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Décisions | Chambre civile

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C/11741/2013

ACJC/473/2014 du 11.04.2014 sur JTPI/13407/2013 ( SDF ) , CONFIRME

Descripteurs : PROTECTION DE L'UNION CONJUGALE; DROIT DE GARDE; LOGEMENT DE LA FAMILLE; OBLIGATION D'ENTRETIEN
Normes : CC.176.3; CC.176.1.B; CC.176.1.1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/11741/2013 ACJC/473/2014

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 11 AVRIL 2014

 

Entre

A______, domicilié ______ (GE), appelant d'un jugement rendu par la 3ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 8 octobre 2013, comparant par Me Daniel Meyer, avocat, rue Ferdinand-Hodler 7, 1207 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile,

Et

B______, domiciliée ______ (GE), intimée, comparant par Me Cyril Aellen, avocat, rue du Rhône 61, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement du 8 octobre 2013, notifié aux parties le 14 octobre 2013, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé les époux A______ et B______ à vivre séparés (ch. 1 du dispositif), attribué à B______ la jouissance exclusive de la maison familiale sise à Aïre (ch. 2), ordonné à A______ de libérer de sa personne et de ses effets personnels ladite maison familiale, au plus tard dans un délai de trente jours dès la notification du jugement (ch. 3), attribué à l'épouse la garde des enfants D______, né en 1995, et E______, née en 1998 (ch. 4), réservé un droit de visite usuel à A______ (ch. 5), constaté qu'aucune contribution à l'entretien de la famille ne pouvait en l'état être mise à la charge des époux, eu égard à leurs situations financières respectives (ch. 6), statué sur les frais judiciaires et dépens (ch. 7 et 8) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 9).

B.            a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 22 octobre 2013, A______ appelle de ce jugement, dont il sollicite l'annulation des chiffres 2 à 9 du dispositif.

Principalement, l'appelant conclut à l'attribution en sa faveur de la jouissance exclusive du domicile conjugal sis à ______ (GE) ainsi que de la garde des enfants D______ et E______, à l'octroi d'un droit de visite usuel à son épouse et à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 4'000 fr. par mois à titre de contribution à l'entretien de la famille, sous suite de frais et de dépens.

A l'appui de ses conclusions, l'appelant produit une ordonnance pénale datée du 25 septembre 2013.

b. B______ conclut au déboutement de A______ des fins de son appel, sous suite de frais et de dépens.

L'intimée produit devant la Cour diverses pièces, dont trois ordonnances pénales datées du 13 novembre 2013.

c. Préalablement, A______ a sollicité l'octroi de l'effet suspensif à l'appel concernant l'attribution du domicile conjugal, ce à quoi B______ s'est opposée.

Par arrêt du 25 novembre 2013, statuant sur suspension de l'exécution, la Cour de justice a rejeté la requête de A______ tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché au jugement entrepris.

d. Les parties ont été informées de la mise en délibération de la cause par courrier du greffe de la Cour de justice du 17 janvier 2014.

Le 7 mars 2014, le Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant a adressé à la Cour de justice un rapport de renseignements établi par la police cantonale le
3 mars 2014. Le greffe de la Cour de justice a transmis aux parties copie de ce rapport le 14 mars 2014.

C.           Les faits pertinents suivants ressortent du dossier soumis à la Cour :

a. A______, né en 1954, et B______, née en 1964, tous deux de nationalité suisse, ont contracté mariage en 1994 à ______ (GE).

Trois enfants sont issus de cette union, soit C______, né en 1994, D______, né en 1995, et E______, née en 1998.

Au cours de leur union, les époux ont fait l'acquisition d'une villa familiale à ______ (GE), où ils ont élu domicile avec leurs enfants.

b. Depuis le début de l'année 2012, les époux connaissent d'importantes difficultés conjugales. Devenues ouvertement conflictuelles, leurs relations ont nécessité l'intervention de la police au domicile conjugal à plusieurs reprises et ont donné lieu au dépôt de plusieurs plaintes pénales de part et d'autre. La plupart de ces plaintes ont fait l'objet d'ordonnances de classement ou de non-entrée en matière.

