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C/7854/2018

ACJC/521/2019 du 04.04.2019 sur OTPI/9/2019 ( SP ) , CONFIRME

Descripteurs : LÉGITIMATION ACTIVE ET PASSIVE;DÉCISION ÉTRANGÈRE;RECONNAISSANCE DE LA DÉCISION;DÉCISION D'EXÉCUTION;AVOIRS BANCAIRES;BLOCAGE;PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE(SOCIÉTÉ);SÉQUESTRE(LP);MESURE PROVISIONNELLE
Normes : CPC.338.al1; CPC.340; CPC.261; CPC.269
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7854/2018 ACJC/521/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du JEUDI 4 AVRIL 2019

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______ [Antilles néerlandaises], appelante d'une ordonnance rendue par la 25ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 14 janvier 2019, comparant par Me Lorenzo Croce, avocat, rue des Alpes 7, 1201 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______ [Antilles néerlandaises], intimé, comparant par Me Alexander Troller, avocat, rue de la Mairie 35, case postale 6569, 1211 Genève 6, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/9/2019 du 14 janvier 2019 reçue par les parties le lendemain, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire sur mesures provisionnelles, a notamment interdit à C______ (SUISSE) SA, Genève, de donner suite à toute instruction de transfert ou de disposition relative à tout compte, compte de dépôt de titres et/ou coffre-fort détenu par A______, D______ INC., E______ INC., F______., G______INC., H______LIMITED, I______SA, J______SA, K______LIMITED, L______ LIMITED, M______CORP., N______SA et/ou O______INC. (ci-après : les douze entités) provenant de A______ et/ou d'un fondé de pouvoir, respectivement des représentants - personnes physiques ou morales (trust companies) - des sociétés titulaires des comptes (ch. 2 du dispositif), imparti à B______ un délai de 90 jours dès la notification de l'ordonnance pour faire valoir son droit en justice (ch. 3), dit que l'ordonnance déploierait ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties (ch. 4), arrêté les frais judiciaires à 5'000 fr., qu'il a mis à la charge des parties pour moitié chacune et compensés avec les avances versées par B______ (ch. 5), condamné A______ à payer à celui-ci 2'500 fr. (ch. 6), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

B. a. Par acte expédié le 24 janvier 2019 au greffe de la Cour de justice, A______ forme appel de cette ordonnance, dont il sollicite l'annulation des chiffres 2 à 8 du dispositif, concluant à la levée des mesures provisionnelles prononcées, sous suite de frais.

Il produit un extrait du compte bancaire de O______INC. auprès de C______ (SUISSE) SA, aux termes duquel les avoirs en compte s'élevaient à 3'549'955 USD au 31 mars 2016.

b. B______ conclut à la confirmation de l'ordonnance querellée.

c. Les parties ont été avisées par plis du 12 mars 2019 de ce que la cause était gardée à juger, A______ n'ayant pas fait usage de son droit de réplique.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

Succession du père de A______

a. Par testament, P______, décédé en 1979, a institué son épouse, Q______, unique héritière et exhérédé ses quatre enfants, dont A______.

Ayant contesté le testament, ce dernier est devenu héritier aux côtés de sa mère. La succession a été partagée entre les deux précités en 1984.

En 2007, Q______ a admis avoir celé une partie des biens appartenant à la succession, de sorte que A______ avait été lésé.

Contrôle de A______ sur les actifs de sa mère

b. A compter de 2004/2006, Q______ a mis A______ au bénéfice de pouvoirs lui conférant un contrôle absolu sur ses actifs. Il disposait en particulier de tous les pouvoirs dans les sociétés dont elle était l'ayant droit économique ou dans lesquelles elle avait des intérêts, dont notamment J______SA.

Dans une déclaration écrite de 2011, A______ a indiqué qu'il avait été chargé par sa mère de restructurer ses actifs. Ainsi, avec les biens de cette dernière, il avait, entre autres, constitué I______SA, laquelle était détenue par E______, dont il était propriétaire. Sa mère était cependant l'ayant droit économique de ces deux sociétés.

