Aller au contenu principal

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/11061/2019

ACJC/922/2020 du 26.06.2020 sur OTPI/1/2020 ( SDF ) , MODIFIE

Rectification d'erreur matérielle : En pages 12 et 14.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11061/2019 ACJC/922/2020

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU VENDREDI 26 JUIN 2020

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______, appelante et intimée d'une ordonnance rendue par la 5ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 7 janvier 2020, comparant par Me Laetitia Schriber, avocate, rue du Conseil-Général 10, 1205 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié c/o M. C______, ______, intimé et appelant, comparant par Me Laurence Mizrahi, avocate, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en l'étude de laquelle il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par ordonnance OTPI/1/2020 rendue le 7 janvier 2020, reçue par les parties le lendemain, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant sur mesures provisionnelles dans le cadre du divorce des époux A______ et B______, a condamné B______ à verser en mains de A______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, la somme de 855 fr. au titre de contribution à l'entretien de l'enfant D______, avec effet au 3 mai 2019 (chiffre 1 du dispositif), condamné B______ à remettre à A______ une attestation signée d'ici au 20 janvier 2020 l'autorisant à faire toutes les démarches nécessaires en vue de l'obtention du permis de séjour pour l'enfant D______ (ch. 2), réservé la décision finale du Tribunal quant au sort des frais (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).

B. a. Par acte expédié le 20 janvier 2020 au greffe de la Cour de justice, A______ appelle de cette ordonnance dont elle sollicite l'annulation du chiffre 1 de son dispositif. Cela fait, elle conclut à la condamnation de B______ à lui verser, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, la somme de 916 fr. à compter du 3 mai 2019, puis 1'690 fr. à compter du 1er décembre 2019 au titre de contribution d'entretien de D______. De plus, elle conclut à la condamnation de B______ au paiement des frais de la procédure d'appel et à la confirmation de l'ordonnance OTPI/1/2020 pour le surplus.

b. Par acte expédié le 20 janvier 2020 au greffe de la Cour de justice, B______ appelle également de cette ordonnance dont il sollicite l'annulation des chiffres 1, 3 et 4 du dispositif. Principalement, il conclut au rejet de la requête de mesures provisionnelles, ou à tout le moins à la réduction du montant de la contribution à l'entretien de D______, à la condamnation de A______ en tous les frais et dépens, y compris de première instance, et au déboutement de celle-ci de toutes autres ou contraires conclusions.

c. Préalablement, il conclut au prononcé de la suspension de l'effet exécutoire attaché au chiffre 1 de l'ordonnance OTPI/1/2020.

Par arrêt du 7 février 2020, la Cour a rejeté cette requête et renvoyé la décision sur les frais à la décision finale.

d. Dans leurs réponses respectives, les parties ont conclu au rejet de l'appel formé par leur partie adverse, produisant chacune de nouvelles pièces.

e. Par réplique du 5 mars 2020, B______ a persisté dans ses conclusions.

A______ n'a pas fait usage de son droit de duplique.

f. Les parties ont été avisées le 20 mars 2020 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent de la procédure :

a. Les époux A______, née le ______ 1990 à I______ (Pérou), de nationalités espagnole et péruvienne et B______, né le ______ 1990 à J______ (Pérou), de nationalité péruvienne, ont contracté mariage le ______ 2009 à K______ (Espagne).

b. Un enfant est issu de cette union, soit D______, né le ______ 2010 à K______ (Espagne).

A______ s'est installée à Genève après la naissance de l'enfant. B______ conteste être également venu à Genève à cette date. Il y vit cependant depuis plusieurs années.

c. Par acte expédié au greffe du Tribunal de première instance le 3 mai 2019, A______ a formé une demande unilatérale en divorce, avec mesures provisionnelles.

Sur mesures provisionnelles, elle a conclu à ce que le Tribunal condamne B______ à verser mensuellement, pour l'entretien de D______, la somme de 1'472 fr. 45, allocations familiales non comprises.

