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1).

Le risque de préjudice difficilement réparable implique l'urgence (Bohnet, op. cit., n. 12 ad art. 261 CPC). L'urgence est une notion relative qui comporte des degrés et s'apprécie moins selon des critères objectifs qu'au regard des circonstances. Elle est en principe admise lorsque le demandeur pourrait subir un dommage économique ou immatériel s'il devait attendre qu'une décision au fond soit rendue dans une procédure ordinaire (ATF 116 Ia 446 consid. 2 = JdT 1992 I p. 122; Bohnet, op. cit., n. 12 ad art. 261 CPC).

La mesure ordonnée doit respecter le principe de proportionnalité, ce qui signifie qu'elle doit être à la fois apte à atteindre le but visé, nécessaire, en ce sens que toute autre mesure se révèlerait inapte à sauvegarder les intérêts de la partie requérante, et proportionnée, en ce sens qu'il ne doit pas exister d'alternatives moins incisives (Hohl, Procédure civile, tome 2, 2ème éd., 2010, p. 323 s.).

La non réalisation des conditions à l'octroi de mesures provisionnelles conduit au rejet de la requête (ACJC/1148/2020 du 24 août 2020 consid. 4.1.1; ACJC/1471/2015 du 4 décembre 2015 consid. 3.1.1; ACJC/250/2015 du 6 mars 2015 consid. 4.1; ACJC/1610/2014 du 19 décembre 2014).

Un fait ou un droit est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait ou le droit invoqué est rendu probable, sans pour autant devoir exclure la possibilité que les faits aient pu se dérouler autrement ou que la situation juridique se présente différemment (ATF 139 III 86 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_84/2016 du 5 septembre 2016 consid. 4.1).

3.1.2 Selon l'art. 262 CPC, le Tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment les mesures suivantes : l'interdiction (let. a), l'ordre de cessation d'un état de fait illicite (let. b), l'ordre donné à une autorité qui tient un registre ou à un tiers (let. c), la fourniture d'une prestation en nature (let. d) ou le versement d'une prestation en argent, lorsque la loi le prévoit (let. e).

Selon l'art. 263 CPC, si l'action au fond n'est pas encore pendante, le tribunal impartit au requérant un délai pour le dépôt de la demande, sous peine de caducité des mesures ordonnées.

L'art. 269 CPC réserve diverses dispositions d'autres lois en matière de mesures provisionnelles. La Loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (RS 281.1; ci-après: LP) constitue l'exception principale.

Ainsi, la garantie provisoire de dettes d'argent est réglée par les art. 271 ss LP relatifs au séquestre et il ne peut être prononcé de mesures provisionnelles pour protéger les créances pécuniaires à titre provisoire ("séquestre déguisé"; ATF 86 II 291 consid. 2; 108 II 180 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5D_54/2008 du 23 juin 2008 consid. 2.3 et 5A_853/2013 du 23 mai 2014 consid. 2.2.3 et 3.3). Le champ d'application des mesures provisionnelles conservatoires est donc en principe limité à la protection des droits réels ou personnels dont la nature n'est pas pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_853/2013 du 23 mai 2014 consid. 2.2.3 et 3.3 et 5A_852/2010 du 28 mars 2011 consid. 3.1; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n. 1747 s.).

La Cour a déjà eu l'occasion de juger qu'une interdiction faite à un tiers, soit une banque, de donner suite à toute instruction de transfert ou de disposition relative à tout compte détenu par une partie dont les droits successoraux et la fonction d'exécuteur testamentaire étaient contestés ne tendaient pas à obtenir une garantie pour le recouvrement d'une éventuelle créance mais visait à immobiliser des biens, sous contrôle de ladite partie (en sa qualité d'exécuteur testamentaire), mais susceptibles d'entrer dans la masse successorale faisant l'objet de la mission d'exécuteur testamentaire litigieuse à l'étranger, de sorte qu'une telle mesure ne constituait pas un "séquestre déguisé" (ACJC/521/2019 du 4 avril 2019 consid. 7.2).

