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Décisions | Chambre civile

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C/5218/2006

ACJC/777/2012 (3) du 25.05.2012 sur JTPI/10909/2011 ( OO ) , JUGE

Descripteurs : ; RESPONSABILITÉ DE L'ÉTAT ; MÉDECIN ; DILIGENCE ; APPRÉCIATION DES PREUVES ; EXPERTISE ; TORT MORAL
Normes : LRec.2 CO.41 CO.47
Résumé : 1. La loi genevoise sur la responsabilité de l'Etat et des communes (LREC), applicable aux hopitaux publics, institue un régime de responsabilité pour faute dont les conditions correspondent à celles de l'art. 41 CO (consid. 6.1). 2. La notion d'illicéité est la même en droit privé fédéral et en droit public cantonal de la responsabilité. En matière de soins, notion d'illicéité rejoint celle de violation du devoir de diligence, appliquée en matière de responsabilité contractuelle ( consid. 6.2). 3. Il n'y a violation des devoirs de diligence que lorsqu'un diagnostic, un traitement ou un acte médical particulier n'apparaît plus justifiable au regard des connaissances scientifiques générales de la branche, de sorte qu'il ne respecte pas les règles de l'art médical déterminées objectivement (consid. 6.2). 3. Dans le domaine médical, la réalisation de la condition de la faute devra être admise, en règle générale, lorsqu'une violation du devoir de diligence aura été constatée (consid. 6.2). 4. Une contre-expertise ne saurait être ordonnée au seul motif qu'une partie critique l'opinion de l'expert . De même, la divergence entre la solution de l'expert privé et celle de l'expert judiciaire ne justifie pas l'ordonnance d'une seconde expertise (consid. 6.3). 5.L'art.6 LREC renvoie également à l'art. 47 CO. Comptent également parmi les circonstances qui justifie une indemnité pour tort moral, les dommages esthétiques, notamment les cicatrices, qui constituent régulièrement une charge psychique, voire un sentiment d'infériorité (consid. 8.1). 6. Les souffrances passées doivent être prises en considération, la loi n'exigeant pas une atteinte permanente ). Pour ces souffrancesdéjà éprouvées, il n'y a pas de distinctions à faire selon l'âge : les petits enfants ne ressentent pas moins la douleur que les adultes. Il y a également lieu de prendre en compte la jeunesse de la victime dans la mesure où elle devra souffrir plus longtemps (consid. 8.1)
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5218/2006 ACJC/777/2012

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du vendredi 25 MAI 2012

 

Entre

La mineure X.______, domiciliée ______, appelante d'un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 27 juin 2011, comparant par Me Mauro Poggia, avocat, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

LES HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE (HUG), Direction générale, sis 4, rue Gabrielle-Perret-Gentil, 1211 Genève 14, intimés, comparant par Me Michel Bergmann, avocat, en l'étude duquel ils font élection de domicile,

 


EN FAIT

A. Par jugement du 28 juin 2011, notifié le 7 juillet suivant à X.______, le Tribunal de première instance a condamné les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE (HUG) (ci-après HUG) à payer à X.______ les sommes de 645 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 25 janvier 2003, 1'000 EUR avec intérêts à 5% dès le 3 janvier 2005 et 4'100 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2006 (ch. 1), a condamné les HUG aux dépens, y compris une indemnité de procédure de 7'000 fr. à titre de participation aux honoraires d'avocats de X.______ (ch. 2) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3).

Par acte expédié au greffe de la Cour le 12 août 2011, X.______ appelle de ce jugement. Elle conclut, avec suite de frais, à son complètement par la condamnation des HUG à lui payer la somme de 10'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 6 décembre 1999 à titre de réparation du tort moral.

Les HUG concluent, avec suite de frais, au rejet de l'appel de X.______. En outre, les HUG forment appel joint, sollicitant l'annulation du jugement entrepris. Ils concluent, avec suite de frais, principalement, à la constatation de ce qu'ils ne doivent aucune indemnisation de quelque nature que ce soit à X.______ et, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal afin qu'il ordonne une contre-expertise.

X.______ conclut au rejet de l'appel joint, avec suite de frais.

B. Les faits pertinents sont les suivants :

a. X.______ est née le 6 décembre 1999 dans le service obstétrique des HUG.

b. La mère de X.______ avait été hospitalisée le 4 décembre 1999 en raison de saignements et les HUG avaient décidé le jour même de tenter de provoquer l'accouchement par voie basse, provocation tentée une nouvelle fois le 5 décembre 1999, sans succès en l'absence de dilatation du col de l'utérus. A la suite d'une importante récidive de saignements le 6 décembre 1999 vers 1h30, les HUG ont décidé, en urgence, de procéder par voie de césarienne.

c. Selon le compte-rendu du 6 décembre 1999 de l'opérateur, la césarienne (utérotomie) a été pratiquée dans une situation extrêmement hémorragique en raison du saignement d'un placenta marginal antérieur (perte d'environ 1'000 cc durant l'intervention). L'opération est ensuite décrite dans les termes suivants : "(…) il est extrêmement difficile de trouver le bon plan après une 1ère introduction de la main, celle-ci se trouve toujours dans les fibres du placenta, raison pour laquelle on ouvre encore à l'aide du bistouri, mais on constatera par la suite qu'on a fait une plaie sur le cuir chevelu, relativement étendue, qui nécessitera la mise en place de points sur la tête de l'enfant. (…)"

Après sa venue au monde, X.______ présentait ainsi sur le sommet et l'arrière du crâne deux coupures béantes sur le cuir chevelu, de quelque 10 cm. et 3 cm. de longueur, provoquées lors de la césarienne par le scalpel de l'opérateur. En dehors de ces incisons, immédiatement traitées et suturées par les HUG, l'enfant Diana est née en bonne santé.

d. En raison des lésions subies par leur enfant, les parents de X.______ ont fait valoir auprès des HUG en 2000 et 2001 que la césarienne n'avait pas été pratiquée conformément aux règles de l'art, ce que cet établissement hospitalier a contesté.

e. Les parents de X.______ ont sollicité une expertise sur ce point auprès du Bureau d'expertise extrajudiciaire de la FMH.

Selon le rapport établi par cet organisme le 24 octobre 2003 (ci-après le rapport FMH) et l'audition de l'un de ses auteurs, les difficultés techniques rencontrées lors d'une césarienne correspondaient précisément au type de situation d'un placenta marginal antérieur : saignement massif diminuant fortement la visibilité et difficultés de trouver le bon plan. Le compte-rendu opératoire décrivait cette situation. La décision de poursuivre dans un deuxième temps opératoire la dissection au bistouri apparaissait comme une possibilité à ce stade de l'intervention; l'option de la dissection aux doigts ou avec la pince de Kocher aurait pu être envisagée, mais cette technique requérait plus de temps. L'incision au bistouri avait été motivée par le contexte d'urgence en raison du risque hémorragique de l'enfant. Le recours à ce procédé ne constituait pas une faute.

Les experts FMH ont encore relevé que l'incision accidentelle du fœtus en cours de césarienne était méconnue et sous-estimée par les obstétriciens, bien que la littérature médicale relatait une fréquence de 1 à 2% de ce type de lésion, qui était considéré comme une complication. En général, ces lésions ne nécessitaient que rarement des points de suture. Bien que la lésion soit une lacération étendue du cuir chevelu, il s'agissait d'une complication inhérente à la césarienne et l'obstétricien devait tout mettre en œuvre afin de diminuer ce risque en fonction de la situation obstétrique et de l'urgence. En l'occurrence, le contexte de la césarienne subie par la mère correspondait à une situation à haut risque de la lacération fœtale en raison d'un saignement abondant masquant le champ opératoire et ne permettant pas de juger la précision du plan incisé. Par conséquent, aucune faute de traitement ne pouvait être retenue.

Entendu par le Tribunal, l'un des experts FMH a déclaré qu'en cas de défaut de visibilité, le risque de blessures augmentait de 10% à 100%.

L'expertise FMH a également porté sur l'apparence des cicatrices existantes. Âgée alors de près de quatre ans, X.______ était en excellente santé et était normalement développée. Elle présentait sur le crâne, sous les cheveux, deux plaies totalement cicatrisées de 19 cm. et 3,2 cm. de longueur, superficielles, indolores, sans adhérence, ni bourrelet péri-cicatriciel, ni follicule pileux, en soi inesthétiques mais n'altérant pas l'aspect du visage de l'enfant eu égard à leur localisation et à l'abondante chevelure qui les recouvrait; aucune autre séquelle ne résultait de la lacération subie par l'enfant à sa naissance.