Elle a conclu en outre à ce que le Tribunal ordonne à B______ de lui remettre une attestation l'autorisant à faire les démarches nécessaires en vue de l'obtention d'un permis de séjour en Suisse pour l'enfant D______, point qui n'est pas remis en cause en appel.

d. Lors de l'audience de conciliation et de comparution personnelle des parties du 1er juillet 2019 devant le Tribunal, A______ a persisté dans les termes et conclusions de sa demande. B______ a indiqué qu'une procédure de divorce avait été introduite en Espagne.

Par écriture du 4 septembre 2019, il a conclu à l'irrecevabilité de la demande pour cause de litispendance.

Le 4 octobre 2019 A______ a conclu à la suspension de la procédure de divorce jusqu'à droit jugé dans la procédure espagnole mais a persisté dans ses conclusions sur mesures provisionnelles.

e. Par jugement JTPI/15628/2019 du 7 novembre 2019, le Tribunal, statuant sur exception de litispendance, a notamment déclaré recevables les conclusions sur mesures provisionnelles déposées par A______ en tant qu'elles concernaient le sort de l'enfant D______ et les contributions à son entretien, et suspendu la procédure s'agissant du principe du divorce et de la liquidation du régime matrimonial des parties, jusqu'à droit jugé sur ces points par le Juge aux affaires familiales de K______ (Espagne).

f. Lors de l'audience du 9 décembre 2019, B______ s'est opposé au versement de toute contribution pour l'entretien de son fils, faute de moyens financiers.

D. La situation financière et personnelle des parties est la suivante :

a. B______ n'a pas annoncé aux autorités compétentes son séjour à Genève et il ne dispose dès lors d'aucun permis de travail ni de résidence en Suisse. Des démarches pour obtenir un tel permis sont en cours.

Depuis plusieurs années, B______ travaille à Genève dans le domaine de la restauration, à 100%. En 2018, il a travaillé pour le restaurant H______, exploité par E______. Depuis l'automne 2018, il travaille comme plongeur pour le Restaurant F______, également exploité par E______. Selon ses déclarations devant le Tribunal ainsi qu'une attestation signée par son employeur, B______ n'est pas déclaré et perçoit des revenus de 2'500 fr. par mois, versés 12 fois l'an, de main à main. Il ressort cependant d'un extrait de compte individuel de l'OCAS que B______ a perçu un revenu de 11'163 fr. d'octobre à décembe 2018 et de 44'655 fr. durant l'année 2019, soit 3'721 fr. par mois.

Il vit avec sa nouvelle compagne, qui n'est pas au bénéfice d'un permis de séjour mais travaille comme garde d'enfants pour 430 fr. par mois, ainsi qu'avec la fille de cette dernière; selon une attestation établie par E______, ce dernier loue à l'intimé un logement pour 1'450 fr. par mois, aucun contrat de bail n'ayant été produit.

B______ n'est pas affilié à une assurance maladie. Ses charges incompressibles, telles qu'arrêtées par le Tribunal, s'élèvent à 1'645 fr., soit 725 fr. (moitié du loyer), 850 fr. de minimum vital (en raison du concubinage) et 70 fr. de frais de transport.

En appel, B______ fait valoir que sa compagne ne gagne que 430 fr. par mois, de sorte qu'il assume seul le loyer ainsi que 2'100 fr. de minimum vital, soit 1'700 fr. pour 2 personnes vivant en concubinage plus 400 fr. pour l'enfant, et 185 fr. de frais de transport (2 x 70 fr. + 45 fr.). Il n'a pas de disponible.

b. Entre janvier 2014 et janvier 2019, A______ était au bénéfice d'un permis B. Elle est aujourd'hui titulaire d'un permis C.