3.1.3 Selon l'art. 343 al. 1 CPC, lorsque la décision prescrit une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer, le tribunal de l'exécution peut assortir la décision de la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP (let. a), prévoir une amende d'ordre de 5'000 francs au plus (let. b), prévoir une amende d'ordre de 1'000 francs au plus pour chaque jour d'inexécution (let. c), prescrire une mesure de contrainte telle que l'enlèvement d'une chose mobilière ou l'expulsion d'un immeuble (let. d) et ordonner l'exécution de la décision par un tiers (let. e).

Le législateur ne donne aucun ordre de préférence entre les mesures proposées; le choix du tribunal doit en tout état de cause respecter le principe de la proportionnalité (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 8a ad art. 343 CPC).

La personne chargée de l'exécution peut requérir l'assistance de l'autorité compétente (art. 343 al. 3 CPC).

Le tribunal de l'exécution ordonne les mesures prévues à l'art.343 al.1 CPC, mais il ne les met pas en œuvre directement. L'art.343 al.3 CPC est la base légale qui habilite lesdites personnes ou autorités à requérir à leur tour l'assistance d'une autorité exécutive compétente spécifique, principalement lorsqu'il s'agira de mettre en œuvre la force publique. Cette autorité "de deuxième main" est aussi à désigner par les lois d'organisation judiciaire: il pourra s'agir de la police cantonale ou communale, d'un huissier judiciaire, d'un notaire, d'un huissier de l'office des poursuites ou de toute autre entité administrative (Jeandin, op. cit., n. 22 ad art. 343 CPC).

A Genève, les huissiers judiciaires peuvent être requis pour procéder à la notification des actes (art. 28 de la loi d'application du code civil suisse et d'autres lois fédérales en matière civile (LaCC) – RSGE E 1 05).

3.1.4 Selon l'art. 2 de la Convention de La Haye du 1er juillet 1985 (ci-après : CLH), entrée en vigueur en Suisse le 1er juillet 2007, à Monaco le 1er septembre 2008 et à Guernesey le 1er janvier 1992, relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, le terme "trust" vise les relations juridiques créées par une personne, le constituant (settlor) - par acte entre vifs ou à cause de mort - lorsque des biens ont été placés sous le contrôle d'une ou plusieurs personnes (trustees), chargées de les administrer et d'en disposer, dans l'intérêt d'un bénéficiaire ou dans un but déterminé (cf. également Message du Conseil fédéral concernant l'approbation et l'exécution de la Convention de La Haye relative à la loi applicable au trust et à sa reconnaissance, FF 2006 561, p. 568).

Il s'ensuit qu'un trust n'est pas fondé sur un contrat, mais sur un acte juridique unilatéral émanant du settlor (Message, op. cit., FF 2006 561, p. 569). Le trust n'est ainsi pas une personne morale, de sorte qu'il n'est le propriétaire ni des biens constituant le trust, ni des revenus qui en découlent (arrêt du Tribunal fédéral 5A_30/2020 du 6 mai 2020 consid. 3.1).

Selon la doctrine qui s'est attachée à examiner cette institution, le régime de propriété ("ownership") du trust est complexe. Les opinions semblent converger pour accorder au trustee le titre juridique, soit le "legal title" constituant le "legal ownership", et au bénéficiaire l'"equitable title" constituant l'"equitable ownership". Le "legal title" du trustee le légitime en tant que plein propriétaire à l'égard du monde extérieur et lui confère les pouvoirs d'un propriétaire, tandis que l'"equitable title" du bénéficiaire lui confère la pleine jouissance économique des avoirs du trust (ATF 143 II 350 du 7 mars 2017 consid. 4.1). Le propriétaire légal des biens est ainsi le trustee, mais le patrimoine du trust ne se mélange toutefois pas à la fortune propre du trustee et en constitue une masse distincte (arrêt du Tribunal fédéral 5A_30/2020 du 6 mai 2020 consid. 3.1).

