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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/29207/2010

ACJC/500/2013 du 22.04.2013 sur JTBL/655/2012 ( OBL ) , JUGE

Descripteurs : ; BAIL À LOYER ; ATTEINTE GRAVE À UN USAGE ACTUEL ; FORMULE OFFICIELLE ; RÉSILIATION IMMÉDIATE
Normes : CO.257f.3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/29207/2010 ACJC/500/2013

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 22 AVRIL 2013

 

Entre

A______, sise ______ Genève, appelant d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 29 juin 2012, comparant par Me Serge Patek, avocat, 6, boulevard Helvétique, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile aux fins des présentes,

d'une part,

 

et

 

Madame B______, domiciliée ______ (Genève), intimée, comparant d'abord par l'ASLOCA, puis en personne,

d'autre part,

 


EN FAIT

A. a. Par jugement du 29 juin 2012, le Tribunal des baux et loyers a constaté l'inefficacité du congé notifié à B______ par avis officiel du 23 septembre 2010 pour le 30 novembre 2010 pour l'appartement no 31 de 4 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis 27, rue C______ à D______ (ch. 1), débouté la A______ des fins de sa demande en évacuation (ch. 2), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3) et dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

b. Par acte du 3 septembre 2012, la A______ a formé appel contre ce jugement. Elle a conclu à l'annulation de la décision du Tribunal des baux et loyers, à la constatation que le congé donné à B______ le 23 septembre 2010 pour le 30 novembre 2010 était valable, à la condamnation de B______ à évacuer immédiatement de sa personne, de ses biens et de tous tiers dont elle serait responsable l'appartement de 4 pièces no 31 situé au 3ème étage de l'immeuble sis 27, rue C______ à D______ (Genève) et à ce que B______ soit déboutée de toutes autres ou contraires conclusions.

c. B______ a déposé un mémoire de réponse le 3 octobre 2012. Elle a conclu à la confirmation du jugement querellé.

d. Le greffe de la Cour de justice a informé les parties le 10 octobre 2012 de la mise en délibération de la cause.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. En date du 7 mai 2007, la A______, propriétaire, et B______, locataire, ont conclu un contrat de bail à loyer portant sur la location d'un appartement no 31 de 4 pièces situé au 3ème étage de l'immeuble sis 27, rue C______ à D______ (Genève).

b. Le contrat a été conclu pour une durée d'un an, du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008, renouvelable ensuite tacitement d'année en année.

c. Le loyer annuel, charges non comprises, a été fixé à 15'000 fr.

d. Par lettre du 23 janvier 2008, E______, habitant au 4ème étage du même immeuble, s'est plaint auprès de l'agence immobilière F______ (ci-après : la régie) de nuisances sonores régulières provenant de l'appartement de B______, dès 08h30 le matin et jusqu'à 22h00 le soir, soit des bruits de télévision et de musique écoutée à fort volume sur une chaîne hi-fi.

e. Par pli du 7 février 2008, la régie, rappelant les règles et usages locatifs en matière d'égards envers les voisins, a prié la locataire de faire cesser les désagréments sonores provenant de son logement "afin que le calme revienne dans l'immeuble".

f. Par lettre du 27 novembre 2008, E______ a relancé la régie en indiquant que les bruits émanant de l'appartement de B______ perduraient et que celle-ci n'avait pas donné suite à sa proposition de faire appel aux services d'un médiateur de quartier.

g. Par pli du 1er décembre 2008, la régie a enjoint une nouvelle fois la locataire à se conformer aux règles et usages locatifs et à cesser d'importuner les autres habitants de l'immeuble.

h. Dans sa réponse du 20 décembre 2008, B______ a contesté les faits qui lui étaient reprochés, de même que les tentatives de médiation que E______ prétendait avoir amorcées. Elle indiquait également que ses enfants avaient appelé la police, après avoir été effrayés et menacés par ce même voisin. A une reprise, l'intéressé avait frappé très fort sur le sol en criant, alors qu'elle-même et ses enfants, lesquels dormaient déjà, n'avaient fait aucun bruit.

i. Par courriers des 21 décembre 2008 et 24 février 2009, les époux E______ ont réitéré leurs doléances à l'encontre de la locataire pour les mêmes nuisances sonores. Ils ont par ailleurs indiqué que la police était intervenue auprès de la locataire, à leur demande, en date du 24 décembre 2008, ce qui n'avait donné aucun résultat.

j. Suite à ces nouvelles plaintes, la régie a invité B______, par lettre du 26 mars 2009, à prendre contact avec un centre de médiation, afin de rétablir des rapports de voisinage acceptables avec la famille E______.

k. Par lettre collective du 2 janvier 2010, les époux E______ et trois autres habitants de l'immeuble se sont plaints à la régie des nuisances sonores causées par B______ et ses enfants depuis leur emménagement dans l'immeuble, soit de forts bruits de musique, des manifestations festives, des bruits de téléviseur, de talons et de déplacements de meubles, perceptibles la journée, mais aussi jusqu'à tard le soir.

l. Par lettre recommandée du 11 mars 2010, la régie, déplorant que B______ n'ait pas suivi sa suggestion de contacter un centre de médiation, a mis cette dernière en demeure de faire cesser les troubles de voisinage provenant de son appartement, à défaut de quoi son bail serait résilié en vertu de l'art. 257f al. 3 CO. La lettre ne précisait pas qu'il s'agirait d'un congé anticipé.

m. En septembre 2010, la régie a reçu une nouvelle lettre de plainte cosignée par les familles E______, G______, H______ et I______ relative aux manifestations bruyantes causées par la locataire. Les précités indiquaient que malgré le courrier adressé par la régie à B______ le 11 mars 2010, celle-ci avait «recommencé de plus belle dès le mois de juin 2010». Ils continuaient ainsi à subir du vacarme et un bruit infernal du matin au soir. Ils sollicitaient la résiliation anticipée du bail de la locataire étant donné que les démarches précédemment entreprises n'avaient eu aucun effet. A défaut, ils envisageraient de consigner leur loyer ou de solliciter sa réduction en justice.

n. Par avis officiel du 23 septembre 2010, la A______ a résilié le bail de B______ «pour le 30 novembre 2010 ou pour toute autre échéance contractuelle ou légale la plus proche». La rubrique «Remarques éventuelles» du formulaire mentionnait en outre «résiliation de bail en vertu de l'art. 257f al. 3 CO» sans autre précision. Aucune lettre explicative n'était jointe à ce courrier.