Par ordonnance pénale du 25 septembre 2013, B______ a été condamnée à une peine pécuniaire de 90 jours-amende avec sursis et à une amende 500 fr. pour lésions corporelles simples sur la personne de son époux, dommages à la propriété d'importance mineure et vol d'usage au préjudice de proches. B______ a formé opposition contre cette ordonnance.

A______ a quant à lui été condamné par ordonnance pénale du
13 novembre 2013 à une peine pécuniaire de 60 jours-amende avec sursis pour lésions corporelles simples sur la personne de son épouse.

Entendu comme témoin dans le cadre de la procédure pénale ayant donné lieu à la seconde ordonnance susvisée, le fils cadet des parties, D______, a notamment indiqué être intervenu avec son frère pour séparer ses parents au cours de la dispute concernée; il a précisé que A______ avait alors menacé de se suicider avec une pique à grillade avant que la police n'intervienne. D______ a ajouté que son père avait déjà menacé de se suicider avec un couteau l'été précédent.

c. Le 30 mai 2013, B______ a formé une requête de mesures protectrices de l'union conjugale, sollicitant notamment l'attribution de la garde des enfants mineurs D______ et E______, l'octroi de la jouissance exclusive de la villa conjugale et le paiement d'une contribution à l'entretien de la famille de 3'000 fr. par mois.

A______ s'est opposé à la requête, sollicitant lui-même l'attribution de la garde de ses enfants D______ et E______, l'octroi de la jouissance exclusive de la villa conjugale et le paiement d'une contribution à l'entretien de la famille de 4'000 fr. par mois.

Au cours de la procédure, les époux se sont exprimés à plusieurs reprises sur leur situation et celle de leurs enfants. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience du 24 septembre 2013, lors de laquelle les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Titulaire d'un brevet fédéral de comptable et de contrôleur de gestion, A______ a exercé, de manière indépendante, longtemps en collaboration avec B______, des activités multiformes, avec des fortunes diverses, et administré de nombreuses petites sociétés.

En 2011 et 2012, il exploitait notamment un hôtel dans le canton de Vaud, au travers d'une société F______, tombée en faillite en mars 2013. Actuellement, il ne s’occupe plus que de sa société de domiciliation, G______, dont il peine à couvrir les charges et qui ne lui procurerait selon lui qu'un revenu inférieur à 2'000 fr. par mois.

Les charges personnelles de A______ comprennent, outre son entretien de base, 280 fr. par mois d'assurance-maladie obligatoire et 70 fr. de frais de transports publics.

A______ fait l'objet de nombreuses poursuites (impôts, banques, sociétés de recouvrement, etc.), pour un total de dettes de quelque 7'500'000 fr. Ses biens mobiliers et sa part de copropriété sur la villa familiale ont été récemment saisis au profit de ses créanciers; par jugement du 26 août 2013, contre lequel il a recouru, le Tribunal de première instance l'a déclaré en faillite personnelle, à la requête de son assureur maladie.

e. Egalement titulaire d'un diplôme de comptable, B______ collaborait avec A______, avant la détérioration des relations entre les époux, au sein de G______, sous un statut d'employée. Son salaire contractuel s'élevait à 6'775 fr. nets par mois.

Au mois de décembre 2012, B______ a été hospitalisée une semaine à la clinique H______ en raison d'un épisode dépressif, qu'elle impute à la détérioration des relations avec son époux. Suivie psychologiquement, elle est demeurée en incapacité de travail jusqu'à fin juin 2013. Durant cette période, B______ a perçu des indemnités journalières s'élevant à 6'735 fr. net par mois; elle a également déclaré résilier avec effet immédiat le contrat de travail la liant à G______.

A compter du 9 septembre 2013, B______ a retrouvé un emploi de comptable et assistante administrative à 80%. Elle perçoit un salaire de 80'000 fr. brut par an, soit 5'103 fr. 85 net par mois versés 13 fois l'an.