Il existe deux catégories de trusts, révocables ou non. Dans le cas d'un trust révocable, le constituant conserve l'accès au patrimoine du trust. Il ne se dessaisit donc pas définitivement de son patrimoine (arrêt du Tribunal fédéral 5A_30/2020 du 6 mai 2020 consid. 3.1; arrêts du Tribunal administratif fédéral A-4153/2017 du 11 octobre 2018 consid. 7.1.1.2; A-5295/2016 du 30 novembre 2017 consid. 3.2.5.2; Stanislas, Ayant droit économique et droit civil : Le devoir de renseignements de la banque, in SJ 1999 II 413, p. 423 s.).

3.1.5 Il n'est pas contesté quele trust est régi par la loi choisie par le constituant (art. 149c LDIP et 6 CLH), que la succession est régie par le droit de l'État sur le territoire duquel le défunt était domicilié au moment de son décès ou le droit choisi d'un État dont le de cujus a la nationalité (art. 91 al. 1 LDIP et 56 et 57 de la loi n° 1.448), que le droit anglais ne connaît pas les réserves héréditaires et que si une personne domiciliée à Monaco constitue un trust soumis à la loi anglaise et place l'essentiel de ses biens sous le contrôle d'un trustee, la loi anglaise régira la validité du trust, son interprétation, ses effets et, plus généralement, l'ensemble des questions énumérées par l'art. 8 CLH alors que c'est la loi applicable à la succession de cette personne qui imposera le cas échéant la réintégration de tout ou partie des biens constitués en trust dans la masse successorale à partager et qui indiquera les parts respectives de chacun des héritiers (Projet de loi relative au droit international privé D-2-13 du 3 juin 2013; https://www.legimonaco.mc/305/ legismc.nsf/dc13211005e7054ec12579a5004f4d06/bedbd2918d77b171c1257b9000316802/$FILE/912%20projet.pdf).

3.1.6 Selon l'art. 780 § 1 du Code civil monégasque, lorsque le disposant ne laisse à son décès que des enfants légitimes ou naturels, les libéralités ne peuvent excéder la moitié de ses biens s'il n'y a qu'un enfant, le tiers s'il y en a deux, le quart s'il y en a trois ou un plus grand nombre.

Les héritiers réservataires disposent d'une action en réduction lorsque les dispositions entre vifs, ou à cause de mort, excèdent la quotité disponible (art. 787 du Code civil monégasque).

La réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existants au décès du donateur ou du testateur (art. 789 § 1 du Code civil monégasque). On y réunit fictivement, après en avoir déduit les dettes, ceux dont il a été disposé par donation entre vifs d'après leur état au jour de la donation et leur valeur à la date de l'ouverture de la succession (art. 789 § 2 du Code civil monégasque).

S'agissant des modalités de réduction des libéralités, l'art. 791 du Code civil monégasque prévoit que la réduction des legs s'opère en nature. Le légataire peut cependant se faire attribuer le bien légué à charge de rapporter la valeur de ce qui excède la quotité disponible (art. 791 § 1). La réduction des dons s'opère en valeur. Le donataire peut cependant rapporter en nature le bien donné sous conditions prévues aux articles 728 al. 2 et 730 à 732 du Code civil monégasque (art. 791 § 2).

3.1.7 Dans un arrêt français du 20 février 1996 n° 93-19.855, jurisprudence pouvant servir de source d'inspiration au juge monégasque, la Cour de cassation a jugé qu'un transfert d'actifs au moyen d'un trust révocable était une libéralité, en particulier, une donation indirecte, imputable sur la quotité disponible dans le cadre du règlement de la succession.