Le rapport FMH contient des clichés photographiques de la partie supérieure du crâne de X.______. Ceux-ci montrent, lorsque les cheveux sont rabattus de part et d'autre de l'axe de la longueur, une cicatrice qui traverse en son milieu pratiquement la totalité du cuir chevelu dans le sens de la longueur. L'un des clichés est étalonné en vue de la mesure de la longueur de cette cicatrice. Une autre photographie également étalonnée présente l'autre cicatrice.

Le Bureau d'expertise extrajudiciaire de la FMH a présenté le 16 décembre 2002 au conseil de X.______ une facture en 645 fr. 60 du chef de son activité.

Les parents ont contesté les conclusions de l'expertise FMH en ce qui concerne le choix de la technique opératoire.

f. A la suite du rapport FMH, les parents de X.______ ont sollicité l'avis du Prof. A.______, membre et ancien président de l'Académie nationale française de médecine.

Dans son rapport du 21 décembre 2004, le Prof. A.______ a exprimé des doutes sur les modalités de la réalisation de la césarienne litigieuse. Il a considéré qu'il existait un argument majeur contre la poursuite de l'incision au bistouri dans des circonstances d'une extrême difficulté, qui était le risque qu'il faisait courir au corps du fœtus. Le Prof. A.______ a conclu que l'idée de recourir au bistouri pour traverser le placenta connu comme praevia était particulièrement inopportune, en raison des risques hémorragiques et traumatiques.

Le Prof. A.______ a adressé au conseil de X.______ le 21 décembre 2004 une note d'honoraires de 1'000 EUR pour son activité.

g. Dans le cadre de la présente cause, le Tribunal a ordonné le 5 décembre 2007 l'ouverture d'une instruction écrite sur expertise judiciaire en raison des conclusions divergentes de l'expertise FMH et celle du Prof. A.______.

Désigné en qualité d'expert judiciaire par ordonnance du 20 mai 2009, le Dr B.______, gynécologue-obstétricien, a répondu aux questions posées par le Tribunal par un premier rapport du 24 mars 2010, complété par un second rapport du 25 janvier 2011 dans la mesure où il n'avait pas pris connaissance des pièces de la procédure au moment de l'établissement du premier rapport.

Aux termes du rapport du 25 janvier 2011, le Dr B.______ a certifié avoir pris connaissance de l'intégralité des écritures, des pièces et des procès-verbaux de la procédure.

A la question de savoir si la décision de poursuivre, dans un deuxième temps opératoire, la dissection au bistouri plutôt qu'au moyen des doigts ou d'une pince de Kocher était, dans le cas d'espèce, conforme aux règles de l'art médical, l'expert judiciaire a répondu par la négative. Il a expliqué que les règles de l'art médical commandaient de procéder à une incision de 2 à 3 cm ("boutonnière") de longueur afin de créer une brèche utérine. Celle-ci permettait l'introduction des deux indexes de l'opérateur et d'élargir par étirement la brèche utérine afin de permettre le passage de la tête ou des pieds du fœtus. La pince de Kocher était utilisée pour l'ouverture de la membrane amniotique lorsque celle-ci était accolée au fœtus. L'expert judiciaire a cité un extrait du compte-rendu opératoire de 6 décembre 1999 qui mentionnait une première introduction de la main de l'opérateur et la poursuite subséquente de l'incision.

L'ouverture de la membrane amniotique présentait un risque élevé de lésion fœtale. Lors de l'incision de l'utérus, il était nécessaire d'avoir une visibilité des différents plans de dissection. L'opération litigieuse présentait une situation hémorragique qui rendait impossible la visualisation des plans de dissection. Par conséquent, l'utilisation d'un bistouri tranchant en l'absence de visibilité des plans de dissection était une erreur; l'utilisation d'une pince de Kocher ou du doigt était indispensable.

A la question de savoir si les incisions cutanées du cuir chevelu provoquées par l'usage du bistouri procédaient d'une violation des règles de l'art médical, le Dr B.______ a répondu par l'affirmative. Il a expliqué que le principe de précaution évoqué dans le cadre de la question précitée n'avait pas été suivi. Une lésion du cuir chevelu de plus de 10 cm démontrait que le principe d'ouverture au moyen d'une "boutonnière" n'avait pas été appliqué. Si l'on voulait prolonger l'incision de la "boutonnière", les règles de l'art médical commandaient la mise en place préalable d'une lame de protection entre le pôle fœtal et la paroi de l'utérus afin de prévenir les lésions fœtales.

h. Par rapport du 14 avril 2010, le Prof. C. ______, médecin-chef du service d'obstétrique des HUG, a contesté les conclusions de l'expert judiciaire. Il a notamment fait valoir que lors de la tentative d'ouverture utérine par les doigts, l'opérateur s'était aperçu que l'utérus était probablement relativement épais et que cette manœuvre était impossible.

Par courrier électronique du 11 mai 2011, le Prof. C. ______ a posé à 32 obstétriciens la question de savoir si en présence d'un statut très hémorragique lors d'une césarienne en cas de placenta marginal antérieur, la dissection au bistouri plutôt qu'au doigt ou au Kocher était justifiée et pour quelles raisons. Sept réponses ont été produites par les HUG.

i. Entendue par le Tribunal, la Dresse D. ______, qui a assisté l'opérateur lors de l'intervention litigieuse a indiqué qu'il y avait urgence en raison du saignement abondant de la mère. Cette praticienne a expliqué que l'utilisation des doigts comportait le risque d'une mauvaise oxygénation du bébé et d'une lésion du cordon ombilical. Elle également indiqué que l'usage du bistouri risquait de léser le cordon et le fœtus. Enfin, elle a considéré qu'il était impossible d'apprécier si l'une des méthodes comportait plus de risques que l'autre.

Le Dr E. ______, gynécologue-obstétricien aux HUG, a déclaré que dans le contexte d'urgence et d'absence de visibilité, il fallait procéder rapidement uniquement par le toucher.

j. Le conseil de X.______ a présenté le 3 février 2006 une note d'honoraires en 7'378 fr. 65 pour l'activité déployée en sa faveur.

k. Par acte déposé le 1er mars 2006, X.______ a assigné les HUG devant le Tribunal de première instance en paiement de 10'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 6 décembre 1999 à titre de réparation du tort moral, de 645 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 25 janvier 2003, de 1'000 EUR avec intérêts à 5% dès le 3 janvier 2005 et de 7'378 fr. 65 avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2006, à titre de remboursement des frais d'expertises et d'avocat.

Les HUG ont conclu au déboutement de X.______ de toutes ses conclusions.

Après l'administration des mesures probatoires, les parties ont persisté dans leurs conclusions, les HUG sollicitant en sus une contre-expertise.

l. Sur les points encore litigieux en appel, le Tribunal a retenu que les conclusions de l'expert judiciaire et celles du Prof. A.______ se rejoignaient. En revanche, le raisonnement des experts FMH ne convainquait pas. Il était difficile d'adhérer à leur conclusion selon laquelle la décision de l'opérateur de poursuivre l'incision au bistouri constituait une option admissible dès lors que l'hémorragie massive dont souffrait la mère rendait impossible toute vision du plan de dissection. L'utilisation "à l'aveugle" d'un scalpel sans pouvoir juger de la profondeur de l'incision faisait courir précisément un risque notable de lacération de l'enfant qui s'était malheureusement réalisé. Les conclusions de l'expert judiciaire démontraient ainsi de manière suffisante que les coupures subies par la demanderesse résultaient d'une erreur médicale. Il n'y avait donc pas matière à une contre-expertise.

Les cicatrices présentées par la demanderesse étaient en soi inesthétiques, mais elles n'altéraient pas l'aspect du visage de l'enfant eu égard à leur localisation et à l'abondante chevelure qui les recouvrait. S'agissant de blessures superficielles, guéries rapidement et sans complication, n'ayant entrainé ni une longue hospitalisation, ni aucune séquelle, en particulier d'ordre esthétique, les cicatrices n'auraient aucun impact négatif sur la vie sociale ou l'estime de soi de la demanderesse. Elles n'ouvraient ainsi pas de droit à une indemnité pour tort moral.

Les frais des expertisées privées devaient être remboursés. Une partie de l'activité facturée par le conseil de la demanderesse ne concernait pas le litige opposant les parties et une autre partie de cette activité portait sur la préparation de la procédure judiciaire, de sorte que la demanderesse ne pouvait pas obtenir le remboursement de l'intégralité de la note d'honoraires.

