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C/8584/2015

ACJC/666/2016 du 06.05.2016 sur OTPI/743/2015 ( SP ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 16.06.2016, rendu le 01.12.2016, IRRECEVABLE, 5A_451/2016
Descripteurs : BLOCAGE; COMPTE BANCAIRE; MESURE PROVISIONNELLE; LEX CAUSAE; SUCCESSION; FARDEAU DE LA PREUVE; DROIT ÉTRANGER; PREUVE FACILITÉE
Normes : CPC.261; LDIP.16
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/8584/2015 ACJC/666/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 6 MAI 2016

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, (Liban), appelant d'une ordonnance rendue par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 21 décembre 2015, comparant par Me Pascal Pétroz, avocat, rue de la Coulouvrenière 29, case postale 5710, 1211 Genève 11, en l'étude duquel il fait élection de domicile aux fins des présentes,

et

1) B______, ayant son siège ______, (GE), intimée, comparant par Me Emma Lombardini Ryan, avocate, rue de Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile aux fins des présentes,

2) Madame C______, domiciliée ______, (Liban),

3) Monsieur D______, domicilié ______, (Liban),

4) Madame E______, domiciliée ______, (Liban),

5) Monsieur F______, domicilié ______, (Liban),

6) Monsieur G______, domicilié ______, (Liban),

intimés, comparant tous par Me Patrick Blaser, avocat, rue Jargonnant 2, case postale 6045, 1211 Genève 6, en l'étude duquel ils font élection de domicile aux fins des présentes.


EN FAIT

A.           Par ordonnance OTPI/743/2015 du 21 décembre 2015, reçue par A______ le 23 décembre 2015, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures provisionnelles, a ordonné le blocage de tous comptes, notamment le compte bancaire n° 1______, biens, espèces, valeurs, dépôts, coffres, titres, créances en toutes monnaies et de tout autre actif dont feue H______ était titulaire ou ayant-droit économique auprès de B______ (chiffre 1 du dispositif), fait interdiction à cette banque de disposer de tout ou partie des actifs détenus au nom de feue H______ jusqu'à droit jugé (ch. 2), imparti à C______, D______, E______, F______ et G______ (ci-après : les intimés ______) un délai de 30 jours dès la notification de l'ordonnance pour faire valoir leur droit en justice (ch. 3), dit que l'ordonnance déploierait ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties (ch. 4), arrêté à 4'400 fr. le montant des frais judiciaires, compensé celui-ci avec les avances fournies par les intimés ______, mis ceux-ci à la charge de A______, condamné celui-ci à payer 4'400 fr. aux intimés ______, pris conjointement et solidairement entre eux et ordonné la restitution de 100 fr. à Me Patrick BLASER (ch. 5), condamné A______ à verser aux intimés ______, pris conjointement et solidairement, la somme de 2'000 fr. à titre de dépens (ch. 6) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

B.            a. Par acte expédié le lundi 4 janvier 2016, A______ a formé appel contre cette ordonnance, concluant à son annulation, cela fait à ce que le déblocage de tous comptes, notamment le compte bancaire n° 1______, biens, espèces, valeurs, dépôts, coffres, titres, créances en toutes monnaies et de tout autre actif dont il était titulaire et ayant droit économique auprès de B______ soit ordonné, à la condamnation des intimés en tous les frais et dépens et au déboutement de ceux-ci et de tout opposant de leurs conclusions. Subsidiairement, il a conclu à ce que les intimés soient astreints à fournir des sûretés au sens de l'art. 264 CPC. Plus subsidiairement, il a conclu à l'annulation de l'ordonnance, au renvoi de la cause au Tribunal, à la condamnation des intimés en tous les frais et dépens et au déboutement de ceux-ci et de tout opposant de leurs conclusions.

b. Par écriture du 4 février 2016, B______ s'en est rapportée à justice s'agissant des conclusions en blocage formulées par A______, concluant à ce qu'il ne lui soit pas imputé de frais ou dépens.

c. Par réponse du même jour, les intimés ______ ont conclu à la confirmation de la décision attaquée, au déboutement de A______ de toutes ses conclusions et à sa condamnation en tous les frais et dépens d'appel.