Les charges personnelles de B______ comprennent, outre son entretien de base, 203 fr. par mois de primes d'assurance-maladie obligatoire et 70 fr. par mois de frais de transports publics.

f. Les enfants des époux, y compris l'aîné, C______, qui est majeur depuis mars 2012, demeurent tous trois au sein de la villa conjugale. Les cadets D______ et E______ n’ont pas de problèmes particuliers au collège ou à l’école et disposent d’un bon réseau d’amis. Les trois jeunes gens s'entendent très bien entre eux, se soutiennent mutuellement et s'efforcent de se distancier du conflit de leurs parents. Aucun d'entre eux n'a pour l'heure achevé sa formation.

Entendus par le Tribunal le 11 septembre 2013, les cadets D______ et E______ ont exprimé le souhait de demeurer dans la villa conjugale avec leur mère, avec laquelle ils s'entendent mieux qu'avec leur père.

Les charges personnelles de D______ et de E______ comprennent leurs primes d'assurance-maladie à hauteur de 100 fr. par mois chacun et leurs frais d'abonnement aux transports publics à hauteur de 45 fr. par mois, en sus de leur entretien de base.

g. Les charges établies liées à la villa conjugale, dont chacun des époux allègue s'acquitter, comprennent 1'285 fr. par mois d’intérêts hypothécaires et 80 fr. d’assurance bâtiment.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que l'intérêt des adolescents D______ et E______ commandait d'attribuer leur garde à leur mère, conformément aux souhaits exprimés lors de leur audition. Leur volonté était d'autant plus déterminante qu'ils étaient d'un âge proche de la majorité et parfaitement capables de discernement. Il convenait de réserver à leur père un droit de visite usuel.

Compte tenu notamment de l'intérêt de D______ et de E______ à conserver leur cadre de vie antérieur, il convenait d'attribuer à l'épouse la jouissance exclusive de la villa conjugale, à charge pour elle d'en assumer seule les intérêts hypothécaires. Un délai d'un mois pouvait être imparti à l'époux pour libérer ladite villa de sa personne et de ses effets personnels.

Aucune contribution d'entretien ne pouvait être mise à la charge de l'époux, qui était insolvable et dont les revenus ne couvraient pas ou tout juste son minimum vital élargi, lequel s'élevait à 2'550 fr. par mois. L'épouse, qui disposait de revenus d'environ 6'000 fr. nets par mois, devait faire face à des charges incompressibles de l'ordre de 4'395 fr. par mois pour elle et ses enfants. Elle bénéficiait ainsi d'un solde théorique de 1'600 fr. par mois, qu'il se justifiait de laisser au ménage qu'elle formait avec ses trois enfants afin d'améliorer quelque peu leur entretien, lequel était proche de la précarité.

E.            L'argumentation des parties devant la Cour sera reprise ci-après, dans la mesure utile à la solution du litige.

EN DROIT

1.             1.1 Les décisions sur mesures provisionnelles sont susceptibles d'appel si la contestation porte sur des questions non patrimoniales ou si, lorsque l'affaire est de nature pécuniaire, la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant le Tribunal de première instance atteint 10'000 fr. (cf. art. 308 CPC).

Les mesures protectrices de l’union conjugale constituent des mesures provisionnelles au sens de cette disposition (ATF 137 III 475 consid. 4.1).

En l'espèce, la cause porte à la fois sur des questions non patrimoniales, telles que la garde d'enfants mineurs ou l'attribution de la jouissance exclusive du domicile conjugal, et sur le montant de la contribution d'entretien: par attraction, l'ensemble du litige est de nature non pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 5A_765/2012 du 19 février 2013 consid. 1.1; 5A_697/2009 du 4 mars 2010 consid. 1.1) et la voie de l'appel est dès lors ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai de dix jours (art. 271 et 314 al. 1 CPC) et selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 252 et 311 CPC), l'appel est recevable.