Succession de la mère de A______

c. Q______ est décédée en 2011.

Son testament prévoyait que ses enfants seraient bénéficiaires de sa succession à parts égales. Au titre du partage, l'intégralité de ses actifs échoirait à A______, à charge pour lui de se reconnaître débiteur envers les autres bénéficiaires d'une créance en paiement correspondant à leur part.

A______ a accepté la charge d'exécuteur testamentaire qui lui était confiée aux termes de ce testament.

En 2013, il a établi un inventaire de la succession. Il en ressort que les biens la composant s'élevaient à 2'525'000 fr. et que les actifs celés provenant de la succession de son père, qui se montaient à 43'000'000 fr., n'en faisaient pas partie car ils lui étaient acquis selon la loi, ce que les autres héritiers ont contesté.

Procédures à R______ [Antilles néerlandaises]

d. Par décision provisoire du 3 mai 2017, déclarée provisoirement exécutoire, le Tribunal de R______ a retenu l'existence d'un conflit d'intérêts, suspendu A______ dans ses fonctions d'exécuteur testamentaire de Q______ avec effet immédiat, nommé en lieu et place B______ avec effet immédiat et ordonné au premier de rendre compte de sa gestion dans les 30 jours.

Ce Tribunal a retenu que A______ n'avait pas la qualité d'héritier dans la succession de son père, de sorte que les biens celés ne pouvaient lui échoir.

A______ a fait appel de cette décision et sollicité l'effet suspensif, ce qui a été refusé. A la suite du retrait de son appel, la décision est devenue définitive et contraignante.

Par jugement du 13 septembre 2017, immédiatement exécutoire, le Tribunal de R______ a confirmé la décision du 3 mai 2017. Il a destitué A______ de sa fonction d'exécuteur testamentaire avec effet immédiat, ordonné à celui-ci de fournir à B______ dans les 30 jours les documents concernant les actifs de la famille à R______ et à l'étranger, y compris la liste des institutions financières liées auxdits actifs, et à rendre compte de sa gestion.

A______ a fait appel de ce jugement.

e. Par décision provisoire du 4 août 2017, le Tribunal de R______ a fait interdiction aux héritiers d'exécuter plus avant la décision du 3 mai 2017. En effet, A______ ne pouvait être contraint de rendre compte d'actes antérieurs au décès de sa mère. Il le pouvait uniquement s'agissant de ceux exécutés dans le cadre de sa mission d'exécuteur testamentaire.

Par jugement du 26 juin 2018, la Cour de Justice commune [des Antilles néerlandaises] R______, S______, T______ et U______, V______ et W______ a confirmé cette décision.

f. Par jugement provisoire du 22 novembre 2017, immédiatement exécutoire, le Tribunal de R______ a ordonné à A______ de procéder aux actes suivants :

-  modifier ou faire modifier la titularité des comptes et/ou titres des douze entités détenus auprès des banques, dont C______ (SUISSE) SA, afin que ces comptes soient, pour la durée du mandat d'exécuteur testamentaire, au nom de "B______ en qualité d'exécuteur testamentaire de Q______".

-  amender ou faire amender le registre des actionnaires des douze entités pour faire apparaître, en cette qualité, B______ en tant qu'exécuteur testamentaire de Q______.

A______ a fait appel de cette décision et sollicité l'effet suspensif, ce qui a été refusé le 24 janvier 2018.


 

Procédure à Genève

g. Le 6 avril 2018, B______ a saisi le Tribunal d'une requête à l'encontre de A______.

