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Décisions | Chambre civile

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C/1200/2023

ACJC/115/2023 du 27.01.2023 ( IUS ) , REJETE

Normes : LPM.55; LPM.59; CPC.261; CPC.262; CPC.265
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1200/2023 ACJC/115/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 27 JANVIER 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, requérant, comparant par Me Lukas VAN DOBBEN, avocat, MANGEAT AVOCATS SÀRL, passage des Lions 6, case postale, 1211 Genève 3, en l'Étude duquel il fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, cité, comparant en personne.

 


Attendu, EN FAIT, que A______ est créateur de montres à Genève et exploite une entreprise notamment active dans la conception, la création, la fabrication, la commercialisation et la distribution de montres, par le truchement de la société C______ SA, ayant son siège à Genève, dont il est le fondateur, l'actionnaire unique et l'administrateur unique;

Qu'il est titulaire des marques enregistrées "C______" et "A______" pour une liste de produits et de services liés à la production et la distribution horlogère;

Qu'il produit des montres qui connaissent un succès international ainsi qu'une notoriété dans le monde de l'horlogerie, ses pièces se vendant à des prix compris entre plusieurs dizaines de milliers et plusieurs centaines de milliers de francs; que les acquéreurs doivent s'inscrire sur une liste d'attente;

Que B______ est le frère de A______;

Qu'il a travaillé en qualité d'horloger assembleur et décorateur de mouvements chez C______ SA de janvier 2016 à décembre 2022;

Qu'à teneur d'une lettre de fin des rapports de travail cosignée le 22 août 2022, A______ et B______ mettaient fin à leur relation en raison du projet horloger personnel du second; que ce dernier a été immédiatement libéré de son obligation de fournir sa prestation de travail;

Que B______ a fait enregistrer le ______ 2022 la marque "B______" pour une liste de produits et de services liés à la production et la distribution horlogère;

Que le 8 novembre 2022, B______ a informé le public, par le biais de son compte Instagram, du lancement de sa propre marque horlogère ("I'm launching my own brand #B______, stay tuned !");

Que le 15 janvier 2023, B______ a annoncé sur le réseau social Instagram qu'il allait lancer la commercialisation de sa première montre le 30 janvier 2023;

Que par acte déposé le 26 janvier 2023 auprès de la Cour de justice, A______ a requis des mesures superprovisionnelles et provisionnelles tendant, sous la menace de la peine prévue à l'art. 292 CP :

-      à ordonner à B______ de retirer toute publication internet, notamment sur les comptes LinkedIn, Instagram et Facebook, assimilant les termes "B______" ou "B______ [nom]" à des produits d'horlogerie, de bijouterie, de joaillerie et de montres électroniques,

-      à faire interdiction à B______ d'offrir, commercialiser, distribuer, vendre, promouvoir, exporter, entreposer ou utiliser de quelque autre manière tous produits d'horlogerie, de bijouterie, de joaillerie et de montres électroniques portant l'inscription, sous quelque forme que ce soit, des termes "B______" ou "B______ [nom]", ou étant assimilés à ces termes;

-      à faire interdiction à B______ de procéder à l'envoi d'offres à des clients potentiels en usant des termes "B______" ou "B______ [nom]" concernant des produits d'horlogerie, de bijouterie, de joaillerie et de montres électroniques portant l'inscription, sous quelque forme que ce soit, des termes "B______" ou "B______ [nom]";

-      à faire interdiction à B______ de faire un usage publicitaire des termes "B______" ou "B______ [nom]" en lien avec des produits d'horlogerie, de bijouterie, de joaillerie et de montres électroniques;

-      à faire interdiction à B______ de faire un usage publicitaire sur internet des termes "B______" ou "B______ [nom]" en lien avec des produits d'horlogerie, de bijouterie, de joaillerie et de montres électroniques, notamment sur les comptes LinkedIn, Instagram et Facebook appartenant à B______;