Ils ont produit deux documents non datés explicatifs du droit libanais des successions.

d. Par réplique du 18 février 2016, A______ a persisté dans ses précédentes conclusions.

Il a produit la loi libanaise du 23 juin 1959 sur les successions de non mahométans.

e. Par duplique du 3 mars 2016, les intimés ______ ont persisté dans leurs précédentes conclusions.

f. Par avis du 10 mars 2016, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Le 28 mars 2006, H______, de nationalité libanaise, et A______, son neveu, ont ouvert un compte joint, n° 1______, auprès de la banque ______, aujourd'hui B______ (ci-après : B______).

H______ et A______ étaient cotitulaires et ayants droit économiques de ce compte. Ils étaient créanciers solidaires des avoirs sur le compte, chacun d'entre eux étant autorisé à en disposer seul. Ils étaient également débiteurs solidaires à l'égard de la banque de tous les passifs et engagements grevant le compte.

b. Le contrat de compte joint, signé à ______ (Liban), comporte une clause d'exclusion d'héritiers (art. 4), dont la teneur est la suivante : "La mort et la perte durable de l'exercice des droits civils d'un cotitulaire entraînent l'extinction de ses créances envers la banque découlant du compte et/ou dépôt joint; ce cotitulaire et ses ayants droits répondent cependant envers la banque solidairement avec l'autre cotitulaire d'un solde débiteur du compte existant au moment de la mort ou de la perte durable de l'exercice des droits civils, ainsi que de tous autres engagements grevant à ce moment le compte et/ou dépôt joint. La banque ne peut donc exécuter aucune instruction émanant d'un ou plusieurs héritiers du cotitulaire décédé ou émanant du représentant légal d'un cotitulaire frappé d'incapacité durable. Les droits et obligations de l'autre cotitulaire envers la banque, notamment son droit de disposition, ne subissent aucune modification […]".

S'agissant de sa portée, l'art. 5 dudit contrat prévoyait que "Le […] contrat règle uniquement les rapports entre les cotitulaires d'une part et la banque d'autre part. Il est indépendant des rapports contractuels ou légaux internes pouvant exister entre les titulaires […]".

Le contrat précisait que les rapports entre les titulaires et la banque étaient soumis au droit suisse (art. 6).

c. H______ est décédée le ______ 2013 au Liban, où elle était domiciliée.

d. A cette date, la valeur nette du compte s'élevait à 1'555'334 USD 30.

e. H______ n'avait ni conjoint, ni descendant.

Elle a laissé trois frères et sœur survivants, soit E______, F______ et G______, les enfants d'un frère prédécédé : C______ et D______, ainsi qu'un demi-frère et deux demi-sœurs : I______, J______ et K______.

f. Le 1er juillet 2013, I______, J______ et K______ ont refusé la succession de H______, devant un notaire à Beyrouth.

g. B______ a accepté de bloquer en interne le compte n° 1______ dès le 3 juillet 2013, jusqu'à réception d'instructions communes et concordantes des intimés ______ et de A______, fils de I______.

h. Par jugement du 6 août 2013, le Tribunal de première instance de ______ (Liban) a décidé d'inscrire la déclaration de refus de la succession signée par I______, J______ et K______ et de limiter la succession de H______ aux intimés ______.

i. Après plusieurs échanges de courriers entre les conseils des intimés ______ et B______, la banque a indiqué à ceux-ci, par courrier du 24 avril 2015, que les interdictions formulées à son encontre par les intimés ______ d'effectuer tout transfert, tout paiement et toute opération sur instruction donnée par A______ en relation avec le compte bancaire n° 1______, n'étaient pas valables, et qu'elles ne faisaient pas l'objet de mesures judiciaires en ce sens; les intimés ______ étaient dès lors invités à saisir la justice dans les trente jours.

