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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/20485/2014

ACJC/1353/2016 du 17.10.2016 sur JTBL/102/2016 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 21.11.2016, rendu le 05.01.2017, CONFIRME, 4A_666/2016
Descripteurs : BAIL À LOYER; LOCAL PROFESSIONNEL; PRINCIPE DE LA BONNE FOI; RÉSILIATION; CONGÉ DE REPRÉSAILLES
Normes : CO.272a.1.a; CPC.59.1; CO.257f; CO.271.1; CO.263
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/20485/2014 ACJC/1353/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du lundi 17 octobre 2016

 

Entre

A.______ SA, sise ______, Genève, appelante et intimée sur appel joint d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 25 janvier 2016, comparant par Me Eric VAZEY, avocat, rue du Nant 6, case postale 6509, 1211 Genève 6, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B.______, p.a. ______, Genève, intimé et appelant sur appel joint, comparant par Me Serge PATEK, avocat, boulevard Helvétique 6, 1205 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           a. Par jugement JTBL/102/2016 du 25 janvier 2016, notifié à A.______ SA le 10 février 2016, le Tribunal des baux et loyers a constaté la validité du congé donné le 10 septembre 2014 pour le 31 octobre 2014 par B.______ à A.______ SA pour le local commercial d'environ 92 m2 au rez-de-chaussée et 60 m2 au sous-sol de l'immeuble sis ______ à Genève (ch. 1 du dispositif), condamné A.______ SA à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens le local commercial précité (ch. 2), autorisé B.______ à requérir l'évacuation par la force publique de A.______ SA, dès l'entrée en force du jugement (ch. 3), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4) et dit que la procédure était gratuite (ch. 5).

B.            a. Par acte expédié le 7 mars 2016 au greffe de la Cour de justice, A.______ SA appelle de ce jugement, concluant à son annulation. Elle a conclu à l'annulation des congés extraordinaire et ordinaire donnés le 10 septembre 2014 pour le 31 octobre 2014, respectivement pour le 31 mars 2017. Subsidiairement, elle conclut à la prolongation du bail conclu entre A.______ SA et B.______ pour une durée de six ans et, plus subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal des baux et loyers pour nouveau jugement dans le sens des considérants.

A.______ SA a notamment produit un e-mail de C.______ du 13 mai 2014, non soumis au Tribunal (pièce n° 4 du chargé de l'appelante).

b. Par mémoire réponse, B.______ conclut, préalablement, à l'irrecevabilité de la pièce n° 4 produite par l'appelante, principalement à la confirmation du jugement entrepris et au déboutement de A.______ SA des fins de son appel.

Il forme un appel joint, concluant au constat de la validité des congés donnés à A.______ SA le 10 septembre 2014 pour le 31 octobre 2014, respectivement pour le 31 mars 2017, et à la condamnation de A.______ SA à évacuer de sa personne et de ses biens les locaux commerciaux susmentionnés, ainsi qu'à évacuer les meubles qui s'y trouveraient dès l'expiration d'un délai d'un mois à compter de l'entrée en force de chose jugée de la décision à venir.

c. Par mémoire de réponse à l'appel joint, A.______ SA conclut au rejet de l'appel joint et persiste dans ses conclusions initiales.

d. B.______ a renoncé à répliquer.

e. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par courrier du greffe du 20 mai 2016.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. Par contrat du 25 juillet 2011, B.______ a remis à bail à A.______ SA des locaux d'environ 92 m2 au rez-de-chaussée et d'environ 60 m2 au sous-sol sis ______ à Genève.

Sous la rubrique "Destination des locaux", il est stipulé : "agence de voyage, à l'exclusion de tout autre usage".

Le loyer annuel a été fixé à 30'000 fr. et les provisions pour le chauffage et l'eau chaude à 1'740 fr. par an.

Le contrat a été conclu pour une durée initiale de cinq ans, soit du 1er avril 2012 au 31 mars 2017.

b. Par courrier du 10 avril 2014, le bailleur s'est adressé à A.______ SA. La régie avait constaté, suite à une visite sur place, que la destination des locaux n'était pas respectée, puisqu'un établissement de crédit, soit D.______ SA, y déployait son activité en lieu et place d'une agence de voyages. Elle a donc imparti à la locataire un délai au 30 avril 2014 afin de se mettre en conformité.

c. A la suite d'une demande de transfert du bail en faveur de D.______ SA formulée par la locataire, la régie a relevé, par courrier du 10 juillet 2014, que ce transfert impliquerait la modification de la destination des locaux. Il était donc nécessaire de lui faire parvenir un dossier "complet et convaincant". Elle n'était en l'état pas en mesure d'entrer en matière sur la demande. Elle a recommandé à A.______ SA de lui présenter comme garante une personne physique solvable et domiciliée officiellement à Genève. Ce n'était qu'une fois en possession d'un dossier "financièrement acceptable" qu'elle étudierait l'option d'un changement d'exploitation et de reprise de bail.