L'art. 271 CPC soumet les mesures protectrices de l'union conjugale des art. 172 ss CC à la procédure sommaire (art. 271 let. a CPC). La cognition du juge est ainsi limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit. Les moyens de preuve sont limités à ceux qui sont immédiatement disponibles (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2010, n. 1556 et 1900 et ss. et les réf. citées).

S'agissant d'un appel, la Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC). Dans la mesure des conclusions prises en appel (art. 315 al. 1 CPC), la Cour établit les faits d'office. Elle n'est pas liée par les conclusions des parties en relation avec les enfants mineurs (art. 296 al. 1 et 3 CPC).

2.             2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuves nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Le Tribunal fédéral a précisé que cette disposition régit de manière complète et autonome la possibilité pour les parties d'invoquer des faits et moyens de preuve nouveaux en procédure d'appel (ATF 138 III 625 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_310/2012 du 1er octobre 2012 consid. 2.1). Il a en outre relevé qu'elle ne contient aucune règle spéciale pour la procédure simplifiée ou pour les cas où le juge établit les faits d'office, de sorte qu'aucune violation de l'art. 317 al. 1 CPC ne résulte de la stricte application de ses conditions (arrêt du Tribunal fédéral 4A_228/2012 précité consid. 2.2).

En revanche, la question de savoir s'il en va de même lorsque les maximes d'office et inquisitoire illimitée s'appliquent n'a pas été tranchée. Dès lors, dans les causes de droit matrimonial concernant les enfants mineurs, la Cour de céans persistera à admettre tous les novas (dans ce sens: Trezzini, in Commentario al Codice di diritto processuale civile svizzero (CPC), Cocchi/Trezzini/Bernasconi [éd.], 2011, p. 1394; Tappy, Les voies de droit du nouveau Code de procédure civile, in JdT 2010 III p. 115 ss, 139).

2.2 En l'espèce, les deux parties produisent à l'appui de leur appel des pièces non soumises au premier juge. Ces pièces ont trait notamment aux relations des parties avec leurs enfants mineurs, ainsi qu'à la contribution due à l'entretien de ceux-ci. Conformément aux principes rappelés ci-dessus, la recevabilité desdites pièces doit être admise, ce qui n'est au demeurant pas contesté.

3.             L'appelant revendique tout d'abord l'attribution de la garde des mineurs D______ et E______. Il reproche au premier juge d'avoir mal apprécié l'intérêt de ceux-ci en confiant leur garde à l'intimée.

3.1 En vertu de l'art. 176 al. 3 CC, relatif à l'organisation de la vie séparée, lorsque les époux ont des enfants mineurs, le juge ordonne les mesures nécessaires d'après les dispositions sur les effets de la filiation (cf. art. 273 ss CC); il peut, notamment, attribuer la garde des enfants à un seul des parents.

Le principe fondamental en ce domaine est l'intérêt de l'enfant, celui des parents étant relégué à l'arrière-plan. Au nombre des critères essentiels entrent en ligne de compte les relations entre les parents et l'enfant, les capacités éducatives respectives des parents, leur aptitude à prendre soin de l'enfant personnellement et à s'en occuper ainsi qu'à favoriser les contacts avec l'autre parent; il faut choisir la solution qui, au regard des données de l'espèce, est la mieux à même d'assurer à l'enfant la stabilité des relations nécessaires à un développement harmonieux des points de vue affectif, psychique, moral et intellectuel (ATF 136 I 178 consid. 5.3; 117 II 353 consid. 3, JdT 1994 I 183; 115 II 206 consid. 4a, JdT 1990 I 342; arrêt du Tribunal fédéral 5A_702/2007 du 28 avril 2008 consid. 2.1).

