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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/7988/2011

ACJC/1282/2013 du 04.11.2013 sur JTBL/139/2013 ( OBL ) , CONFIRME

Descripteurs : BAIL À LOYER; RÉSILIATION
Normes : CO.257f.3
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7988/2011 ACJC/1282/2013

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 4 NOVEMBRE 2013

Entre

Monsieur A.______, domicilié ______(GE), appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 février 2013, comparant par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle il fait élection de domicile,

d'une part,

et

Monsieur B.______, domicilié ______(GE), intimé, comparant par Me Philippe Cottier, avocat, rue du Rhône 100, 1204 Genève, en l’étude duquel il fait élection de domicile aux fins des présentes,

d'autre part,

 


EN FAIT

A. Par jugement du 14 février 2013, expédié pour notification aux parties le 21 février 2013, le Tribunal des baux et loyers a déclaré valable le congé notifié à A.______ le 22 mars 2011 pour l'arcade sise au rez-de-chaussée de l'immeuble à ______(GE) (ch. 1 du dispositif), a condamné A.______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de tout tiers dont il est responsable l'arcade sus-désignée (ch. 2), a autorisé B.______ à requérir l'évacuation par la force publique d'A.______ dès le 30ème jour après l'entrée en force du présent jugement (ch. 3), et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

En substance, les premiers juges ont retenu que les conditions de l'art. 257f al. 3 CO étaient réalisées au moment de la résiliation anticipée du bail du locataire; l'enseigne «C.______» a occasionné, entre 2009 et les premiers mois de 2011, des nuisances pour les voisins, lesquelles se sont poursuivies malgré les travaux effectués par le locataire, pour ne prendre fin qu'après le changement de gérance en mai 2011. Le bailleur a dûment adressé au locataire plusieurs protestations écrites au sens de l'art. 257f al. 3 CO d'octobre 2009 à décembre 2010. En dépit de ces avertissements, les violations du devoir de diligence reprochées au locataire se sont poursuivies postérieurement à la résiliation du bail, soit jusqu'au changement de gérance en mai 2011. Le bailleur a établi que le maintien du bail était devenu insupportable pour lui-même et les personnes habitant dans son immeuble. Le contrat de bail ayant été valablement résilié pour le 30 avril 2011 et A.______ ne disposant plus d'aucun titre juridique l'autorisant à rester dans les locaux loués, les premiers juges ont admis les conclusions en expulsion prises par le bailleur et ont ordonné l'exécution de leur décision sur requête du bailleur. Ils ont enfin débouté le bailleur de ses conclusions en paiement d'une indemnité pour occupation illicite jusqu’à la reddition des locaux, au motif que cela équivaut à un jugement conditionnel, qui s'avérerait inexécutable en cas de litige au sujet de la date ou des modalités de restitution des locaux.

B. a. Par acte expédié le 8 avril 2013 au greffe de la Cour de justice, A.______ (ci-après : le locataire ou l'appelant) forme appel contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation. Il conclut à la constatation de l'inefficacité du congé du 22 mars 2011 et au déboutement du bailleur de ses conclusions en évacuation.

b. Dans sa réponse du 10 mai 2013, B.______ (ci-après : le bailleur ou l'intimé) conclut au déboutement de l'appelant de toutes ses conclusions et à la confirmation du jugement entrepris.

c. Les parties ont été avisées le 13 mai 2013 de la mise en délibération de la cause.

C. Les éléments suivants résultent de la procédure, pour l'essentiel tels qu'arrêtés par les premiers juges, l'appelant et l'intimé se bornant à reprendre globalement dans leur mémoire leur version respective des faits tels qu'allégués devant les premiers juges, sans toutefois indiquer en quoi les faits retenus dans le jugement seraient inexacts.

a. Les parties sont liées par un contrat de bail à loyer du 1er février 2007, portant sur la location d'une arcade au rez-de-chaussée de l'immeuble sis ______(GE).

Les locaux étaient destinés à l'usage d'une «sandwicherie/café exclusivement».

b. Le contrat a été conclu pour une durée de cinq ans, du 1er février 2007 au 31 janvier 2012, renouvelable ensuite tacitement de cinq ans en cinq ans. Le préavis de résiliation était d'un an.

