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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/1783/2015

ACJC/1534/2016 du 21.11.2016 sur JTBL/246/2016 ( OBL ) , JUGE

Descripteurs : CONTESTATION DU CONGÉ ; RÉSILIATION ABUSIVE ; SOUS-LOCATION
Normes : CO.266a.1; CO.262.2; CO.271i;
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1783/2015 ACJC/1534/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 21 NOVEMBRE 2016

 

Entre

Madame A______ et Monsieur B______, domiciliés ______, appelants d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 18 mars 2016, représentés par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle ils font élection de domicile,

et

C______, p.a. D______, ______ Genève, intimés, comparant par Me Jacques BERTA, avocat, place Longemalle 1, 1204 Genève, en l'étude duquel ils font élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/246/2016 du 18 mars 2016, communiqué pour notification aux parties le 21 mars 2016, le Tribunal des baux et loyers a déclaré valables les congés notifiés le 12 janvier 2015 par les C______ à A______ et B______ concernant l’appartement de 5 pièces situé au 5ème étage de l’immeuble sis ______ (Genève) et l’emplacement de parking extérieur n° 36 (ch. 1 du dispositif), a accordé à A______ et B______ une unique prolongation de bail échéant le 31 juillet 2016 (ch. 2), a autorisé A______ et B______ à résilier leurs baux en tout temps moyennant un préavis écrit de quinze jours pour le 15 ou la fin d’un mois (ch. 3), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4), et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

En substance, le Tribunal a retenu que la résiliation était motivée par une sous-location partielle non autorisée et non autorisable de la chose louée. Tenant compte de la très longue durée des rapports de bail, de l’âge respectable des locataires, de l’absence de besoin urgent de la bailleresse, mais également de l’absence de recherche des locataires et de leur séjour en Italie, le Tribunal a considéré qu’une unique prolongation d’un an se justifiait.

B. a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 3 mai 2016, A______ et B______ (ci-après : les locataires) forment appel contre ce jugement, dont ils sollicitent l'annulation. Ils concluent à l’annulation des congés, subsidiairement, à l’octroi d’une prolongation de bail d’une durée de 4 ans.

Ils exposent que la sous-location était autorisable, ce qui doit conduire à l’annulation du congé et, s’agissant de la prolongation, que la durée octroyée est arbitraire au vu des faits de la cause.

Ils produisent à l’appui de leur appel des pièces nouvelles attestant de leur inscription auprès de diverses institutions en vue de retrouver un logement. Ces pièces ne sont pas datées, à l’exception d’une attestation du 26 novembre 2015. Les appelants n’indiquent pas pour quel motif ils n’auraient pas été en mesure de produire ces éléments plus tôt, se contentant de faire valoir, sommairement, qu’ils n’avaient pas été en mesure de les produire devant les premiers juges.

b. Dans leur réponse du 3 juin 2016, les C______ (ci-après : la bailleresse) concluent à la confirmation du jugement entrepris.

Ils exposent que les locataires n’ont pas requis d’autorisation de sous-location et que les sous-locataires se sont livrés à des activités illicites ayant justifié l’intervention de la police, de telle manière que le lien de confiance était rompu. Ils relèvent que la sous-location n’était pas autorisable, déjà en raison du fait que les sous-locataires étaient démunis d’une autorisation de séjour. S’agissant de la prolongation de bail, ils relèvent que les locataires n’ont pas fait d’efforts suffisants pour trouver une solution de relogement, cas ils souhaitaient en réalité le conserver et qu’ils vivaient une partie de l’année en Italie.

c. Les locataires n’ont pas fait usage de leur droit de réplique dans le délai qui leur a été imparti pour ce faire.

d. Les parties ont été informées le 9 août 2016 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. Les C______ et E______ (ex-époux de A______) ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur un logement de 5 pièces n° 52 au 5ème étage de l’immeuble sis ______, avec effet dès le 1er août 1980, ceci en date du 24 juin 1980. A______ a dès lors vécu dans ce logement avec son ex-époux.

b. Le 17 juillet 1989, après le divorce de E______ et A______, les C______ et A______ (ancien nom de A______), déjà domiciliée dans le logement, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur le même logement avec effet au 1er août 1989, pour une durée d’une année, soit au 31 juillet 1990, par la suite renouvelable tacitement d’année en année, sauf congé donné trois mois à l’avance. Le loyer annuel convenu s’élevait à 10'800 fr.

