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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/7872/2016

ACJC/80/2021 du 25.01.2021 sur JTBL/125/2020 ( OBL ) , CONFIRME

Recours TF déposé le 25.02.2021, rendu le 01.10.2021, CONFIRME, 4A_129/2021, 4A_129/21
Normes : CO.271; CO.271a; CO.262
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7872/2016 ACJC/80/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 25 JANVIER 2021

 

Entre

A______ SA, sise ______, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal
des baux et loyers le 21 février 2020, comparant par Me Mark BAROKAS, avocat, rue de l'Athénée 15, case postale 368, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______, intimé, comparant par
Me Gabriel RAGGENBASS, avocat, place de Longemalle 1, 1204 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           a. Le 7 décembre 1998, SI C______ "A", propriétaire, représentée par D______ (ci-après : la régie), ainsi que B______ et E______, locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location de l'appartement n° ______ de 4,5 pièces au 4ème étage de l'immeuble sis [no.] ______, avenue 1______ à Genève.

Le bail de l'appartement portait sur la période du 1er janvier au 31 décembre 1999 et était renouvelable tacitement d'année en année.

Le loyer était fixé à 1'000 fr. et les charges à 100 fr. par mois.

b. Par contrat du 4 septembre 2003, SI C______ "D", propriétaire, représentée par la régie, ainsi que B______ et E______, locataires, ont conclu un bail portant sur l'emplacement de parking n° ______ sis dans la cour du [no.] ______, route 2______ à Genève.

Ce bail a été conclu pour la période du 1er septembre 2003 au 31 août 2004 puis se renouvelait d'année en année.

Le loyer a été fixé en dernier lieu à 200 fr. par mois.

c. Les actions de SI C______ "A" et de SI C______ "D" appartenaient à A______ SA, dont F______ était l'administrateur président avec signature individuelle.

d. A une date indéterminée, A______ SA est devenue propriétaire de l'immeuble et de la place de parking susmentionnés.

e. E______ est décédée le ______ 2009.

f. La fille de B______ et de E______, G______, a emménagé dans l'appartement occupé par son père avec son époux et ses enfants en 2010, selon ses déclarations du 16 mars 2017 au Ministère public dans la procédure pénale P/3______/2016.

g. Par avis du 3 septembre 2012, adressés séparément à chacun des époux B______/E______, la bailleresse a résilié le bail de l'appartement pour le 31 décembre 2012. Le motif indiqué était le souhait de "procéder à différents travaux de rafraîchissement du logement afin que le loyer réponde aux besoins prépondérants de la population".

h. Le 4 septembre 2012, B______ et sa fille G______ se sont rendus à la régie afin de discuter de la résiliation susmentionnée.

i. Cette rencontre a débouché sur la conclusion d'un nouveau bail aux noms que B______ et E______ pour une durée d'un an, du 1er janvier au 31 décembre 2013, renouvelable tacitement d'année en année, pour un loyer de 1'260 fr. et des charges de 200 fr. par mois.

A teneur de l'article 3 des clauses particulières du contrat, toute sous-location devait faire l'objet d'une autorisation préalable du bailleur et le prêt à usage était interdit.

j. Ce contrat a été signé par B______ et par G______, puis a été contresigné par la régie le 18 septembre 2012.

k. Par avenant du 18 mars 2013 libellé aux noms que B______ et de E______, le bail relatif à la place de parking a été modifié en ce sens qu'il portait désormais sur l'emplacement n° ______ sis route 2______ [no.] ______ à Genève.

l. Par courrier du 22 octobre 2015, adressé à B______ et E______, la bailleresse a proposé un renouvellement de trois ans du contrat de bail portant sur l'appartement, soit jusqu'au 31 décembre 2019, renouvelable tacitement d'année en année, moyennant "révision du loyer adapté à la valeur objective de l'appartement".

Par courrier et formule officielle du même jour, la bailleresse a majoré le loyer mensuel de l'appartement, hors charges, à 1'310 fr. dès le 1er janvier 2017 et à 1'360 fr. dès le 1er janvier 2018.

m. Par courrier "recommandé en main propre" du 11 février 2016, la bailleresse a informé B______ et E______ avoir vu le nom "Famille G______" sur leur boîte aux lettres lors d'une visite dans l'immeuble. Ce nom n'apparaissant pas sur leur contrat de bail, elle les priait de fournir tous les renseignements utiles avant le 19 février 2016, faute de quoi leur contrat serait résilié.

n. Aucune suite n'a été donnée à ce courrier, qui n'a pas été retiré à la poste.