Le Tribunal fédéral a jugé qu'il fallait prendre en considération les vœux exprimés par un enfant sur son attribution, au père ou à la mère, lorsqu'il s'agit d'une résolution ferme et qu'elle est prise par un enfant dont l'âge et le développement - en règle générale à partir de 12 ans révolus - permettent d'en tenir compte (ATF 122 III 401 consid. 3b; arrêt du Tribunal fédéral 5C.293/2005 consid. 4.2 [pour l'attribution de l'autorité parentale, dont le droit de garde est une composante]; ATF 126 III 219 consid. 2b; 124 III 90 consid. 3c; arrêts du Tribunal fédéral 5A_716/2010 du 23 février 2011 consid. 4; 5A_107/2007 consid. 3.2 [pour la réglementation des relations personnelles]).

3.2 En l'espèce, il convient tout d'abord de relever que le fils cadet des époux, D______, est devenu majeur le 10 octobre 2013, date à laquelle il a atteint l'âge de 18 ans révolus (art. 14 CC). Les conclusions de l'appelant tendant à l'attribution de la garde de D______ sont dès lors irrecevables, faute d'intérêt digne de protection (art. 59 al. 2 let. a CPC).

En ce qui concerne la benjamine, E______, actuellement âgée de 15 ans, celle-ci a clairement exprimé la volonté de vivre principalement auprès de sa mère, avec qui elle s'entend mieux qu'avec son père. Au vu des principes rappelés ci-dessus, on ne saurait reprocher au premier juge d'avoir accordé une importance particulière à cet avis pour attribuer à l'intimée la garde de sa fille. L'âge de celle-ci et sa capacité à se déterminer, qui n'est pas contestée, commandent en effet qu'il soit tenu compte d'un tel avis. La bonne entente de E______ avec ses frères et la volonté de la fratrie de se distancier du conflit de leurs parents sont également des facteurs importants. L'appelant n'apporte aucun élément concret indiquant que l'attribution de la garde de E______ à sa mère ne serait pas conforme à l'intérêt de la mineure. S'il est exact que l'intimée a connu, à fin 2012, un épisode dépressif nécessitant une semaine d'hospitalisation et un suivi psychologique, il apparaît que l'intimée a aujourd'hui surmonté ses difficultés, ayant notamment retrouvé une pleine capacité de travail. Rien n'indique par ailleurs que les troubles de santé qu'a connus l'intimée seraient incompatibles avec l'exercice de la garde de sa fille. En particulier, les allégations de l'appelant selon lesquelles l'intimée adopterait devant ses enfants une conduite contraire aux bonnes mœurs (présence d'amants au domicile conjugal), voire illicite (consommation de stupéfiants) ne sont pas rendues vraisemblables.

Par ailleurs, il ressort des déclarations recueillies dans le cadre d'une des nombreuses procédures pénales ayant opposé les parties que l'appelant a, à deux reprises au moins, menacé de se donner la mort en présence de ses enfants, avec en main un instrument propre à cet effet. L'attribution à l'appelant de la garde de sa fille paraît dans ces conditions peu compatible avec l'intérêt de celle-ci. A cela s'ajoute que l'appelant, qui affirme travailler dix-huit heures par jour et effectuer de nombreux déplacements pour le compte de sa société, apparaît moins disponible pour encadrer sa fille que l'intimée, dont le taux d'activité n'est que de 80%.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de réformer le jugement entrepris en tant qu'il a attribué à l'intimée la garde de sa fille E______; l'appelant sera débouté de ses conclusions en ce sens. Le jugement entrepris sera par ailleurs confirmé en tant qu'il a réservé à l'appelant un droit de visite usuel sur sa fille, droit dont l'adéquation n'est pas remise en cause par l'intimée.

4.             L'appelant revendique ensuite l'attribution de la jouissance exclusive de la villa conjugale, indiquant notamment qu'il ne serait pas en mesure de trouver un autre logement, tandis que l'intimée se serait constitué un nouveau domicile.

4.1 En cas de suspension de la vie commune, le juge prend les mesures en ce qui concerne le logement et le mobilier de ménage (art. 176 al. 1 let. b CC). Si les époux ne parviennent pas à s'entendre sur l'attribution du logement et/ou du mobilier de ménage, le juge des mesures protectrices en décide librement, au regard des circonstances concrètes et sur la base d'une pesée des intérêts de chacun des conjoints (ATF 120 II 1 consid. 2d; arrêts du Tribunal fédéral 5A_575/2011 du 12 octobre 2011 consid. 5.1; 5A_914/2010 du 10 mars 2011 consid. 2.1).