D.           a. Par requête déposée au Tribunal le 29 avril 2015, dirigée contre B______ et A______, les intimés ______ ont notamment conclu, sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, avec suite de frais et dépens, au blocage de tous comptes, notamment le compte bancaire n° 1______, biens, espèces, valeurs, dépôts, coffres, titres, créances en toutes monnaies et de tout autre actif dont feue H______ était titulaire ou ayant-droit économique auprès de B______ et à ce qu'il soit fait interdiction à B______ de disposer de tout ou partie des actifs détenus au nom de feue H______ jusqu'à droit jugé.

b. Par ordonnance du 30 avril 2015, le Tribunal a fait droit à la requête de mesures superprovisionnelles des intimés ______.

c. B______ s'en est rapportée à justice s'agissant des conclusions en blocage et en interdiction formulées, dépens compensés.

d. A______ a conclu au rejet de la requête, sous suite de frais et dépens, et à ce que le Tribunal ordonne le déblocage de tous comptes, notamment le compte bancaire n° 1______, biens, espèces, valeurs, dépôts, coffres, titres, créances en toutes monnaies et de tout autre actif dont il est titulaire et ayant-droit économique auprès de B______, avec suite de dépens.

e. Lors de l'audience du 24 août 2015 du Tribunal, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives, A______ concluant au surplus à titre subsidiaire à la fixation de sûretés en cas de maintien des mesures prononcées par voie superprovisionnelle.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a gardé la cause à juger.

EN DROIT

1.             1.1 Selon l'art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC, l'appel est recevable contre les décisions de première instance sur les mesures provisionnelles, auxquelles la procédure sommaire est applicable (art. 248 let. d CPC), si la valeur litigieuse est d'au moins 10'000 fr.

La présente affaire portant sur un montant de 1'555'334 USD 30, la voie de l'appel est ouverte.

Pour le surplus, l'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), dans le délai utile de dix jours (art. 142
al. 3, 248 let. d, et 314 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC).

1.2 En appel, la Cour revoit la cause pour violation du droit et constatation inexacte des faits (art. 310 CPC).

Dès lors que la Cour examine librement l'application du droit, il n'y a pas d'obligation pour les parties d'articuler les griefs relevant de celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 5A_62/2014 du 17 octobre 2014 consid. 2.2).

1.3 Se référant à de la jurisprudence relative à la formulation des griefs devant le Tribunal fédéral et non en appel devant une instance cantonale (ATF 132 I 42 consid. 3.3.4 = JdT 2008 I 110), les intimés ______ concluent en substance à l'irrecevabilité de griefs formulés nouvellement par l'appelant dans sa réplique, concernant l'absence de vraisemblance de préjudice difficilement réparable.

Or, dès lors que ces griefs relèvent de l'examen de l'application du droit, il n'y a pas lieu de les déclarer irrecevables et la Cour se prononcera sur ceux-ci.

2.             2.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte qu'aux conditions suivantes : ils sont invoqués ou produits sans retard et ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (art. 317 al. 1 CPC).

L'établissement du droit étranger ne relève pas du fait mais du droit, raison pour laquelle la loi ne mentionne pas la preuve du droit mais son établissement (art. 16 al. 1 LDIP). Les éléments produits en vue d'établir le contenu du droit étranger ne sont donc pas soumis aux règles visant l'administration des preuves, en particulier les restrictions à la production des pièces nouvelles (ATF 138 III 232 consid. 4.2.4 net 119 II 93 consid. bb). Aussi, le dépôt d'un avis de droit échappe à l'interdiction de produire des pièces nouvelles, dans la mesure où il s'agit d'un argumentaire juridique visant à renforcer les moyens développés par une partie (ATF 132 III 83 consid. 3; arrêt du Tribunal 2C_491/2012 du 26 juillet 2012 consid. 1.4).

2.2 Les parties produisent en appel des présentations du droit libanais des successions et la loi libanaise du 23 juin 1959 sur les successions des non mahométans. Ces pièces, visant à établir le droit étranger, sont recevables.

3.             En raison de la nationalité libanais de la défunte et de son domicile dans ce pays, ainsi que du domicilie dans ce pays de l'appelant et des intimés ______, la cause revêt un caractère international (ATF 136 III 142 consid. 3.2.1; 132 III 609 consid. 4).

Le juge suisse saisi examine d'office sa compétence, sur la base du droit international privé suisse en tant que lex fori (ATF 136 III 142 consid. 3.2; 135 III 259 consid. 2.1; 133 III 37 consid. 2).

En l'absence d'une convention entre la Suisse et le Liban applicable aux mesures provisionnelles en matière successorale, il y a lieu, pour statuer sur ces aspects, de se référer à la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP).