C. a. Par requête déposée auprès de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers le 20 décembre 2010, déclarée non conciliée le 3 mars 2011 et déposée auprès du Tribunal des baux et loyers le 7 mars 2011, la A______ a conclu à la constatation de la validité du congé notifié et à l'évacuation de B______ de l'appartement concerné.

b. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 10 juin 2011, à laquelle B______ ne s'est pas présentée, J______, membre du conseil de A______, a persisté dans ses conclusions. K______, représentante de la régie F______, a par ailleurs indiqué avoir reçu de nouvelles plaintes de la famille G______ en date du 4 mai 2011.

c. Lors des audiences d'enquêtes des 11 novembre 2011 et 2 mars 2012, le Tribunal des baux et loyers a entendu quatre témoins.

E______, retraité, a confirmé la teneur des courriers de doléances adressés à la régie. Il a notamment confirmé être quotidiennement dérangé par les bruits de musique ou de home-cinéma provenant de l'appartement de B______, dès le matin et jusqu'aux environs de 24h00, voire 02h00. Il y avait également beaucoup de passage dans l'appartement litigieux, notamment du fait de la présence des enfants de la locataire. Le témoin avait tenté d'approcher la famille B______ pour essayer d'améliorer la situation, mais en vain. Lors de la fête du nouvel an 2009 ou 2010, les manifestations festives chez la locataire s'étaient prolongées jusqu'au 3 janvier de l'année suivante. La situation s'était améliorée depuis la moitié de l'année 2010, surtout les matins, mais les nuisances perduraient l'après-midi, ainsi que les mercredis, samedis et dimanches dans la soirée. La locataire étant souvent absente, seuls ses enfants ou d'autres jeunes répondaient à la porte lorsque le témoin venait leur demandeur de baisser le son.

G______, habitant au 2ème étage de l'immeuble, retraité, a confirmé avoir cosigné les courriers adressés à la régie en janvier et septembre 2010 (cf. ci-dessus let. k et m). Depuis l'arrivée de la famille B______, il ne parvenait plus à dormir tranquillement la nuit. Il était régulièrement dérangé, dès 22h00 et jusque vers minuit, par de la musique répétitive, des bruits de talons et, les samedis et dimanches soirs, par des fêtes données en présence d'une quinzaine d'invités. A une occasion, il s'était fait éconduire par la fille de la locataire lorsqu'il lui avait demandé de faire moins de bruit. Par ailleurs, la locataire avait l'habitude de tirer son bain tard le soir, lorsqu'elle rentrait du travail, ou de faire fonctionner sa machine à laver; la situation s'était toutefois améliorée depuis lors. De même, le bruit qu'elle faisait en marchant avec ses chaussures à talons était un peu moins fort depuis quelque temps. En mars 2011, B______ avait fait l'acquisition d'un chien, avec lequel ses enfants jouaient dans le couloir de l'appartement jusqu'à minuit. Le chien aboyait tout le temps, de telle sorte que le témoin s'était vu contraint de contacter la SPA. Finalement, l'animal avait été retiré à la locataire.

I______, habitant au 4ème étage de l'immeuble, a également confirmé avoir cosigné le courrier de plainte de septembre 2010 (cf. ci-dessus let. m.). Son appartement étant légèrement décalé par rapport à celui de B______, il avait été particulièrement dérangé, dès le début de l'année 2011, par les bruits causés par le chien de la locataire, qui était enfermé dans la salle de bains et aboyait jusque vers 22h00. Depuis le départ du chien, il n'y avait plus de bruit. Le témoin a précisé que l'immeuble était ancien et "plus que très mal isolé", de telle sorte qu'il pouvait entendre son voisin ronfler. Il a également déclaré avoir été dérangé par les disputes entre la locataire et E______, lorsque celui-ci descendait chez elle pour se plaindre du bruit. Le témoin a relevé que les nuisances de bruit affectaient surtout la famille E______, puisque la musique (en particulier les basses) était perceptible dans l'appartement du dessus. Par ailleurs, il ignorait s'il y avait des nuisances sonores le jour ou en fin de semaine, car il était au travail la journée et souvent absent le week-end.

Le concierge de l'immeuble, L______, a déclaré être intervenu à deux ou trois reprises chez la locataire, en 2010-2011, pour lui demander de baisser la musique, pendant la journée seulement. La locataire avait deux filles et deux garçons et recevait souvent des amis chez elle. Il a exposé qu'entre fin 2009 et 2010, les voisins E______, G______ et I______ s'étaient plaints auprès de lui de nuisances sonores nocturnes et avaient fait intervenir la police. En revanche, les plaintes concernant le chien n'avaient été émises qu'au début de l'année 2011. Lui-même avait également perçu les aboiements du chien alors qu'il se promenait un matin, vers 08h30, à une centaine de mètres de l'immeuble.

d. Dans ses conclusions motivées du 16 avril 2012, la bailleresse a persisté dans ses premières conclusions.

e. Dans ses "plaidoiries écrites" du 17 avril 2012, B______ a conclu à la constatation de l'inefficacité du congé querellé. Elle a précisé occuper l'appartement avec ses quatre enfants, âgés de 15 à 21 ans, et n'avoir fait l'objet de plaintes que de la part des époux E______. En outre, elle avait fait beaucoup d'efforts pour éviter de provoquer de nouvelles nuisances sonores pour le voisinage.

f. Le Tribunal des baux et loyers a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience de plaidoiries du 27 avril 2012.