En premier lieu, le juge doit examiner à quel époux le domicile conjugal est le plus utile ("grösserer Nutzen"). Ce critère conduit à attribuer le logement à celui des époux qui en tirera objectivement le plus grand bénéfice, au vu de ses besoins concrets. A cet égard, entrent notamment en considération l'intérêt de l'enfant, confié au parent qui réclame l'attribution du logement, à pouvoir demeurer dans l'environnement qui lui est familier (arrêts du Tribunal fédéral 5A_416/2012 du 13 septembre 2012 consid. 5.1.2.1; 5A_575/2011 précité consid. 5.1.1).

Si ce premier critère de l'utilité ne donne pas de résultat clair, le juge doit, en second lieu, examiner à quel époux on peut le plus raisonnablement imposer de déménager, compte tenu de toutes les circonstances. A cet égard, entrent notamment en considération l'état de santé ou l'âge avancé de l'un des époux qui, bien que l'immeuble n'ait pas été aménagé en fonction de ses besoins, supportera plus difficilement un changement de domicile, ou encore le lien étroit qu'entretient l'un d'eux avec le domicile conjugal, par exemple un lien de nature affective. Des motifs d'ordre économique ne sont en principe pas pertinents, à moins que les ressources financières des époux ne leur permettent pas de conserver ce logement (arrêts du Tribunal fédéral 5A_416/2012 précité consid. 5.1.2.2; 5A_575/2011 précité consid. 5.1.2).

Si ce second critère ne donne pas non plus de résultat clair, le juge doit alors tenir compte du statut juridique de l'immeuble et l'attribuer à celui des époux qui en est le propriétaire ou qui bénéficie d'autres droits d'usage sur celui-ci (arrêt du Tribunal fédéral 5A_416/2012 précité consid. 5.1.2.3, avec réf.).

4.2 En l'espèce, la Cour de céans constate, comme le premier juge, que la disposition de la villa conjugale apparaît plus utile à l'intimée, qui assume la garde de sa fille mineure E______, qu'à l'appelant. L'intérêt de E______ à pouvoir demeurer dans ladite villa, où elle vit en bonne harmonie avec sa mère et ses frères majeurs, et qui est située à proximité de son établissement scolaire et de son réseau d'amis, commande en effet d'en attribuer la jouissance à celle des parties qui assume sa garde. Contrairement à ce que soutient l'appelant, il n'est pas établi que l'intimée se serait constitué un nouveau domicile auprès d'un supposé amant, de sorte que la disposition de la villa conjugale lui serait devenue inutile. Le seul fait que l'intimée puisse, de son propre aveu, s'absenter fréquemment de la villa familiale durant le week-end, afin de ne pas entrer en conflit ouvert avec l'appelant lorsque celui-ci y est davantage présent, ne permet notamment pas de conclure à la constitution d'un tel domicile.

L'appelant soutient par ailleurs qu'il lui serait moins facile qu'à l'intimée de trouver un autre logement. En l'occurrence, pareille affirmation repose sur des motifs purement économiques. Or, de tels motifs ne sont pas pertinents, conformément aux principes rappelés ci-dessus, à moins que les ressources financières des parties ne leur permettent pas de conserver le logement en question. En l'occurrence, les revenus dont dispose l'intimée, supérieurs à 5'000 fr. nets par mois, lui permettent de s'acquitter des charges inhérentes à la villa conjugale et de subvenir à son entretien courant sans contribution de son conjoint. Tel n'est pas le cas de l'appelant, dont les revenus allégués, de l'ordre de 2'000 fr. par mois, sont inférieurs à ses charges et à son entretien courant. Il convient dès lors d'admettre que l'attribution à l'appelant de la jouissance de la villa conjugale, ainsi que des charges qui en découlent, compromettrait davantage les chances des parties de pouvoir conserver ce logement que si celui-ci demeure en possession de l'intimée.