Depuis novembre 2018, elle travaille comme serveuse à 50% au Restaurant G______, pour un salaire mensuel de 1'668 fr. nets, y compris le 13ème salaire (soit 1'717 fr. bruts plus une participation mensuelle au 13ème salaire de 143 fr. - 192 fr. de cotisations sociales conformément à la CCNT 2010). Son contrat a été résilié le 20 octobre 2019 pour le 30 novembre 2019. Elle a déclaré devant le Tribunal s'être annoncée à la Caisse de chômage pour obtenir des indemnités. Le Tribunal a retenu un salaire mensuel de 1'807 fr. soit 1'668 fr. x 13/12 et évalué les indemnités chômage à percevoir par A______ à 80% de ce montant.

Jusqu'au 15 avril 2019 A______ occupait un studio dont le loyer s'élevait à 1'080 fr. par mois, charges comprises. Depuis cette date, elle vit dans un appartement à loyer subventionné sis route 2______ [no.] ______, pour un loyer mensuel de 578 fr. Elle indique avoir un nouveau compagnon avec lequel elle ne vit pas, celui-ci étant domicilié au quai 1______ [no.] ______ selon les pièces versées au dossier.

En 2019, ses primes d'assurance-maladie étaient de 390 fr. 50 par mois. Le subside versé en 2018 (90 fr. par mois) a été suspendu en 2019, le dossier étant en cours d'examen.

Le Tribunal a retenu des charges incompressibles de 2'584 fr., comprenant 864 fr. de part de loyer, 300 fr. d'assurance maladie, subsides déduits, 70 fr. de frais de transport et 1'350 fr. de minimum vital.

B______ soutient en appel que A______ vit en concubinage, de sorte que son minimum vital n'est que de 850 fr. et son loyer de 432 fr. (1'080 fr. /2 x 80%).

c. Les charges incompressibles de l'enfant, telles que retenues par le Tribunal, comprennent sa participation aux frais du logement (216 fr. soit 20% du loyer de 1'080 fr.), sa prime d'assurance-maladie, subsides déduits (50 fr.), les frais de transports publics (45 fr.) et le minimum vital (400 fr.), pour un total de 411 fr., après déduction des allocations familiales.

B______ fait valoir en appel que A______ vit en concubinage, de sorte que la participation de l'enfant au loyer n'est que de 108 fr. (1'080 fr. /2 x 20%).

E. Dans la décision querellée, s'agissant des points contestés en appel, le Tribunal a retenu que B______ touchait 2'500 fr. par mois, pour des charges de 1'645 fr., soit un disponible de 855 fr. Le déficit de A______ était de 777 fr. jusqu'en novembre 2019 (1'807 fr. - 2'584 fr.) puis de 1'139 fr. (80% de 1'807 fr. - 2'584 fr.). B______ a ainsi été condamné à verser 855 fr. par mois pour l'entretien de D______, ce dès le dépôt de la requête de mesures provisionnelles le 3 mai 2019.

EN DROIT

1. 1.1 Les appels des parties sont dirigés contre une décision prise sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC) et statuant sur une affaire non pécuniaire dans son ensemble, puisque portant notamment sur les droits parentaux (arrêt du Tribunal fédéral 5A_765/2012 du 19 février 2013). La voie de l'appel est dès lors ouverte.

Interjetés dans le délai utile de dix jours compte tenu de l'application de la procédure sommaire (art. 142 al. 3, 248 let. d et 314 al. 1 CPC), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) et auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), les deux appels sont recevables.

1.2 Dirigés contre une même décision et comportant des liens étroits, il se justifie de les traiter dans un seul arrêt. Par souci de simplification et pour respecter le rôle initial des parties, l'épouse sera désignée en qualité d'appelante et l'époux en qualité d'intimé.

1.3 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Les mesures provisionnelles étant soumises à la procédure sommaire, la cognition du juge est néanmoins limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb, JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_792/2016 du 23 janvier 2017 consid. 4.1; 5A_937/2014 du 26 mai 2015 consid. 6.2.2).