D. Dans son jugement du 29 juin 2012, le Tribunal des baux et loyers a considéré que le délai de six mois qui s'était écoulé entre l'envoi de l'ultime mise en demeure à B______ et la résiliation de son bail ne rendait pas celle-ci inefficace, le dernier avertissement ne faisant que réitérer ceux envoyés précédemment.

En revanche, les plaintes avaient émané essentiellement d'un seul couple de locataires, les époux E______, et avaient été envoyées à la régie principalement en période de fêtes de fin d'année. Un intervalle relativement long s'était en outre écoulé entre chacune d'entre elles. Les locataires s'étant adressé à la régie étaient par ailleurs à la retraite et donc plus sensibles au bruit. Enfin, l'immeuble était mal isolé. La bailleresse n'avait par conséquent pas démontré que les nuisances causées par la locataire dépassaient ce qui était raisonnablement supportable dans un immeuble locatif.

La mention sur le formulaire de résiliation que le congé était donné pour le 30 novembre 2010 ou pour toute autre échéance contractuelle ou légale la plus proche était une preuve supplémentaire que le maintien du bail n'était pas insupportable.

Le congé devait dès lors être qualifié d'inefficace.

E. a. A______ fait valoir que B______ et ses enfants troubleraient la paix du voisinage de manière quasi-permanente de jour comme de nuit. Les nuisances, consistant en des bruits de musique, d'appareils électroménagers, de talons et de meubles déplacés, ne se seraient pas produites qu'en fin d'année.

Selon A______, la sporadicité des plaintes s'expliquait par le fait qu'il s'agissait d'une démarche lourde et délicate qui n'était entreprise qu'après l'échec des tentatives de dialogue. Le nombre de plaintes adressées à la régie - huit en deux ans et demi - n'était par ailleurs pas négligeable. En toute hypothèse, le temps écoulé entre chaque lettre de doléances ne permettait pas de considérer les contraventions de B______ aux règles et usages locatifs comme acceptables.

Il n'y avait en outre pas lieu d'être plus tolérant à l’égard de B______ parce que l'immeuble était mal isolé ou parce que les plaignants étaient retraités et donc souvent à la maison. Dans un tel cas, le locataire devait au contraire redoubler d'efforts pour éviter d'incommoder ses voisins.

Enfin, les enquêtes n'avaient démontré aucune amélioration de la situation durant le deuxième semestre de l'année 2010. Les premiers juges avaient par conséquent violé l'art. 257f al. 3 CO en considérant que les faits reprochés à l'intimée n'étaient pas suffisamment graves pour justifier une résiliation anticipée du bail.

b. L'ASLOCA a déposé un mémoire de réponse pour le compte de l'intimée le 3 octobre 2012. Elle fait valoir que les nuisances reprochées à sa sociétaire ne sont pas suffisantes pour justifier une résiliation.

c. Les arguments des plaideurs seront examinés ci-après dans la mesure utile.

EN DROIT

1. Aux termes de l'art. 405 al. 1 CPC entré en vigueur le 1er janvier 2011, les recours sont régis par le droit en vigueur au moment de la communication de la décision entreprise. En l'espèce, le jugement a été notifié aux parties le 9 juillet 2012. Dès lors, le nouveau droit de procédure s'applique. En revanche, la procédure de première instance reste régie par l'ancien droit de procédure, soit les art. 274 ss CO et la loi de procédure civile du 10 avril 1987 (ci-après : aLPC arrêt du Tribunal fédéral 4A_641/2011 du 27 janvier 2012 consid. 2.2).

2. 2.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4C.310/1996 du 16 avril 1997 = SJ 1997 p. 493 consid. 1).

Lorsque l'action ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent déterminée, le Tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement erronée (art. 91 al. 2 CPC). La détermination de la valeur litigieuse suit les mêmes règles que pour la procédure devant le Tribunal fédéral (RETORNAZ in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 363; SPÜHLER BSK ZPO, n° 8 ad art. 308).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (arrêts du Tribunal fédéral 4A_189/2011 du 4 juillet 2011 = ATF 137 III 389; 4A_367/2010 du 4 octobre 2010 consid. 1.1; 4A_127/2008 du 2 juin 2008 consid. 1.1; 4A_516/2007 du 6 mars 2008 consid. 1.1; ATF 136 III 196 consid. 1.1). Quant au dies a quo, il court dès la fin de la procédure judiciaire. Dès lors que la valeur litigieuse doit être déterminable lors du dépôt du recours, il convient de se référer à la date de la décision cantonale (arrêts du Tribunal fédéral 4A_187/2011 du 9 juin 2011 et 4A_189/2011 du 4 juillet 2011).

2.2 En l'espèce, le loyer annuel, charges non comprises, de l'intimée s'élève à 15'000 fr. La procédure cantonale s'achèvera avec l'arrêt que prononcera la Chambre de céans. En prenant en compte la période de trois ans après cet arrêt, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (15'000 fr. x 3 ans + 5 mois de procédure cantonale = 50'000 fr.).

Le jugement attaqué constitue par ailleurs une décision finale et aucune des exceptions de l'art. 309 CPC n'est réalisée.

Il s'ensuit que la voie de l'appel au sens des art. 308 ss CPC est ouverte.

2.3 L'acte ayant pour le surplus été déposé dans les délais et les formes prescrits par l'art. 311 CPC, le présent appel est formellement recevable.