Statuant à nouveau sur cette affaire après renvoi par l'autorité supérieure, la Cour de cassation précitée a jugé, dans son arrêt du 29 mai 2001 n° 99-16.813, qu'un transfert d'actifs (en particulier d'actions) au moyen d'un trust révocable, était une "libéralité résultant du trust", qu'il y avait lieu de réduire après les legs mais avant les donations. Elle ne s'est pas prononcée sur la réduction en nature ou en valeur de telles libéralités.

3.2 En l'espèce, il y a lieu d'examiner si les conditions pour le prononcé de mesures provisionnelles, tendant au blocage d'un compte bancaire et à une interdiction faite à l'intimée de procéder ou de faire procéder à un transfert d'avoirs, sont réunies.

3.2.1 S'agissant de la vraisemblance de l'existence d'une prétention matérielle de nature civile, il est tout d'abord rendu vraisemblable que le droit applicable à la succession est le droit monégasque. Les appelants ont également rendu vraisemblable qu'en leur qualité d'héritiers réservataires du de cujus, le droit monégasque protège leur réserve héréditaire à hauteur de 1/3 chacun et que le droit anglais régissant le trust ne fait pas obstacle à l'application du droit monégasque à la succession et à la protection de leur réserve héréditaire garantie par ce droit. Est toutefois litigieuse la question de savoir si les actifs détenus par l'intimée et situés en Suisse sont compris dans la masse successorale.

A cet égard, il est vraisemblable que ce sont bien les actifs du de cujus qui ont été transférés au "O______ Trust" et que ces actifs, à savoir environ 46'000'000 euros, représentaient une large partie des biens du de cujus, estimés à 80'000'000 euros, y compris les avoirs en trusts. Il ressort de l'acte constitutif du Trust du 28 mai 2015 que celui-ci était irrévocable et discrétionnaire, de sorte que le de cujus s'était définitivement dessaisi de ses avoirs et que seul le trustee, cas échéant avec l'aval du protector, était habilité à distribuer les actifs aux bénéficiaires et à décider dans quelles proportions, ce nonobstant la lettre de souhaits du constituant du 5 novembre 2015, la capacité de discernement du de cujus à ce moment-là étant déjà douteuse compte tenu du certificat médical du Dr Y______ produit dans la procédure de mise sous tutelle monégasque. Le de cujus n'était ainsi plus le propriétaire légal des biens mais disposait uniquement de la pleine jouissance économique des avoirs du Trust en sa qualité de premier bénéficiaire. Les appelants n'ayant jamais figuré dans la liste des bénéficiaires, il apparaît ainsi vraisemblable que, par la constitution du Trust, leur réserve héréditaire a été lésée et, comme l'a retenu le premier juge, que les juridictions monégasques réintègreront le Trust dans la masse successorale, ce d'autant plus compte tenu des circonstances, retenues par le Tribunal correctionnel de Monaco dans son jugement du 2 février 2021, ayant entouré la constitution du Trust, à savoir du fait que le de cujus avait "été privé, en raison de sa vulnérabilité, de sa liberté de choisir [ ] les bénéficiaires de ses trusts et ne pouvait apporter un consentement libre et éclairé".