C.______, directeur de A.______ SA depuis novembre 2013 a expliqué que D.______ SA avait racheté l'intégralité des actions de A.______ SA en octobre ou novembre 2013. Il était conscient que la nouvelle affectation des locaux n'était pas en conformité avec la destination des locaux prévue contractuellement. La demande de transfert de bail au nom de D.______ SA - dont le but social ne comprenait pas l'activité d'agence de voyages - impliquait nécessairement une demande de changement de destination des locaux. A l'appui de la demande de transfert de bail, il n'avait pas été transmis d'autres documents que ceux figurant au dossier de la cause. L'activité d'agence de voyage avait été abandonnée depuis environ six mois.

d. Par avis de résiliation du 10 septembre 2014, B.______ a résilié le bail pour le 31 octobre 2014.

Par avis séparé du même jour, il a résilié le bail pour le 31 mars 2017.

Les deux documents contiennent la remarque suivante : "Voir notamment nos courriers des 10 avril et 10 juillet 2014, ainsi que nos rencontres et échanges téléphoniques".

e. Interrogé par A.______ SA sur les motifs des résiliations, le bailleur s'est référé à ses courriers des 10 avril et 10 juillet 2014, en soulignant, notamment, avoir sollicité à plusieurs reprises la mise en conformité des locaux compte tenu de leur destination contractuelle. La demande de transfert de bail ne remédiait pas à ces carences, dès lors que le dossier était incomplet et que le transfert impliquait un changement d'affectation.

D.           a. Par requêtes du 7 octobre 2014 devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers enregistrées respectivement sous n° C/20485/2014 et C/1______, déclarées non conciliées à l'audience du 20 novembre 2014, portées devant le Tribunal des baux et loyers le 17 décembre 2014 et complétées le 18 février 2015, A.______ SA a conclu, préalablement, à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur la requête en contestation du congé extraordinaire, principalement, à l'annulation du congé donné pour le 31 mars 2017 (cause C/20485/2014), respectivement à l'annulation du congé donné pour le 31 octobre 2014 (cause C/1______), et, subsidiairement, à l'octroi d'une prolongation de bail d'une durée de six ans.

b. Par mémoire réponse du 26 mars 2015, B.______ a conclu au constat de la validité des congés donné à A.______ SA le 10 septembre 2014 pour le 31 mars 2017 (cause C/20485/2014), respectivement pour le 31 octobre 2014 (cause C/1______). Sur demande reconventionnelle, il a conclu dans la procédure C/1______ à l'évacuation de A.______ SA.

c. A l'audience du 4 septembre 2015, le Tribunal, d'entente entre les parties, a ordonné la jonction des causes C/20485/2014 et C/1______, sous n° de cause C/20485/2014.

EN DROIT

1.             1.1 La décision entreprise est une décision finale, susceptible d'appel si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et art. 308 al. 2 CPC).

Lorsque l'autorité de jugement de première instance prend des mesures concrètes d'exécution, qui peuvent être directement exécutées, sa décision sur ce point est attaquable par la voie de l'appel (Blickenstorfer, Schweizerische Zivilprozessordnung (ZPO) Kommentar, Brunner/ Gasser/Schwander [éd.], 2011, n. 8 ad art. 309 CPC; Spühler, Basler Kommentar ZPO, 2e éd. 2013, n. 1 ad art. 309 CPC).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné; il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 339 consid. 1.1; 111 II 384 consid. 1).

Au regard du loyer annuel de 30'000 fr., plus charges, et en prenant en compte le délai de protection de trois ans, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. La voie de l'appel est par conséquent ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai de trente jours et la forme prescrite par la loi, l'appel est recevable (art. 130, 131, 142 et 311 al. 1 CPC).

L'appel joint, formé dans la réponse et suivant la forme prescrite par la loi, est également recevable (art. 311 al. 1 et 313 al. 1 CPC).

Par souci de simplification, la locataire sera ci-après désignée comme l'appelante et le bailleur comme l'intimé.