Si le défunt avait son dernier domicile à l'étranger et laisse des biens en Suisse, les autorités suisses du lieu de situation de ces biens prennent les mesures nécessaires à la protection provisionnelle de ceux-ci (art. 89 LDIP).

A la lumière de cette disposition, les parties ne contestent pas, à raison, la compétence des tribunaux suisses.

4.             Il convient d'examiner le droit applicable aux mesures provisionnelles, aux prétentions des intimés ______ et à la clause d'exclusion des héritiers prévue dans le contrat de compte-joint.

4.1 En matière successorale, les autorités suisses du lieu de situation, appliquant le droit suisse (art. 92 al. 2 LDIP), prennent les mesures nécessaires à la protection provisionnelle des biens situés en Suisse et laissés par le défunt étranger dont le dernier domicile était à l'étranger (art. 89 LDIP; ATF 122 III 213 consid. 4a =
SJ 1996 p. 680; ACJC/1208/2001 du 22 novembre 2001 consid. 3a).

La succession d'une personne qui a eu son dernier domicile à l'étranger est régie par le droit que désignent les règles de droit international privé de l'Etat dans lequel le défunt était domicilié (art. 91 al. 1 LDIP).

Si le défunt était domicilié à l'étranger à son décès, la validité d'une clause d'exclusion des héritiers, s'agissant de ses effets sur les droits matériels des héritiers, doit s'apprécier, dans une perspective suisse, à la lumière du droit désigné par les règles de droit international privé de l'Etat dans lequel le défunt était domicilié (art. 91 al. 1 LDIP) ou par la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires (art. 93 al. 1 LDIP) (Rochat/Fischer, Compte joint et clause d'exclusion des héritiers : de la difficulté de servir plusieurs maîtres, in successio 2012 p. 240).

4.2 En l'espèce, à la lumière de la jurisprudence rappelée ci-dessus, les mesures provisionnelles doivent être examinées au regard du droit suisse et les prétentions successorales des intimés ______ à celui du droit désigné par le droit international privé libanais, étant donné le dernier domicile de la défunte dans ce pays.

S'agissant de la clause d'exclusion des héritiers prévue dans le contrat de compte-joint, sa validité à l'égard du rapport entre les titulaires et la banque s'examine selon le droit suisse comme stipulé dans le contrat; son effet sur les rapports entre l'appelant et les héritiers de la défunte relève du droit désigné par les règles de droit international privé libanais, étant précisé que le Liban n'est pas partie à la Convention de La Haye sur les conflits de lois en matière de forme des dispositions testamentaires.

5.             L'appelant soutient que, s'agissant des aspects du litige soumis au droit libanais, l'absence de preuve de ce droit par les intimés ______ aurait dû conduire le premier juge à rejeter la requête.

5.1 Le contenu du droit étranger est établi d'office. A cet effet, la collaboration des parties peut être requise. En matière patrimoniale, la preuve peut être mise à la charge des parties. Le droit suisse s'applique si le contenu du droit étranger ne peut pas être établi (art. 16 al. 1 et 2 LDIP). La preuve peut porter, dans les litiges patrimoniaux, sur le droit étranger (art. 150 CPC).

L'art. 16 al. 1 LDIP consacre l'obligation pour le juge cantonal d'établir d'office le droit étranger (ATF 118 II 83 consid. 2a), sans s'en remettre au bon vouloir des parties, auxquelles il doit toutefois donner la possibilité de s'exprimer quant au droit applicable à un stade de la procédure qui précède l'application de ce droit (ATF 121 III 436 consid. 5a). Même si les parties n'établissent pas le contenu du droit étranger, le juge doit, en vertu du principe "iura novit curia", chercher à déterminer ce droit, dans la mesure où cela n'est ni intolérable ni disproportionné. Ce n'est que lorsque les efforts entrepris n'aboutissent pas à un résultat fiable, ou qu'il existe de sérieux doutes quant au résultat obtenu (ATF 128 III 346
consid. 3.2.1), que le droit suisse peut être appliqué en lieu et place du droit étranger normalement applicable (art. 16 al. 2 LDIP).