Parallèlement, les parties ont conclu un contrat de bail à loyer le 18 mai 1989 portant sur un emplacement de parking n° 36 sis devant les immeubles 90 à 98 rue ______. Le loyer annuel convenu s’élevait à 600 fr.

c. Par la suite, en 2000, A______ a épousé B______ qui l’a rejointe dans le logement.

d. La régie en charge de la gérance de l’immeuble a écrit le 10 février 2011 à A______ avoir appris que son logement était sous-loué en tout ou partie. Il était rappelé qu’une telle sous-location était soumise à l’approbation du bailleur, et demandé que le contrat de sous-location lui soit transmis.

A______ a répondu le 14 février 2011, en indiquant qu’elle habitait le logement avec son mari, et qu’elle avait dépanné une jeune personne en l’hébergeant en toute humanité. Elle ne sous-louait pas son appartement.

e. Par ordre de dépôt du Ministère public du 26 novembre 2014, la régie en charge de la gérance de l’immeuble a été informée qu’une procédure pénale était ouverte à l’encontre des époux A______ et B______, du chef d’incitation au séjour illégal au sens de l’art. 116 LEtr, et de ce qu’il résultait des éléments du dossier qu’une partie du logement loué avait été mise à disposition de deux ressortissants étrangers démunis d’autorisation de séjour pour un montant de 500 fr. par mois et par personne.

f. Par avis de résiliation du bail du 12 janvier 2015, les C______ ont déclaré mettre fin au contrat de bail concernant l’appartement de 5 pièces n° 52 avec effet au 31 juillet 2015, ou toute autre échéance légale, et au contrat de bail du parking extérieur n° 36 avec effet au 31 mai 2015, ou toute autre échéance légale. Ces avis ont été adressés tant à A______ qu’à B______.

g. En réponse à la demande des locataires, la régie leur a écrit le 19 janvier 2015, en leur indiquant avoir été informée récemment d’une sous-location partielle à un loyer abusif, et sans autorisation du bailleur. Il était expliqué que les sous-locataires avaient été impliqués dans des « histoires » de stupéfiants, ce qui avait nécessité l’intervention des services de police. Le bailleur s’interrogeait sur la sécurité de ses locataires, et souhaitait par ailleurs mettre le logement à disposition d’un de ses employés.

h. Ces congés ont été contestés en temps utile, par des requêtes de deux mandataires distincts, datées des 30 janvier et 9 février 2015, auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, laquelle a délivré l’autorisation de procéder le 27 avril 2015. Après cela, les contestations de congé ont été introduites le 26 mai 2015 au Tribunal, puis jointes par ordonnance du 10 juillet 2015.

Les époux A______ et B______ ont contesté que le logement ait été sous-loué à un prix abusif, et que leur sous-locataire ait été impliqué dans des « histoires » de stupéfiants, ayant nécessité l’intervention de la police. Ils ont précisé que A______ était âgée de 73 ans et B______ de 78 ans, et ont produit différents éléments attestant de leur état de santé difficile. Selon les éléments médicaux produits, A______ souffre d’une affection psychologique importante et de problèmes de santé chroniques et récurrents, incompatibles avec un déménagement. B______ avait subi l’excision d’un carcinome de la peau et souffrait de différentes pathologies au niveau du genou.

Selon des documents joints à leur requête, les époux A______ et B______ bénéficiaient en 2015 de revenus ascendant à 3'535 fr. composés de rente des 1er et 2ème piliers, ainsi que de prestations complémentaires.