1.3 S'agissant d'une procédure relative à la protection contre les congés et à la prolongation du bail à loyer, la cause est soumise à la procédure simplifiée en vertu de l'art. 243 al. 2 let. c CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_636/2015 du
21 juin 2016 consid. 2.5) et la maxime inquisitoire sociale est applicable
(art. 247 al. 2 let. a CPC).

Saisie d'un appel, la Cour de justice revoit la cause avec un pouvoir d'examen complet, c'est-à-dire tant en fait qu'en droit (art. 310 CPC).

2.             2.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte qu'à condition qu'ils soient invoqués ou produits sans retard et qu'ils n'aient pas pu être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (art. 317 al. 1 CPC).

L'art. 317 al. 1 CPC régit de manière complète et autonome la possibilité pour les parties d'invoquer des faits et moyens de preuve nouveaux en procédure d'appel (arrêt du Tribunal fédéral 4A_310/2012 du 1er octobre 2012 consid. 2.1), également dans les procédures simplifiées dans lesquelles le juge établit les faits d'office (arrêt du Tribunal fédéral 4A_351/2015 du 5 août 2015 consid. 3.2).

2.2 En l'espèce, le courriel produit par l'appelante, qui émane de son directeur, a été établi avant la clôture de la procédure de première instance.

L'appelante n'explique pas pour quelles raisons elle n'aurait pas été en mesure de produire cette pièce antérieurement.

Dès lors, cette pièce est irrecevable, ainsi que les allégués de fait s'y rapportant.

3.             L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir retenu que les conditions d'une résiliation anticipée du bail étaient réunies.

3.1 A teneur de l'art. 257f al. 3 CO, lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite du bailleur, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d'égards envers les voisins, le bailleur peut résilier les baux d'habitations et de locaux commerciaux moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d'un mois.

La résiliation prévue à l'art. 257f CO suppose ainsi la réalisation de plusieurs conditions cumulatives : une violation du devoir de diligence incombant au locataire, un avertissement écrit du bailleur, la persistance du locataire à ne pas respecter son devoir en relation avec le manquement évoqué par le bailleur dans sa protestation, le caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur et le respect d'un préavis de trente jours pour la fin d'un mois (arrêt du Tribunal fédéral 4A_87/2012 du 10 avril 2012 consid. 4.1, in SJ 2012 I p. 443).

Selon la jurisprudence, le libellé de l'art. 257f al. 3 CO est trop étroit; le Tribunal fédéral a indiqué que cette disposition impose un usage de la chose louée non seulement empreint de diligence et d'égards mais, de manière générale, conforme au contrat (ATF 132 III 109 consid. 2 p. 111; 123 III 124 consid. 2a p. 126; arrêt du Tribunal fédéral 4A_456/2010 du 18 avril 2011 consid. 3.1).

Le congé qui ne satisfait pas aux conditions de l'art. 257f al. 3 CO est inefficace (arrêt du Tribunal fédéral 4A_485/2014 du 3 février 2015 consid. 3.1 et les références citées).

3.2 En l'espèce, il est incontesté que le contrat de bail prévoyait expressément la destination des locaux, soit l'exploitation d'une agence de voyage. Par conséquent, en se livrant à une activité de crédit, l'appelante a violé les dispositions contractuelles, ce qu'elle a reconnu.

En lui adressant un courrier de mise en demeure le 10 avril 2014, lui impartissant un délai pour rétablir une situation conforme au contrat, l'intimé a respecté son obligation de protester par écrit, ce qui n'est pas non plus contesté par l'appelante.

Ce nonobstant, l'appelante a persisté dans la violation du contrat.

Enfin, la résiliation est intervenue postérieurement à l'expiration du délai imparti dans la protestation écrite et moyennant un délai de congé de 30 jours pour la fin d'un mois.

Le fait que l'intimé n'ait pas d'emblée exclu la possibilité de changer l'affectation des locaux ne change rien à ce qui précède.

Par conséquent, les conditions de l'art. 257f al. 3 CO étaient réalisées en l'espèce. Le congé donné le 10 septembre 2014 pour le 31 octobre 2014 n'est donc pas inefficace, comme l'a retenu à bon droit le Tribunal.

4.             L'appelante fait encore valoir que la résiliation du bail serait contraire à la bonne foi et, donc, annulable, dès lors que l'intimé était entré en négociation avec elle en vue d'un transfert de bail et qu'il n'était ainsi pas opposé à une activité de crédit dans les locaux.