L'application de l'art. 16 LDIP aux litiges soumis à la procédure sommaire
(art. 248 ss CPC), en particulier aux mesures provisionnelles (art. 261 ss CPC), fait l'objet de controverses (ATF 140 III 456 consid. 2.4; Mächler-Erne/Wolf-Mettier, in Basler Kommentar, Internationales Privatrecht, 3e éd. 2013, nos 16 et 20 ad art. 16 LDIP; Scharmm/Buhr, in Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, Internationales Privatrecht, 2 ème éd., 2012, n° 15 ad art. 10 LDIP; Knoepfler et al., Droit international privé suisse, 3e éd. 2005, n. 468).

En matière de séquestre (art. 271 ss LP), domaine où le juge procède à un examen sommaire du bien-fondé de la créance alléguée, le Tribunal fédéral a jugé qu'il n'était pas arbitraire, vu l'urgence qu'une telle mesure implique, "de renoncer à établir le contenu du droit étranger et d'appliquer directement le droit suisse" et que si le juge décidait néanmoins d'appliquer le droit étranger, il n'était pas tenu de faire usage de tous les moyens à sa disposition pour en déterminer le contenu, comme le ferait le juge dans la procédure au fond (arrêts du Tribunal fédéral 5A_60/2013 du 27 mai 2013 consid. 3.2.1.2; 5P.355/2006 du 8 novembre 2006 consid. 4.3).

Le Tribunal fédéral a également rappelé la possibilité de renoncer à établir le contenu du droit étranger et d'appliquer directement le droit suisse dans une affaire de mesures provisoires dans une procédure de divorce. La Cour cantonale avait à se déterminer sur la possibilité d'ordonner une saisie provisionnelle sur des biens détenus par des trusts à l'étranger, en application de l'art. 178 CC. Elle avait appliqué le droit suisse à la notion de "Durchgriff" entre l'un des époux et les trusts étrangers, alors que cette question s'examine en principe selon le droit applicable à la société (arrêt du Tribunal fédéral 5A_259/2010 du 26 avril 2010 consid. 7.3.2.2).

Dans une affaire de mainlevée, le Tribunal fédéral a jugé que le fait que le juge n'ait pas d'obligation de rechercher d'office le contenu du droit étranger ne dispensait pas le poursuivant d'établir ce droit, dans la mesure où l'on pouvait raisonnablement l'exiger de lui, même s'il n'y avait pas été invité par le juge. Dès lors que le poursuivant n'avait pas voué la moindre attention à la question du droit applicable, alors qu'elle se posait inévitablement, la requête de mainlevée pouvait être rejetée (ATF 140 III 456 consid. 2.4 et les références citées; arrêt du Tribunal fédéral 5P.422/1999 du 13 mars 2000 consid. 3b).

5.2 En l'espèce, en raison de l'exigence de célérité de la procédure de mesures provisionnelles, il ne saurait être exigé du juge qu'il détermine le contenu du droit étranger applicable.

La présente procédure en blocage de compte et en interdiction de disposition se rapproche plus des procédures de séquestre et de saisie provisionnelle pour lesquelles le Tribunal fédéral a admis l'application supplétive du droit suisse, que de la procédure de mainlevée pour laquelle le Tribunal fédéral privilégie le rejet de la demande.

Ainsi, si les parties à la présente procédure n'établissent pas le droit applicable, la Cour appliquera, à titre supplétif, le droit suisse.

6.             L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir prononcé le blocage du compte et l'interdiction de disposer.

6.1.1 Le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC).

Rendre vraisemblable la prétention signifie que le requérant doit rendre vraisemblables, d'une part, les faits à l'appui de celle-ci et d'autre part, que la prétention fonde vraisemblablement un droit, soit que le droit matériel invoqué existe et que le procès a des chances de succès (arrêt du Tribunal fédéral 5P.422/2005 consid. 3.2).

Le juge peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 131 III 473 consid. 2.3). Il n'est pas nécessaire que le juge soit convaincu de l'exactitude de l'allégué présenté; il suffit que sur la base d'éléments objectifs, le fait en cause soit rendu probable, sans que le juge doive pour autant exclure la possibilité que les faits aient aussi pu se dérouler autrement (ATF 130 III 321 consid. 3.3 = JdT 2005 I 618; 120 II 393 consid. 4c; 88 I 11 consid. 5a = JdT 1962 I 590). Le juge se fondera sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, soit en principe uniquement les pièces (art. 254 CPC; ATF 131 III 473
consid. 2.3).