Sous suite de frais, il a conclu, sur le fond, d'une part, à ce que le jugement du Tribunal de R______ du 3 mai 2017 soit reconnu et déclaré exécutoire en Suisse et, d'autre part, à ce qu'il soit fait interdiction à C______ (SUISSE) SA, Genève, de donner suite à toute instruction de transfert ou de gestion relative à tout compte, compte de dépôt de titres et/ou coffre-fort détenu par A______ et/ou les douze entités provenant de celui-ci et/ou d'un fondé de pouvoir respectivement des représentants - personnes physiques ou morales (trust companies) - des sociétés titulaires des comptes.

Sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, il a repris le second chef de conclusions ci-dessus.

h. Par ordonnance du 9 avril 2018, le Tribunal a fait droit à la requête de mesures superprovisionnelles.

i. A______ a conclu au rejet de la requête, sous suite de frais.

Il a soutenu être l'actionnaire unique des douze entités. Il n'était pas établi que ces sociétés, dont sa mère n'avait jamais été actionnaire, ou leurs actifs appartenaient à la succession de celle-ci. Se fondant sur un avis de droit, il a fait valoir que les actifs celés par sa mère lors du partage de la succession de son père n'entraient pas dans la succession de celle-ci, mais lui appartenaient.

D. Dans la décision querellée, le Tribunal a retenu que le jugement étranger invoqué n'avait pas encore été déclaré exécutoire en Suisse, de sorte que des mesures au sens de l'art. 340 CPC ne pouvaient être prononcées. En outre, le blocage des avoirs des douze entités ne permettait pas d'assurer l'exécution de cette décision (suspension de l'exécuteur testamentaire dans sa mission), mais allait au-delà. Le Tribunal a fait droit aux mesures sollicitées sur la base de l'art. 261 CPC.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de 10 jours (art. 248 let. d et 314
al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) à l'encontre d'une décision sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC), qui statue sur une contestation de nature pécuniaire dont la valeur litigieuse est, compte tenu du montant des avoirs déposés sur les comptes bancaires visés par la requête de l'intimé, supérieure à 10'000 fr. (art. 91 al. 1 et 308 al. 2 CPC).

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire (art. 248
let. d CPC), la Cour peut toutefois s'en tenir à la vraisemblance des faits allégués et à un examen sommaire du droit (ATF
127 III 474 consid. 2b/bb = JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_12/2013 du 8 mars 2013 consid. 2.2).

Les maximes des débats (art. 55 al. 1 CPC et 255 CPC a contrario) et de disposition (art. 58 al. 1 CPC) sont applicables.

2. L'appelant produit une pièce nouvelle relative à la valeur litigieuse du litige.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

2.2 En l'espèce, dans la mesure où la pièce est produite afin de démontrer que la voie de l'appel est ouverte, elle sera déclarée recevable.

3. 3.1 En raison du domicile des parties, la cause revêt un caractère international (ATF 136 III 142 consid. 3.2; 132 III 609 consid. 4).

Le juge suisse saisi examine d'office sa compétence ainsi que la question du droit applicable au litige, sur la base du droit international privé suisse en tant que lex fori (ATF 136 III 142 consid. 3.2; 135 III 259 consid. 2.1; 133 III 37 consid. 2).

En l'absence de convention internationale, il y a donc lieu, pour statuer sur ces aspects, de se référer à la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP).

La compétence ratione loci pour l'exécution en Suisse de décisions judiciaires étrangères est déterminée, en l'absence d'un traité international applicable, par l'art. 29 LDIP qui prévoit la compétence du canton où la décision étrangère est invoquée. L'art. 339 al. 1 let. b CPC prévoit la compétence du Tribunal du lieu où les mesures doivent être exécutées.

A teneur de l'art. 10 let. b LDIP sont compétents pour prononcer des mesures provisoires les tribunaux du lieu de l'exécution de la mesure, pour autant que celle-ci soit urgente et nécessaire (ATF 134 III 326; ACJC/1110/2012 du 8 août 2012 consid. 4.1; Bucher, Commentaire romand LDIP/CL, 2011, n. 18
ad art. 10 LDIP).