Dans la présente procédure, B______ et G______ ont allégué n'en avoir pris connaissance qu'après la résiliation des baux.

o. Par avis de résiliation du 17 mars 2016 envoyés séparément à B______ et E______, la bailleresse a résilié le contrat de bail de l'appartement pour la prochaine échéance du 31 décembre 2016 et celui de la place de parking pour le 31 août 2016.

Dans la lettre accompagnant ces avis, la bailleresse a motivé la résiliation des baux par l'absence de réponse des locataires à son courrier du 11 février 2016, dont elle déduisait qu'ils avaient sous-loué leur appartement sans autorisation de sa part en violation de la clause particulière n° 3 du bail.

B.            a. Les congés de l'appartement (C/7872/2016) et du parking (C/4______/2016) ont été contestés par requête déposée le 15 avril 2016 à la Commission de conciliation en matière de baux et loyers par B______ et ses trois enfants, G______, H______ et I______, ceux-ci agissant en qualité d'héritiers de leur mère E______.

b. Le 2 juin 2016, dans le cadre de la procédure de conciliation, ces derniers ont transmis à la bailleresse l'acte de décès de E______.

c. Par courrier du 14 juin 2016, A______ SA a invalidé le contrat de bail du 18 septembre 2012 pour dol, subsidiairement pour erreur essentielle. E______ étant décédée le 21 juin 2009, elle ne pouvait pas être partie au contrat de bail du 18 septembre 2012 et ses héritiers ne pouvaient donc pas l'être non plus, le contrat étant postérieur à leur saisine universelle. Les héritiers n'avaient donc pas la qualité pour agir dans les causes relatives à l'appartement (C/7872/2016) et au parking (C/4______/2016).

d. En parallèle,A______ SA a déposé une plainte pénale le 25 juillet 2016 à l'encontre de B______ et de G______ pour faux dans les titres (procédure pénale P/3______/2016).

Auditionnée par la police en octobre 2016,G______ a notamment déclaré qu'elle vivait chez son père avec son époux et leurs quatre enfants, soit deux majeurs âgés de 24 et 19 ans et des jumeaux de 14 ans.

e. La requête de B______ et de ses trois enfants, déclarée non conciliée le 30 août 2016, a été portée devant le Tribunal des baux et loyers (ci-après : le Tribunal) le 29 septembre 2016. Les précités ont principalement conclu à la constatation de la nullité des deux congés du 17 mars 2016, subsidiairement à leur annulation, plus subsidiairement à la constatation du fait que ceux-ci ne produisaient effet que pour le 31 décembre 2019 ainsi qu'à l'octroi d'une pleine et entière prolongation de quatre ans échéant au 31 décembre 2023 et, plus subsidiairement encore, à l'inefficacité des congés.

Ils ont notamment allégué que B______ résidait bel et bien dans l'appartement litigieux. Depuis qu'il était à la retraite, il effectuait des allers-retours entre Genève et le Portugal, passant environ deux mois au Portugal, puis environ deux mois à Genève, et ainsi de suite. Suite à des difficultés d'ordre personnel, sa fille, son époux et leurs enfants s'étaient installés dans l'appartement, dans lequel ils vivaient ensemble depuis lors.

f. Par ordonnance du 12 octobre 2016, le Tribunal a ordonné la jonction des causes C/7872/2016 et C/4______/2016 sous le numéro C/7872/2016.

g. Dans sa réponse du 3 novembre 2016, A______ SA a conclu à l'irrecevabilité de la requête du 29 septembre 2016. Au fond, elle a conclu au déboutement de toutes les conclusions de B______ et de ses enfants. A titre reconventionnel, elle a requis l'évacuation de B______ et de G______ de l'appartement et conclu à ce que le jugement du Tribunal soit déclaré exécutoire nonobstant appel ou recours ainsi qu'à l'évacuation forcée de ceux-ci par la force publique.

h. Par ordonnance du 8 novembre 2016, le Tribunal a limité la procédure, au sens de l'art. 125 let. a CPC, aux conclusions reconventionnelles en évacuation de A______ SA. A teneur de cette décision, il convenait de faire porter les débats sur cette question, pour que celle-ci, le cas échéant, soit tranchée par une décision incidente, avant que le Tribunal, siégeant dans la composition prévue à cet effet, statue sur les mesures d'exécution. Le Tribunal a ainsi imparti à B______ et ses enfants un délai pour se prononcer sur les conclusions reconventionnelles de A______ SA en évacuation et sur ses conclusions tendant à l'irrecevabilité de la contestation de congé en lien avec l'invalidation du contrat pour dol et/ou erreur essentielle.

i. Dans leurs déterminations du 16 décembre 2016, B______ et ses trois enfants ont conclu à la recevabilité de leur requête en contestation des résiliations des contrats de bail et au déboutement de A______ SA de ses conclusions reconventionnelles.

j. Par ordonnances pénales du 23 janvier 2017, B______ et G______ ont été reconnus coupables de faux dans les titres.