Le préjudice difficilement réparable de l'art. 261 al. 1 let. b CPC est principalement de nature factuelle; il concerne tout préjudice, patrimonial ou immatériel, et peut même résulter du seul écoulement du temps pendant le procès (ATF 138 III 378 consid. 6.3). Cette condition est remplie même si le dommage peut être réparé en argent, s'il est difficile à évaluer ou à démontrer ou que la décision serait difficilement exécutée (ACJC/1311/2011 du 17 octobre 2011 consid. 4.1).

La mesure doit être proportionnée au risque d'atteinte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1 et 4.5).

6.1.2 En matière successorale, pour que les mesures conservatoires soient ordonnées, il est nécessaire et suffisant que la prétention successorale invoquée par l'héritier n'apparaisse pas d'emblée infondée (ATF 122 III 213 consid. 4a, rendu sous l'angle de l'art. 598 aCC).

Les héritiers qui, selon le droit étranger applicable à la succession, rendent vraisemblable l'existence de droits successoraux sur les avoirs déposés auprès d'une banque suisse, peuvent en obtenir la saisie conservatoire (fondée sur
l'art. 598 al. 2 aCC), malgré la clause d'exclusion d'héritiers figurant dans les conditions du contrat de compte-joint (arrêt du Tribunal fédéral 5P.17/2002 du
12 février 2002; Thévenoz/Zobl, Le droit bancaire privé suisse 2002-2003, in RSDA 2003 p. 206, p. 213). Tel est le cas par exemple, si le défunt est désigné comme le seul ayant-droit du compte, qu'il n'est pas contesté que les fonds provenaient de sa fortune et que le co-titulaire indique que le défunt lui a fait don de cette partie du patrimoine, sans fournir de précision notamment quant à la question de savoir s'il s'agissait d'une libéralité entre vifs ou d'une disposition pour cause de mort (ACJC/1208/2001 du 22 novembre 2001).

6.1.3 La jurisprudence suisse admet la validité des clauses d'exclusion des héritiers dans les contrats de compte-joint (ATF 94 II 167 consid. 4 = JdT 1969 I 549; ACJC/1208/2001 du 22 novembre 2001).

Selon la doctrine suisse, la clause d'exclusion des héritiers "a une portée purement contractuelle et n'est pas considérée comme une disposition pour cause de mort […]. Le titulaire survivant acquiert certes le droit de disposer des actifs à l'égard de la banque; cette circonstance ne le libère pas des obligations qu'il peut avoir à l'égard des héritiers du défunt en ce qui concerne ces actifs, compte tenu des rapports juridiques que les titulaires entretenaient entre eux. [… Si les deux titulaires sont désignés comme ayants droit économiques des avoirs], au décès d'un titulaire, le titulaire survivant a automatiquement la qualité de seul ayant droit économique; […] cela ne signifie pas qu'il n'aura pas peut-être une obligation de restitution ou d'indemnisation à l'égard des héritiers du défunt" (Lombardini, Secret bancaire et droit à l'information des héritiers, in Not@lex 2012, p. 93, p. 102-103).

6.1.4 Selon l'art. 1 de la loi libanaise du 23 juin 1959 sur les successions de non mahométans, "les biens et les droits du défunt, sont transmis à ses héritiers ab intestat, ou aux personnes désignées par testament, suivant les dispositions [de ladite loi]".

Selon l'art. 2, "La succession s'ouvre et est transmise par la mort naturelle du de cujus […]".

S'agissant de la forme du testament, les art. 54 à 57 de la loi susmentionnée prévoient la forme authentique ou la forme écrite, soit un acte écrit en entier, signé et daté de la main du testateur et remis par celui-ci en personne ou par son mandataire spécial, sous enveloppe scellée à la cire rouge au notaire qui authentifie le cachet, étant précisé que, si le testament est fait en pays étranger, il doit être remis à un notaire ou au consul du Liban.

6.1.5 En droit suisse, l'action en pétition d'hérédité appartient à quiconque se croit autorisé à faire valoir, comme héritier légal ou institué, sur une succession ou sur des biens qui en dépendent, des droits préférables à ceux du possesseur (art. 598 al. 1 CC).