Ils avaient décidé de sous-louer une chambre ou deux, par le biais d’une petite annonce. Une personne s’était présentée et ils s’étaient fiés à sa bonne foi. Une chambre meublée avait été sous-louée, y compris l’utilisation du « wifi » et diverses tâches ménagères effectuées par A______, ceci sans contrat écrit.

Le sous-locataire avait quitté les lieux, tout en proposant deux autres personnes pour le remplacer, lesquelles avaient affirmé être de nationalité grecque et travailler dans la restauration. La police était intervenue en novembre 2014 à leur domicile, les deux sous-locataires ayant été arrêtés. En tout et pour tout, ils n’avaient encaissé que 1'000 fr, et avaient agi par désespoir. Ils n’avaient plus l’intention de sous-louer, et considéraient la résiliation comme disproportionnée.

i. Dans leur réponse du 17 août 2015, les C______ ont indiqué que le lien de confiance était rompu en raison de la sous-location non autorisée, à des conditions abusives, à des personnes apparemment impliquées dans un trafic de stupéfiants, ce qui avait été appris par communication du Ministère public.

j. Lors de l’audience du 30 octobre 2015 du Tribunal, le conseil des locataires a exposé que B______ souffrait d’un cancer évolutif et sollicité l’audition des deux médecins de époux A______ et B______, de même que du fils de A______. Le représentant de la bailleresse a sollicité l’audition du concierge de l’immeuble, ainsi que d’une personne susceptible d’orienter le Tribunal sur la nouvelle politique de gestion immobilière de la bailleresse.

Le conseil des locataires a encore indiqué que la sous-location à laquelle il avait été procédé en 2011 n’était que partielle, soit une ou deux pièces au maximum, pendant quelques mois, moyennant un sous-loyer de 400 fr. à 500 fr., comprenant le ménage, certains repas et l’entretien du linge personnel du sous-locataire. Compte tenu de leur état de santé, le représentant des locataires ne pensait pas que ces derniers avaient entrepris des démarches de relogement, et ne lui avaient en tout cas remis aucune preuve en ce sens.

k. Par ordonnance de preuve du 11 novembre 2015, le Tribunal a admis l’audition du concierge, F______. L’audition des autres témoins a été écartée par appréciation anticipée des preuves.

l. A l’audience du 27 novembre 2015, A______ a déclaré qu’elle avait habité l’immeuble une première fois à partir de 1965, puis qu’elle l’avait quitté pendant une dizaine d’années avant d’y revenir en 1980. Elle avait commencé à rechercher un nouveau logement, mais n’avait en fait pas l’intention de partir en raison des problèmes de santé de son mari. Elle a déposé à l’audience des certificats médicaux attestant que B______ présentait une péjoration de son état anxio-dépressif qui ne lui permettait pas de comparaître au Tribunal, et de ce qu’elle-même était suivie en raison d’un trouble dépressif associé à des troubles cognitifs marqués par des pertes de mémoire. Le psychiatre signataire de l’attestation estimait que A______ ne pouvait pas subir de fortes frustrations et que tout changement devait être évité pour permettre à sa patiente de garder ses repères. Compte tenu de son âge, il était indispensable qu’elle occupe son appartement pour son équilibre psychique et sa qualité de vie.

S’agissant de la sous-location, A______ a confirmé le contenu de sa requête, expliquant qu’elle avait loué pour 500 fr. par mois à une personne, la sous-location devant durer jusqu’au mois de novembre. La deuxième personne s’était présentée alors que A______ se trouvait absente en Italie, et n’avait été vue que par sa petite-fille. Durant l’intervention de la police, son mari et elle-même avaient été menottés. Comme c’était le cas pour la sous-location de 2011, elle faisait la lessive et le repassage. En son absence, c’est sa petite-fille qui s’en chargeait, car c’est elle qui percevait les 500 fr. de sous-location en raison du fait qu’elle se trouvait au chômage. Elle comptait dire au sous-locataire le 30 novembre 2014 qu’il devrait quitter le jour même, elle n’avait jamais soupçonné que le sous-locataire se livrait au trafic de stupéfiants ni rien remarqué de bizarre. Elle n’avait pas pensé à annoncer la sous-location à la régie car elle ne savait pas qu’elle devait le faire. Elle avait reçu une lettre de la régie, mais ne lisait pas le français et l’avait mise de côté. La lettre du 14 novembre 2011 avait été écrite pour elle, après quoi elle l’avait signée.