Le loyer annuel a été fixé dans le contrat à 18'372 fr. indexé à l'ISPC, les charges annuelles s'élevant à 420 fr.

c. A partir de l'été 2009, la régie en charge de la gérance de l'immeuble a reçu des plaintes de locataires du 1er étage au sujet de nuisances sonores nocturnes émanant de l'établissement du rez-de-chaussée.

Un avertissement écrit, faisant référence au bruit provenant de l'établissement, a été adressé à l'appelant en date du 22 octobre 2009, l'invitant à fermer l'établissement à 22 h. ou à poser une isolation phonique, sous menace de voir son bail résilié.

d. Au début 2010, le locataire a fait procéder à certains travaux d'insonorisation dans son établissement.

e. Par courriers des 20 octobre, 2 novembre et 1er décembre 2010, la régie a indiqué au locataire que suite à plusieurs incidents qui s'étaient produits dans son établissement et qui avaient nécessité l'intervention des forces de l'ordre, ainsi qu'à de nouvelles plaintes de locataires de l'immeuble, il lui était demandé de modifier ses horaires de fermeture et de fermer son restaurant à 22 h. au plus tard, faute de quoi son bail serait résilié.

Une mise en demeure d'avoir à respecter cet horaire de fermeture à 22 h. a été signifiée au locataire le 17 décembre 2010, sous menace de résiliation de son bail.

f. A partir de février 2011, un locataire du 1er étage a consigné son loyer et a agi en validation de la consignation et en réduction de loyer.

g. Par arrêt ACJC/339/213 du 18 mars 2013 dans la cause C/3986/2011, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice a réduit le loyer de l'appartement de trois pièces loué par ce locataire au 1er étage de l'immeuble concerné de 20% pour la période allant du 12 juillet 2009 au 28 février 2010 et de 10% pour la période allant du 10 octobre 2010 au 31 mai 2011. En substance, la Cour de justice a retenu que l'établissement «C.______» a occasionné des désagréments récurrents pour les occupants de l'immeuble, et en particulier pour ce locataire, dont le logement est situé au-dessus du bar. Plusieurs locataires se sont plaints du bruit émanant de cet établissement, tant auprès de la gendarmerie de ______(GE) que - à compter du mois de décembre 2010 - du Service genevois du commerce. Le témoin D.______, dont le logement est situé au deuxième étage, a décrit les nuisances sonores récurrentes qu'elle subissait du chef de l'exploitation du bar jusqu'à deux heures du matin au minimum et qui ont duré cinq ans et sont devenues insupportables dès l'année 2010, telles que la perception depuis son logement de la musique écoutée dans l'établissement («bruit de fond»), respectivement les nuisances liées à la fréquentation de la terrasse par la clientèle et les événements violents qui se sont déroulés au bas de l'immeuble. La Cour a également pris en considération l'intervention de la police à de réitérées reprises entre la fin de l'année 2009, éventuellement le début de l'année 2010, et le mois de février 2011, en raison des altercations qui ont opposé certains clients de «C.______», et le constat par le Service genevois de protection contre le bruit du dépassement des normes légales au cours de certains soirs en relation avec l'exploitation de l'établissement.

h. Selon E.______, chef de secteur au Service du commerce, entendu comme témoin le 3 mai 2012, ce Service avait eu connaissance de plaintes liées à l'exploitation de l'établissement en cause à partir de fin 2010. Selon ce témoin, entre septembre 2010 et fin janvier 2011, la police était intervenue à huit reprises pour des problèmes de bruit, sans qu'il soit possible de déterminer si le bruit provenait de l'intérieur de l'établissement en cause ou de la rue. Le témoin E.______ a ajouté : «Pour nous, il était clair qu'il y avait un problème dans la gestion de cet établissement»; le Service du commerce avait organisé une réunion en février 2011 suite aux plaintes liées à l'exploitation de cet établissement, et l'exploitant avait été invité à «prendre les mesures utiles pour le respect des règles en vigueur s'agissant de la protection contre le bruit et du respect des horaires. Le Service de protection contre le bruit devait procéder à des mesures et le poste de police porter une attention particulière à cet établissement».