EN DROIT

1. Aux termes de l'art. 405 al. 1 CPC entré en vigueur le 1er janvier 2011 (RS 272), les recours sont régis par le droit en vigueur au moment de la communication de la décision entreprise. S'agissant en l'espèce de la contestation d'une décision communiquée après le 1er janvier 2011, la voie de droit est régie par le CPC.

En revanche, dès lors que X.______ (ci-après l'appelante) a déposé sa demande en paiement avant le 1er janvier 2011, la procédure devant le Tribunal est soumise au droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010 (art. 404 al. 1 CPC).

2. Contre une décision finale rendue dans une cause présentant une valeur litigieuse supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC), seule la voie de l'appel, écrit et motivé, introduit dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 CPC) est ouverte.

L'appel joint se forme dans la réponse dans le délai de trente jours à compter de la réception de l'appel, sa recevabilité étant soumise, pour le surplus, aux mêmes exigences qui prévalent pour l'appel principal quant à la forme et au contenu de l'appel (art. 312 et 313 al. 1 CPC; JEANDIN, Code de procédure civile commenté, 2010, n. 3 ad art. 312, n. 4 ad art. 313).

Observant la forme et les délais prescrits, l'appel principal formé par l'appelante et l'appel joint interjeté par les HUG (ci-après l'intimé) sont recevables.

3. L'instance d'appel revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; HOHL, Procédure civile, tome II, 2010, n. 2314 et 2416; RÉTORNAZ, L'appel et le recours, in Procédure civile suisse, 2010, p. 349 ss, n. 121). En vertu de la présomption de l'art. 150 al. 1 CPC, il est admissible dans le cadre de la maxime des débats de considérer comme non contestés les faits retenus dans la décision attaquée s'ils ne sont pas critiqués par l'appelant (TAPPY, Les voies de droit du nouveau Code de procédure civile, in JdT 2010 III p. 115 ss, p. 137; REETZ/THEILER, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozess-ordnung, 2010, n. 38 zu Art. 311).

4. 4.1 Les conclusions, les faits et les moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel aux conditions de l'art. 317 CPC. La Cour examine, en principe, d'office la recevabilité des faits et les moyens de preuve nouveaux en appel (REETZ/HILBER, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2010, n. 26 zu Art. 317).

Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (JEANDIN, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 6 ad art. 317).

Les vrais novas sont les faits ou les moyens de preuve qui ne sont survenus ou qui n'ont été découverts qu'après la fin des débats principaux. Ils sont recevables s'ils sont invoqués dès leur découverte. Les faux novas sont les faits ou les moyens de preuve qui étaient déjà survenus à la fin des débats principaux. Ceux-ci sont en principe irrecevables en appel, à moins qu'ils soient invoqués immédiatement, et qu'ils n'auraient pas pu être déjà invoqués en première instance même en faisant preuve de diligence (REETZ/HILBER, op. cit., n. 56 et 58 zu Art. 317).

4.2 L'intimé soutient que l'allégué de l'appelante selon lequel elle s'interrogerait sur ses cicatrices serait nouveau et, partant, irrecevable.

Or, les parents de l'appelante, représentant cette dernière, ont déclaré lors de leur comparution personnelle que leur fille se posait des questions quant à sa cicatrice. Sous l'empire de l'aLPC, applicable en l'espèce devant le Tribunal, le juge disposait de la faculté d'intervenir, dans le cadre de la comparution personnelle des parties, dans le débat relatif aux faits en se renseignant sur les circonstances qui les entouraient; il n'était pas obligé de s'en tenir aux faits allégués, mais devait toutefois limiter son interrogatoire aux circonstances qui restaient dans le cadre tracé par ces faits (ACJC/1522/2009 consid. 2.3; BERTOSSA/GAILLARD/ GUYET/SCHMIDT, Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, n. 3 ad art. 206). Le juge pouvait donc faire porter l'interrogatoire des parties sur des faits que celle-ci n'avait pas énoncés (SCHMIDT, Note relative à l'arrêt du Tribunal fédéral du 20.07.92, SJ 1993 p. 267 ss, p. 271). Dans le mesure où le questionnement de l'appelante rapporté par ses parents en comparution personnelle est en relation avec la visibilité de la cicatrice alléguée par l'appelante dans sa demande lorsque ses cheveux étaient mouillés ou suivant leur coiffure, il s'agit d'une allégation de fait qui faisait déjà partie des débats devant le premier juge. Par conséquent, il ne s'agit pas d'un fait nouveau.

Par ailleurs, l'intimé soutient que l'appelante aurait allégué pour la première fois devant la Cour que ses interrogations révéleraient un mal-être enfoui. S'il est vrai que l'appelante n'a pas affirmé cela auparavant, il ne s'agit cependant que d'une conclusion qu'elle tire de son questionnement et non d'une allégation de fait proprement dite.

L'appelante soutient, quant à elle, que l'allégué no 49 de l'appel joint est nouveau. Force est de constater à cet égard que l'usage d'une bonne aspiration durant l'opération litigieuse n'a jamais été allégué par l'intimé devant le premier juge, si bien que l'allégué no 49 doit être écarté des débats dans cette mesure. Il y a lieu toutefois de relever que l'appelante n'a pas non plus soutenu que l'aspiration était déficiente ou mal adaptée aux conditions de l'opération.

5. L'intimé reproche au Tribunal d'avoir violé son droit d'être entendu dans la mesure où il aurait manqué à son obligation de motiver en s'abstenant de discuter ses critiques à l'endroit de l'expertise judiciaire, en ne mentionnant pas les avis d'obstétriciens produits et en n'exposant pas les raisons pour lesquelles il faisait abstraction de ces éléments.

Disposant d'un plein pouvoir d'examen, la Cour a la faculté de remédier à une éventuelle violation du droit d'être entendu en examinant les points soulevés par l'intimé. Le droit à une décision motivée ne comporte, au demeurant, pas le droit à ce que tous les arguments soulevés soient examinés. Le grief est donc infondé.

6. L'appelante prétend à la réparation du préjudice subi le jour de sa naissance dans le service d'obstétrique de l'intimé.

6.1 Il n'est pas contesté que la présente cause est régie par la loi genevoise sur la responsabilité de l'Etat et des communes (LREC; A 2 40), applicable à l'intimé en vertu de l'art. 5 al. 2 de la loi genevoise sur les établissements publics médicaux (LEMP; K 2 05). La LREC prévoit que les corporations et établissements de droit public dotés de la personnalité juridique répondent du dommage résultant pour les tiers d'actes illicites commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence par leurs fonctionnaires ou agents dans l'exercice de leur travail. Elle institue ainsi un régime de responsabilité pour faute dont les conditions correspondent à celles de l'art. 41 CO. L'art. 6 LREC précise en outre que le droit civil fédéral s'applique à titre de droit cantonal supplétif (arrêt du Tribunal fédéral 4A_315/2011 consid. 2.1).

6.2 La notion d'illicéité est la même en droit privé fédéral et en droit public cantonal de la responsabilité (arrêts du Tribunal fédéral 4A_315/2011 consid. 3.1 et 4P.110/2003 consid. 2.2). Le personnel chargé des soins (médecins, infirmiers, sages-femmes, etc.) est tenu de respecter les règles de l'art médical, afin de protéger la vie ou la santé du patient, c'est-à-dire, dans le cas d'un accouchement, de la parturiente comme de l'enfant à naître. Il doit observer la diligence requise, déterminée selon des critères objectifs. La notion d'illicéité rejoint ici celle de violation du devoir de diligence, appliquée en matière de responsabilité contractuelle (arrêts du Tribunal fédéral 4A_315/2011 consid. 3.1 et 4P.110/2003 consid. 2.2).

En sa qualité de mandataire, le médecin répond de la bonne et fidèle exécution du mandat. Si le propre de l'art médical consiste, pour le médecin, à obtenir le résultat escompté grâce à ses connaissances et à ses capacités, cela n'implique pas pour autant qu'il doive atteindre ce résultat ou même le garantir, car le résultat en tant que tel ne fait pas partie de ses obligations. L'étendue du devoir de diligence qui incombe au médecin se détermine selon des critères objectifs. Les exigences qui doivent être posées à cet égard ne peuvent pas être fixées une fois pour toutes; elles dépendent des particularités de chaque cas, telles que la nature de l'intervention ou du traitement et les risques qu'il comporte, la marge d'appréciation, le temps et les moyens disponibles, la formation et les capacités du médecin (ATF 133 III 121 consid. 3.1; arrêts du Tribunal fédéral 4A_315/2011 consid. 3.1 et du 1.04.1999 consid. 4 = SJ 1999 I p. 499).