Les dispositions de la LDIP ne précisent pas selon quelle loi les mesures provisoires doivent être examinées (Bucher, op. cit., n. 7 ss ad art. 10 LDIP). Il n'est pas arbitraire d'appliquer le droit suisse lorsque l'affaire est urgente, notamment en matière de séquestre (arrêts du Tribunal fédéral 5A_60/2013 du 27 mai 2013 consid. 3.2.1.2; 5A_259/2010 du 26 avril 2012 consid. 7.3.2.2; 5P.355/2006 du 8 novembre 2006 consid. 4.2).

3.2 En l'espèce, les mesures requises tendent au blocage d'avoirs détenus auprès d'un établissement genevois, de sorte que le lieu d'exécution se situe à Genève. Ces mesures revêtent en outre un caractère urgent et nécessaire. En effet, il convient d'éviter que, dans l'hypothèse où il serait fait droit au fond à la prétention de l'intimé, l'appelant n'ait la possibilité de faire disparaître ces actifs. Le prononcé de mesures analogues par les autorités de R______, compétentes pour statuer au fond, ne permettrait pas de parer à ce risque, puisqu'une telle décision devrait faire l'objet d'une reconnaissance avant de pouvoir être exécutée en Suisse.

Par conséquent, c'est avec raison que le Tribunal a admis sa compétence territoriale et à raison de la matière (art. 86 al. 1 et al. 2 let. a et c LOJ). Le premier juge a par ailleurs à juste titre appliqué le droit suisse.

4. L'appelant fait valoir son défaut de légitimation passive. Selon lui, les personnes morales dont les avoirs étaient visés par la requête auraient dû être assignées.

4.1.1 La légitimation passive appartient aux conditions matérielles de la prétention litigieuse. Le défaut de légitimation passive est un moyen de fond, qui a le caractère d'une objection et non d'une exception de procédure. Il doit être examiné d'office à la lumière des règles de droit matériel (ATF 139 III 504 consid. 1.2; 136 III 365 consid. 2.1; 130 III 417 consid. 3.1, SJ 2004 I 533; 126 III 59 consid. 1a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_796/2014 du 3 mars 2015 consid. 5.1,
SJ 2015 I 396).

4.1.2 Selon le principe de la transparence ("Durchgriff"), on ne peut pas s'en tenir sans réserve à l'existence formelle de deux personnes juridiquement distinctes lorsque tout l'actif ou la quasi-totalité de l'actif d'une société appartient soit directement, soit par personnes interposées, à une même personne, physique ou morale; malgré la dualité de personnes à la forme, il n'existe pas deux entités indépendantes, la société étant un simple instrument dans la main de son auteur, qui, économiquement, ne fait qu'un avec elle. On doit admettre que, conformément à la réalité économique, il y a identité de personnes et que les rapports de droit liant l'une lient également l'autre; ce sera le cas chaque fois que le fait d'invoquer la diversité des sujets constitue un abus de droit ou a pour effet une atteinte manifeste à des intérêts légitimes (art. 2 al. 2 CC). Dans ces circonstances, les biens qui ne sont que formellement au nom d'un tiers, mais qui appartiennent en réalité au débiteur, peuvent être séquestrés (arrêt du Tribunal fédéral 5A_925/2012, 5A_15/2013 du 5 avril 2013 consid. 9.1 et les références citées). Il peut également être fait interdiction à un époux, dans le cadre de l'art. 178 al. 2 CC, de disposer, directement ou par organes interposés, de biens, qu'il les détienne directement ou indirectement par le biais de sociétés ou trusts. Cette interdiction peut être étendue aux sociétés elles-mêmes et à leurs organes ainsi qu'aux trusts et trustees, sans que ces tiers, propriétaires formels des biens, ne soient parties à la procédure (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_259/2010 du 26 avril 2012 consid. 7.3.3.2).