3. 3.1 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen, tant en fait qu'en droit (art. 310 CPC; HOHL, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., Berne 2010, nos 2314 et 2416; RETORNAZ, op. cit., p. 349 ss, N 121).

L'instance d'appel n'est nullement liée par l'appréciation des faits à laquelle s'est livré le juge de première instance (JEANDIN, in Code de procédure civile commenté, BOHNET/HALDY/JEANDIN/SCHWEIZER/TAPPY [éd.], 2011, N 6 ad art. 311 CPC). L'appelant a néanmoins le fardeau d'expliquer les motifs pour lesquels le jugement attaqué doit être annulé et modifié, par référence à l'un et/ou l'autre motif prévu à l'art. 310 CPC. La maxime inquisitoire (art. 55 al. 2 et 247 al. 2 CPC) et la maxime d'office (art. 58 al. 2 CPC) ne dispensent pas l'appelant de motiver correctement. Un simple renvoi aux écritures et pièces de première instance ne serait pas conforme à l'exigence de motivation de l’art. 311 al. 1 CPC. L'instance supérieure doit pouvoir comprendre ce qui est reproché au premier juge sans avoir à rechercher des griefs par elle-même, ce qui exige une certaine précision quant à l'énoncé et à la discussion des griefs (JEANDIN, op. cit., N 3 ad art. 311 CPC; LACHAT, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2011, p. 187). Même lorsque la maxime inquisitoire est applicable, le recourant doit indiquer les constatations de fait qu’il remet en cause (HOHL, op. cit., N 2402).

3.2 En l'espèce, l'appelante reprend, dans le mémoire déposé par-devant la Chambre de céans, les allégués figurant dans les conclusions motivées qu'elle a adressées le 17 avril 2012 au Tribunal des baux et loyers. Elle n'indique pas, dans cette partie de ses écritures, quels faits les premiers juges auraient constaté de manière inexacte ni ne détaille les raisons pour lesquelles la Chambre devrait se référer à sa version des faits plutôt qu'à celle figurant dans le jugement querellé.

Cette partie de l'appel ne satisfait dès lors pas aux exigences de motivation exposées ci-dessus.

3.3 Dans la partie «En droit» de son mémoire, l'appelante mêle des critiques relatives à l'établissement des faits, à l'appréciation des preuves et à l'application de l'art. 257f al. 3 CO.

3.4 Il en ressort néanmoins que l'appelante fait grief aux premiers juges d'avoir retenu que l'immeuble était mal isolé, alors que ce fait n'aurait pas été établi. Or, le témoin I______ a déclaré lors de son audition que l'immeuble était «plus que très mal isolé» car il pouvait notamment entendre son voisin ronfler la nuit. L'appelante n'a pas contesté ce fait dans le cadre de ses écritures après enquêtes. Devant la Chambre de céans, elle se contente d'opposer son point de vue à celui des premiers juges sans indiquer pour quelles raisons ceux-ci ne pouvaient pas inférer de la déclaration du témoin I______ que l'isolation phonique entre les appartements serait mauvaise. Ce grief de l’appelante sera dès lors écarté.

3.5 L'appelante reproche ensuite au Tribunal d'avoir constaté que les locataires se plaignant du tapage provoqué par l'intimée étaient retraités et par conséquent plus sensibles au bruit. Cette constatation ne serait pas objective et aurait de surcroît été démentie par le témoin I______ qui, bien que professionnellement actif, s'était également plaint de l'intimée.

En l'espèce, les premiers juges n'ont pas constaté que les plaignants étaient plus sensibles au bruit que la moyenne : ils ont simplement supposé que, du fait qu'elles étaient retraitées, ces personnes étaient susceptibles d'avoir une plus grande sensibilité aux bruits en tous genres qui survenaient durant le jour. Ce faisant, les premiers juges n'ont pas constaté un fait à proprement parler mais ont apprécié une des circonstances du cas à la lumière de leur expérience. Ce deuxième grief de l'appelante se révèle donc mal fondé, étant toutefois précisé qu'il sera examiné ci-après quelle portée peut être accordée aux plaintes émises par les locataires susvisés.

3.6 L'appelante reproche par ailleurs au Tribunal d’avoir retenu que la situation s'était améliorée depuis la moitié de l’année 2010.

Les premiers juges ont constaté que les familles E______, G______, H______ et I______ avaient cosigné une nouvelle lettre de plainte au mois de septembre 2010. Ils n'ont cependant pas relevé que les plaignants indiquaient dans cette lettre notamment ce qui suit : «si [le] dernier courrier [de la régie] les a un peu calmés pendant environ un mois, nos voisins ont ensuite recommencé de plus belle dès le mois de juin 2010 et nous continuons ainsi à subir leur vacarme, du matin au soir» (pièce 14, chargé appelante, p. 2, 5ème par.).

Il sera remédié à cette constatation incomplète des faits en mentionnant cet extrait du courrier de septembre 2010 dans la partie «En fait» ci-dessus. La Chambre de céans reviendra par ailleurs sur la question de l’amélioration de la situation durant le deuxième semestre de l'année 2010 ci-après.

3.7 Enfin, l'appelante reproche aux premiers juges d'avoir retenu que les habitants de l'immeuble ne s'étaient pas plaints de manière régulière. Elle fait également valoir que l'éventuelle sporadicité des plaintes ne permettait pas de retenir que les nuisances étaient concentrées autour des périodes de fin d'année et n'excédaient pas ce qui était supportable dans un immeuble locatif. Ce faisant, l'appelante s'en prend à l'appréciation et non à l'établissement des faits. Ce grief sera dès lors examiné ci-après.

4. Le locataire est tenu d'user de la chose louée avec le soin nécessaire et d'avoir pour les personnes habitant la maison et les voisins les égards qui leur sont dus (art. 257f al. 1 et 2 CO).