Qu'en substance, A______ soutient que l'utilisation par B______ de la marque fondée sur son nom qu'il a fait enregistrer en lien avec des produits d'horlogerie, de bijouterie, de joaillerie et de montres électroniques était susceptible créer une confusion avec la marque qu'il avait lui-même enregistrée, correspondant également à son nom;

Que le risque était d'autant plus grand que le cité utilisait une police de caractère similaire à celle figurant sur les montres du requérant dans sa photographie de profil sur Instagram;

Que la confusion s'était d'ailleurs déjà manifestée sur le fil de discussion du cité au vu des commentaires laissés par des suiveurs, suite au message du 8 novembre 2022, qui semblaient assimiler B______ à la marque C______ ("never had the chance to hold an C______ in my own hands, but I'm sure the new one will become another milestone in your work").

Considérant, EN DROIT, qu'en application de l'art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b);

Que l'art. 262 CPC prévoit que le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment l'interdiction et l'ordre de cessation d'un état de fait illicite;

Qu'à teneur de l'art. 55 al. 1 let. a et b LPM, la personne qui subit ou risque de subir une violation de son droit à la marque peut demander au juge civil de l'interdire si elle est imminent ou de la faire cesser si elle dure encore, y compris par la voie provisionnelle (art. 59 let. d LPM);

Que l'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable, ce qui implique une urgence (Message du Conseil du 28 juin 2006 relatif au Code de procédure civile suisse, in FF 2006 p. 6841 ss, spéc. 6961);

Que la vraisemblance requise doit en outre porter sur un préjudice difficilement réparable, qui peut être patrimonial ou immatériel (Huber, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung (ZPO), 2ème éd. 2013, n° 20 ad art. 261 CPC). Que cette condition vise à protéger le requérant du dommage qu'il pourrait subir s'il devait attendre jusqu'à ce qu'une décision soit rendue au fond (ATF 139 III 86 consid. 5; 116 Ia 446 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_901/2011 du 4 avril 2012 consid. 5; 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4). Que le requérant doit rendre vraisemblable qu'il s'expose, en raison de la durée nécessaire pour rendre une décision définitive, à un préjudice qui ne pourrait pas être entièrement supprimé même si le jugement à intervenir devait lui donner gain de cause. Qu'en d'autres termes, il s'agit d'éviter d'être mis devant un fait accompli dont le jugement ne pourrait pas complètement supprimer les effets (arrêt du Tribunal fédéral 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1);

Qu'en droit des marques ou en matière de concurrence déloyale, il est admis qu'un risque de confusion est en règle générale de nature à engendrer une perturbation du marché ainsi que d'autres dommages de nature immatérielle. Que la condition de menace d'un dommage difficile à réparer est dès lors en règle générale considérée comme remplie (Schlosser, Les conditions d'octroi des mesures provisionnelles en matière de propriété intellectuelle et de concurrence déloyale, in sic! 2005 p. 349; arrêts de la Cour de justice ACJC/1291/2017 du 6 octobre 2017 consid. 3.4; ACJC/335/2015 du 26 mars 2015 consid. 4.1);

Que la condition de l'urgence doit être considérée comme remplie lorsque sans mesures provisionnelles, le requérant risquerait de subir un dommage difficile à réparer au point que l'efficacité du jugement rendu à l'issue de la procédure ordinaire au fond en serait compromise (arrêt du Tribunal fédéral 5A_629/2009 du 25 février 2010 consid. 4.2). Qu'en d'autres termes, l'urgence n'est donnée que s'il apparaît que la procédure provisionnelle sera terminée avant le moment où le procès ordinaire, introduit en temps utile, aurait pris fin (Schlosser, op. cit., p. 354 ss);

Qu'en cas d'urgence particulière, notamment s'il y a un risque d'entrave à leur exécution, le tribunal peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre la partie adverse (art. 265 al. 1 CPC);