4.2 En l'espèce, l'appelant lui-même fait valoir qu'il est l'ayant-droit économique des douze entités, à l'appui de sa thèse selon laquelle les actifs détenus par celles-ci n'entreraient pas dans la succession de sa mère. La dualité des sujets est ainsi invoquée de façon abusive. En conséquence, en application du principe de la transparence, il y a lieu de ne pas s'en tenir à l'existence formelle de personnes juridiquement distinctes. L'appelant a donc la légitimation passive, de sorte que le défaut pour la requête d'avoir été dirigée (également) contre les douze entités n'entraîne pas le rejet de celle-ci.

Partant, le grief de l'appelant est infondé.

5. L'appelant reproche par ailleurs au premier juge d'avoir statué ultra petita.

5.1.1 Le Tribunal ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse (art. 58
al. 1 CPC).

5.1.2 La procédure de reconnaissance et d'exécution d'une décision étrangère est réglée par les art. 335 ss CPC, dans la mesure où la LDIP n'y déroge pas (art. 335 al. 3 CPC).

Si la décision ne peut pas être exécutée directement, une requête d'exequatur doit être présentée au tribunal de l'exécution (art. 338 al. 1 CPC).

Des mesures conservatoires peuvent être ordonnées en cours de procédure d'exécution (art. 340 CPC). Ces mesures conservatoires s'apparentent à des mesures provisionnelles (art. 261 CPC), mais elles ne doivent servir qu'à éviter que la partie contre laquelle est dirigée la requête d'exécution ne commette des actes de disposition ou de toute autre nature propres à rendre vaine l'exécution requise. Le juge jouit d'une large pouvoir d'appréciation à l'égard des mesures conservatoires qu'il peut ordonner, d'office ou sur requête (Jeandin, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 1 à 3 ad art. 340 CPC).

Les mesures conservatoires de l'art. 340 CPC ne peuvent être requises qu'une fois le jugement étranger déclaré exécutoire en Suisse. Dans le cadre d'une procédure en exécution, le requérant peut demander des mesures conservatoires conformément à l'article 261 CPC (Kellerhals, in Berner Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2012, n. 40 et 44 ad art. 340 CPC).

5.1.3 Lorsque des mesures provisionnelles au sens de l'art. 261 CPC sont prononcées, si l'action au fond n'est pas encore pendante, le tribunal impartit au requérant un délai pour le dépôt de la demande, sous peine de caducité des mesures ordonnées (art. 263 CPC).

5.2 En l'espèce, dans sa requête, l'intimé a conclu au prononcé des mesures litigieuses tant à titre superprovionnel et provisionnel que sur le fond. En prononçant ces mesures, à titre provisionnel sur la base de l'art. 261 al. 1 CPC, le premier juge n'a en conséquence pas statué ultra petita.

Eu égard au principe jura novit curia, le fait que l'intimé a basé son argumentation sur l'art. 340 CPC et non sur l'art. 261 al. 1 CPC est sans pertinence (art. 57 CPC).

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l'appelant, le premier juge n'a pas statué ultra petita en impartissant à l'intimé un délai pour valider au fond les mesures prononcées. En effet, ce délai tend à préserver les intérêts de la personne touchée, soit en l'occurrence l'appelant, en limitant les effets de celles-ci dans le temps. Il incombe ainsi au juge d'impartir ce délai indépendamment d'une conclusion prise par le requérant à cet égard.

Partant, le grief est infondé.

6. L'appelant reproche en outre au Tribunal d'avoir retenu que les conditions de l'art. 261 CPC étaient réalisées.

6.1 Selon l'art. 261 al. 1 CPC, le Tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b).

6.2 En l'espèce, les actifs visés par la mesure prononcée sont susceptibles d'appartenir à la succession de Q______. En tant que tels, ils font l'objet de la mission d'exécuteur testamentaire confiée à l'intimé et sur laquelle porte le litige en cours à R______. Ces éléments ressortent notamment des pouvoirs conférés à l'appelant sur les avoirs de sa mère, des entités qu'il a créées pour les détenir, dont il était actionnaire, et de la décision du 22 novembre 2017 du Tribunal de R______. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelant, l'intimé a rendu vraisemblable être titulaire d'une prétention sur les actifs visés.