L'art. 257f al. 3 CO sanctionne le non-respect de ce devoir et prévoit que lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite du bailleur, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d'égards envers les voisins, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitation peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de 30 jours pour la fin d'un mois.

Lorsque les conditions de l’art. 257f al. 3 CO ne sont pas réunies, la résiliation est inefficace (nulle). Tel est par exemple le cas d'un congé qui n'aurait pas été précédé d'un avertissement écrit ou le cas d'un congé donné alors que le maintien du contrat paraît supportable. Une telle résiliation inefficace ne peut pas être convertie en un congé ordinaire, ni en un congé pour justes motifs au sens de l'art. 266g CO (LACHAT, Le bail à loyer, Lausanne 2008, 2ème éd., p. 682; voir également CORBOZ, Les congés affectés d’un vice, 9ème Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 1996, p. 27 ss).

Le juge saisi d'une requête en évacuation à l'encontre du locataire doit contrôler d'office la réalisation des conditions de l'art. 257f al. 3 CO (LACHAT, op. cit., p. 727; WEBER BSK OR, n° 5 ad art. 266o CO).

5. 5.1 Sur le plan formel, il n'est pas impératif que la résiliation énonce de manière explicite les motifs fondant le congé extraordinaire, excepté s'il s'agit d'un congé pour justes motifs au sens de l'art. 266g CO. Il est en revanche indispensable que le récipiendaire comprenne qu’il est mis fin à son bail de manière anticipée (arrêts du Tribunal fédéral 4A_352/2012 et 4A_358/2012 du 21 novembre 2012 consid. 3.5; arrêt du Tribunal fédéral 4C.324/2002 du 3 mars 2003 consid. 3.2 publié in MRA 5/03 p. 165 ss; arrêt du Tribunal fédéral du 3 octobre 1995 consid. 2b-aa publié in MP 1/96 p. 11; ATF 92 II 184 consid. 4a; ZUKO-HIGI N 122 ad Vorbemerkungen zu art. 266-266o CO et N 54 ad art. 266g CO; contra : LACHAT, op. cit., p. 662 N 1.6 et note 8 qui considère que le congé anticipé n'est valable que s'il est sommairement motivé, par exception à la règle selon laquelle la motivation n'est pas une règle de validité du congé).

A défaut, le congé doit être qualifié d'ordinaire (WEBER BSK OR, N 5 ad art. 266l CO et les réf. cit.).

Il en va de même pour une résiliation immédiate du contrat de travail dont la formulation est ambigüe (STREIFF/VON KAENEL/RUDOLPH, Praxis-kommentar zu Art. 319-362 OR, 7ème éd., Zurich-Bâle-Genève 2012, N 18 ad art. 337 CO).

Le congé anticipé formulé comme une résiliation ordinaire n'est en revanche pas inefficace (voir le commentaire de POLIVKA sur l'arrêt du Tribunal fédéral 4C.324/2002 du 3 mars 2003 in MRA 5/03 p. 172).

5.2 Dans le cas d'espèce, l'appelante a résilié le bail de l'intimée en adressant à celle-ci le formulaire officiel de résiliation prévu par l'art. 9 OBLF. Elle a indiqué sur ce formulaire que le bail était résilié «pour le 30 novembre 2010 ou pour toute autre échéance contractuelle ou légale la plus proche» et «en vertu de l'art. 257f al. 3 CO».

En laissant ouverte la possibilité que le congé ne prenne effet qu'à l'échéance contractuelle, l'appelante n'a pas clairement fait savoir à l'intimée que son bail était résilié avant l'échéance contractuelle.

La mention «résiliation du bail en vertu de l'art. 257f al. 3 CO» ne permettait pas davantage à l'intimée de comprendre que son bail prendrait fin avant l'échéance ordinaire. Le locataire moyen ne saurait en effet déduire d'un renvoi à cette disposition légale que son bail est résilié de manière anticipée. Dans le cas d'espèce, l'intimée ne pouvait pas non plus inférer ce caractère anticipé du congé du courrier comminatoire du 11 mars 2010 ayant précédé la résiliation. La régie n'y énonçait en effet pas que la résiliation en vertu de l’art. 257f al. 3 CO interviendrait de manière anticipée.

Cela étant, la question de savoir si le congé du 23 septembre 2010 doit être considéré comme un congé ordinaire pour cette raison peut rester indécise. Les conditions de validité du congé anticipé fondé sur l’art. 257f al. 3 CO sont en effet remplies (cf. ci-après ch. 6).

6. 6.1 Un congé anticipé fondé sur l'art. 257f al. 3 CO n'est justifié que si le maintien du contrat est insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant dans la maison en raison de la violation du devoir de diligence reprochée au locataire. Pareille condition implique une violation des art. 257f al. 1 et 2 CO d'une certaine gravité. Une contravention mineure au règlement de la maison ou le non-respect d'une disposition très secondaire du contrat ne suffit pas. Par ailleurs, condition supplémentaire, on ne peut pas raisonnablement exiger du bailleur qu'il laisse le locataire encore disposer des locaux, ou des autres occupants de l'immeuble qu'ils tolèrent plus longtemps la présence du perturbateur. Cette question doit être examinée en équité (LACHAT, op. cit., p. 679 et les réf. cit.).

La violation incriminée doit être telle que l'on ne puisse raisonnablement exiger du bailleur qu'il laisse le locataire disposer des locaux, ce qui suppose de respecter les principes de proportionnalité et de subsidiarité (arrêts du Tribunal fédéral 4C.118/2001 du 8 août 2011 consid. 1b et 4A_87/2012 du 10 avril 2012 consid. 4.1).