Enfin, la Cour observe que les parts de l'appelant dans la villa conjugale ont récemment été saisies, de sorte que celui-ci ne peut plus en disposer librement et que lesdites parts seront vraisemblablement réalisées au profit de ses créanciers. Le statut juridique de l'appelant vis-à-vis de l'immeuble litigieux apparaît ainsi plus précaire que celui de l'intimée et, de ce point de vue également, il convient d'en maintenir l'attribution de la jouissance à celle-ci.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en tant qu'il a attribué la jouissance exclusive de la villa conjugale à l'intimée et imparti à l'appelant un délai pour quitter cette villa, délai dont la durée n'est pas contestée en tant que telle et dont la brièveté apparaît nécessaire au vu de l'acuité du conflit opposant les parties.

5.             L'appelant conclut enfin à l'octroi d'une contribution à son entretien, alléguant notamment que l'intimée serait à l'origine de la situation financière obérée dans laquelle lui et sa société se trouvent.

5.1 En vertu de l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, à la requête d'un des conjoints, le juge fixe la contribution pécuniaire à verser par l'une des parties à l’autre.

Le droit de fond prévoit qu'en cas de suspension de la vie commune, le montant de la contribution d'entretien se détermine en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux, ceux-ci pouvant prétendre à participer d'une manière identique au train de vie antérieur (art. 163 CC; ATF 130 III 537 consid. 3.2, SJ 2004 I 529; arrêts du Tribunal fédéral 5A_890/2011 du 26 avril 2012 consid. 3; 5A_710/2009 du 22 février 2010 consid. 4.1 non publié aux ATF 136 III 257).

Pour fixer la contribution d'entretien, le juge doit partir de la convention conclue pour la vie commune. Il doit ensuite prendre en considération qu'en cas de suspension de cette communauté, le but de l'art. 163 CC, soit l'entretien convenable de la famille, impose à chacun des époux de participer, selon ses facultés, aux frais supplémentaires qu'engendre la vie séparée, notamment par la reprise ou l'augmentation de son activité lucrative. Ainsi, le juge doit examiner si, et dans quelle mesure, au vu de ces faits nouveaux, on peut attendre de l'époux désormais déchargé de son obligation de tenir le ménage antérieur en raison de la suspension de la vie commune, qu'il investisse d'une autre manière sa force de travail ainsi libérée et reprenne ou étende son activité lucrative, eu égard notamment à sa formation, à son âge et à son état de santé. Le juge peut donc devoir modifier la convention conclue pour la vie commune pour l'adapter à ces faits nouveaux (ATF 137 III 385 consid. 3.1, précisant l'ATF 128 III 65; arrêts du Tribunal fédéral 5A_218/2012 du 29 juin 2012 consid. 3.3.1; 5A_720/2011 du
8 mars 2012 consid. 4.1.1; 5A_236/2011 du 18 octobre 2011 consid. 4.2.3).

5.2 En l'espèce, il ressort de la procédure que les parties avaient convenu, durant la vie commune, de subvenir chacun aux besoins du ménage grâce au produit de de leur travail, chacun d'eux assumant une partie des charges communes aux époux et à leurs enfants en sus de leur propre entretien.

Aujourd'hui, l'intimée se propose d'assumer seule, au moyen de ses revenus, les charges inhérentes à la villa conjugale, en plus de son entretien courant et de celui de la fille mineure des époux. S'il est exact que son budget mensuel présente, après couverture de ses charges strictement incompressibles et de celles de sa fille, un solde disponible théorique d'environ 1'800 fr. par mois (revenus de 5'530 fr. sur 12 mois, moins 1'365 fr. de charges liées à la villa conjugale, 303 fr. de primes d'assurance maladie, 115 fr. de frais de transport et 1'950 fr. d'entretien de base selon les normes OP, ces trois derniers postes étant cumulés pour l'intimée et sa fille), il apparaît que l'intimée assumera également dans les faits l'essentiel de l'entretien de ses deux fils majeurs, qui vivent dans la villa familiale dont il n'est pas contesté qu'ils n'ont pour l'heure pas achevé leurs études ou leur formation (cf. art. 277 al. 2 CC). La faculté de l'intimée de contribuer à l'entretien de son époux apparaît dans ces conditions fortement limitée, voire inexistante.