Dès lors que le médecin doit s'occuper des patients de façon conforme aux règles de l'art, afin de protéger leur vie ou leur santé, en particulier en observant la diligence requise par les circonstances et que l'on peut attendre de lui, il répond en principe de tout manquement à ses devoirs. Le praticien ne répond pas toutefois de manière générale de tous les dangers et risques inhérents à chaque acte médical ou dépendant de la maladie; il exerce une activité exposée à des dangers et il faut en tenir compte sur le plan du droit de la responsabilité. Dans le diagnostic comme dans le choix d'une thérapie ou d'autres mesures, le médecin dispose souvent, selon l'état objectif de la science, d'une marge d'appréciation qui autorise un choix entre les différentes possibilités entrant en considération. Il n'y a violation des devoirs de diligence que lorsqu'un diagnostic, un traitement ou un acte médical particulier n'apparaît plus justifiable au regard des connaissances scientifiques générales de la branche, de sorte qu'il ne respecte pas les règles de l'art médical déterminées objectivement (ATF 130 I 337 consid. 5.3 = JdT 2005 I p. 95; arrêts du Tribunal fédéral 4A_315/2011 consid. 3.1 et du 1.04.1999 consid. 4 = SJ 1999 I p. 499) étant précisé que la violation des règles de l'art s'apprécie ex-ante (ATF 130 I 337 consid. 5.3 = JdT 2005 I p. 95).

Les règles de l'art médical constituent des principes établis par la science médicale, généralement reconnus et admis, communément suivis et appliqués par les praticiens (ATF 133 III 121 consid. 3.1; arrêts du Tribunal 4A_228/2007 consid. 4.1 et du 1.4.1999 consid. 4 = SJ 1999 I p. 499). Il appartient au lésé d'établir la violation des règles de l'art médical. Lorsqu'il est prévisible qu'un traitement pourrait avoir des effets négatifs, le médecin doit tout faire pour y parer. Si ces effets négatifs se produisent, il y a présomption de fait que les mesures nécessaires n'ont pas toutes été prises et, dès lors, présomption d'une violation objective du devoir de diligence. Cette présomption facilite la preuve d'une telle violation, mais ne renverse pas le fardeau de la preuve (ATF 133 III 121 consid. 3.1; ATF 130 I 337 consid. 5.3 = JdT 2005 I p. 95; ATF 120 II 248 consid. 2c).

La faute, dont l'art. 2 al. 1 LREC fait une condition de la responsabilité de l'intimé, suppose que l'acte illicite ait été commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, la disposition citée reprenant en cela le texte de l'art. 41 al. 1 CO. Dans le domaine médical, la réalisation de cette condition devra être admise, en règle générale, lorsqu'une violation du devoir de diligence aura été constatée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_315/2011 consid. 3.3). La distinction entre la violation du devoir de diligence et la faute n'est en effet pas complètement clarifiée (ATF 113 Ib 420 consid. 1; LANDOLT, Medizinalhaftung, Aktuelle Rechtsprechung zu ausgewählten Problemebereich der Arzthaftung, in REAS 2009, p. 329 ss, p. 339), puisque la notion de faute est objectivée en droit suisse (ATF 124 III 155 consid. 3b = SJ 1998 p. 689) et l'étendue du devoir de diligence se mesure également selon des critères objectifs (ATF 133 III 121 consid. 3.1).

6.3 Lorsque le juge, faute de posséder les connaissances spécifiques nécessaires, ordonne une expertise, il n'est en principe pas lié par les conclusions de l'expert. Même s'il apprécie librement les preuves, il ne saurait toutefois, sans motifs sérieux, substituer son opinion à celle de l'expert (ATF 133 II 384 consid. 4.2.3 = JdT 2008 I p. 451; ATF 130 I 337 consid. 5.4.2 = JdT 2005 I p. 95; arrêts du Tribunal fédéral 4A_204/2010 consid. 3.1.1 et du 12.08.96 consid. 2a in SJ 1997 p. 58). De tels motifs existent lorsque l'expertise contient des contradictions et qu'une détermination ultérieure de son auteur vient la démentir sur des points importants, lorsqu'elle contient des constatations factuelles erronées ou des lacunes, voire lorsqu'elle se fonde sur des pièces dont le juge apprécie autrement la valeur probante ou la portée (ATF 110 Ib 52 consid. 2; ATF 101 IV 129 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_204/2010 consid. 3.1.1. et 4A_462/2008 consid. 6.2) En l'absence de tels motifs, il s'expose au reproche d'arbitraire s'il écarte l'expertise judiciaire. A l'inverse, s'il éprouve des doutes sur l'exactitude d'une expertise judiciaire, le juge doit recueillir des preuves supplémentaires (ATF 133 II 384 consid. 4.2.3 = JdT 2008 I p. 451; ATF 130 I 337 consid. 5.4.2 = JdT 2005 I p. 95; arrêts du Tribunal fédéral 4A_204/2010 consid. 3.1.1 et du 12.08.96 consid. 2a in SJ 1997 p. 58). Il n'en demeure pas moins que le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans ce domaine (arrêt du Tribunal fédéral 4P.47/2006 consid. 2.2.1). Une contre-expertise ne saurait être ordonnée au seul motif qu'une partie critique l'opinion de l'expert (BERTOSSA/GAILLARD/ GUYET/ SCHMIDT, op. cit., n. 2 ad art. 262). De même, la divergence entre la solution de l'expert privé et celle de l'expert judiciaire ne justifie pas l'ordonnance d'une seconde expertise (BETTEX, L'expertise judiciaire, 2006, p. 190).

6.4 Il convient en premier lieu de rechercher si une violation des règles de l'art médical est imputable à l'opérateur de la césarienne litigieuse.

A la question 2.2.7 (cf. l'ordonnance du 20 mai 2009 du Tribunal) de savoir si la décision de poursuivre, dans un deuxième temps opératoire, la dissection au bistouri plutôt qu'au moyen des doigts ou d'une pince de Kocher était, dans le cas d'espèce, conforme aux règles de l'art médical, l'expert judiciaire a répondu par la négative. Il a expliqué que les règles de l'art médical commandaient de procéder à une incision de 2 à 3 cm ("boutonnière") de longueur afin de créer une brèche utérine. Celle-ci permettait l'introduction des deux indexes de l'opérateur et d'élargir par étirement la brèche utérine afin de permettre la passage de la tête ou des pieds du fœtus. La pince de Kocher était utilisée pour l'ouverture de la membrane amniotique lorsque celle-ci était accolée au fœtus.

L'ouverture de la membrane amniotique présentait un risque élevé de lésion fœtale. Lors de l'incision de l'utérus, il était nécessaire d'avoir une visibilité des différents plans de dissection. L'opération litigieuse présentait une situation hémorragique qui rendait impossible la visualisation des plans de dissection. Par conséquent, l'utilisation d'un bistouri tranchant en l'absence de visibilité des plans de dissection était une erreur; l'utilisation d'une pince de Kocher ou du doigt était indispensable.

A la question 2.2.9 de savoir si les incisions cutanées du cuir chevelu provoquées par l'usage du bistouri procédaient d'une violation des règles de l'art médical, le Dr B.______ a répondu par l'affirmative. Il a expliqué que le principe de précaution évoqué dans le cadre de la question précitée n'avait pas été suivi. Une lésion du cuir chevelu de plus de 10 cm démontrait que le principe d'ouverture au moyen d'une "boutonnière" n'avait pas été appliqué. Si l'on voulait prolonger l'incision de la "boutonnière", les règles de l'art médical commandaient la mise en place préalable d'une lame de protection entre le pôle fœtal et la paroi de l'utérus afin de prévenir les lésions fœtales.

Ainsi, selon l'expert judiciaire, la prolongation de l'incision de la "boutonnière" au bistouri pour ouvrir la membrane amniotique en l'absence de visibilité du plan de dissection, d'une part, et l'utilisation de ce procédé sans mise en place préalable d'une lame de protection, d'autre part, constituent des violations des règles de l'art médical qui ont été commises lors de l'opération litigieuse.

6.6 L'intimé dénie toute valeur probante aux constatations de l'expert judiciaire.

6.6.1 En premier lieu, l'intimé fait grief à l'expert judiciaire d'avoir accompli sa mission sans tenir compte des circonstances concrètes de l'opération litigieuse.