S'agissant du sort des enfants mineurs, les maximes d'office et inquisitoire illimitée s'appliquent (art. 55 al. 2, 58 al. 2 et 296 al. 3 CPC; ATF 129 III 417 consid. 2.1.2; 128 III 411 consid. 3.2.2 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 5A_906/2012 du 18 avril 2013 consid. 6.1.1), ce qui a pour conséquence que le juge n'est pas lié par les conclusions des parties (art. 296 al. 3 CPC).

2. Les parties produisent des pièces nouvelles devant la Cour. L'intimé fait valoir que le décompte de l'OCAS produit en appel a été obtenu en violation d'une circulaire et qu'il doit être écarté de la procédure.

2.1.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Dans les causes de droit matrimonial concernant les enfants mineurs, dans lesquelles les maximes d'office et inquisitoire illimitée s'appliquent, la Cour de céans admet tous les novas (arrêts publiés ACJC/798/2014 du 27 juin 2014 consid. 2.2; ACJC/480/2014 du 11 avril 2014 consid. 1.4; ACJC/473/2014 du 11 avril 2014 consid. 2.1).

2.1.2 Selon l'art. 152 al. 2 CPC, le Tribunal ne prend en considération les moyens de preuve obtenus de manière illicite que si l'intérêt à la manifestation de la vérité est prépondérant.

Contrairement à la preuve irrégulière, recueillie en violation d'une règle de procédure, la preuve illicite est obtenue en violation d'une norme de droit matériel, laquelle doit protéger le bien juridique lésé contre l'atteinte en cause. La preuve obtenue illicitement n'est utilisable que d'une manière restrictive. Le juge doit en particulier procéder à une pesée de l'intérêt à la protection du bien lésé par l'obtention illicite et de l'intérêt à la manifestation de la vérité (ATF 140 III 6 consid. 3.1).

2.2.1 En l'espèce, les pièces nouvelles déposées par les parties sont postérieures au prononcé de l'ordonnance querellée ou se rapportent à leur situation financière, laquelle est pertinente dans le cadre d'une éventuelle modification des contributions dues pour l'entretien d'un enfant mineur. Elles sont par conséquent toutes recevables.

2.2.2 L'intimé échoue à rendre vraisemblable que l'appelante a obtenu le décompte individuel de l'OCAS le concernant de manière frauduleuse. Il n'a d'ailleurs pas fait valoir ce moyen en première instance, à propos de l'extrait de compte de 2018. En tout état, l'intérêt à la manifestation de la vérité, s'agissant de contributions à l'entretien d'un enfant mineur, l'emporte sur l'intérêt de l'intimé à voir le montant de ses revenus tenu secret. Les décomptes de l'OCAS n'ont pas à être écartés de la procédure.

3. Les parties contestent tant le montant des revenus retenus par le Tribunal que celui des charges arrêtées.

3.1.1 Selon l'art. 276 CC, auquel renvoie l'art. 133 al. 1 ch. 4 CC, l'entretien de l'enfant est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires (al. 1). Les père et mère contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger (al. 2).

L'art. 285 CC prévoit que la contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources de ses père et mère; il est tenu compte de la fortune et des revenus de l'enfant (al. 1). La contribution d'entretien sert aussi à garantir la prise en charge de l'enfant par les parents et les tiers (al. 2).

Il revient toujours au juge d'examiner si, dans le cas d'espèce, le versement d'une contribution de prise en charge se justifie et à combien elle doit se monter (Message du Conseil fédéral du 29 novembre 2013 concernant la révision du code civil suisse (Entretien de l'enfant), FF 2014, p. 557).