Par ailleurs, l'appelant exerce, directement ou indirectement, un contrôle sur lesdits biens, ce qu'il fait lui-même valoir. Or, le conflit d'intérêts retenu, l'effet immédiat avec lequel ont été prononcées sa suspension puis sa destitution dans l'exercice de sa fonction d'exécuteur testamentaire, l'ordre qui lui a été donné de modifier au profit de l'intimé la titularité des comptes bancaires et des actions des douze entités, le caractère immédiatement exécutoire de ces décisions et le refus des autorités d'accorder l'effet suspensif aux appels interjetés sont autant d'éléments qui rendent vraisemblable le risque que l'appelant dispose des actifs litigieux. Ainsi, contrairement à ce que soutient celui-ci, l'intimé a rendu vraisemblable que sa prétention risquait d'être l'objet d'une atteinte.

Mis à part les deux griefs infondés examinés ci-dessus, l'appelant ne développe aucune critique à l'encontre de la décision querellée en lien avec la réalisation des conditions de l'art. 261 CPC. Celle-ci sera donc confirmée sur ce point.

7. Enfin, l'appelant soutient que le Tribunal aurait violé le principe de l'interdiction du "séquestre déguisé".

7.1 L'art. 269 CPC réserve diverses dispositions d'autres lois en matière de mesures provisionnelles. La loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP) constitue l'exception principale.

Ainsi, la garantie provisoire de dettes d'argent est réglée par les art. 271 ss LP relatifs au séquestre et il ne peut être prononcé de mesures provisionnelles pour protéger les créances pécuniaires à titre provisoire ("séquestre déguisé"; ATF 86 II 291 consid. 2; 108 II 180 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_853/2013 du 23 mai 2014 consid. 2.2.3 et 3.3; 5D_54/2008 du 23 juin 2008 consid. 2.3). Le champ d'application des mesures provisionnelles conservatoires est donc en principe limité à la protection des droits réels ou personnels dont la nature n'est pas pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_853/2013 déjà cité consid. 2.2.3
et 3.3; 5A_852/2010 du 28 mars 2011 consid. 3.1; Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n. 1747 s.).

7.2 En l'espèce, les mesures litigieuses ne tendent pas à obtenir une garantie pour le recouvrement d'une éventuelle créance. Elles visent à immobiliser des biens, sous contrôle de l'appelant, mais susceptibles d'entrer dans la masse successorale faisant l'objet de la mission d'exécuteur testamentaire litigieuse à R______. Les biens visés par les mesures sont ainsi en rapport étroit avec les droits litigieux devant les autorités judiciaires de cet Etat, ce qui ressort notamment du jugement provisoire du 22 novembre 2017 du Tribunal de R______. Il ne s'agit donc pas d'un séquestre déguisé.

Partant, ce dernier grief de l'appelant est infondé.

L'ordonnance querellée sera en conséquence confirmée.

8. Les frais judiciaires de l'appel seront arrêtés à 4'000 fr. (art. 26, 35 et 37 RTFMC) et mis à la charge de l'appelant qui succombe dans ses conclusions (art. 106
al. 1 CPC). Ils seront entièrement compensés avec l'avance de frais, d'un montant correspondant, fournie par ce dernier, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

L'appelant sera par ailleurs condamné à s'acquitter des dépens de l'intimé, lesquels seront arrêtés à 4'000 fr., débours et TVA inclus (art. 84, 85, 88 et 90 RTFMC; art. 23 al. 1, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 24 janvier 2019 par A______ contre l'ordonnance OTPI/9/2019 rendue le 14 janvier 2019 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7854/2018-25 SP.

Au fond :

Confirme cette ordonnance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 4'000 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance de frais fournie, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à B______ 4'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.