Dans chaque cas, il convient d'apprécier la marge de tolérance qui peut être exigée du bailleur et des autres locataires de l'immeuble. Le degré de tolérance est en fonction des circonstances objectives et subjectives, propres au locataire incriminé, au bailleur et aux autres habitants de l'immeuble. Il dépend aussi de la durée des perturbations reprochées au locataire, de la fréquence de leur répétition, de la destination des locaux loués, de leur localisation, de leur état d'entretien (par exemple de la qualité de l'isolation phonique) et des efforts accomplis - ou non - par le perturbateur (ACJC/1152/2009; LACHAT, op. cit., p. 679).

En cas de résiliation pour manque d'égards envers les voisins, s'agissant de la force probante des pétitions et contre-pétitions, l'expérience de la vie enseigne que les protagonistes n'hésitent pas à amplifier leurs récriminations en sollicitant leurs autres voisins, qui sont beaucoup moins, voire pas du tout, concernés. Les pétitions signées, parfois hâtivement, sur le palier de la porte ne peuvent emporter un grand crédit par-devant une juridiction sans autres enquêtes approfondies. Quelque fois même, pour rester neutre et ne pas être impliqué malgré lui dans le conflit, le locataire signe la pétition puis la contre-pétition (ACJC/1428/2006 du 11.12.2006 A. c/ C. et M.).

6.2 La résiliation anticipée est destinée à rétablir une situation normale dans l'immeuble et à ménager les intérêts des autres locataires et des voisins, auxquels le bailleur doit veiller. Le bailleur ne doit pas trop tarder à résilier le bail, faute de quoi son inaction est susceptible de fournir un indice que la continuation du bail n'est pas insupportable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_263/2011 du 20 septembre 2011 consid. 3.4 publié in CdB 01/12 p. 1; HIGI, Commentaire zurichois, N 52 ad art. 257f CO; WESSNER, Le devoir de diligence du locataire dans les baux d'habitation et de locaux commerciaux, in Séminaire sur le droit du bail, Neuchâtel 2006, N 67, p. 19; arrêt du Tribunal fédéral du 17 mars 1997 ; DB 1999 p. 12 N 8; DB 1990 p. 6 N 3; jugement du Tribunal des baux du canton de Zurich du 16 novembre 1995 publié in ZMPE/1996 N 1). Est considéré comme raisonnable, un délai de quelques mois au plus (ZUKO-HIGI, N 12 ad art. 257f CO; WESSNER, op. cit., N 27, p. 9; jugement du Tribunal des baux du canton de Zurich du 16 novembre 1995 publié in ZMPE/1996 N 1).

Le congé doit en outre correspondre au fait pour lequel un avertissement initial a déjà été donné et ne pas survenir longtemps après ce dernier (arrêt du Tribunal fédéral 4C.270/2001 du 26 novembre 2001; ACJC/1141/2003; LACHAT, op. cit., p. 678). Des délais de quatre mois et six jours et de cinq mois entre l'avertissement et la résiliation de bail ont été considérés comme admissibles, contrairement à un délai de dix-huit mois (arrêts du Tribunal fédéral 4C.264/2002 du 25 août 2003 publié in DB 2004 N 25, du 26 novembre 2001 publié in CdB 2002 p. 2 consid. 3b-dd et 4C.118/2001 du 8 août 2001 publié in DB 2003 N 8; ACJC/811/2009; LACHAT, op. cit., p. 678-679 note 111).

6.3 L'art. 36 des règles et usages locatifs appliqués dans le canton de Genève (édition 2006) dispose que dans l'intérêt de l'ensemble des locataires, il est interdit d'incommoder les voisins d'une manière quelconque. Entre 22 heures et 7 heures, toute musique et bruit susceptibles d'être perçus hors de l'appartement sont interdits.

6.4 Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral a notamment admis la résiliation anticipée d'un bail dans un cas où les locataires avaient, malgré les avertissements écrits de la bailleresse, continué à marcher avec des chaussures à semelles dures, à déménager des meubles, à passer l'aspirateur ou à faire la vaisselle à toute heure de la nuit. Ce non-respect du repos nocturne des autres habitants de l'immeuble contrevenait à l’art. 257f al. 2 CO. Les locataires ne pouvaient se disculper en insistant sur la très mauvaise isolation phonique du bâtiment. Cette circonstance leur imposait d'éviter d'autant plus d'importuner les autres habitants de la maison et d'accomplir leurs tâches en journée (arrêt du Tribunal fédéral du 4 juin 1998 consid. 2b-c publié in SJ 1999 I p. 25; dans le même sens au sujet des conséquences d'une mauvaise isolation phonique : arrêt du Tribunal fédéral du 26 novembre 2001 publié in CdB 2002 p. 2).

La Haute Cour a également validé le congé anticipé notifié à un locataire de locaux commerciaux dont les nouvelles installations frigorifiques causaient des immissions de bruit dérangeantes qui limitaient considérablement l'usage du logement du bailleur. Le refus du locataire de procéder aux travaux propres à limiter ces nuisances constituait une violation du devoir de diligence justifiant une résiliation extraordinaire au sens de l’art. 257f CO (arrêt du Tribunal fédéral du 17 mars 1997 publié in DB 1999 N 8).

Le Tribunal fédéral a encore considéré comme fondée une résiliation anticipée du bail d'un couple de locataires dont les violentes scènes de ménage, qui se manifestaient par des flots d'injures entrecoupés de claquements de portes et de jets d'objets divers, se produisaient hebdomadairement et avaient suscité quatre interventions policières en l’espace de cinq mois et quatre plaintes des voisins et du concierge en onze mois. La Haute Cour a relevé dans son arrêt qu'à considérer les réclamations répétées et de plus en plus insistantes des locataires, la bailleresse ne pouvait pas rester plus longtemps sans réagir (arrêt du Tribunal fédéral du 26 novembre 2001 publié in CdB 2002 p. 2).