Qu'une urgence particulière suppose que le but recherché ne pourrait pas être atteint s'il fallait attendre jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur mesures provisionnelles;

Que la condition de l'urgence particulière est remplie lorsque le temps manque pour entendre la partie adverse, parce qu'une émission va être diffusée, un bien va être mis sur le marché ou une foire ou une exposition se dérouler, par exemple, ou lorsqu'un effet de surprise est nécessaire et que l'audition préalable de la partie adverse pourrait ruiner le but poursuivi par les mesures requises ou lorsqu'il existe un risque que la partie adverse intensifie son comportement dont l'interdiction est requise en apprenant l'existence de la requête (Sprecher, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3ème éd., 2017, n. 6 ad art. 265 CPC n. 10, 11 et 11a);

Que la simple mention de la violation d'un droit et d'un dommage ne fonde pas encore une urgence particulière (Sprecher, op. cit. n. 6 ad art. 262 CPC);

Que le juge doit procéder à la pesée des intérêts en présence, c'est-à-dire à l'appréciation des désavantages respectifs pour chacune des parties selon que la mesure requise est ou non ordonnée (Hohl, Procédure civile, tome II, 2010, n° 1773 à 1776 et 1779);

Que la mesure doit être proportionnée au risque d'atteinte (arrêt du Tribunal fédéral 4_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4.1);

Qu'en l'espèce, le requérant allègue que le cité est sur le point de présenter au public une montre, produite sous la marque B______, qui présenterait un risque de confusion avec sa propre marque et ses produits;

Que le cité a en effet annoncé sur Instagram la présentation d'un modèle de montre le 30 janvier 2023, avec une image floutée de la pièce en question;

Que le requérant savait toutefois depuis novembre 2022 que le cité avait l'intention de lancer sa marque de montre et l'avait annoncé au public;

Qu'il prétend avoir constaté peu après que le public faisait la confusion entre sa marque et celle du cité sur le fil de discussion Instagram de ce dernier;

Qu'il ne rend pas vraisemblable que l'urgence d'éviter une confusion contraire à la LPM serait plus importante aujourd'hui et qu'il conviendrait de prononcer une interdiction par voie superprovisionnelle, sans entendre préalablement le cité et sans que les circonstances plus précises d'une violation de la loi ne soient rendues vraisemblables;

Qu'à ce stade, il apparaît que la pesée des intérêts dans le prononcé d'une mesure provisionnelle est plus favorable au cité qui risque un préjudice important si les interdictions requises sont prononcées à quelques jours du lancement d'une nouvelle montre;

Que le risque de confusion invoqué par le requérant est déjà réalisé par les annonces effectuées les 8 novembre 2022 et 15 janvier 2023 par le cité. Que la présentation du premier modèle de la marque du cité annoncée pour le 30 janvier 2023 n'y changera plus grand-chose et la décision sur les mesures requises peut attendre que le cité ait été entendu à leur propos;

Que la requête de mesures superprovisionelles doit dès lors être rejetée;

Qu'un délai de dix jours dès la notification de la présente ordonnance sera imparti au cité pour répondre à la requête de mesures provisionnelles (art. 265 al. 2 CPC);

Que la suite de la procédure sera réservée;

Que le sort des frais sera renvoyé à la décision finale (art. 104 al. 3 CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

Statuant sur mesures superprovisionnelles :

Rejette la requête formée le 26 janvier 2023 par A______ contre B______.

Réserve le sort des frais de la présente décision.

Statuant préparatoirement :

Impartit à B______ un délai de 10 jours dès réception de la présente ordonnance pour répondre par écrit à la requête de mesures provisionnelles et produire ses pièces.

Réserve la suite de la procédure.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Sandra CARRIER, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

S'agissant de mesures superprovisionnelles, il n'y a pas de voie de recours au Tribunal fédéral (ATF 137 III 417 consid. 1.3.)