Le représentant de la bailleresse a indiqué que le motif de la résiliation était la sous-location et la question de la sécurité des autres locataires. Le fait de relouer l’appartement à des employés n’était pas le motif du congé. Les appartements étaient loués aux employés, mais les baux n’étaient pas résiliés lorsque les locataires n’étaient plus employés. Le bail avait été résilié car il y avait des trafiquants de drogue dans l’appartement.

m. Lors de la même audience, le témoin F______, concierge de l’immeuble, a déclaré s’occuper de la conciergerie depuis 2006. Il était présent lors de l’intervention de la police en novembre 2014. La police lui avait montré une photo, il avait reconnu une personne habitant chez A______. Cette personne, qui avait été interpellée par la police, habitait l’immeuble depuis l’été. En 2013, il y avait eu deux autres personnes qui vivaient en même temps chez A______ et B______. Selon lui, il y avait toujours quelqu’un qui vivait chez A______ et B______. En 2010, il s’était rendu chez eux avec une personne de la régie, qui leur avait expliqué que s’il y avait quelqu’un qui logeait chez eux, ils devaient en communiquer le nom à la régie. A la suite de l’intervention de la police, il n’avait plus vu de nouvelles personnes chez A______. Il n’avait pas parlé à A______ de la présence de différentes personnes habitant chez elle, car elle se trouvait fréquemment en Italie.

n. Par plaidoiries finales écrites du 8 janvier 2016, A______ et B______ ont persisté dans leurs conclusions, contestant les affirmations du concierge qui, si elles avaient été vraies, auraient fait l’objet d’un signalement à la régie. Selon eux, le congé était contraire à la bonne foi, et consacrait une disproportion manifeste des intérêts en présence.

Dans leurs plaidoiries finales écrites du même jour, les C______ ont persisté également dans leurs conclusions, insistant sur le fait que les sous-locations de 2011 et 2014 ne constituaient pas des cas isolés, l’appartement litigieux étant en permanence sous-loué, A______ n’ayant formulé que de fausses déclarations pour égarer le Tribunal. Les C______ ne croyaient pas à la situation de santé alléguée par A______ et B______, ceux-ci étant en mesure de voyager plusieurs fois par année à l’étranger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4C.310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493 consid. 1).

Lorsque l'action ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement erronée (art. 91 al. 2 CPC). La détermination de la valeur litigieuse suit les mêmes règles que pour la procédure devant le Tribunal fédéral (RETORNAZ in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 363; SPÜHLER, BSK ZPO, 2ème éd., n. 9 ad art. 308 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1).

1.2 En l'espèce, le loyer annuel du logement, charges comprises, s'élève à 10'800 fr., et celui du parking à 600 fr.

En prenant en compte la durée de protection de trois ans prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr. (11’400 fr. x 3 ans = 34'200 fr.).

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; HOHL, Procédure civile, tome II, 2010, n. 2314 et 2416; RETORNAZ, op. cit., p. 349 ss, n. 121).

2. 2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (JEANDIN, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2011, n. 6 ad art. 317 CPC).

2.2 En l'espèce, les pièces nouvelles produites par les locataires à l’appui de l’appel sont soit non datées, soit datées d’une époque où elles pouvaient être produites devant les premiers juges. Les appelants n’expliquent pas pour quel motif ils auraient été empêchés de produire ces pièces devant les premiers juges. Ainsi, ces pièces sont irrecevables, ainsi que les allégués de fait s’y rapportant.