En revanche, les disputes de peu d'importance entre les habitants d'un immeuble ne constituent en général pas un motif justifiant un congé anticipé. De tels conflits peuvent toutefois justifier un congé ordinaire (LACHAT, op. cit., p. 681, note 129 citant une décision de l'autorité de conciliation du canton de Zurich publiée in MRA 1995 p. 250).

Enfin, le Tribunal fédéral a, dans un arrêt récent, confirmé un arrêt de la Cour d'appel civile du canton de Vaud validant un congé anticipé notifié à une locataire à la suite des doléances des voisins. Ces derniers s'étaient plaints à quatre reprises en dix mois auprès de la régie que la locataire et l'un de ses amis jouaient de la musique, dansaient et se lançaient des insultes jusque très tard dans la nuit et le dimanche. La juridiction cantonale n’avait pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en résiliant le bail de la locataire pour les motifs susvisés. Les excès de bruit et le non-respect du repos nocturne constituaient en effet des motifs typiques de congé extraordinaire prévu par l’art. 257f al. 3 CO pour autant que les faits revêtent une gravité suffisante permettant d'admettre que la continuation du rapport juridique ne peut pas être exigée.

Il sied de relever que dans son arrêt, la Cour d’appel vaudoise avait accordé une certaine importance au fait que les témoignages des voisins concordaient et que rien n'indiquait que les plaintes auraient été dictées par un sentiment d'animosité envers les auteurs des troubles (arrêt du Tribunal fédéral 4A_87/2012 du 10 avril 2012 Faits A.a et consid. 4.2; ATF 136 III 95 consid. 2.5).

6.5 Dans le cas d'espèce, le témoin G______, qui habite au deuxième étage de l'immeuble - vraisemblablement en dessous de l’appartement de l’intimée quoique cet élément ne ressort pas des enquêtes - a indiqué qu’il était dérangé par de la musique répétitive, des bruits de talons et par des fêtes réunissant de nombreuses personnes les samedis et les dimanches soirs. Depuis l’emménagement de l'intimée, son repos nocturne était troublé.

Le témoin E______ a confirmé être incommodé par la musique ou le home cinéma de l'intimée tous les jours dès le matin et le soir jusqu’à minuit voire deux heures du matin. Il n'a pas mentionné, comme le témoin G______, que l'intimée donnerait régulièrement des fêtes dans son appartement ni ne s'est plaint de bruits de talons, de déplacements de meubles ou du fonctionnement de la machine à laver à des heures tardives. Ceci peut cependant être imputé au fait qu'il habite le logement situé au-dessus de l'appartement de l'intimée et que de tels bruits y sont par nature moins audibles. Il a cependant indiqué que l'intimée et ses enfants recevaient des visites de manière récurrente.

Le témoin I______ a confirmé que les époux E______ étaient les plus affectés, la musique écoutée par l'intimée étant surtout perceptible dans leur appartement. Il avait entendu à plusieurs reprises E______ et l'intimée se disputer sur le palier lorsque le premier descendait se plaindre du bruit causé par la seconde. Il ne pouvait en revanche pas attester lui-même des nuisances en question puisque son appartement était décalé par rapport à celui de l'intimée.

Bien qu'il habite dans une allée voisine, le témoin L______, concierge de l'immeuble, a indiqué être intervenu à deux ou trois reprises pour demander à l'intimée de baisser la musique pendant la journée. Il a confirmé que les locataires E______, I______ et G______ s'étaient plaints auprès de lui de nuisances sonores durant la nuit. Il n'a cependant pas été le témoin d'autres manifestations bruyantes de l'intimée.

Toutes les lettres de plainte adressées à la régie, dont les témoins susvisés ont confirmé la teneur, font par ailleurs état de nuisances sonores incessantes et excessives dues aux appareils électroniques utilisés par l'intimée.

Au vu de ce qui précède, il peut être tenu pour établi que l'intimée a contrevenu régulièrement, voire quotidiennement aux règles et usages locatifs en vigueur et a manqué aux égards mutuels que se doivent les habitants d'un immeuble locatif.

6.6 Cela étant, le Tribunal des baux et loyers a retenu que les excès reprochés à l'intimée étaient survenus principalement en période de fêtes de fin d'année et non de manière systématique.

Les voisins ont certes essentiellement émis leurs doléances à la fin ou au début de l'année civile.

Cependant, leurs courriers mentionnent que les manifestations bruyantes incriminées durent «depuis l'emménagement» de l'intimée ou «depuis juin 2010». Lors de leurs auditions, les voisins n'ont en outre pas indiqué que les nuisances étaient sporadiques ou concentrées sur de brèves périodes.

Il doit dès lors être tenu pour établi dès lors que les nuisances en question ne survenaient pas qu'en périodes de fêtes de fin d'année.

6.7 Les premiers juges ont également retenu que le comportement de l’intimée s'était amélioré depuis l'envoi du dernier avis comminatoire au mois de mars 2010.

L'instruction de la cause ne permet pas de faire une telle déduction. Dans le courrier envoyé à la régie au mois de septembre 2010, les locataires auditionnés par le Tribunal ont en effet indiqué que l'intimée avait recommencé «de plus belle» à incommoder le voisinage à compter du mois de juin.

Ceci commande de relativiser la déclaration du témoin E______ selon lequel «la situation s'était améliorée depuis la moitié de l'année 2010», ce d'autant plus que le précité a également affirmé que les nuisances avaient, durant cette période, perduré l'après-midi, le soir et le week-end.

Le témoin G______ n'a, quant à lui, mentionné aucune amélioration de la situation après l'envoi de la dernière mise en demeure écrite de la régie, si ce n'est s'agissant des bains que l'intimée faisait couler tard le soir et des machines à laver qu'elle enclenchait.