3.1.2 Il n'y a pas de méthode spécifique pour le calcul de la contribution d'entretien, ni de priorisation des différents critères. L'obligation d'entretien trouve sa limite dans la capacité contributive du débirentier, en ce sens que le minimum vital de celui-ci doit être préservé (ATF 140 III 337 consid. 4.3; 137 III 59 consid. 4.2.1 et 4.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_104/2017 du 11 mai 2017 consid. 3.3.4.2). Le juge dispose de la marge d'appréciation requise pour tenir compte des circonstances particulières du cas et rendre une décision équitable (Message, p. 556; Spycher, Kindesunterhalt : Rechtliche Grundlagen und praktische Herausforderungen - heute und demnächst, in FamPra 2016 p. 1 ss, p. 4; Stoudmann, Le nouveau droit de l'entretien de l'enfant en pratique, RMA 2016 p. 427 ss, p. 431).

La répartition de l'entretien de l'enfant doit être effectuée en fonction des ressources de chacun des parents, déterminées par la situation économique ainsi que par la possibilité de fournir une contribution sous la forme de soins et d'éducation (Message, p. 558; Spycher, op. cit., p. 3; Stoudmann, op. cit., p. 429).

3.1.3 S'agissant des charges, en présence d'une situation financière modeste, celles des enfants, tout comme celles de ses parents, comprennent un montant de base selon les normes d'insaisissabilité, une participation aux frais du logement, la prime d'assurance maladie obligatoire et les frais de transports publics (arrêt du Tribunal fédéral 5A_533/2010 du 24 novembre 2010 consid. 2.1; Bastons Bulletti, op. cit., p. 86 et 102). Lorsque la situation financière le permet, il convient également de tenir compte des dépenses non strictement nécessaires, soit notamment des impôts et la part de frais médicaux non couverte par l'assurance de base pour autant que leur caractère régulier soit établi (Bastons Bulletti, op. cit., p. 90 et 102).

Le loyer imputé au parent gardien doit être diminué de la part attribuée aux enfants, puisque celle-là est intégrée dans les coûts directs de ceux-ci (arrêts du Tribunal fédéral 5A_464/2012 du 30 novembre 2012 consid. 4.6.3 et 5A_533/2010 du 24 novembre 2010 consid. 2.1). En présence d'un enfant, la participation de celui-ci au frais de logement du parent gardien est de 20% et en présence de deux enfants, elle peut être fixée à 30% du loyer (Arrêt du Tribunal fédéral 5A_874/2015 du 2 mars 2016 consid. 4.4; Bastons Bulletti, op. cit., p. 85 et 102 et les notes de bas de page).

3.1.4 Si le débirentier vit en concubinage, il convient de ne prendre en compte, dans le calcul de son minimum vital, que la moitié du montant mensuel de base prévu pour le couple (ATF 137 III 59 consid. 4.2 et 4.3; 130 III 767 consid. 2.4). Il n'est pas pertinent de savoir si l'épouse ou la compagne travaille ou si elle participe effectivement aux charges du ménage ou non. Afin de ne pas privilégier cette dernière, seule la moitié du montant de base, à savoir 850 fr. de 1'700 fr., doit être prise en compte pour le calcul. Ce principe établi dans la jurisprudence vaut désormais de manière accrue compte tenu de la hiérarchisation claire prévue à l'art. 276a al. 1 CC qui dispose que l'obligation d'entretien envers un enfant mineur prime les autres obligations d'entretien du droit de la famille (arrêts du Tribunal fédéral 5A_553/2018 et 5A_554/2018 du 2 octobre 2018 consid. 6.7 et 5A_855/2017 du 11 avril 2018 consid. 3.1, lesquels renvoient à la jurisprudence toujours applicable rendue sous l'ancien droit : ATF 137 III 59 consid. 4.2.2).

Sur le modèle des lignes directrices du droit des poursuites, l'on retient également une participation du concubin jusqu'à la moitié des charges communes, même si la participation effective est inférieure (ATF 138 III 97 consid. 2.3.2, in JdT 2012 II 479 et les réf. citées).