6.2.1 En l'espèce, aucune des parties n'a apporté d'éléments de preuve s'agissant de l'origine des fonds déposés sur le compte n° 1______ auprès de la banque. Ainsi, il ne peut pas être exclu que l'intégralité des fonds sur le compte ait été apportée par l'appelant.

Or, il n'est pas contesté que la défunte était co-titulaire et co-ayant-droit du compte avec l'appelant. Ce faisant, les intimés ______ ont rendu vraisemblable que les fonds sur le compte appartenaient à la défunte jusqu'à son décès, à tout du moins partiellement.

Il n'est pas contesté par les parties que la succession de la défunte est intervenue ab intestat et que les intimés ______ ont été désignés par un tribunal libanais comme les seuls héritiers de la défunte.

A la lumière du droit libanais produit, en particulier des art. 1 et 2 de la loi libanaise précitée, il a été rendu vraisemblable que les biens de la défunte ont été transmis aux intimés ______, au décès de celle-ci.

6.2.2 S'agissant de la clause d'exclusion d'héritiers contenue dans le contrat de compte-joint, rien ne permet de conclure qu'elle vaudrait donation entre vifs ou disposition pour cause de mort et qu'elle exclurait, comme le soutient l'appelant, que les héritiers légaux de la défunte puissent lui succéder en relation avec les fonds sur ce compte.

La question de l'effet de la clause d'exclusion d'héritiers entre l'appelant et la défunte, respectivement ses héritiers, doit être examinée, comme déterminé ci-dessus, selon le droit désigné par le droit international privé libanais.

Les parties n'ont pas produit de pièces relatives au droit international privé libanais. Le droit applicable reste ainsi indéterminé.

Il convient dès lors d'appliquer à titre supplétif le droit suisse à cette question. La clause d'exclusion des héritiers prévue dans le contrat de compte-joint n'emporte pas la modification des relations entre la défunte, respectivement ses héritiers, et l'appelant. Elle ne constitue pas en particulier une disposition pour cause de mort.

L'art. 5 du contrat de compte-joint exclut en outre que celui-ci ait un effet sur les rapports entre les co-titulaires.

A titre superfétatoire, il sera relevé que, en droit libanais, la clause d'exclusion d'héritiers ne remplirait ni les conditions de l'acte authentique, ni celles de la forme écrite requise pour le testament et que l'existence en droit libanais d'une autre institution juridique permettant la transmission de la propriété des fonds de la défunte à l'appelant, pour cause de mort, n'est pas rendue vraisemblable.

Au stade de la vraisemblance, la Cour retiendra donc que la rédaction du contrat de compte-joint, en particulier la clause d'exclusion des héritiers, n'a pas d'effet sur la propriété des fonds sur le compte litigieux.

6.2.3 Dès lors qu'il n'a ainsi pas été rendu vraisemblable que la clause d'exclusion d'héritiers du contrat de compte-joint constituerait une donation entre vifs ou une disposition pour cause de mort, il n'y a pas lieu de déterminer si les intimés ______ ont la qualité d'héritiers réservataires, contrairement à ce que soutient l'appelant.

6.2.4 L'appelant fait encore valoir que les intimés ______ n'auraient pas rendu vraisemblables leurs prétentions juridiques sur le compte n° 1______, dès lors qu'ils n'ont pas démontré avoir, en droit libanais, une action par laquelle l'hoirie pourrait faire valoir des droits préférentiels, en général de propriété, à l'encontre du possesseur d'un bien.

Or, même à suivre l'appelant, le droit suisse, appliqué à titre supplétif en l'espèce, connait l'action en pétition d'hérédité de l'art. 598 al. 1 CC, évoquée par l'appelant comme exemple d'action dont les intimés ______ devraient prouver l'existence en droit libanais.

Dès lors que les intimés ______ ont rendu vraisemblable qu'à tout du moins une partie des fonds sur le compte litigieux était la propriété de la défunte avant son décès, qu'elle leur est dévolue par succession et que le contrat de compte joint ne vaut pas disposition pour cause de mort en faveur de l'appelant, il y a lieu de retenir qu'à la lumière du droit suisse appliqué à titre supplétif, les intimés ______ ont rendu vraisemblable leur prétention en pétition d'hérédité.