Dès lors, l'éventuelle amélioration de la situation après l'envoi du dernier avis comminatoire paraît marginale, aux yeux de la Cour. Elle n'aurait par ailleurs pas été pertinente, les motifs du congé devant être examinés lors de la notification du congé.

6.8 Contrairement à l'avis des premiers juges, le fait que les deux principaux plaignants soient des retraités et que l'immeuble soit mal isolé ne saurait profiter à l'intimée. La jurisprudence indique en effet sans ambiguïté que lorsqu'un immeuble est doté d'une mauvaise isolation phonique, il incombe au locataire de redoubler d'égards afin de ne pas incommoder leurs voisins. Les plaignants ont par ailleurs mis en évidence que les nuisances provenant de l'appartement de l'intimée survenaient non seulement en journée, mais également en soirée, durant la nuit, ainsi que les week-ends et les jours fériés. Le statut de retraités des témoins et le fait qu'ils passent donc davantage de temps en journée dans leur appartement n'apparaît dès lors pas les avoir rendus plus sensibles aux manifestations bruyantes de l'intimée qu'un locataire moyen.

6.9 Au vu de ce qui précède, il paraît établi que l'intimée a causé durant deux ans, de manière répétitive, voire quotidienne, des nuisances à l'aide d'appareils amplifiant le son et que ces nuisances ont persisté en grande partie après la réception du dernier avis comminatoire de la régie. En regard des plaintes formulées par les voisins, ces nuisances ne sauraient être considérées comme d’ordre mineur. Elles ont au contraire largement excédé la tolérance mutuelle que se doivent les habitants d'un immeuble locatif, en particulier lorsque celui-ci est phoniquement mal isolé. De telles nuisances constituent, à teneur de la jurisprudence, des motifs typiques de congé extraordinaire au sens de l'art. 257f al. 3 CO.

En dépit des tentatives de dialogue des voisins, des propositions de médiation de voisinage - auxquelles l'intimée n'a jamais donné suite - et des avertissements écrits reçus de la régie, l'intimée n'est en outre pas parvenue à améliorer la situation. Les nuisances ont repris moins de trois mois après la dernière mise en demeure écrite de la régie et suscité, trois mois plus tard, une nouvelle plainte des voisins dans laquelle ces derniers faisaient état d'un bruit très fort persistant et menaçaient d'intenter une action judiciaire si la situation ne s'améliorait pas.

A réception de cette plainte, l'appelante pouvait légitimement considérer qu'un maintien du bail de l'intimée ne pouvait être imposé aux autres habitants de l'immeuble. La prochaine échéance contractuelle étant le 30 juin 2011, et donc distante de plus de neuf mois, une résiliation anticipée du contrat apparaissait comme la seule mesure apte à ramener le calme dans l'immeuble dans un délai raisonnable.

La mention sur le formulaire officiel que le bail était résilié pour le 30 novembre 2010 ou pour toute autre échéance contractuelle ou légale la plus proche ne saurait, à cet égard, être interprétée comme une acceptation par l'appelante d'une poursuite du bail jusqu'à l'échéance contractuelle ou comme une admission que la poursuite du contrat jusqu'à cette échéance ne serait, au final, pas insupportable (dans le même sens : arrêt du Tribunal fédéral 4C.264/2002 du 25 août 2003 publié in DB 2004 N 25 § 3). La formulation choisie indique clairement que l'appelante entend mettre fin au rapport contractuel dans les plus brefs délais.

Le congé querellé apparaît enfin conforme aux exigences de subsidiarité et de proportionnalité. Les nuisances qui ont pu être établies au terme de l'instruction dépassent de loin celles qui ne justifieraient qu’un congé ordinaire. En outre, si l'appelante avait, à réception de la dernière plainte des voisins, attendu davantage pour prendre des mesures contre l'intimée, elle courait le risque de donner l'apparence que le comportement incriminé n'outrepassait pas l'usage convenu.

6.10 Les premiers juges ont en revanche considéré que les autres conditions formelles et matérielles du congé anticipé étaient remplies.

L'intimée ne fait pas valoir que le jugement attaqué prêterait le flanc à la critique sur ce point.

Dans le cas d'espèce, la chambre de céans fera sienne l'opinion du Tribunal. Les exigences d'envoi d'un avis comminatoire, de réitération du comportement incriminé dans un laps de temps raisonnable et de respect du préavis et du terme de résiliation sont à l'évidence satisfaites.

6.11 Au vu de ce qui précède, il appert que le bail de l'intimée a été valablement résilié le 23 septembre 2010 pour le 30 novembre 2010.

L'intimée ne disposant par conséquent plus d'aucun titre pour occuper l'appartement litigieux, la Chambre de céans la condamnera à évacuer le logement sans délai, conformément à l'art. 267 al.1 CO.

7. La procédure étant gratuite, il n'est pas perçu de frais ni alloué de dépens (art. 22 al. 1 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable l'appel formé par la A______ le 3 septembre 2012 contre le jugement JTBL/655/2012 rendu par le Tribunal des baux et loyers le 29 juin 2012 dans la cause C/29207/2010-1-D.

Principalement :

Annule ce jugement.

Constate la validité du congé adressé à B______ le 23 septembre 2010 pour le 30 novembre 2010.

Condamne B______ à évacuer immédiatement l'appartement de quatre pièces no 31 situé au 3ème étage de l’immeuble sis 27, rue C______ (D______) de sa personne, de ses biens et de tout tiers dont elle est responsable.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres ou contraires conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Elena SAMPEDRO et Monsieur Blaise PAGAN, juges; Monsieur Mark MULLER et Monsieur Maximilien LÜCKER, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.