Frappées d'oppositions, ces ordonnances ont été annulées par le Ministère public, qui a ordonné le classement de la procédure pénale par ordonnance du 21 mars 2017.

k. Lors de l'audience du Tribunal du 22 février 2017, J______, directeur de la régie de 1982 jusqu'à août 2013, a déclaré qu'il ne se souvenait de rien de particulier concernant les circonstances dans lesquelles le bail du 18 septembre 2012 avait été conclu. Il a en revanche qualifié de "loufoques" les allégations de B______ et de G______ selon lesquelles il aurait connu le décès de E______ et néanmoins invité G______ à signer le nouveau contrat au nom de cette dernière. Il a ajouté qu'il n'aurait eu aucun problème à mettre le bail au nom de B______ uniquement s'il avait connu le décès de l'épouse de ce dernier.

K______, successeur de J______ dans sa fonction de directeur de la régie, a déclaré que le courrier du 11 février 2016 n'avait pas été remis en main propre, la mention figurant sur le courrier à cet égard se référant à la possibilité offerte par la Poste de notifier les recommandés en main du destinataire seul. Il a par ailleurs précisé que le congé donné était bien un congé ordinaire notifié pour l'échéance du bail, au motif de la sous-location non autorisée, ce que le mandataire de A______ SA a confirmé.

l. Par jugement JTBL/283/2017 du 22 mars 2017, le Tribunal a déclaré irrecevable la contestation de congé introduite le 15 avril 2016 par B______, G______, H______ et I______ et débouté les parties de toutes autres conclusions. Sur demande reconventionnelle, il a condamné B______ et G______, pris conjointement et solidairement, à évacuer immédiatement de toute personne, de tous biens et de toutes personnes faisant ménage commun avec eux l'appartement n° ______ de 4,5 pièces qu'ils occupaient au 4ème étage de l'immeuble situé avenue 1______ [no.] ______ à Genève et du parking n° ______ sis route 2______ [no.] ______ à L______ [GE], et transmis la cause, à l'expiration du délai d'appel contre la décision, à la 7ème Chambre du Tribunal des baux et loyers, siégeant dans la composition prévue à l'art. 30 LaCC, pour statuer sur les mesures d'exécution sollicitées.

Le Tribunal a considéré que le contrat n'obligeait pas la bailleresse en raison d'une tromperie que B______ et G______ avaient commise lors de la signature, en se substituant à leur épouse, respectivement mère décédée.

Ce jugement a fait l'objet d'un appel de B______ et de ses trois enfants.

m. Par arrêt du 15 décembre 2017, la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice a partiellement admis l'appel. Elle a considéré que les deux parties avaient échoué à démontrer leurs allégations s'agissant des circonstances dans lesquelles la conclusion du bail du 18 septembre 2012 était intervenue. Elle a en revanche retenu, à la lumière des déclarations de J______, qu'un contrat de bail à loyer avait valablement été conclu à cette occasion entre la bailleresse et B______, à l'exclusion d'autres membres de sa famille, dès lors que ce maintien correspondait à ce dont les partenaires contractuels auraient convenu de bonne foi s'ils avaient envisagé la possibilité de la nullité partielle. En conséquence, elle a déclaré le contrat de bail du 18 septembre 2012 et celui du 4 septembre 2003, modifié dès le 1er avril 2013, partiellement nuls en tant qu'ils concernaient E______ et valables en tant qu'ils concernaient B______. La Chambre des baux et loyers a dès lors partiellement annulé le jugement JTBL/283/2017 du 22 mars 2017 et renvoyé la cause au Tribunal pour qu'il se prononce sur l'action principale, en tant qu'elle était intentée par B______, et pour qu'il se prononce à nouveau sur l'action reconventionnelle.

n. A______ SA a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière civile et d'un recours constitutionnel subsidiaires à l'encontre de cet arrêt.