i. Le Brigadier F.______, entendu comme témoin le 17 janvier 2013, a indiqué que la police était intervenue à sept reprises en 2009 dans l'établissement en cause, et à neuf reprises en 2010, surtout au printemps et en été. En 2010, sur les neuf interventions, sept étaient dues à des conflits et deux à du bruit. Les conflits pouvaient avoir lieu soit dans l'établissement lui-même, soit aux abords immédiats de celui-ci, notamment sur la terrasse. Selon les témoignages de clients ou de tiers, la police avait établi que ces conflits trouvaient leur origine dans l'établissement, mais que les personnes impliquées se déplaçaient parfois aux abords de celui-ci, dans la rue voire dans une rue voisine. Le témoin a ajouté que le quartier dans lequel était situé l'établissement en cause était fréquenté par une population «difficile», notamment des alcooliques ou des toxicomanes et que «si la situation s'était améliorée en 2011, c'était suite à un changement de gérance».

j. Par avis de résiliation du 22 mars 2011, le bailleur a résilié le bail pour le 30 avril 2011, sur la base de l’art. 257 f al. 3 CO, au motif que «le maintien du bail était devenu insupportable pour les habitants de l'immeuble, en dépit des nombreux avertissements du bailleur restés vains».

k. Le congé a été contesté en temps utile devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers.

Non conciliée le 29 juin 2011, l'affaire a été portée devant le Tribunal des baux et loyers le 22 août 2011 (C/7988/2011).

l. Par requête déposée le 20 mai 2011 devant la Commission de conciliation, et introduite le 5 juillet 2011 devant le Tribunal des baux et loyers, le bailleur a conclu à l'expulsion du locataire, et à l'exécution directe du jugement. Cette cause a été enregistrée sous C/10081/2011.

m. Par ordonnance du 28 septembre 2011, le Tribunal des baux et loyers a ordonné la jonction des causes C/10081/2011 et C/7988/2011 sous ce dernier numéro.

n. Lors de l'audience de débats du 19 janvier 2012, A.______ a indiqué avoir mis son établissement en gérance environ deux ans plus tôt. A partir de mai 2011, il avait toutefois repris personnellement l'exploitation de l'établissement, ayant mis fin au contrat de gérance suite à la réunion au Service du commerce en février 2011. Consécutivement aux plaintes émanant des locataires du 1er étage, il avait fait poser à ses frais un faux-plafond afin d'améliorer l'isolation phonique. Les horaires d'ouverture de l'établissement étaient de 14h. à 2h. du matin, conformément à l'autorisation délivrée par le Service du commerce.

o. Selon le témoin G.______, locataire du 1er étage et auteur de la demande en validation de consignation et en réduction de loyer dirigée contre le bailleur, les travaux d'insonorisation effectués dans l'établissement n'avaient pas modifié fondamentalement la situation, et n'avaient en particulier «rien changé au problème des bagarres entre les clients de l'établissement» qui se déroulaient «immédiatement en bas de chez lui» et étaient «visibles depuis sa fenêtre». Ce n'est que suite au changement de gérance (intervenu en mai 2011) que la situation s'était améliorée. Selon ce témoin, la situation était «particulièrement critique entre octobre 2010 et début 2011».

p. Selon le témoin H.______, employée auprès de la société I.______, aucune nouvelle plainte n'a été émise depuis le mois de mars ou avril 2011.

q. A l'issue de l'audience de débats principaux du 17 janvier 2013, les parties ont plaidé, le locataire ayant notamment soutenu qu'il n'avait pas été établi que toutes les nuisances provenaient de son établissement plusieurs témoins ayant fait état du caractère très bruyant du quartier, et la cause a été gardée à juger.

D. L'argumentation juridique des parties sera examinée dans la mesure utile à la solution du litige.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4C.310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493 consid. 1).

Lorsque l'action ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement erronée (art. 91 al. 2 CPC). La détermination de la valeur litigieuse suit les mêmes règles que pour la procédure devant le Tribunal fédéral (RETORNAZ in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 363; SPÜHLER BSK ZPO, no 8 ad art. 308).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (arrêts du Tribunal fédéral 4A_189/2011 du 4 juillet 2011 = ATF 137 III 389; 4A_367/2010 du 4 octobre 2010 consid. 1.1; 4A_127/2008 du 2 juin 2008 consid. 1.1; 4A_516/2007 du 6 mars 2008 consid. 1.1; ATF 136 III 196 consid. 1.1). Quant au dies a quo, il court dès la fin de la procédure judiciaire. Dès lors que la valeur litigieuse doit être déterminable lors du dépôt du recours, il convient de se référer à la date de la décision cantonale (arrêts du Tribunal fédéral 4A_187/2011 du 9 juin 2011 et 4A_189/2011 du 4 juillet 2011).