Seules les charges effectives, dont le débirentier s'acquitte réellement, doivent être prises en compte (ATF 140 III 337 consid. 4.2.3; 121 III 20 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 5A_565/2016 du 16 février 2017 consid 4.2.2).

3.1.5 Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit en principe tenir compte du revenu effectif des parties, tant le débiteur d'entretien que le créancier pouvant néanmoins se voir imputer un revenu hypothétique supérieur (ATF 137 III 102 consid. 4.2.2.2; 128 III 4 consid. 4a).

Le juge peut ainsi parfois imputer aux parties un revenu hypothétique supérieur à leurs revenus effectifs. Il s'agit d'inciter la personne à réaliser le revenu qu'elle est en mesure de se procurer et dont on peut raisonnablement exiger d'elle qu'elle l'obtienne afin de remplir ses obligations (ATF 137 III 118 consid. 2.3;
137 III 102 consid. 4.2.2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_876/2016 du 19 juin 2017 consid. 3.1.2). Lorsque le juge entend tenir compte d'un revenu hypothétique, il doit examiner successivement deux conditions. Il doit d'abord déterminer si l'on peut raisonnablement exiger d'une personne qu'elle exerce une activité lucrative ou augmente celle-ci, eu égard, notamment, à sa formation, à son âge et à son état de santé. Le juge doit ensuite établir si la personne a la possibilité effective d'exercer l'activité ainsi déterminée et quel revenu elle peut en obtenir, compte tenu des circonstances subjectives susmentionnées, ainsi que du marché du travail (ATF 137 III 102 consid. 4.2.2.2; 128 III 4 consid. 4c/bb). C'est pourquoi on lui accorde en général un certain délai pour s'organiser à ces fins (ATF 129 III 417 consid. 2.2; 114 II 13 consid. 5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_651/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3.1 et les références citées).

Selon la récente jurisprudence du Tribunal fédéral, en règle générale, on est en droit d'attendre d'un parent qu'il commence ou recommence à travailler à 50% dès l'entrée de l'enfant à l'école obligatoire déjà, soit d'ordinaire à la rentrée scolaire qui suit l'âge de 4 ans révolus, et à 80% à partir du moment où celui-ci fréquente le degré secondaire I soit en principe à la rentrée scolaire qui suit l'âge de 12 ans révolus, puis à temps plein dès l'âge de 16 ans. Ces lignes directrices ne sont toutefois pas des règles strictes et leur application dépend des circonstances du cas concret (arrêts du Tribunal fédéral 5A_384/2018 du 21 septembre 2018 destiné à la publication consid. 4.7.6; 5A_931/2017 du 1er novembre 2018 consid. 3.1.2; 5A_454/2017 du 17 mai 2018 consid. 6.1.2.2 non publié in ATF 144 III 377).

3.2.1 En l'espèce, l'appelante critique le montant retenu par le Tribunal au titre des revenus de l'intimé. Elle fait grief au premier juge de ne pas avoir tenu compte de l'extrait du compte individuel de l'intimé auprès de l'OCAS, lequel fait état d'un revenu mensuel de 3'721 fr. brut, montant qui aurait dû être pris en compte, fut-ce à titre de revenu hypothétique.

Le grief est fondé. En effet, il est rendu vraisemblable que le revenu perçu par l'intimé est de 3'721 fr. bruts, soit environ 3'350 fr. nets, comme cela ressort des extraits de compte de l'OCAS. A cet égard, il est peu probable que l'employeur déclare à cet office davantage que ce qu'il paie à son employé. Ce montant correspond au surplus au salaire mensuel minimum brut prévu dans la CCT pour les hôtels, restaurants et café. Dans la mesure où l'employé est également locataire de son employeur, le montant de 2'500 fr. figurant sur l'attestation de ce dernier s'entend vraisemblablement après prélèvement du loyer. C'est donc bien le montant de 3'350 fr. qu'il convient de prendre en considération à titre de revenu effectif de l'intimé, la question d'un revenu hypothétique pouvant dès lors rester ouverte.