4.1 A teneur de l'art. 271 al. 1 CO, le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi.

En principe, une résiliation contrevient aux règles de la bonne foi lorsqu'elle ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection. Tel est le cas lorsqu'il y a une disproportion crasse entre l'intérêt du locataire au maintien du contrat et l'intérêt du bailleur à y mettre fin (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1).

L'admissibilité de l'annulation d'un congé fondé sur l'art. 257f al. 3 CO n'est envisageable que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque le bailleur a imparti au locataire un délai pour se conformer au contrat et qu'il résilie ensuite avant l'échéance fixée (Wessner, Commentaire pratique - Droit du bail à loyer, 2010, n. 48 ad art. 257f CO).

Il appartient au destinataire de la résiliation de prouver que celle-ci contrevient aux règles de la bonne foi. Cependant, celui qui l'a communiquée doit collaborer à l'administration de la preuve (art. 2 CC). En particulier, le bailleur doit motiver le congé si le locataire le demande (art. 271 al. 2 CO). Une motivation lacunaire ou fausse est un indice d'une absence d'intérêt digne de protection du bailleur
(ATF 138 III 59 consid. 2.1).

4.2 L'art. 271a CO énumère à titre exemplatif des motifs de résiliation qui sont contraires aux règles de la bonne foi et, par conséquent, rendent le congé annulable. Tel est le cas en particulier du congé donné par le bailleur parce que le locataire fait valoir de bonne foi des prétentions découlant du bail (art. 271a al. 1 let. a CO).

4.2.1 Au nombre de ces prétentions que le locataire peut déduire du bail figure le droit de sous-louer totalement ou partiellement l'objet avec l'accord du bailleur (ATF 138 III 59 consid. 2.2.1 p. 62 s.) ou le droit, pour le locataire d'un bail commercial, de transférer son bail à un tiers avec le consentement du bailleur
(art. 263 al. 1 CO; Higi, Commentaire zurichois, 4e éd. 1996, n. 24 ad art. 271a CO).

Ainsi, conformément à la jurisprudence, en cas de sous-location non autorisée, le bailleur, confronté à une demande de sous-location subséquente, peut valablement résilier le bail - sans contrevenir à l'art. 271a al. 1 let. a CO - s'il était en droit de refuser son consentement à la sous-location (arrêt du Tribunal fédéral 4A_290/2015 du 9 septembre 2015 consid. 4.3.1).

4.2.2 Le bailleur ne peut refuser son consentement au transfert d'un bail commercial que pour de justes motifs (art. 263 al. 2 CO).

Dès lors que le contrat de bail est destiné à passer sans subir de modification au nouveau locataire (Higi, Commentaire zurichois, 4e éd. 1994, n. 46 ad art. 263), le bailleur peut à bon droit refuser le transfert si le nouveau locataire entend utiliser, même partiellement, la chose contrairement à l'usage qui en est fait par le locataire actuel (Higi, op. cit., n. 32 et 33 ad art. 263 CO; Burkhalter/Martinez-Favre, Commentaire SVIT du droit du bail, 2011, n. 14 ad art. 263 CO).

4.3 En l'espèce, il sied de déterminer si la résiliation du bail est contraire à la bonne foi, soit la clause générale de l'art. 271 CO, voire si, plus particulièrement, elle constitue un congé-représailles proscrit par l'art. 271a al. 1 let. a CO.

4.3.1 Concernant un tel congé, il est, certes, établi que l'appelante a demandé le transfert du bail et a donc formulé une prétention a priori déduite du contrat de bail, conformément à l'art. 263 CO.

Au préalable, l'appelante avait cependant modifié de facto la destination des locaux, sans avertir l'intimé; elle n'a formulé une demande de transfert de bail, que lorsqu'elle a été confrontée à la protestation de l'intimé. Cette situation présente des similarités avec le cas où le locataire sous-loue sans autorisation, puis soumet une demande en ce sens au bailleur, lequel peut valablement résilier le bail s'il était en droit de refuser la sous-location. Il convient ainsi d'examiner si l'intimé était in casu en droit de refuser le transfert de bail, auquel cas il ne saurait être question d'un congé-représailles.

En l'occurrence, le potentiel repreneur avait l'intention claire et incontestée de modifier la destination des locaux prévue contractuellement et de déployer une activité différente de celle de l'appelante.

L'intimé, ainsi qu'il l'a clairement fait savoir, n'était donc nullement tenu d'accepter la modification de la destination des locaux, même par le truchement d'un transfert de bail. Il pouvait donc, conformément à l'art. 263 al. 2 CO, refuser le transfert pour de justes motifs.