Considérant que la décision litigieuse était incidente, le Tribunal fédéral a déclaré ces recours irrecevables au motif que les conditions d'un recours immédiat selon l'art. 93 al. 1 LTF n'étaient pas remplies.

o. Le Tribunal a interrogé les parties lors de l'audience des débats du 16 janvier 2019.

B______ a notamment exposé qu'il habitait toujours dans l'appartement litigieux, où il disposait de sa chambre, même s'il se rendait entre trois et quatre fois par année pour des périodes de deux à trois semaines au Portugal, où il disposait d'une maison. Il était toujours officiellement domicilié à Genève, où il payait ses impôts et ses assurances. Il a produit les relevés de ses visites médicales auprès des HUG entre 2017 et janvier 2019 attestant d'examens réguliers, dont certains plusieurs fois par mois. Environ trois ans après le décès de son épouse, il avait demandé à sa fille d'emménager avec lui pour l'aider dans les tâches quotidiennes, notamment les repas. Il cohabitait ainsi avec sa fille, son époux et "leur dernier enfant âgé de 14 ans". Ces derniers prenaient en charge un peu plus des deux tiers du total des loyers et des charges, correspondant à un montant de 1'650 fr., qu'il continuait de régler personnellement.

F______, pour A______ SA, a réitéré avoir été trompé sur l'identité de ses partenaires contractuels, ajoutant que c'était une règle pour A______ SA d'avoir toujours deux débiteurs. Il a précisé que le contrat n'aurait jamais été signé avec B______ seul pour ce motif, ni avec sa fille en raison des nombreuses poursuites à son encontre.

p. Suite au dépôt des plaidoiries écrites du 8 mars 2019, la cause a été gardée à juger le 23 mars 2019.

q. Par jugement JTBL/125/2020 du 21 février 2020, reçu le 24 février 2020 par les parties, le Tribunal a annulé les congés notifiés à B______ le 17 mars 2016 avec effet pour le 31 décembre 2016 s'agissant de l'appartement n° ______ de 4,5 pièces au 4ème étage de l'immeuble sis [no.] ______, avenue 1______ à Genève et pour le 31 août 2016 s'agissant de l'emplacement de parking n° ______, sis dans la cour du [no.] ______, route 2______ à Genève (chiffre 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

En substance, le Tribunal a retenu que les congés donnés constituaient des résiliations ordinaires, dont les effets ne pouvaient intervenir qu'au 31 décembre 2019. Le locataire n'avait pas sollicité le consentement de la bailleresse pour la sous-location partielle à sa fille et son gendre. Les motifs incitant le locataire à les accueillir chez lui apparaissaient toutefois légitimes, même si la situation constituait un cas limite en ce sens que l'on pouvait légitimement craindre, sur le long terme, une tentative de transfert de bail déguisé, au vu des déplacements réguliers du locataire au Portugal. Ce dernier avait néanmoins démontré sa présence régulière à Genève entre 2016 (sic) et début 2019, de sorte que l'on ne pouvait pas retenir un cas de fiction destiné à éluder les règles applicables. Le locataire avait en l'état un intérêt à conserver l'usage de l'appartement, tout en bénéficiant de la présence de sa famille à ses côtés pour l'aider dans les tâches quotidiennes, notamment les repas.

Un refus de communiquer les conditions de la sous-location ne pouvait être retenu du simple fait que le locataire n'avait pas retiré le courrier recommandé du 11 février 2016. Dans de telles circonstances, il aurait été adéquat de doubler le courrier recommandé d'un courrier ordinaire. Les conditions de la sous-location partielle n'apparaissaient par ailleurs pas abusives.

Il n'y avait pas lieu de revenir sur le dol dont se prévalait A______ SA, cette question ayant été tranchée par l'arrêt de la Cour du 15 décembre 2016.

Enfin, la bailleresse n'avait pas démontré que la sous-location présentait pour elle des inconvénients majeurs. Bien que la sous-location ait engendré une sur-occupation manifeste des locaux en 2016, cette situation n'était plus d'actualité le 16 janvier 2019, lorsque le locataire exposait partager le logement uniquement avec sa fille, son époux ainsi que leur dernier enfant mineur, étant précisé qu'une sur-occupation temporaire du logement pouvait être acceptable au vu des liens familiaux liant les parties et de la pénurie de logement frappant le canton de Genève depuis plusieurs années. La solvabilité insuffisante du sous-locataire ne constituait par ailleurs pas un inconvénient majeur pour le bailleur, le locataire étant juridiquement seul responsable du loyer vis-à-vis du bailleur, et A______ SA n'avait fait valoir aucun intérêt propre à l'usage des locaux.