L'expert judiciaire a été invité par le premier juge à compléter son premier rapport, dès lors que ce dernier n'avait pas consulté les pièces judiciaires des parties; il s'agit là d'un procédé conforme à l'art. 267 aLPC qui n'est donc pas propre à disqualifier le rapport complémentaire du 25 janvier 2011. De plus, dans ce rapport, le Dr B.______ a certifié avoir pris connaissance de l'ensemble des pièces de la procédure, si bien que le reproche, formulé en termes généraux, de n'avoir pas pris en considération les particularités de l'opération litigieuse tombe à faux.

6.6.2 L'intimé se plaint en particulier de ce que le Dr B.______ n'aurait pas pris en compte le fait que l'opérateur avait été contraint d'effectuer l'ouverture de la membrane amniotique au bistouri vu l'hémorragie importante et l'urgence après avoir effectué une première tentative de dissection aux doigts avec la pratique préalable d'une boutonnière.

Ce reproche n'est pas fondé. En effet, en premier lieu, la première question porte sur la décision de poursuivre la dissection au bistouri dans un deuxième temps opératoire de la césarienne. Ainsi, le libellé de la question exprime clairement que, dans un premier temps opératoire, une incision avait été opérée et avait été poursuivie dans un second temps. Ensuite, dans sa réponse à la question, l'expert judiciaire cite un extrait du compte-rendu opératoire de 6 décembre 1999 qui mentionne une première introduction de la main de l'opérateur et la poursuite subséquente de l'incision. Enfin, dans la réponse à la seconde, le Dr B.______ indique les précautions à prendre si l'opérateur décide, en vue de l'ouverture de la membrane amniotique, de poursuivre l'incision de la "boutonnière". Il résulte de ces éléments que l'expert judiciaire a pris en compte une première tentative d'ouverture de la membrane amniotique au moyen des doigts.

Enfin, le Dr B.______ a pris en considération le contexte hémorragique de l'opération rapporté par le compte-rendu opératoire du 6 décembre 1999, puisqu'il explique que le saignement massif rendait impossible la visibilité des plans de dissection et en déduit l'erreur d'avoir utilisé un bistouri au lieu de poursuivre l'ouverture de la membrane amniotique.

6.6.3 L'intimé fait encore valoir que les conclusions de l'expertise seraient contredites par l'expertise FMH, le témoignage de praticiens et l'avis d'obstétriciens.

A titre liminaire, la Cour rappellera que des opinions contredisant les conclusions d'une expertise judiciaire ne permettent pas à elles seules de considérer celle-ci comme arbitraire ou lacunaire. Par ailleurs, s'agissant d'un domaine technique, il n'appartient pas à la Cour d'arbitrer des expertises.

Cela étant, les experts FMH retiennent l'absence de violation des règles de l'art médical, considérant que le choix de poursuivre la dissection par bistouri dans le second temps opératoire était justifié par l'urgence de la situation, ainsi que le risque hémorragique de l'enfant. Ils ne font cependant pas mention de la première introduction de la main relatée dans le compte-rendu précité, ne reprenant pas non plus la justification qui y est exposée par l'opérateur pour l'ouverture au bistouri et n'expliquent pas davantage en quoi la situation médicale se serait péjorée à compter de cette introduction de manière à justifier le choix de l'incision complète de la membrane amniotique au bistouri en lieu et place de l'ouverture avec les doigts. En outre, le risque hémorragique de l'enfant avancé par les experts FMH n'est pas corroboré par le compte-rendu opératoire.

Pour justifier l'absence de faute médicale, lesdits experts ont finalement retenu que le contexte de la césarienne litigieuse correspondait à une situation à haut risque de lacération fœtale en raison du saignement abondant de la parturiente qui masquait le champ opératoire et ne permettait pas d'apprécier l'épaisseur du plan de dissection. Or, c'est précisément le choix de l'incision complète au bistouri en cas d'invisibilité du plan de dissection due à une hémorragie, avec les risques de lésions que comporte cette technique, que stigmatise l'expert judiciaire. Dès lors, à l'instar du premier juge, la Cour ne peut adhérer aux conclusions des experts FMH, ce d'autant moins que l'un des experts FMH a déclaré qu'en cas d'absence de visibilité, le risque de lésions était augmenté de 10% à 100%.

Il s'ensuit que les conclusions de l'expertise FMH ne sont pas susceptibles de remettre en cause celles de l'expert judiciaire.

Il en va même de l'avis du Prof. C._____. En effet, outre le fait qu'il faut accueillir avec circonspection l'avis du médecin-chef du service de l'intimé dans lequel s'est déroulée l'opération incriminée, l'explication du Prof. C. ______ sur ce point figurant dans son rapport du 14 avril 2010 n'est qu'une hypothèse. Le chef de service indique que l'utérus était probablement assez épais, de sorte qu'il rendait impossible l'ouverture à l'aide des doigts. De plus, ses explications ne sont pas corroborées par le compte-rendu du 6 décembre 1999 de l'opérateur, lequel fait uniquement état, à titre de justification de la poursuite de l'incision par bistouri, de difficultés à "trouver le bon plan après une 1ère introduction de la main, celle-ci se trouv[ant]e toujours dans les fibres du placenta".

Contrairement à ce que soutient l'intimé, le témoignage des praticiens n'infirme pas l'expertise judiciaire. La Dresse D. ______ a déclaré qu'il y avait urgence en raison du saignement abondant de la mère; cette constatation n'entre cependant pas en contradiction avec l'expertise judiciaire. La praticienne a expliqué que l'utilisation des doigts comportait le risque d'une mauvaise oxygénation du bébé et d'une lésion du cordon ombilical. Elle a également indiqué que l'usage du bistouri risquait de léser le cordon et le fœtus. Enfin, elle a considéré qu'il était impossible d'apprécier si l'une des méthodes comportait plus de risques que l'autre. Il s'ensuit que ces constatations même si elles ne correspondent pas aux conclusions de l'expertise judiciaire ne l'infirment pas non plus.

Le Dr E. ______ a, quant à lui, déclaré que dans le contexte d'urgence et d'absence de visibilité, il fallait procéder rapidement uniquement par le toucher, ce qui conforte les conclusions de l'expertise judiciaire.

L'intimé se prévaut enfin des avis des obstétriciens sollicités par le Prof. C. ______ à la suite de l'établissement du rapport d'expertise judiciaire. Si tant est que l'on puisse assimiler les opinions de ces praticiens à des expertises, il ne s'agirait que d'expertises privées qui n'auraient que la portée d'allégués de l'intimé (arrêts du Tribunal fédéral 4A_193/2008 consid. 4.1 et 4A_58/2008 consid. 5.3). De plus, les réponses de ces médecins ont été formulées sans qu'ils connaissent l'ensemble du dossier médical relatif à l'opération. Elles sont également tributaires des limites posées par la question du Prof. C. ______. En outre, elles sont sommaires, ne comportant que quelques lignes. Enfin, sur 32 destinataires de la question du Prof. C. ______, sept réponses de praticiens figurent dans la procédure. L'on ignore si les autres destinataires n'ont pas souhaité répondre ou si leur réponse n'a pas été produite, ce qui relativise singulièrement le contenu des sept réponses produites par l'intimé. Il s'ensuit que ces avis ne seront pas pris en considération pour l'appréciation de l'existence d'une violation des règles de l'art médical.

6.7 Au vu de ce qui précède, l'expertise judiciaire n'est affectée d'aucune lacune, ni de contradictions ou vices qui justifieraient que l'on s'écarte de ses conclusions. Ainsi, il ne sera pas non plus donné suite à la demande de contre-expertise de l'intimé.

Par conséquent, la Cour retient que la prolongation de l'incision de la "boutonnière" au bistouri pour ouvrir la membrane amniotique en l'absence de visibilité du plan de dissection, d'une part, et l'utilisation de ce procédé sans mise en place préalable d'une lame de protection, d'autre part, sont constitutives de violations des règles de l'art médical. Les mesures appropriées afin d'éviter la survenue des lésions litigieuses n'ont par conséquent pas été prises.

Les violations des règles de l'art médical incriminées procèdent d'une imprudence importante eu égard au risque potentiel de lésions graves du foetus qu'elles comportent. Commises toutefois dans un contexte d'urgence, il s'agit d'une faute par négligence qui doit être qualifiée de moyenne.

7. Il est incontestable que les violations fautives des règles de l'art médical sont en lien de causalité naturelle et adéquate avec les lésions subies par l'appelante à son cuir chevelu.

8. Le principe de la responsabilité de l'intimé pour lesdites lésions étant établi, il y a lieu d'examiner si la prétention de l'appelante en réparation du tort moral est fondée.