Le droit monégasque n'a pas tranché la question de savoir si les actifs transférés au trust du vivant du de cujus, mais ayant vocation à être distribués après sa mort, devaient être assimilés à des donations ou à des legs. Les arrêts de la Cour de cassation française, dont se prévalent les parties comme source d'inspiration pour le juge monégasque, ne sont prima facie pas déterminants dans le cas d'espèce puisqu'ils concernaient un trust révocable, ce qui n'est pas le cas dans la présente affaire. Un traitement différent par les autorités monégasques des trusts révocables et irrévocables apparaît probable puisque le constituant peut aisément récupérer ses avoirs dans la première hypothèse ce qu'il ne peut pas faire dans la seconde. Par ailleurs, lesdites jurisprudences ne se sont pas prononcées sur la réduction en nature ou en valeur des actifs transférés au trust mais uniquement sur l'ordre de réduction des libéralités, à savoir en premier les legs, puis les libéralités en trust et enfin les donations, étant précisé que dans le second arrêt, la Cour de cassation n'a plus utilisé le terme "donation indirecte" mais uniquement "libéralité en trust". Il y a dès lors lieu de se référer à la lettre de la loi monégasque pour examiner la question de la modalité de réduction. Celle-ci prévoit que, en principe, la réduction d'un legs s'opère en nature et celle d'un don, en valeur. Des exceptions sont envisageables pour les deux cas de figure. Il est donc autant possible que la réintégration d'une libéralité en trust à la masse successorale s'effectue en nature ou en valeur. Dès lors, il est vraisemblable que, dans l'hypothèse où les appelants obtiendraient gain de cause dans l'action en liquidation-partage formée devant le juge monégasque, que la libéralité en trust soit réintégrée à la masse successorale en nature, de sorte que la prétention des appelants à l'encontre de l'intimée ne serait pas forcément une créance, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge.

Les appelants ont donc rendu vraisemblable qu'ils sont titulaires d'une prétention de nature successorale autre qu'une créance.

3.2.2 S'agissant de la vraisemblance que cette prétention soit l'objet d'une atteinte ou risque de l'être, il est rendu vraisemblable que le de cujus a subi, depuis 2015 au moins et durant les dernières années de sa vie, des manipulations en vue du détournement d'une partie de sa fortune et ainsi au détriment des appelants, héritiers légaux du défunt. D'une part, il a été relevé par les autorités monégasques que l'intention première du défunt était de rapatrier les avoirs dont il était l'ayant droit économique de Guernesey à Monaco, alors que ces avoirs se sont finalement retrouvés à Genève. D'autre part, certaines personnes ayant fait partie de l'entourage du défunt, à savoir S______ et R______, font l'objet d'une procédure pénale pour abus de faiblesse au détriment du de cujus. L'une d'elle a été condamnée en première instance, mais n'est plus concernée par le Trust, et l'autre, bien que "relaxée", est toujours bénéficiaire du Trust. Les circonstances de la nomination de l'intimée en tant que trustee en 2017 ne sont pas connues, étant souligné qu'à cette époque, selon le certificat médical du Dr Y______, le défunt présentait un affaiblissement de ses facultés mentales et corporelles, des troubles de la mémoire et de l'orientation temporo-spatiale induisant un affaiblissement de l'esprit critique et un risque réel de spoliation. De plus à ce jour, le "trusteeship" semble être toujours en main de l'intimée, puisque le jugement monégasque du 11 juillet 2019 n'a pas transféré le "trusteeship" du Trust mais uniquement étendu les pouvoirs du protector du Trust, soit X______, aux fins de désigner, en remplacement de l'intimée, AA______, de l'étude AB______, à Monaco, en qualité de trustee du Trust.

Aux éléments précités s'ajoutent les suivants: l'intimée a été informée le 29 juillet 2020 de la décision des bénéficiaires de mettre un terme au Trust, elle en a pris note et a écrit le 3 août 2020 à AB______ qu'elle était liée par la demande des bénéficiaires et qu'elle devait procéder à une distribution le 10 août 2020, à moins que les parties qui s'y opposaient ne présentent une demande fondée sur la loi de Guernesey sur les trusts. Dès lors, il apparaît vraisemblable que la prétention des appelants risque de faire l'objet d'une atteinte si aucune mesure n'est prise pour faire interdiction à l'intimée de distribuer les actifs aux bénéficiaires du Trust. L'opposition exprimée le 10 août 2020 par X______ et AB______ ne suffit pas à garantir que l'intimée ne procèdera pas à la distribution; il n'est pas rendu vraisemblable que le droit anglais exigerait l'accord de tous les intéressés pour procéder à la distribution des avoirs. Enfin, le droit anglais ne connaissant pas les réserves héréditaires, les appelants ne seront vraisemblablement ni informés ni invités par le Tribunal de Guernesey à se déterminer à ce sujet.