Il existait ainsi une disproportion très importante entre l'intérêt de la bailleresse à mettre un terme au contrat et celui du locataire à devoir quitter les locaux dans lesquels il vivait depuis plus de 20 ans, ce pour avoir contrevenu à son devoir d'obtenir le consentement de la bailleresse avant d'accueillir sa famille dans son logement. Les conditions de l'art. 271 CO étant remplies, les congés devaient être annulés.

C.           a. Par acte expédié au greffe de la Cour de justice le 17 mars 2020, A______ SA forme appel de ce jugement, sollicitant son annulation. Elle conclut à ce que la Cour valide les congés notifiés à B______ le 17 mars 2016 portant sur l'appartement n° ______ de 4,5 pièces au 4ème étage de l'immeuble sis [no.] ______, avenue 1______ à Genève et sur la place de parc n° ______ sise dans la cour du [no.] ______, route 2______ à Genève, dise que les contrats de bail portant sur les objets précités ont pris fin le 31 décembre 2019, condamne B______ à évacuer de sa personne, de tous les biens et de tous tiers, l'appartement et la place de parc sous peine des sanctions prévues à l'art. 292 CP, ordonne à la force publique ainsi qu'à tout huissier judiciaire de procéder à l'évacuation forcée de B______, de tous les biens et de toutes les personnes, de l'appartement et de la place de parc et déboute B______ de toutes ses conclusions.

b. B______ conclut au rejet de l'appel, avec suite de frais et dépens.

c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

d. Elles ont été informées le 10 juillet 2020 de ce que la cause était gardée à juger.


 

EN DROIT

1.             1.1 Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable contre les décisions finales de première instance si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. a et al. 2 CPC).

Lorsque la contestation porte sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné; il faut prendre ici en considération, s'il y a lieu, la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_485/2018 du 8 avril 2019 consid. 5).

En l'espèce, le loyer annuel, charges comprises, de l'appartement ainsi que de la place de parking s'élève à 21'120 fr. ([1'360 fr. + 200 fr. + 200 fr.] x 12). La valeur litigieuse est ainsi supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). L'instance d'appel dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen de la cause en fait et en droit (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

1.4 La procédure simplifiée s'applique (art. 243 al. 2 let. c CPC; ATF 142 III 402 consid. 2.5.4) et la maxime inquisitoire sociale régit la procédure (art. 247 al. 2 let. a et let. b ch. 1 CPC).

1.5 La composition de la Cour a changé depuis l'arrêt rendu le 15 décembre 2017 en raison du départ définitif de la magistrature du juge assesseur M______.

2.             L'appelante reproche au Tribunal d'avoir annulé les congés notifiés le 17 mars 2016. Elle soutient qu'elle était en droit de résilier les baux ainsi qu'elle l'a fait, soit en raison de la sous-location non autorisée à laquelle le locataire avait procédé.

2.1 2.1.1 Lorsque le contrat de bail est de durée indéterminée - ce qu'il est lorsqu'il contient une clause de reconduction tacite (arrêts du Tribunal fédéral 4A_639/2018 du 21 novembre 2019 consid. 4.1; 4A_347/2017 du 21 décembre 2017 consid. 5.1.1) -, chaque partie est en principe libre de le résilier pour la prochaine échéance convenue en respectant le délai de congé prévu. La résiliation ordinaire du bail ne suppose pas l'existence d'un motif de résiliation particulier (cf. art. 266a al. 1 CO; ATF 145 III 143 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_33/2019 du 5 septembre 2019 consid. 4.1.1).

Lorsque le bail porte sur une habitation ou un local commercial, la seule limite à la liberté contractuelle des parties réside dans les règles de la bonne foi : le congé qui y contrevient est alors annulable (art. 271 al. 1 CO; cf. également art. 271a CO). La protection conférée par les art. 271 et 271a CO procède à la fois du principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et de l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC). Il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit "manifeste" au sens de l'art. 2 al. 2 CC. Ainsi, le congé doit être considéré comme abusif lorsqu'il ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection. Tel est le cas lorsque le congé apparaît purement chicanier, lorsqu'il est fondé sur un motif qui ne constitue manifestement qu'un prétexte ou lorsque sa motivation est lacunaire ou fausse (arrêts du Tribunal fédéral 4A_347/2017 du 21 décembre 2017 consid. 5.1.2 et les références citées; 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.2).