3.2.2 L'intimé reproche au Tribunal d'avoir tenu compte de manière erronée de sa situation de concubinage.

Au vu de la jurisprudence mentionnée, c'est à bon droit que le Tribunal n'a non seulement pas tenu compte dans les charges de l'intimé de celles de sa compagne et de l'enfant de celle-ci, mais aussi retenu uniquement à ce titre la moitié du minimum vital et du loyer.

En conclusion, les revenus de l'intimé totalisent 3'350 fr. pour des charges de 1'645 fr. (moitié du minimum vital : 1'700 fr. /2= 850 fr.; moitié du loyer : 1'450 fr./2 = 725 fr. et 70 fr. de frais de transport), soit un disponible de 1'705 fr.

3.2.3 L'appelante reproche au Tribunal d'avoir mal évalué sa situation financière en retenant à deux reprises le versement du treizième salaire.

Le grief est fondé. Le salaire de l'appelante, en 1'860 fr. bruts, comprend une part fixe de 1'717 fr., et 143 fr. de 13ème salaire. Après déduction des charges sociales en 192 fr., l'appelante touche 1'668 fr. nets, y compris le 13ème salaire. C'est donc à tort que le Tribunal a retenu à ce titre le montant de 1'807 fr. par mois.

Depuis le 1er décembre 2019, l'appelante n'a droit qu'à 80% de ce montant, à titre d'indemnités de chômage, soit 1'334 fr. (et non 80% de 1'807 fr. comme retenu par le Tribunal).

3.2.4 S'agissant des charges de l'appelante, c'est à bon droit que le Tribunal n'a pas tenu compte du prétendu concubinage de celle-ci, lequel n'est pas rendu vraisemblable. Même en appel, l'intimé n'apporte aucun élément probant à cet égard.

Jusqu'au 15 avril 2019, les charges incompressibles de l'appelante telles qu'arrêtées par le Tribunal peuvent être confirmées, soit2'584 fr. correspondant à 864 fr. de loyer (80% de 1'080 fr.), 300 fr. de primes d'assurance maladie (subsides déduits), 70 fr. de frais de transport et 1'350 fr. de minimum vital.

A partir du 15 avril 2019, date depuis laquelle l'appelante occupe un nouveau logement au loyer inférieur, ses charges incompressibles totalisent 2'182 fr. par mois, soit 462 fr. de loyer (80% de 578 fr.), 300 fr. de primes d'assurance maladie (subsides déduits), 70 fr. de frais de transport et 1'350 fr. de minimum vital).

Le déficit de l'appelante est ainsi de 916 fr. jusqu'au 15 avril 2019 (1'668 fr.
- 2'584 fr.), puis de 514 fr. dès le 16 avril 2019 jusqu'au 30 novembre 2019 (1'668 fr. - 2'182 fr.), et enfin de 848 fr. dès le 30 novembre 2019 (1'334 fr.
- 2'182 fr.).

3.2.5 Les charges incompressibles de l'enfant D______ telles qu'arrêtées par le Tribunal (411 fr. après déduction des allocations familiales) doivent également être modifiées à partir du 16 avril 2019, pour tenir compte du nouveau loyer payé par la mère, et fixées à 311 fr. (116 fr. de loyer, soit 20% de 578 fr.; 50 fr. de primes d'assurance-maladie [subsides déduits], 45 fr. de frais de transport et 400 fr. de minimum vital, sous déduction des allocations familiales de 300 fr.).

3.2.6 La mère assumant l'essentiel de la prise en charge de l'enfant par les soins et l'éducation, il revient à l'intimé d'en supporter les coûts directs.

Vu l'âge de l'enfant, il ne peut être exigé de l'appelante qu'elle augmente son temps de travail. Une contribution de prise en charge doit ainsi être intégrée dans les coûts de l'enfant, correspondant au déficit de l'appelante.