6.2.5 Vu le litige entre les parties et la vraisemblance des prétentions successorales des intimés ______ sur le compte litigieux, il est vraisemblable que l'absence de blocage du compte n° 1______ pourrait conduire l'appelant à disposer des fonds déposés sur celui-ci.

S'il ne peut être exclu que le dommage résultant du déblocage du compte soit, à terme, réparé par un paiement de l'appelant du montant correspondant à d'éventuelles prétentions successorales des intimés ______, il n'en demeure pas moins que, si les avoirs déposés sur le compte litigieux en sont retirées, les démarches visant à la représentation des fonds pourraient se révéler compliquées.

Il y a ainsi lieu d'admettre la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable.

6.2.6 Enfin, dès lors qu'aucune des parties n'a apporté d'éléments relatifs à l'origine des fonds sur le compte litigieux et que la détermination de la quotité des éventuelles prétentions de l'appelant sur celui-ci est ainsi impossible, il convient d'ordonner le blocage de l'intégralité du compte n° 1______.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, cette mesure apparaît dès lors proportionnée.

6.3 C'est ainsi à bon droit que le Tribunal a ordonné le blocage des avoirs et l'interdiction de disposer. La décision sera confirmée.

7.             L'appelant fait grief au Tribunal de ne pas avoir astreint les intimés ______ à fournir des sûretés.

7.1 Le tribunal peut astreindre le requérant à fournir des sûretés si les mesures provisionnelles risquent de causer un dommage à la partie adverse (art. 264
al. 1 CPC).

Les sûretés servent de caution pour le dommage éventuel que la partie adverse peut subir du fait de mesures provisionnelles injustifiées. Selon la doctrine, les sûretés doivent couvrir, en sus du dommage prévisible, les dépens de la procédure de mesures provisionnelles. L'affirmation toute générale selon laquelle le requérant doit s'attendre à une importante charge financière, en particulier en raison de la procédure, ne suffit pas à rendre vraisemblable que les défendeurs encourraient un dommage au sens de l'art. 264 CPC (arrêt du Handelsgericht Berne du 5 mai 2011 (HG 11 13)).

L'exigence de sûretés dépend des circonstances de l'espèce. Elles supposent une pesée des intérêts en présence et se fondent sur la vraisemblance du dommage. Leur montant doit être fonction du préjudice que risque de subir la partie contre laquelle les mesures sont ordonnées. Plus le droit du requérant paraît fondé, moins le dépôt de sûretés se justifie (Bohnet, Code de procédure civile commenté, Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/Tappy, 2011, n. 5 ad art. 264 CPC).

7.2 En l'espèce, l'appelant n'a rendu vraisemblable ni la nature, ni le montant du prétendu préjudice qu'il risque de subir.

Rien n'indique non plus que la situation financière des intimés ______ ne permettrait pas à ceux-ci de répondre d'un éventuel dommage consécutif au blocage litigieux.

C'est ainsi à bon droit que le Tribunal n'a pas imposé aux intimés ______ le versement de sûretés.

7.3 La décision entreprise sera ainsi confirmée.

8.             8.1 L'appelant, qui succombe, sera condamné aux frais judiciaires, arrêtés à
4'000 fr. (art. 95 al. 2 let. b et d, art. 106 al. 1 et 3, art. 111 al. 2 CPC; art. 26 et 37 RTFMC).

Ces frais seront compensés avec l'avance fournie par l'appelant, qui reste dès lors acquise à l'Etat de Genève à hauteur du montant précité (art. 111 al. 1 CPC).

8.2 L'appelant sera également condamné à verser des dépens de 2'000 fr., débours et TVA inclus, aux intimés ______ (art. 95 al. 3 CPC, 84 et ss RTFMC et 23 al. 1, 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 4 janvier 2016 par A______ contre l'ordonnance OTPI/743/2015 rendue le 21 décembre 2015 par le Tribunal de première instance dans la cause C/8584/2015-4 SP.

Au fond :

Confirme l'ordonnance entreprise.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 4'000 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A______ à verser à C______, D______, E______, F______ et G______, pris conjointement et solidairement, un montant de 2'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.