8.1 Selon l'art. 47 CO, applicable en vertu du renvoi de l'art. 6 LREC, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles ou, en cas de mort d'homme, à la famille une indemnité équitable à titre de réparation morale.

L'indemnité pour tort moral vise exclusivement à compenser le préjudice que représente une atteinte au bien-être moral, par l'augmentation de ce bien-être ou en rendant plus supportable sa diminution (ATF 132 II 117 consid. 2.2.2; 123 III 306 consid. 9b; 123 III 10 consid. 4b/bb = SJ 1997 p. 402; arrêts du Tribunal fédéral 6B_12/2011 consid. 9.2.2, destiné à la publication au recueil officiel, 4A_581/2009 consid. 6.2, 4A_463/2008 consid. 5.1 = njus 2010 p. 43 et 4C_283/2005 consid. 3.1.1 = njus 2006 p. 36).

Les circonstances particulières à prendre en compte se rapportent à l'importance de l'atteinte à la personnalité du lésé, l'art. 47 CO étant un cas d'application de l'art. 49 CO. Les lésions corporelles, qui englobent tant les atteintes physiques que psychiques, doivent donc en principe impliquer une importante douleur physique ou morale ou avoir causé une atteinte durable à la santé (arrêts du Tribunal fédéral 4A_581/2009 consid. 6.2, 4A_463/2008 consid. 5.1 = njus 2010 p. 43 et 4C_283/2005 consid. 3.1= njus 2006 p. 36). Il existe un droit à la réparation du tort moral même lorsque le lésé n'est pas conscient de son état (ATF 116 II 519 consid. 2c; ATF 108 II 422 consid. 4c; arrêts du Tribunal fédéral 6B_12/2011 consid. 9.2.2, destiné à la publication au recueil officiel et 4A_315/2011 consid. 3.4).

Les critères d'appréciation tant pour le principe que le montant de l'indemnité sont le genre et la gravité de l'atteinte, l'intensité et la durée des répercussions sur la personnalité du lésé, le degré de la faute de l'auteur (ATF 132 II 117 consid. 2.2.2; 127 IV 215 consid. 2a = SJ 2001 I p. 555; 125 III 412 consid. 2a = JT 2006 IV p. 118 et arrêt du Tribunal fédéral 6B_12/2011 consid. 9.2.2, destiné à la publication au recueil officiel), l'éventuelle faute de la victime (ATF 132 II 117 consid. 2.2.2; 124 III 182 consid. 4d; arrêt du Tribunal fédéral 6B_12/2011 consid. 9.2.2, destiné à la publication au recueil officiel), ainsi que la possibilité d'adoucir de manière sensible, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale (ATF 132 II 117 consid. 2.2.2 ; 130 III 699 consid. 5.1; 118 II 410 consid. 2a; arrêt du Tribunal fédéral 6B_12/2011 consid. 9.2.2, destiné à la publication au recueil officiel).

Dans le cadre de l'application de l'art. 47 CO, parmi les circonstances qui justifient, le cas échéant, l'octroi d'une indemnité, il y a une longue période de souffrance et d'incapacité de travail, ainsi que les préjudices psychiques importants (arrêts du Tribunal fédéral 4A_581/2009 consid. 6.2, 4A_463/2008 consid. 5.1 = njus 2010 p. 43 et 4C_283/2005 consid. 3.1= njus 2006 p. 36). Comptent également parmi ces circonstances, les dommages esthétiques, notamment les cicatrices, qui constituent régulièrement une charge psychique, voire un sentiment d'infériorité. Selon la partie du corps atteinte, le lésé et surtout la lésée ne sont plus libres dans leur choix vestimentaire (BREHM, La réparation du dommage corporel en responsabilité civile, 2002, n. 847, 850 à 852 et jurisprudence citée).

Les mesures en vue de cacher des marques inesthétiques ne suppriment pas l'appréhension d'une jeune fille à les dévoiler de manière accidentelle. Cette crainte est de nature à diminuer sa confiance en elle-même et sa joie de vivre (arrêt du Tribunal fédéral du 18 mars 1980 = JdT 1981 I p. 468-469, no 47).

Le juge applique les règles du droit et de l'équité comme l'art. 47 CO l'en charge (arrêt du Tribunal fédéral 4A_463/2008 consid. 5.1 = njus 2010 p. 43). L'art. 42 al. 2 CO qui tend à instaurer une preuve facilitée au lésé s'applique en lien avec l'art. 47 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4C.283/2005 consid. 2.1 = njus 2006 p. 36).

Le tort moral s'apprécie au moment du prononcé du jugement en tenant compte de tous les préjudices survenus depuis l'acte dommageable (ATF 132 II 117 consid. 3.3.2; HEIERLI/SCHNYDER, Basler Kommentar, 2011, n. 24 ad art. 49 OR). Ainsi, les souffrances passées doivent être prises en considération, la loi n'exigeant pas une atteinte permanente (arrêt du Tribunal fédéral du 4.10.78 consid. 3 = SJ 1979 p. 451). Pour les souffrances déjà éprouvées, il n'y a pas de distinctions à faire selon l'âge : les petits enfants ne ressentent pas moins la douleur que les adultes. Il y a également lieu de prendre en compte la jeunesse de la victime dans la mesure où elle devra souffrir plus longtemps (BREHM, op. cit., n. 858).

8.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'appelante n'a souffert et ne souffre actuellement d'aucune séquelle pour sa santé consécutive à l'opération litigieuse, hormis les cicatrices sur son cuir chevelu.

L'appelante soutient que ces cicatrices sont visibles, mais admet qu'elles sont en grande partie masquées par une abondante chevelure, à condition que sa coiffure soit adaptée. Elle allègue encore que lorsque ses cheveux sont mouillés ou qu'ils sont tirés en arrière, les cicatrices deviennent visibles, ce qui entraînerait un questionnement de sa part envers ses parents quant à la présence de ces lésions.

Selon le rapport FMH, l'appelante présente sur son cuir chevelu, après écartement de ses cheveux, deux plaies cicatrisées longues respectivement de 19 cm et 3,2 cm. La cicatrisation est totale, sans bourrelets péri-cicatriciels, ni follicule pileux. L'aspect esthétique de l'appelante n'est pas altéré par les cicatrices en raison de leur localisation supérieure et de l'abondante chevelure qui les recouvre. L'aspect global de la face de l'appelante n'est pas altéré par ces lacérations.

Les clichés photographiques du rapport d'expertise montrent par ailleurs, les cheveux étant rabattus, une cicatrice qui s'étend pratiquement sur toute la longueur du cuir chevelu. Le mètre figurant sur le cliché relatif à la mesure de la longueur de la cicatrice de 19 cm permet de fixer sa largeur à environ 1 cm. En raison de l'absence de follicule pileux, cette cicatrice est évidemment vierge de tout cheveu. Par le même procédé, on peut fixer la largeur de la seconde cicatrice à environ 0,5 cm.

Cela étant observé, point n'est besoin de connaissances particulières pour savoir que des cheveux mouillés, même abondants, perdent de leur volume; cela résulte de l'expérience générale de la vie. Ainsi, les cicatrices deviendront visibles lorsque l'appelante aura sa chevelure mouillée.

Par ailleurs, dès lors que la plus grande des cicatrices s'étend presque sur toute sa longueur du cuir chevelu et affleure l'orée de celui-ci, elle sera visible, en partie, sur la partie antérieure du cuir chevelu de l'appelante lorsque ses cheveux seront coiffés vers l'arrière.

Enfin, dans la mesure où les cicatrices ne sont pas visibles parce qu'elles sont couvertes par une abondante chevelure, celles-ci deviendront, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, apparentes si l'appelante opte pour une coiffure avec des cheveux courts. Le volume des cheveux ne sera alors plus suffisant pour masquer l'absence de pilosité au niveau des cicatrices. Cette situation est analogue à celle prévalant en cas de cheveux mouillés.

Au vu de ce qui précède, la Cour retient que les cicatrices de l'appelante seront visibles lorsque sa chevelure sera mouillée ou si elle porte les cheveux courts. De même, la cicatrice la plus importante sera partiellement apparente sur la partie antérieure du cuir chevelu lorsque ses cheveux seront peignés en arrière. Apparentes, ces cicatrices constituent des marques particulièrement inesthétiques.