Au vu des éléments qui précèdent, la vraisemblance du risque concret d'atteinte à la prétention des appelants doit être admise.

3.2.3 En ce qui concerne le préjudice difficilement réparable et l'urgence, la procédure en liquidation-partage pendante à Monaco depuis le 7 octobre 2020 risque de se prolonger. L'intimée, en dépit de ce qu'elle allègue dans ses écritures, pourrait distribuer les avoirs à tout moment, puisque, comme indiqué, la nécessité de lever judiciairement l'opposition formée par X______ et AB______ n'est pas rendue vraisemblable. En cas de distribution, les bénéficiaires pourront disposer librement des avoirs, lesquels seront perdus pour les appelants.

La masse successorale est estimée à 80'000'000 euros, y compris les avoirs en trust, et la réserve héréditaire des appelants serait de 1/3 chacun, soit 53'333'333 euros au total. Selon l'intimée, les actifs du Trust n'ont pas "une valeur inférieure à 46'000'000 euros", sans autre précision. Ainsi, dans l'hypothèse où les actifs détenus par le Trust seraient distribués aux bénéficiaires, la masse successorale serait amputée du montant précité; le solde de 34'000'000 euros (80'000'000 euros - 46'000'000 euros) serait inférieur à la réserve héréditaire en question, ce qui causerait aux appelants un préjudice difficilement réparable.

Les conditions du préjudice difficilement réparable et de l'urgence sont par conséquent également réalisées.

3.2.4 S'agissant de la condition de la proportionnalité des mesures requises ainsi que des mesures d'exécution, l'interdiction faite à l'intimée de disposer des fonds, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, est nécessaire et proportionnée, ce que ne conteste d'ailleurs pas l'intimée dans son argumentation subsidiaire.

L'intimée se borne à indiquer que les actifs du Trust sur le compte n° 1______ auprès de [la banque] E______ n'ont pas "une valeur inférieure à 46'000'000 euros", sans préciser le montant exact figurant sur ledit compte. Dans la mesure où les règles de partage des actifs de la succession ne peuvent être déterminées de manière précise à ce stade et que le montant avancé par les appelants apparaît vraisemblable, l'interdiction précitée sera prononcée à concurrence de 53'333'333 euros. Le fait que le Tribunal de Guernesey ait ordonné le 8 octobre 2020 que les frais judiciaires de l'intimée et de AB______ concernant les diverses procédures soient payés au moyen des comptes de l'intimée ne suffit pas à rendre la mesure disproportionnée, l'intérêt des appelants à protéger l'intégralité de leur réserve héréditaire étant prépondérant. Par ailleurs, lesdits frais pourraient être payés par le biais des fonds du Trust qui semblent être restés à Monaco.

L'interdiction adressée à l'intimée est suffisante, dans la mesure où la banque dépositaire ne pourrait libérer les fonds que sur instruction de celle-ci. Il est donc superflu d'ordonner le blocage du compte bancaire et de notifier le présent arrêt à la banque.

3.2.5 En définitive, l'ordonnance querellée sera annulée. Il sera fait interdiction à l'intimée, sous la menace de la peine de l'art. 292 CP, de procéder ou faire procéder, à concurrence de 53'333'333 euros, à tout retrait, transfert, investissement, ou toute autre forme de disposition, par débit du compte bancaire n° 1______ auprès de [la banque] E______, respectivement de disposer, à concurrence de 53'333'333 euros, de tous autres avoirs dont feu F______ était l'ayant droit économique auprès dudit établissement bancaire. Les autres conclusions des appelants seront rejetées.

A toutes fins utiles, il sera imparti aux appelants un délai de 30 jours dès la notification du présent arrêt pour déposer leur action au fond, sous peine de caducité des présentes mesures provisionnelles.