1.2 En l'espèce, le loyer annuel de l'arcade, charges comprises, s'élève à 18'792 fr.

En prenant en compte uniquement la durée de protection de trois ans, la valeur litigieuse est largement supérieure à 10'000 fr. (18'792 fr. x 3 = 56'376 fr.).

1.3 L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; HOHL, Procédure civile, tome II, 2010, n. 2314 et 2416; RETORNAZ, op. cit., p. 349 ss, n. 121).

2. 2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b). Les deux conditions sont cumulatives (JEANDIN, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2011, n. 6 ad art. 317 CPC).

2.2 En l'espèce, les pièces produites par l'appelant en appel ont été déposées devant le Tribunal des baux et loyers, de sorte qu'elles font d'ores et déjà partie intégrante de la procédure.

L'intimé a produit en appel sous pièce n° 6 de son bordereau de pièces l'arrêt de la Cour de justice ACJC/339/2013 du 18 mars 2013 dans la cause C/3986/2011. Cette pièce est recevable en appel, en tant qu'elle n'existait pas au moment où le jugement querellé a été rendu. S'agissant des autres pièces produites par l'intimé, elles figurent d'ores et déjà dans le dossier, de sorte qu'il n'y pas lieu d'y revenir.

3. 3.1 L'appelant fait grief aux premiers juges d'avoir forgé leur opinion au sujet des nuisances sur les déclarations d’un seul locataire, qui a introduit une procédure en validation de consignation et en réduction de loyer actuellement pendante devant la Cour de justice et qui a donc un intérêt personnel à l'issue de la procédure initiée, de sorte que le bien-fondé des prétentions de ce locataire n'est pas établi. Le Tribunal des baux et loyers aurait dû entendre en qualité de témoin d'autres locataires de l'immeuble concerné.

L'appelant reproche également aux premiers juges de ne pas l'avoir interpelé pour expliquer les motifs par lesquels il n'avait pas été en mesure de procéder au changement de gérance de son établissement après les premières plaintes au lieu d'attendre que son bail soit résilié pour faire ce changement.

3.2 La maxime inquisitoire prévue par l'art. 247 al. 2 CPC correspond au concept de maxime inquisitoire sociale ou atténuée, ou encore simple. Elle implique la possibilité pour le juge de se fonder sur tous les faits pertinents et établis, même si les parties ne les ont pas invoqués (ATF 107 II 233, consid. 2b, rés. JdT 1981 I 285). Le juge doit en principe rechercher ceux-ci spontanément, mais cela ne dispense pas les parties de collaborer activement à la procédure, ce à quoi le Tribunal doit le cas échéant les inciter en les interpellant (ATF 130 III 102, consid. 2.2, rés. JdT 2004 I 234 ; ATF 125 III 231, c. 4a, JdT 2000 I 194; TAPPY, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2011, n. 21 et 23 ad art. 247 CPC).

La maxime inquisitoire ne dispense pas les parties de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (ATF 130 III 102, c. 2.2; HALDY, Code de procédure civile commenté, n. 7 ad art. 55 CPC).

3.3 Les premiers juges ont certes retenu pour pertinent et établi le témoignage G.______, selon lequel des altercations violentes se déroulaient «immédiatement en bas de chez lui» et étaient «visibles depuis sa fenêtre».

Ils ont également pris en considération dans leur jugement les déclarations du témoin F.______, selon lequel les conflits ayant donné lieu aux interventions de la police trouvaient leur origine dans l'établissement «C.______», et celles du témoin E.______, qui a indiqué que le Service du commerce avait organisé une réunion en février 2011 suite aux plaintes liées à l'exploitation de cet établissement, et que l'exploitant avait été invité à prendre les mesures utiles pour le respect des règles en vigueur s'agissant de la protection contre le bruit et du respect des horaires, le Service de protection contre le bruit devant procéder à des mesures et le poste de police porter une attention particulière à cet établissement. Les premiers juges ont aussi retenu les déclarations de ces deux témoins, selon lesquelles la gestion de l'établissement était problématique, et que la situation s'était améliorée en 2011 suite au changement de gérance.