Selon le cours ordinaire des choses, les préoccupations d'ordre esthétique prennent de l'importance pour la gent féminine à l'adolescence et augmentent avec l'âge. Ces préoccupations peuvent notamment avoir trait à la recherche de sa propre estime, à l'image de soi, au regard des autres ou au pouvoir de séduction. Il est constant que ces préoccupations seront celles de l'appelante dans peu de temps, celle-ci étant proche de l'adolescence. Or, afin de soustraire ses cicatrices au regard d'autrui, l'appelante devra renoncer à une chevelure courte ou à coiffer ses cheveux en arrière, à moins de porter un couvre-chef. De même, elle devra porter un bonnet de bain pour la pratique des sports nautiques. Ces restrictions ne supprimeront néanmoins pas l'appréhension de l'appelante à dévoiler accidentellement ses cicatrices. Même si ces marques ne touchent pas le visage de l'appelante, les restrictions à la liberté de se coiffer et cette crainte affecteront sa joie de vivre ainsi que la confiance en elle-même. Dans la mesure où le préjudice moral ne prendra son plein effet qu'au moment de l'adolescence, qui est souvent déjà une période difficile en soi pour la future femme adulte, une éventuelle accoutumance aux cicatrices déjà existantes peut difficilement être retenue. Il ne peut pas non plus être déduit du fait que l'appelante n'ait pas souffert des cicatrices en tant qu'enfant qu'elle ne sera pas affectée, comme toute adolescente et future femme adulte, par le préjudice esthétique occasionné par les importantes cicatrices.

L'atteinte précitée à la joie de vivre et la confiance en soi constitue à elle-seule un tort moral qui justifie l'octroi d'une indemnité.

8.3 A l'appui de l'indemnisation du tort moral, l'appelante se prévaut également de la douleur physique subie lors de sa naissance.

Si l'on ne peut nier que l'appelante ait souffert au moment de sa naissance sous l'effet de l'incision, on peut inférer du caractère superficiel des cicatrices que la douleur n'a pas été importante.

Il ne ressort pas de la procédure - l'appelante ne le soutenant au demeurant pas - que la douleur ait persisté après la naissance, que ce soit dans les jours qui l'ont suivie ou au-delà. L'expertise FMH relève sur ce point l'absence de douleurs chez l'appelante au moment de l'examen.

Il s'ensuit que la souffrance due à l'incision du cuir chevelu ne constitue pas, en l'espèce, un élément à prendre en considération pour l'appréciation du tort moral.

8.4 Il est incontestable que le versement d'une somme d'argent est de nature à adoucir de manière sensible la douleur morale de l'appelante. Que celle-ci n'en ait éventuellement pas conscience actuellement importe peu, puisqu'il n'est pas nécessaire que le lésé ait conscience de son état (cf. supra consid. 8.1).

8.5 Les éléments qui précèdent ainsi que la faute moyenne de l'intimé concourent à l'octroi d'une indemnité pour tort moral.

9. Il reste à apprécier le quantum de cette indemnité.

9.1 L'ampleur de la réparation morale dépend avant tout de la gravité des souffrances physiques ou psychiques consécutives à l'atteinte subie par la victime et de la possibilité d'adoucir sensiblement, par le versement d'une somme d'argent, la douleur morale qui en résulte. En raison de sa nature, l'indemnité pour tort moral, qui est destinée à réparer un dommage qui ne peut que difficilement être réduit à une simple somme d'argent, échappe à toute fixation selon des critères mathématiques, de sorte que son évaluation en chiffres ne saurait excéder certaines limites; l'indemnité allouée doit toutefois être équitable (ATF 130 III 699 consid. 5.1; 125 III 269 consid. 2a; 118 II 410 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_12/2011 consid. 9.2.2, destiné à la publication au recueil officiel). S'agissant du montant alloué en réparation du tort moral, toute comparaison avec d'autres affaires doit intervenir avec prudence, puisque le tort moral touche aux sentiments d'une personne déterminée dans une situation donnée et que chacun réagit différemment face au malheur qui le frappe. Cela étant, une comparaison n'est pas dépourvue d'intérêt et peut être, suivant les circonstances, un élément utile d'orientation (ATF 130 III 699 consid. 5.1; 118 II 410 consid. 2). Si le juge s'inspire de certains précédents, il veillera à les adapter aux circonstances actuelles pour tenir compte de la dépréciation de la monnaie (ATF 125 III 269 consid. 2a; 118 II 410 consid. 2).

Statuant selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (ATF 132 II 117 consid. 2.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 6B_12/2011 consid. 9.2.2, destiné à la publication au recueil officiel)

9.2 En l'espèce, le tort moral de l'appelante réside dans le fait que dans certaines circonstances (chevelure mouillée, cheveux coiffées vers l'arrière, coupe courte) les cicatrices puissent devenir visibles, ce qui entraîne l'obligation de prendre des mesures pour empêcher leur visibilité de tous et crée une appréhension pour le cas où elles pourraient être vues accidentellement. La visibilité de ces marques inesthétiques n'est donc pas permanente; dans ce cadre, elle s'inscrit en revanche dans la durée vu l'âge actuel de l'appelante. De plus, ce préjudice esthétique, qui a une importance accrue pour les femmes, porte atteinte à sa joie de vivre ainsi qu'à la confiance en elle-même. Enfin, la faute à l'origine du tort moral n'est pas intentionnelle et relève d'une négligence moyenne.

La casuistique récente relative à l'octroi d'indemnité pour tort moral pour cicatrices présente peu d'analogies avec la présente espèce, soit que les atteintes ont eu pour origine une infraction pénale intentionnelle, soit que la victime a présenté d'autres séquelles en plus de cicatrices sur le visage. En effet, il a été alloué une somme de 1'500 fr. en décembre 1998 à une victime d'un bris intentionnel d'un verre sur le visage dans un établissement public en raison de cicatrices permanentes sur le visage (HÜTTE/DUCKSCH/GROSS/GUERRERO, Le tort moral, VIII/15 1998-2000, n. 5b). En décembre 1999, il a été octroyé une indemnité de 3'000 fr. à un homme présentant des cicatrices sur le visage et sur le cuir chevelu, victime d'un brigandage perpétré par deux individus qui l'avaient frappé sur la tête avec le tesson d'une bouteille. Le lésé a souffert en outre d'une perturbation post-traumatique (HÜTTE et autres, op. cit., VIII/23 1998-2000, n. 10c). Enfin, en mars 2002, il a été accordé à une femme une indemnité de 3'000 fr. pour des cicatrices sur le visage et des balafres douloureuses, causées intentionnellement par l'auteur à l'aide d'un verre (HÜTTE et autres, op. cit., VIII/7 2001-2002, n. 18).

Les seules séquelles de l'acte illicite pour l'appelante sont les cicatrices. Celles-ci n'affectent pas son visage et il existe des mesures simples pour les dissimuler. De plus, l'appelante n'a pas été la victime d'une infraction intentionnelle. La gravité de l'atteinte est donc nettement moindre que dans les cas précités. Cela étant, il ne faut pas sous-estimer la blessure que représente un préjudice esthétique pour une femme qui s'inscrit dans la durée pour l'appelante dans la mesure où elle est jeune. Au vu des éléments qui précèdent, en particulier la durée du préjudice, il se justifie d'allouer à l'appelante une indemnité pour tort moral de 2'000 fr. Cette somme n'est pas excessive même en comparaison de la somme allouée dans la première affaire précitée pour une atteinte plus grave, dès lors que la décision y relative a été rendue il y a plus de treize ans.

10. L'appelante sollicite un intérêt de 5% à compter de sa naissance.

Même si le tort moral s'apprécie au moment du prononcé du jugement, un intérêt compensatoire de 5% court à compter du jour de l'acte dommageable (ATF 132 II 117 consid. 3.3.2; 129 IV 149 consid. 4.2 = JdT 2005 IV p. 193; HEIERLI/ SCHNYDER, op. cit., n. 24 ad art. 49 OR), en l'occurrence dès le 6 décembre 1999.

11. L'appelante sollicite le remboursement d'honoraires d'avocat et des coûts d'expertises extrajudiciaires, à titre de frais d'établissement du dommage.

11.1 En droit de la responsabilité civile, les frais engagés par la victime pour la consultation d'un avocat avant l'ouverture du procès civil, lorsque cette démarche était justifiée, nécessaire et appropriée, peuvent constituer un élément du dommage, pour autant que ces frais n'aient pas été inclus dans les dépens. (ATF 133 II 361 consid. 4.1; 131 II 121 consid. 2.1; 117 II 101 consid. 5b = JdT 1991 I p. 712 ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.51/2000 consid. 2 = SJ 2001 I p. 153). Il en va de même des autres frais nécessaires et raisonnables qui sont liés directement à la détermination de la faute et du préjudice, tels les frais d'expertise privée (ATF 126 III 388 consid. 10b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_121/2011 consid. 3.3 et 4C.11/2003 consid. 5.2 = Pra 2004 p. 126; WERRO, La responsabilité civile, 2011, n. 1057).