Infondée, la demande de transfert de bail ne pouvait donc pas constituer une prétention formulée de bonne foi par le locataire. Il s'ensuit que le congé n'est pas un congé-représailles et que l'application de l'art. 271a al. 1 let. a CO est exclue.

4.3.2 Le congé ne contrevient pas non plus aux règles de la bonne foi pour les motifs généraux prévus à l'art. 271 CO.

Comme déjà retenu ci-dessus, la résiliation a été donnée conformément à
l'art. 257f al. 3 CO et les motifs du congé ont été clairement énoncés, contrairement à ce que prétend l'appelante. En outre, l'on ne se trouve pas dans le cas exceptionnel dans lequel le bailleur résilie le contrat avant l'expiration de l'échéance qu'il a lui-même fixée au locataire pour rétablir une situation conforme au contrat. Même si l'intimé n'a pas d'emblée exclu une reprise du bail par l'établissement de crédit, il n'a laissé transparaître aucune volonté de poursuivre la relation contractuelle avec ce dernier ou avec l'appelante. Au contraire, il s'est constamment réservé la possibilité de refuser la modification de l'affectation de la chose, ce dont il avait le droit.

Ainsi, le congé donné pour le 31 octobre 2014 n'est pas contraire aux règles de la bonne foi. Le jugement entrepris sera confirmé, en tant qu'il a constaté la validité de ce congé.

5.             L'appelante s'en prend enfin au jugement qui l'a déboutée de ses conclusions en prolongation de bail.

5.1 A teneur de l'art. 272a al. 1 let. a CO, aucune prolongation n'est accordée lorsqu'un congé est donné pour violation grave par le locataire de son devoir de diligence ou pour de graves manques d'égards envers les voisins (art. 257f al. 3 et 4 CO).

5.2 Le contrat de bail à loyer de l'appelante ayant été valablement résilié en application de l'art. 257f al. 3 CO, les premiers juges ont refusé à bon droit de lui accorder une prolongation de bail.

Le jugement entrepris sera également confirmé sur ce point, ainsi qu'en tant qu'il a ordonné l'évacuation de l'appelante, point que celle-ci n'a pas critiqué en tant que tel.

6.             L'intimé, dans son appel joint, reproche aux premiers juges d'avoir commis un déni de justice en ne statuant pas sur sa conclusion en constatation de la validité du congé donné pour le 31 mars 2017.

6.1 Conformément à l'art. 59 al. 1 et 2 let. a CPC, il n'est entré en matière que sur les demandes ou les requêtes qui satisfont aux conditions de recevabilité de l'action, soit notamment celles pour lesquelles le requérant ou le demandeur dispose d'un intérêt digne de protection.

Si l'intérêt juridique disparaît en cours de procédure, le litige est déclaré sans objet et la cause radiée du rôle (cf. ATF 118 Ia 488 consid. 1a).

6.2 En l'espèce, la jonction, décidée avec l'accord des parties, des requêtes de l'appelante en contestation du congé extraordinaire, respectivement en contestation du congé ordinaire, a créé une situation procédurale particulière. Ainsi, contrairement aux conclusions initiales de l'intimé, l'instruction n'a pas été suspendue s'agissant des conclusions en lien avec le congé ordinaire, dont l'examen était subsidiaire à celles visant le congé extraordinaire signifié pour une date antérieure. Cela étant, le Tribunal, après avoir constaté la validité du congé extraordinaire, a débouté les parties de toutes leurs autres conclusions, comprenant de la sorte les conclusions reconventionnelles de l'intimé portant sur la constatation de la validité du congé ordinaire. Le Tribunal a par conséquent statué sur celles-ci, de sorte qu'il ne saurait être question d'un déni de justice, contrairement à l'avis de l'intimé.

Au surplus, il ressort des considérants qui précèdent que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il constate la validité du congé donné pour le 31 octobre 2014 et prononce l'évacuation de l'appelante. A la suite de la jonction sus-évoquée, les conclusions de l'appel joint étaient certes recevables a priori au moment du dépôt de l'appel joint, mais, au vu de l'issue de la cause, elles sont désormais sans objet, faute d'un intérêt juridique actuel de l'intimé.

7.             A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel interjeté le 7 mars 2016 par A.______ SA et l'appel joint interjeté 13 avril 2016 par B.______ contre le jugement JTBL/102/2016 rendu le 25 janvier 2016 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/20485/2014-1 OSB.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Thierry STICHER et Monsieur Mark MULLER, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.
(cf. consid. 1.1).