3. 3.1 Les parties au contrat sont libres de résilier un bail de durée indéterminée pour le prochain terme légal ou contractuel. La résiliation ordinaire ne suppose en effet pas l'existence d'un motif de résiliation particulier (art. 266a al. 1 CO); les parties sont fondamentalement libres de mettre fin au contrat de location pour autant qu'elles respectent les délais et échéances légaux ou contractuels (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).

La seule limite à la liberté contractuelle des parties découle du principe de la bonne foi : lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, la résiliation est annulable lorsqu'elle contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO; ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).

En principe, une résiliation contrevient aux règles de la bonne foi lorsqu'elle ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection. Tel est le cas lorsqu'il y a une disproportion crasse entre l'intérêt du locataire au maintien du contrat et l'intérêt du bailleur à y mettre fin. Le seul fait que la résiliation entraîne des conséquences pénibles pour le locataire n'est pas suffisant; le caractère pénible de la résiliation pour le locataire n'entre normalement en considération que dans le cadre de la prolongation du bail (art. 272 CO) (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).

Il appartient au destinataire de la résiliation ordinaire de prouver que celle-ci contrevient aux règles de la bonne foi. Cependant, celui qui l'a communiquée doit collaborer à l'administration de la preuve (art. 2 CC). En particulier, le bailleur doit motiver le congé si le locataire le demande (art. 271 al. 2 CO). Une motivation lacunaire ou fausse est un indice d'une absence d'intérêt digne de protection du bailleur (ATF 138 III 59 consid. 2.1).

Pour se prononcer sur la validité de la résiliation au regard des règles de la bonne foi, il faut se placer au moment où celle-ci a été notifiée (ATF 140 III 496 consid. 4.1 p. 497). Des faits survenus ultérieurement ne sont pas susceptibles d'influer a posteriori sur cette qualification; tout au plus peuvent-ils fournir un éclairage sur les intentions des parties au moment de la résiliation (ATF 138 III 59 consid. 2.1 in fine p. 62; arrêts 4A_430/2013 du 14 février 2014 consid. 2; 4A_623/2010 du 2 février 2011 consid. 2.4).

3.2 Lorsque la sous-location n’est que partielle, comme c’est le cas en l’espèce, que le locataire continue à utiliser les locaux, mais n’a pas obtenu le consentement du bailleur pour la sous-location, le bailleur peut valablement résilier le bail s’il était en droit de refuser son consentement à la sous-location. Les cas dans lesquels il dispose de ce droit, sont énumérés de manière exhaustive à l’art. 262 al. 2 CO, soit : lorsque le locataire refuse de lui communiquer les conditions de la sous-location (a), lorsque les conditions de la sous-location, comparées à celles du contrat de bail, sont abusives (b) et lorsque la sous-location présente pour le bailleur des inconvénients majeurs (c) (arrêt du Tribunal fédéral n. 4A_290/2015 du 9 septembre 2015, consid. 4.1 et 4.3.1).

La résiliation ordinaire est également valable si le simple fait de ne pas requérir le consentement préalable du bailleur est de nature à anéantir le lien de confiance qui lie le bailleur au locataire; en effet, le congé ordinaire donné comme sanction de ce fait n'est pas contraire aux règles de la bonne foi, et cela même si le bailleur a toléré la situation pendant un certain temps (ATF 138 III 59 consid. 2.2.2 et consid. 3; cf. ATF 134 III 446 consid. 2.2).

3.3 L'art. 271 al. 1 CO vise singulièrement toute résiliation qui dénote une attitude déloyale résultant d'une disproportion évidente entre les intérêts réciproques du bailleur et du locataire (ATF 132 III 737 consid. 3.4.2; 120 II 31 consid. 4a; Peter HIGI, Commentaire zurichois, 4e éd. 1996, n. 78 ss ad art. 271 CO).