Les frais engagés en vue de faire valoir des prétentions litigieuses ne sont nécessaires et appropriés que dans la mesure où ces prétentions existent, ce qui ne se détermine qu'au moment du procès (arrêt du Tribunal fédéral 4C.11/2003 consid. 5.2 = Pra 2004 p. 126).

La prise en charge des honoraires d'avocat peut être limitée lorsque les frais d'intervention sont jugés disproportionnés par rapport à l'importance du dommage ou des questions à élucider (BREHM, op. cit., n. 446).

11.2 En l'espèce, l'appelante ne sollicite pas un montant supérieur à celui accordé par le premier juge à ce titre. En revanche, l'intimé soutient que l'indemnisation allouée est excessive. Il y a ainsi lieu d'examiner l'adéquation des frais dont l'appelante demande le remboursement.

Même si les experts FMH ont conclu à l'absence de violation des règles de l'art médical, leur expertise s'est avérée utile dans la mesure où elle a permis d'apprécier l'ampleur du préjudice esthétique et, partant, celui du tort moral subi par l'appelante. Les frais de cette expertise en 645 fr. 60 sont proportionnés au regard de l'activité déployée.

L'expertise du Prof. A.______ a été nécessaire à l'appelante pour faire valoir sa prétention en justice, puisque ses conclusions contredisaient celles de l'expertise FMH et que le premier juge a ordonné l'expertise judiciaire en raison des conclusions opposées des deux expertises extrajudiciaires. Le fait d'avoir sollicité l'avis d'un professeur d'une faculté de médecine française n'est pas critiquable, dès lors qu'il importait de pouvoir présenter, le cas échéant, l'avis d'un expert dont les qualifications ne pouvaient pas être mises en doute. Émanant d'un professeur d'université, le coût de son avis en 1'000 EUR n'est pas excessif.

S'il est vrai qu'en règle générale les questions factuelles et juridiques soulevées dans une affaire ayant pour objet une faute médicale ne sont pas simples, il ne faut pas perdre de vue que l'activité de l'avocat de la partie demanderesse conduisant au succès est essentiellement de nature judiciaire. Les honoraires y relatifs sont couverts par les dépens. Ainsi, compte tenu du résultat obtenu en l'espèce par rapport aux prétentions initiales, le montant en 4'100 fr. accordé par le premier juge à titre de remboursement des frais d'avocat pour son activité extrajudiciaire est disproportionné. Ce montant paraît d'autant plus excessif que l'appelante n'allègue pas que la procédure avait été précédée de longues négociations ou d'autres démarches (par exemple auprès d'assurances) nécessaires, mais qui ne seraient pas couvertes par l'indemnité de procédure. Cette somme sera ainsi réduite à 1'000 fr.

Les intérêts compensatoires de 5% sur ces frais demandés à partir de dates postérieures à la présentation des factures y relatives seront accordés.

12. L'intimé fait valoir que l'indemnité de procédure en 7'000 fr. accordée à l'appelante par le Tribunal est également excessive.

12.1 Comme exposé ci-dessus (cf. supra consid. 1), la procédure devant le premier juge était régie par le droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010, soit la aLPC.

Tout jugement, même sur incident, doit condamner aux dépens la partie qui succombe (art. 176 al. 1 aLPC). La Cour de justice peut revoir aussi bien la répartition que l'arrêté des dépens émanant du premier juge. Ainsi, la Cour peut revoir tous les postes des dépens arrêtés, y compris l'indemnité de procédure; eu égard au large pouvoir d'appréciation laissé au juge, le montant de l'indemnité de procédure ne sera toutefois revu qu'en cas d'arbitraire (BERTOSSA/GAILLARD/ GUYET/SCHMIDT, op. cit., n. 1 ad art. 184).

Pour déterminer quelle est la partie qui succombe et celle qui obtient gain de cause, il faut tenir compte aussi bien des conclusions du demandeur que celles, libératoires, du défendeur, le principe de base régissant la répartition des dépens étant celui du résultat. Si aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la répartition des dépens et il en fera application en choisissant la solution la plus équitable eu égard à l'issue de la cause (BERTOSSA/GAILLARD/GUYET/SCHMIDT, op. cit., n. 6 ad art. 176, n. 1 ad art. 178, n. 1 ad art. 184). L'indemnité de procédure, quant à elle, est fixée en équité par le juge, en tenant compte notamment de l'importance de la cause, de ses difficultés, de l'ampleur de la procédure (art. 181 al. 3 aLPC). Le juge doit ainsi tenir compte de la complexité de la cause. Pour les affaires pécuniaires, l'indemnité peut être fonction de la valeur litigieuse. Il doit estimer l'ampleur du travail fourni et le temps consacré par le mandataire professionnel (arrêt du 4P.116/2006 du 6 juillet 2006 consid. 3.3). Dans les affaires pécuniaires, l'indemnité de procédure peut être généralement fixée, en première instance, entre 5 et 10% du montant litigieux dans les causes ordinaires; cette règle n'est cependant pas absolue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_25/2008 consid. 4.2.3 = SJ 2008 I p. 481).

12.2 Au terme de la procédure, l'appelante obtient gain de cause sur le principe de la réparation de son préjudice, mais se voit allouer moins que le quart de ses conclusions en paiement. Dès lors que l'intimé s'opposait au principe de la réparation, il sera condamné aux deux tiers des dépens (selon la terminologie de la aLPC) de première instance. Les dépens seront compensés pour le surplus.

Les questions de fait et de droit n'étaient certes pas particulièrement simples. En revanche, les prétentions initiales se sont avérées manifestement exagérées. Partant, l'indemnité de procédure en 7'000 fr. correspondant aux deux tiers de l'indemnité totale est arbitraire. Au vu de la complexité moyenne des questions de fait et de droit, de l'ampleur de la procédure et des conclusions exagérées, l'indemnité de procédure, dans une proportion d'un tiers, sera fixée pour la première instance à 3'300 fr.

13. Lorsqu'aucune des parties n'obtient gain de cause, les frais d'appel seront répartis selon le sort de la cause (art. 106 al. 2 CPC). Dans l'application de cette disposition, le juge fera preuve de pondération et évitera de répartir les frais selon des fractions mathématiquement exactes par rapport aux montants alloués (TAPPY, Code de procédure civile commenté, 2010, n. 34 ad art. 106)

En l'espèce, l'intimé qui concluait au déboutement de l'appelante obtient une réduction des sommes allouées à cette dernière. Celle-ci n'obtient pas l'augmentation desdites sommes qu'elle visait, mais s'est opposée avec succès au déboutement intégral de ses conclusions. Il s'ensuit que chaque partie supportera ses propres frais.

Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 2'000 fr. (art. 105 al. 1 CPC) et sont entièrement compensés par les avances fournies (art. 111 al. 1 CPC), qui restent acquises à l'Etat de Genève.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables l'appel principal interjeté par X.______ et l'appel joint formé par les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE (HUG) contre le jugement JTPI/10909/2011 rendu le 28 juin 2011 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5218/2006-3.

Au fond :

Annule ce jugement.

Et, statuant à nouveau :

Condamne les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE (HUG) à payer à X.______ les sommes de 2'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 6 décembre 1999, de 645 fr. 60 avec intérêts à 5% dès le 23 janvier 2003, 1'000 EUR avec intérêts à 5% dès le 3 janvier 2005 et 1'000 fr. avec intérêts à 5% dès le 1er mars 2006.

Condamne les HOPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENEVE (HUG) aux deux tiers des dépens de première instance, qui comprennent, dans cette proportion, une indemnité de procédure de 3'300 fr. valant participation aux honoraires d'avocat de X.______.

Compense les dépens de première instance pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Statuant sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires à 2'000 fr. et les compense avec les avances fournies qui restent acquises à l'Etat de Genève.

Dit que chacune des parties supportera ses frais judiciaires et ses dépens

 

 

 

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Florence KRAUSKOPF, présidente; Monsieur Jean RUFFIEUX, Madame Sylvie DROIN, juges; Madame Nathalie DESCHAMPS, greffière.

 

La présidente :

Florence KRAUSKOPF

 

La greffière :

Nathalie DESCHAMPS

 

 

 

Indication des voies de recours :

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.