Par conséquent, les premiers juges n'ont pas forgé leur opinion uniquement sur les déclarations du témoin G.______, mais également sur d'autres témoignages et éléments de la cause; leurs constatations sont par ailleurs corroborées par l'arrêt ACJC/339/213 rendu 18 mars 2013 dans la cause C/3986/2011, dans lequel la Cour de justice a retenu que l'établissement «C.______» a occasionné des désagréments récurrents pour les occupants de l'immeuble, que plusieurs locataires, et pas seulement le locataire G.______, se sont plaints du bruit émanant de «C.______», tant auprès de la gendarmerie de Plainpalais que du Service genevois du commerce. Dans ce même arrêt, la Cour de justice a également retenu l'intervention de la police à réitérées reprises entre la fin de l'année 2009, éventuellement le début de l'année 2010, et le mois de février 2011, en raison des altercations qui ont opposé certains clients de «C.______», le constat par le Service genevois de protection contre le bruit du dépassement des normes légales au cours de certains soirs en relation avec l'exploitation de l'établissement et, enfin, que la témoin D.______, dont le logement est situé au deuxième étage, a décrit les nuisances sonores récurrentes qu'elle subissait du chef de l'exploitation du bar jusqu'à deux heures du matin au minimum, telles que la perception depuis son logement de la musique écoutée dans l'établissement («bruit de fond»), respectivement les nuisances devenues insupportables liées à la fréquentation de la terrasse par la clientèle, qui ont duré environ cinq ans, et les événements violents qui se sont déroulés au bas de l'immeuble, évoquant un sentiment d'inquiétude.

En conclusion, les premiers juges ont suffisamment instruit la cause au sujet des nuisances dont est responsable le locataire et celles-ci sont établies.

S'agissant du reproche fait par l'appelant aux premiers juges de ne pas l'avoir interpelé pour connaître pourquoi il n'avait pas été en mesure de procéder au changement de gérance de son établissement après les premières plaintes au lieu d'attendre que son bail soit résilié, la Cour relève que l'appelant a nié jusqu'aux plaidoiries finales que toutes les nuisances litigieuses provenaient de son établissement et il s'est contenté d'indiquer lors de l'audience d'interrogatoire/déposition des parties du 19 janvier 2012 - toutefois sans produire ni le contrat de gérance, ni sa résiliation - qu'il avait mis fin à la gérance de l'établissement suite à la réunion au Service du commerce en février 2011, où il a été question du bruit provenant de son établissement. Dès lors, on ne saurait reprocher aux premiers juges de n'avoir pas approfondi cette question sans que l'appelant l'ait requis ou sans que celui-ci ne leur ait fourni des indications au sujet de l'éventuelle problématique du changement de gérance. Quoi qu'il en soit, la Cour retient que l'appelant a indiqué avoir résilié le contrat de son gérant au plus tôt dans le courant du mois de février et qu'il a repris la jouissance des locaux en mai 2011, soit tout au plus trois mois plus tard, alors que les enquêtes ont établi que les nuisances ont commencé en 2009.

En conclusion, ce grief est mal fondé.

4. 4.1 L'appelant fait grief aux premiers juges d'avoir violé la règle de l’équité (art. 4 CC) et les principes de proportionnalité et de subsidiarité, en déclarant valable le congé, aux motifs que l'appelant a toujours pris au sérieux les plaintes de l'intimé, qu'il a toujours tenté de remédier aux prétendus problèmes soulevés, qu'il a exécuté toutes les requêtes de l'intimé, que le quartier où se situe l'établissement est un quartier «chaud», que la protestation écrite du bailleur n'était pas suffisamment précise et, enfin, du fait que les décisions prises à l'issue de la séance de février 2011 sous l'égide du Service du commerce ont été fructueuses, puisqu'aucune nouvelle plainte n'a été émise après cette séance.

L'appelant reproche également aux premiers juges d'avoir violé l'art. 257f al. 3 CO, plus de trois mois s'étant écoulé entre la dernière protestation écrite du bailleur et la résiliation du bail, alors qu'aucune nouvelle plainte n'a été communiquée à l'intimé après la séance de février 2011, et du fait que la décision de résilier le contrat a été prise en octobre 2010 déjà.

4.2 L'art. 257f al. 3 CO sanctionne le non-respect du devoir de diligence du locataire et prévoit que lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison, parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite du bailleur, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d'égards envers les voisins, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitation et de locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d'un mois.