Le Tribunal fédéral a notamment admis l’existence d’une disproportion manifeste des intérêts dans une affaire où la locataire avait plus de 54 ans et occupait son logement depuis plus de 23 ans, se trouvant sans emploi, avec une santé mauvaise et une vie sociale très restreinte. Sur le plan financier, elle se trouvait à l’aide sociale et attendait une décision de l’assurance invalidité. Cette situation était comparée à celle de la bailleresse, qui se trouvait être une société anonyme active dans l’achat, la vente, la promotion et la gérance de biens immobiliers, qui invoquait le besoin propre du fils de son actionnaire unique, lequel était propriétaire d’une grande habitation permettant de loger son fils, étudiant à l’université, lequel fils avait un emploi à temps partiel et affirmait qu’il avait besoin d’un appartement avec jardin pour le confort de son chien (arrêt du Tribunal fédéral n. 4A_297/2010 du 6 octobre 2010).

En revanche, une telle disproportion a été niée dans un cas où la locataire, médecin hospitalier disposant d’un revenu confortable, vivait dans l’appartement avec sa mère âgée, mais ne souffrant pas d’handicap. La mère de la locataire disposait elle-même de revenus et d’une fortune non négligeables. Cette situation était comparée à celle de la bailleresse, active dans l’achat et la vente de biens immobiliers et devant vendre un ou deux objets par année pour fonctionner normalement, laquelle avait choisi de résilier le bail pour vendre plus facilement l’appartement libre de tout occupant (arrêt du Tribunal fédéral n. 4A_484/2012 du 28 février 2013).

3.4 Dans un arrêt du 21 novembre 2014, le Tribunal fédéral a considéré qu’un bailleur qui disposait du choix de résilier le bail au moyen d’un congé ordinaire ou d’un congé extraordinaire, avait agi de manière inutilement rigoureuse en choisissant le congé ordinaire, compte tenu de l’ensemble des circonstances. En effet, la locataire rencontrait un problème humain, qui expliquait qu’elle n’ait pas usé de la chose louée avec le soin que prescrit l’art. 257f CO. Le Tribunal fédéral a notamment retenu que le congé extraordinaire aurait supposé une protestation écrite qui aurait permis à la locataire de rétablir une situation conforme à ses obligations. En n’agissant pas de cette manière, moins dommageable pour la locataire, la bailleresse avait contrevenu à l’art. 271 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral n. 4A_464/2014 du 21 novembre 2014 consid. 4).

3.5
3.5.1
En l’espèce, il est admis par les parties que les locataires ont procédé à la sous-location partielle de leur logement, tout en continuant de l’occuper, même s’ils résidaient durant certaines périodes en Italie. Il est également constant qu’aucune autorisation écrite n’a été délivrée par la bailleresse, qui avait au contraire protesté en 2011 à l’occasion d’une précédente sous-location, rappelant aux locataires, en présence du concierge, les obligations qui s’imposaient à eux en cas de sous-location.

A propos de la question de la durée de la sous-location, les locataires font valoir une durée de 2 à 3 mois, ayant permis l’encaissement de 500 fr. par mois, soit 1'000 fr. en tout. Le concierge, entendu comme témoin, a déclaré que le logement des locataires avait toujours été sous-loué.

Ce témoignage doit être pris avec une certaine prudence, compte tenu non seulement du fait qu’il est contractuellement lié à la bailleresse, mais surtout au vu du contenu surprenant de ses déclarations.

En effet, il paraît peu crédible que ledit concierge, qui avait assisté un employé de régie, en 2010, en se rendant avec lui chez les locataires pour leur rappeler les règles applicables en matière de sous-location, s’il avait constaté que l’appartement continuait à être sous-loué, n’en ait pas informé la régie. Or, il ne ressort du dossier aucun courrier de la régie postérieur à l’entretien de 2010, qui ferait état de soupçons au sujet d’une éventuelle sous-location. Au demeurant, l’on pourrait même se poser la question, s’il fallait suivre le témoignage du concierge, de savoir si la bailleresse n’avait pas toléré la situation, dès lors que ledit concierge est un auxiliaire de celle-ci (art. 101 CO).