Pour décider de la validité d'un congé ordinaire, il faut en premier lieu connaître le motif réel de ce congé. Si le bailleur fournit un faux motif à l'appui de la résiliation et qu'il n'est pas possible d'en établir le motif réel, il faut en déduire que le congé ne repose sur aucun motif sérieux ou en tout cas sur aucun motif légitime et avouable, ce qui justifie son annulation (ATF 138 III 59 consid. 2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 3.4).

2.1.2 L'art. 271a CO énonce des exemples de motifs de résiliation contraires à la bonne foi. Tel est notamment le cas du congé donné parce que le locataire fait valoir de bonne foi des prétentions découlant du bail (art. 271a al. 1 let. a CO). Ces prétentions comprennent entre autres le droit de sous-louer la chose louée, fondé sur l'art. 262 CO (ATF 138 III 59 consid. 2.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_556/2015 du 3 mai 2016 consid. 3.2).

Selon l'art. 262 CO, le locataire peut sous-louer tout ou partie de la chose avec le consentement du bailleur (al. 1). Le bailleur ne peut refuser son consentement que dans trois cas (al. 2) : si le locataire refuse de lui communiquer les conditions de la sous-location (let. a); si les conditions de la sous-location, comparées à celle du contrat de bail principal, sont abusives (let. b); et enfin, si la sous-location présente pour le bailleur des inconvénients majeurs (let. c).

2.1.3 Il appartient au destinataire de la résiliation ordinaire de prouver que celle-ci contrevient aux règles de la bonne foi. Cependant, celui qui l'a communiquée doit collaborer à l'administration de la preuve (art. 52 CPC et art. 2 CC; arrêts du Tribunal fédéral 4A_227/2017 du 5 septembre 2017 consid. 4.1.2; 4A_290/2015 du 9 septembre 2015 consid. 4.1).

Pour se prononcer sur la validité de la résiliation, le juge doit se placer au moment où celle-ci a été notifiée (ATF 140 III 496 consid. 4.1). Des faits survenus ultérieurement ne sont pas susceptibles d'influer a posteriori sur cette qualification; tout au plus peuvent-ils fournir un éclairage sur les intentions du bailleur au moment de la résiliation (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 précité consid. 3.4; 4A_67/2016 du 7 juin 2016 consid. 6.1).

2.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que les congés litigieux sont des congés ordinaires, donnés pour l'échéance des baux. Il convient de déterminer s'ils contreviennent aux règles de la bonne foi.

En l'occurrence, la bailleresse a motivé la résiliation des baux par l'absence de réponse du locataire à son courrier du 11 février 2016 - par lequel elle l'invitait à la renseigner sur la présence du nom "Famille G______" sur sa boîte aux lettres -, dont elle déduisait qu'il avait sous-loué l'appartement litigieux sans autorisation de sa part. Or, il ressort de la procédure que le recommandé du 11 février 2016 n'a pas été retiré à la Poste et n'a pas été doublé d'un pli simple. Le locataire n'en a dès lors pas eu connaissance et n'était a fortiori pas en mesure d'y répondre, ce que la bailleresse ne pouvait ignorer dès lors que les plis recommandés non retirés sont renvoyés à l'expéditeur à l'issue du délai de garde. Contrairement à ce que soutient l'appelante, aucune fiction de notification ne peut être retenue dans la mesure où l'intimé ne devait pas s'attendre, à ce stade des relations contractuelles, à recevoir une communication de la régie.

En se fondant sur la sous-location non autorisée déduite de la seule absence de réponse du locataire au courrier du 11 février 2016, tout en sachant que ledit courrier n'était pas parvenu à son destinataire et que, en conséquence, aucune réponse à celui-ci n'était envisageable, la bailleresse a manifestement invoqué un faux motif pour résilier les baux, sans que le motif réel ne puisse être établi. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que les congés notifiés le 17 mars 2016 à l'intimé ne reposent sur aucun motif sérieux, ou en tout cas sur aucun motif légitime et avouable, ce qui justifie leur annulation conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus.

Ce qui précède suffit à sceller le sort de la cause, de sorte qu'il n'est pas utile d'examiner plus avant les griefs de l'appelante.

Le jugement entrepris sera donc confirmé.

3.             Il n'est pas prélevé de frais ni alloué de dépens, s'agissant d'une cause soumise à la juridiction des baux et loyers (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 17 mars 2020 par A______ SA contre le jugement JTBL/125/2020 rendu le 21 février 2020 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/7872/2016.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions d'appel.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Monsieur Grégoire CHAMBAZ, Monsieur
Jean-Philippe ANTHONIOZ, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.