Enfin, le dies a quo de la contribution arrêté par le Tribunal au 3 mai 2019, date du dépôt de la requête de mesures provisionnelles, n'est pas remis en cause en appel.

3.2.7 Au vu des considérations qui précèdent, l'intimé sera condamné à verser à l'appelante du 3 mars 2019 au 15 avril 2015, la somme de 1'327 fr. au total (411 fr. pour l'enfant et 916 fr. de contribution de prise en charge), 825 fr. du *16 avril 2019 au 30 novembre 2019 (311 fr. + 514 fr.), et dès le 1er décembre 2019 1'129 fr. (311 fr. + 848 fr.).

Il n'y a pas lieu de partager le solde disponible de l'intimé, au vu de la courte période de vie commune des parties, lesquelles ne l'ont au demeurant pas sollicité.

4. L'appelante conclut à ce qu'une amende disciplinaire soit infligée à l'intimé, motif pris de ses allégations et déclarations mensongères.

4.1 La partie ou son représentant qui usent de mauvaise foi ou de procédés téméraires sont punis d'une amende disciplinaire de 2'000 fr. au plus; l'amende est de 5'000 fr. au plus en cas de récidive (art. 128 al. 3 CPC).

La jurisprudence se montre cependant restrictive. La sanction disciplinaire a un caractère exceptionnel et postule un comportement qualifié (Haldy, CR-CPC, n. 5 ad art. 128 CPC et les références).

4.2 En l'espèce, par gain de paix, et vu la nature familiale du litige, il ne sera pas infligé d'amende à l'intimé, sans qu'il y ait lieu de se prononcer plus avant sur le caractère ou non mensonger de ses allégations, aucune témérité n'étant en tout état établie.

5. L'intimé a conclu à la condamnation de l'appelante aux frais et dépens de première instance.

5.1 Lorsque l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de première instance (art. 318 al. 3 CPC).

En l'espèce, le Tribunal a réservé le sort des frais de la décision querellée à la décision à rendre sur le fond, conformément à l'art. 104 al. 3 CPC. Ce point sera confirmé sans qu'il y ait lieu de statuer à nouveau sur les frais de première instance.

5.2 Les frais judiciaires des deux appels seront fixés à 1'800 fr., y compris la décision rendue sur effet suspensif le 7 février 2020 (art. 31 et 35 RTFMC), et mis à la charge des parties à raison d'une moitié chacune, compte tenu de l'issue et de la nature familiale du litige. Les parties étant au bénéfice de l'assistance juridique, les frais judiciaires seront provisoirement supportés par l'Etat de Genève, lequel pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 122 al. 1 let. b et 123 CPC; art. 19 du Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale [RAJ - RS/GE E 2 05.04]).

Pour les mêmes motifs, les parties supporteront leurs propres dépens (art. 107 al. 1 let. c. CPC).

6. Le présent arrêt, qui statue sur mesures provisionnelles, est susceptible d'un recours en matière civile, les moyens étant limités en application de l'art. 98 LTF.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables les appels interjetés le 20 janvier 2020 par A______ et B______ contre l'ordonnance OTPI/1/2020 rendue le 7 janvier 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11061/2019-1.

Au fond :

Annule le chiffre 1 du dispositif de cette ordonnance et, statuant à nouveau sur ce point :

Condamne B______ à verser en mains de A______, pour l'entretien de l'enfant D______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, les sommes de 1'327 fr. du 3 mars* 2019 au 15 avril 2019, de 825 fr. du **16 avril 2019 au 30 novembre 2019 et de 1'129 fr. dès le 1er décembre 2019.

Confirme l'ordonnance entreprise pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires des deux appels à 1'800 fr., les met à la charge des parties pour moitié chacune.

Dit qu'ils sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD et Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Christel HENZELIN, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.