4. 4.1 Lorsque l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Les frais judiciaires de première instance, arrêtés à 3'251 fr. (art. 26 RTFMC) et non contestés, seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe pour l'essentiel (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront compensés avec l'avance de frais fournie par les appelants, qui demeure acquise à l'Etat dans cette mesure (art. 111 al. 1 CPC). Par conséquent, l'intimée sera condamnée à verser aux appelants, solidairement entre eux, le montant de 3'251 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires de première instance. Les Services financiers du Pouvoir judiciaire seront invités à restituer le montant de 149 fr. aux appelants, solidairement entre eux.

L'intimée sera en outre condamnée à payer aux appelants, solidairement entre eux, la somme de 2'000 fr. à titre de dépens de première instance (art. 105 al. 2 CPC, art. 84, 85 et 88 RTFMC), débours compris et sans TVA, les appelants ayant leurs domiciles à l'étranger (arrêt du Tribunal fédéral 4A_623/2015; art. 23 al. 1,
25 et 26 LaCC).

4.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 2'400 fr. (art. 26 et 37 RTFMC) et mis à la charge de l'intimée qui succombe pour l'essentiel (art. 106 al. 1 CPC). Ils seront entièrement compensés avec l'avance de frais d'un montant correspondant fournie par les appelants, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). L'intimée sera en conséquence condamnée à verser aux appelants, solidairement entre eux, le montant de 2'400 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

L'intimée sera par ailleurs condamnée à verser aux appelants, solidairement entre eux, 2'000 fr. à titre de dépens d'appel, débours compris et sans TVA, les appelants ayant leurs domiciles à l'étranger (arrêt du Tribunal fédéral 4A_623/2015; art. 84, 85, 88 et 90 RTFMC; art. 23 al. 1, 25 et 26 LaCC).

* * * * *



PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :


A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 28 janvier 2021 par A______ et B______ contre l'ordonnance OTPI/824/2020 rendue le 30 décembre 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15243/2020-25 SP.

Au fond :

Annule l'ordonnance attaquée et, statuant à nouveau :

Fait interdiction à C______ (GUERNESEY) LTD de procéder ou faire procéder, à concurrence de 53'333'333 euros, à tout retrait, transfert, investissement, ou toute autre forme de disposition, par débit du compte bancaire n° 1______ auprès de E______, respectivement de disposer, à concurrence de 53'333'333 euros, de tous autres avoirs dont feu F______ était l'ayant droit économique auprès dudit établissement bancaire.

Assortit l'interdiction précitée de la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP, qui dispose que "celui qui ne se sera pas conformé à une décision à lui signifiée, sous la menace de la peine prévue au présent article, par une autorité ou un fonctionnaire compétents, sera puni de l'amende".

Impartit à A______ et B______ un délai de 30 jours dès la notification du présent arrêt pour déposer leur action au fond, sous peine de caducité des présentes mesures provisionnelles.

Arrête les frais judiciaires de première instance à 3'251 fr., les met à la charge de C______ (GUERNESEY) LTD et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais fournie, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne en conséquence C______ LTD à verser à A______ et B______, solidairement entre eux, le montant de 3'251 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires de première instance.

Invite les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer 149 fr. à A______ et B______, solidairement entre eux.

Condamne C______ LTD à verser à A______ et B______, solidairement entre eux, la somme de 2'000 fr. à titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'400 fr., les met à la charge de C______ (GUERNESEY) LTD et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais fournie, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne C______ LTD à verser à A______ et B______, solidairement entre eux, le montant de 2'400 fr. à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Condamne C______ LTD à verser à A______ et B______, solidairement entre eux, la somme de 2'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Laurent RIEBEN, président; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Laura SESSA, greffière.

 

Le président :

Laurent RIEBEN

 

La greffière :

Laura SESSA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.