La résiliation anticipée du bail en vertu de l'art. 257f al. 3 CO présuppose l'envoi d'une protestation écrite du bailleur qui a pour but de faire cesser une violation en cours et d'en empêcher une nouvelle; elle doit indiquer précisément l'obligation violée par le locataire et les mesures qu'il lui revient de prendre pour que la situation redevienne normale. La protestation écrite du bailleur doit mentionner l'état de fait constituant un usage contraire au bail et ce qu'il est demandé au locataire (ACJC/811/2009 du 19 juin 2009; ACJC/1141/2003 du 10 novembre 2003). Le bailleur ne saurait tolérer une infraction sans réagir dans un délai raisonnable; sinon, il est réputé renoncer au droit de mettre fin au contrat de façon prématurée (WESSNER, Le devoir de diligence du locataire dans les baux d'habitations et de locaux commerciaux, 14ème Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel, 2006, p. 19).

Le congé anticipé au sens de l'art. 257f al. 3 CO ne peut être donné que si, malgré l'avertissement écrit, le locataire continue ou recommence à enfreindre son devoir de diligence (LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 678; ACJC/967/2012 du 29 juin 2012). Le bailleur doit établir que le maintien du contrat est devenu insupportable pour lui ou les personnes habitant la maison (art. 257f al. 3 CO). La violation incriminée doit être telle que l'on ne puisse raisonnablement exiger du bailleur qu'il laisse le locataire disposer des locaux, ce qui suppose le respect des principes de proportionnalité et de subsidiarité (arrêt du Tribunal fédéral 4C.118/2001 du 8 août 2001, consid. 1). Le caractère insupportable de la poursuite du bail ne se détermine pas de façon abstraite, mais en équité, au regard des circonstances concrètes du cas. Par exemple, un quartier «chaud» impose plus de tolérance au bruit qu'un quartier tranquille (BURKHALTER/MARTINEZ-FAVRE, Commentaire SVIT du droit du bail, Lausanne 2011, p. 156).

Le bailleur ne doit pas trop tarder à résilier le bail à l'issue du délai imparti au locataire, si ce dernier continue à enfreindre son devoir de diligence. Un délai de quatre mois et six jours entre l'avertissement et la résiliation de bail est admissible (CdB 2002 p. 3 : arrêt du Tribunal fédéral 4C.270/2001 du 26 novembre 2001, consid. 3b/dd). Il en va de même d’un délai de cinq mois (DB 2004 n° 25 : arrêt du Tribunal fédéral 4C.264/2002 du 25 août 2003, consid. 4.3). En revanche, le congé est tardif lorsqu'une période de dix-huit mois s'est écoulée entre la résiliation de bail et le dernier avertissement (DB 2003 n° 8 : arrêt du Tribunal fédéral 4C.118/2001 du 8 août 2001, consid. 1; LACHAT, op. cit., p. 678).

4.3 Les premiers juges ont considéré que les enquêtes ont permis d’établir que l'établissement à l'enseigne «C.______» a occasionné, entre 2009 et les premiers mois de 2011, des nuisances pour les voisins (bruit nocturne et «bagarres» fréquentes ) et que le maintien du bail était devenu insupportable pour les personnes habitant l'immeuble et pour le bailleur, qui a fait l'objet d'une procédure en validation de consignation et en réduction de loyer émanent d'un locataire de l'immeuble, en liens avec les nuisances en cause. Ces nuisances se sont poursuivies malgré les travaux (pose d'un faux plafond) effectués par le locataire, et n'ont pris fin qu'après le changement de gérance, intervenu en mai 2011, soit après la résiliation du bail. Même si l'établissement est situé dans un quartier notoirement «animé» et bruyant, les premiers juges ont considéré que les enquêtes avaient cependant permis d'établir que les nuisances invoquées par le bailleur provenaient bien pour l'essentiel de l'établissement de l'appelant, notamment sur la base des témoignages de G.______, du brigadier F.______ et du chef de secteur auprès du Service du commerce E.______. Les premiers juges ont retenu qu'en dépit des protestations écrites du bailleur au sens de l'art. 257f al. 3 CO adressées au locataire, en octobre 2009, puis en octobre, novembre et décembre 2010, les violations du devoir de diligence reprochées au locataire se sont poursuivies jusqu'au changement de gérance de l'établissement, qui a eu lieu postérieurement à la résiliation du bail. Les premiers juges ont donc considéré que le fait que les nuisances aient cessé, ou notablement diminué, postérieurement au changement de gérance, démontre bien, que, contrairement à la position du locataire, ce dernier n'a pas pris toutes les mesures qui étaient en son pouvoir pour remédier aux nuisances qui lui étaient reprochées, n'ayant notamment pas exposé pour quels motifs il n'aurait pas été en mesure de procéder au changement de gérance de son établissement suite aux premières plaintes du bailleur, au lieu d'attendre que son bail soit résilié pour ce faire.