Par ailleurs, le concierge a confirmé que depuis l’intervention de la police, en novembre 2014, il n’avait plus constaté la présence de personnes habitant chez les locataires.

Quant au point de savoir si la sous-location était autorisable, on ignore le nombre exact de pièces sous-louées, ainsi que l’importance des prestations fournies en plus du logement, soit les repas et le nettoyage du linge, ainsi que la connexion « wifi ». Il n’est ainsi pas possible de déterminer si le sous-loyer de 500 fr. était abusif. Il est vrai que la sous-location à des personnes démunies d’autorisation de séjour et soupçonnées de s’adonner au trafic de drogue (étant précisé qu’il n’a pas été établi que les sous-locataires aient été condamnés, l’ordre de dépôt du Ministère public faisant uniquement état de l’ouverture d’une procédure), est susceptible de présenter des inconvénients majeurs pour la bailleresse au sens de l’art. 262 al. 1 lit. c CO.

L’on peut ainsi reprocher aux locataires, en tous les cas, d’avoir fait preuve de négligence dans le choix de leurs sous-locataires.

Toutefois, au moment de la résiliation du bail, soit en janvier 2015, l'appartement n'était plus sous-loué. Sur ce point, le concierge de l'immeuble a confirmé qu'à la suite de l'intervention de la police en novembre 2014, aucune nouvelle personne n'avait été vue chez les appelants. De plus, le motif du congé, soit le trafic de drogue dans le logement, n'a pas été démontré. En particulier, la seule pièce produite fait état de l'ouverture d'une procédure pénale. Aucun témoin n'a confirmé qu'un tel trafic avait eu lieu.

3.5.2 Au vu de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, la Cour considère que le congé donné par la bailleresse consacre une disproportion manifeste des intérêts en présence.

Le seul intérêt dont se prévaut la bailleresse est celui de mettre fin à une situation de sous-location dont elle considère qu’elle aurait pu présenter des risques pour la sécurité des autres locataires.

Sur ce point, le concierge a déclaré n’avoir plus constaté de sous-location depuis l’intervention de la police.

Il n’a pas été établi que les autres locataires se soient trouvés en danger d’une quelconque manière.

Les locataires sont âgés de 73 et 78 ans. A______ occupe le logement depuis plus de 35 ans, sans que d’autres difficultés notables que la question de la sous-location ne soient mises en avant par la bailleresse. Les locataires ont des revenus très limités composés de rentes des 1er et 2ème piliers et de prestations complémentaires. Ces revenus limités rendront extrêmement difficile, si ce n’est impossible, l’obtention d’un nouveau logement. S’y ajoute, sur le plan médical, que les locataires sont tous deux atteints dans leur santé tant physique, que psychique, avec notamment la présence d’un état dépressif et d’autres circonstances qui, selon les certificats médicaux qu’ils ont produits, rendent leur situation de santé incompatible avec un déménagement.

De ce fait, la disproportion des intérêts en présence apparaît importante et s’oppose à la résiliation du bail, ce d’autant plus que la bailleresse aurait pu procéder de manière moins incisive, soit un avertissement écrit en vue d’une résiliation extraordinaire en cas de non-respect de la mise en demeure, ce qu’elle n’a pas fait.

3.6 Le jugement entrepris sera dès lors annulé. Ainsi, le congé donné aux époux A______ et B______ sera-t-il annulé, ce qui dispense la Cour d’examiner les griefs liés à la prolongation de bail.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 3 mai 2016 par A______ et B______ contre le jugement JTBL/246/2016 rendu le 18 mars 2016 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/1783/2015-2.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait et statuant à nouveau :

Annule les congés notifiés par avis de résiliation du bail du 12 janvier 2015 pour le 31 juillet 2015, respectivement le 31 mai 2015 concernant l’appartement de 5 pièces n° 52 au 5ème étage de l’immeuble sis ______ et le parking extérieur n° 36 sis ______.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Nicolas DAUDIN, Monsieur Thierry STICHER, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.