Les besoins de l'appelant, qui conclut à l'octroi d'une contribution d'entretien, ont quant à eux été correctement estimés par le premier juge à 2'550 fr. par mois, soit 1'000 fr. par mois pour le loyer d'un logement convenable, 280 fr. par mois de primes d'assurance-maladie obligatoire, 70 fr. de frais de transport et 1'200 fr. d'entretien de base. Au vu de la précédente répartition des charges familiales entre les époux et du fait que l'intimée assume désormais seule son propre entretien, ainsi que l'essentiel de celui de ses enfants, on ne voit pas pour quelle raison l'appelant ne pourrait pas, pour sa part, subvenir à son propre entretien, comprenant la disposition d'un logement séparé. Notamment, les allégations de l'appelant selon lesquelles il ne tirerait plus de sa société qu'un revenu inférieur à 2'000 fr. par mois ne sont pas établies par pièces. Il est constant que l'appelant dispose de qualifications professionnelles au moins équivalentes à celles de l'intimée et qu'il a toujours exercé une activité lucrative durant le mariage. Aujourd'hui âgé de 59 ans, l'appelant ne fait état d'aucun problème de santé affectant sa capacité de travail. Il peut dès lors raisonnablement être exigé de l'appelant qu'il déploie les efforts nécessaires lui permettant de réaliser des revenus d'environ 4'000 fr. par mois, afin de subvenir seul à son entretien convenable. Il n'est par ailleurs pas rendu vraisemblable que les difficultés financières rencontrées par la société de l'appelant seraient imputables à l'intimée. A supposer que l'intimée ait effectivement commis des manquements dans l'exécution des tâches qui lui étaient confiées, il incombait à l'appelant, en tant qu'associé gérant de ladite société, de superviser l'activité de son employée et de pallier les conséquences de tels manquements, compte tenu de ses compétences et de ses qualifications professionnelles.

Au vu des motifs qui précèdent, l'appelant sera également débouté de ses conclusions tendant au paiement d'une contribution à son entretien. Le jugement entrepris sera ainsi intégralement confirmé.

6.             Les frais judiciaires de l'appel seront mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 95 et 106 al. 1 CPC). L'émolument de décision sera fixé à 1'000 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et sera compensé avec l'avance de frais de même montant fournie par l'appelant, qui reste acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

Pour des motifs d’équité liés à la nature du litige, les parties conserveront à leur charge leur propres dépens (art 107 al. 1 let. c CPC).

7.             Le présent arrêt est susceptible d'un recours en matière civile au Tribunal fédéral (art. 72 al. 1 LTF), la valeur litigieuse étant supérieure à 30'000 fr. au sens de l'art. 74 al. 1 let. b LTF (cf. art. 51 al. 4 LTF et consid. 1.1 ci-dessus). Les moyens sont toutefois limités à la violation des droits constitutionnels (art. 98 LTF).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ contre le jugement JTPI/13407/2013 rendu le 8 octobre 2013 par le Tribunal de première instance dans la cause C/11741/2013-3, à l'exception des conclusions relatives à la garde du majeur D______, né en 1995.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr. et les met à la charge de A______.

Dit que les frais judiciaires sont compensés avec l'avance de frais de même montant fournie par A______, qui reste acquise à l'Etat.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens.

Siégeant :

Madame Florence KRAUSKOPF, présidente; Madame Sylvie DROIN et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Nathalie DESCHAMPS, greffière.

 

La présidente :

Florence KRAUSKOPF

 

La greffière :

Nathalie DESCHAMPS

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.