Au vu de ce qui précède, les explications de l'appelant, selon lesquelles il a toujours pris au sérieux les plaintes de l'intimé, tenté de remédier aux problèmes et exécuté les requêtes de l'intimé, n’enlèvent rien au fait que les nuisances sont établies et que celles-ci ont persisté jusqu'au changement de gérance en mai 2011, soit après la résiliation du bail.

Même si les décisions prises à l'issue de la séance de février 2011 sous l'égide du Service du commerce, ont été, selon l'appelant, fructueuses et que les plaintes ont cessé en mars ou avril 2011, il n'en reste pas moins qu'il est établi que les nuisances n'ont cessé qu'en mai 2011 suite au changement de gérance, postérieurement à la résiliation du bail. En outre, les enquêtes n'ont pas permis d'établir que la décision de résilier le contrat aurait été prise en octobre 2010 déjà.

S'il n'est pas contesté que le quartier où se situe l'établissement est un quartier notoirement «animé» et bruyant, comme le soutient l'appelant et admis à juste titre par les premiers juges, les enquêtes ont permis d'établir que les nuisances invoquées par le bailleur provenaient bien pour l'essentiel de l'établissement de l'appelant, de sorte que celui-ci ne saurait reporter la responsabilité des nuisances de son établissement sur l'environnement et que la marge de tolérance imposée au bailleur et aux locataires de l'immeuble concerné a bel et bien été dépassée.

La Cour relève que les protestations écrites du bailleur, adressées au locataire en octobre 2009, puis en octobre, novembre et décembre 2010, répondent aux exigences de l'art. 257f al. 3 CO s'agissant de l'indication de l'obligation violée par le locataire et des mesures à prendre requises par le bailleur. En effet, elles font référence aux plaintes des locataires de l'immeuble concerné reçues consécutivement au bruit provenant de l'établissement de l'appelant et à plusieurs incidents ayant engendré des nuisances et nécessité l'intervention des forces de l'ordre. Elles ont requis la pose d'une isolation phonique puis la fermeture de l'établissement à 22h. sous menace de la résiliation du bail. L'appelant ne peut donc pas se retrancher derrière le fait que les protestations écrites du bailleur ne contenaient pas l'indication de l'obligation violée et des mesures à prendre. En outre, il n'a pas allégué avoir été dans l'ignorance des reproches dont il faisait l'objet, ni des mesures à prendre requises par le bailleur.

Au vu de ce qui précède, les premiers juges n'ont pas violé la règle de l'équité et les principes de proportionnalité et de subsidiarité, en déclarant valable le congé.

Le délai inférieur à trois mois entre la dernière protestation écrite du bailleur et la résiliation du bail est conforme au délai imposé par la jurisprudence dans le cadre de l'application de l'art. 257f al. 3 CO. En outre, les autres protestations écrites des 20 octobre, 2 novembre et 1er décembre 2010 respectent également ce délai, l'art. 257f al. 3 CO ne faisant obligation au bailleur d'adresser qu'une seule protestation écrite au locataire. La Cour relève que les enquêtes ont établi que les nuisances ont persisté jusqu'au changement de gérance en mai 2011, soit après la résiliation du bail, et qu'elles n'ont, en revanche, pas permis d'établir que la décision de résilier le contrat aurait été prise en octobre 2010 déjà. Le grief de l'appelant sur ce point sera rejeté.

Au surplus, l'appelant ne remet pas en cause l'évacuation et l'exécution directe prononcée par le Tribunal.

Le jugement attaqué sera donc entièrement confirmé.

5. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (arrêt du Tribunal fédéral 4A_607/2012 du 21 février 2013 consid. 2.6).

* * * * *
PAR CES MOTIFS,

La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 8 avril 2013 par A.______ contre le jugement JTBL/139/2013 rendu le 14 février 2013 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/7988/2011-4-OSB.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Elena SAMPEDRO et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Pierre DAUDIN et Madame Laurence CRUCHON, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente : La greffière :

Sylvie DROIN Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr. cf. consid. 1.2.