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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/8724/2004

AARP/158/2016 (3) du 22.04.2016 sur JTDP/815/2014 ( PENAL ) , ADMIS

Recours TF déposé le 27.06.2016, rendu le 15.07.2016, IRRECEVABLE, 6B_726/2016
Descripteurs : PRESCRIPTION; LEX MITIOR; DÉFAUT(CONTUMACE); RELIEF; JUGEMENT PAR DÉFAUT; DÉTENTION INJUSTIFIÉE; DÉTENTION PROVISOIRE; FRAIS JUDICIAIRES
Normes : CP.97; aCP.70; CP.51; CPP.389; CPP.429.1.c; CPP.426; CPP.428.3
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/8724/2004AARP/158/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 22 avril 2016

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me B______, avocat, ______,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/815/2014 rendu le 25 novembre 2014 par le Tribunal de police,

 

et

C______, domicilié ______, comparant par Me D______, avocat, ______,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par déclaration du 2 mars 2015, A______ a appelé du jugement rendu par défaut le 25 novembre 2014 par le Tribunal de police, notifié le 9 février 2015, par lequel le premier juge l'a acquitté des chefs d'escroquerie (art. 146 du code pénal, du 21 décembre 1937 [CP ; RS 311.0], de tentative d'escroquerie (art. 22 cum art. 146 al. 1 CP) et de faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP), l'a reconnu coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP), l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, sous déduction de 48 jours-amende correspondant à 48 jours de détention avant jugement, a fixé le montant du jour-amende à CHF 30.-, avec sursis (délai d'épreuve deux ans) et l'a condamné aux frais de la procédure arrêtés à CHF 675.-, le montant découlant des frais d'expertise par CHF 6'000.- n'ayant pas été mis à sa charge.

b. Dans sa déclaration d'appel, A______ conclut à son acquittement, avec suite de frais à la charge de l'Etat, voire à celle de la partie plaignante, et à la condamnation de l'Etat de Genève à lui verser la somme de CHF 3'399'000.- à titre d'indemnisation, subsidiairement à une réduction de peine en cas de confirmation de sa culpabilité pour lésions corporelles.

c. Au stade de l'appel, il est encore reproché à A______ d'avoir, à Genève, le 29 septembre 2004, assené à C______ des coups de poing au visage lui causant un hématome de la moitié de la lèvre inférieure gauche.

d. Les faits initialement reprochés à A______, comprenant un volet financier, ont fait l'objet d'un premier jugement du Tribunal de police, le 7 juin 2010, qui l'a reconnu coupable de lésions corporelles en plus d'escroquerie (y compris tentative) et de faux dans les titres. Un appel du prévenu a conduit la Chambre pénale, juridiction d'appel compétente en application de l'ancien code de procédure pénale genevois, à l'annuler pour complément d'instruction portant sur le volet financier (arrêt ACJP/172/2011 du 30 septembre 2011). Le dossier a été retourné au Tribunal de police pour suite à donner, ce qui a conduit au jugement entrepris du 25 novembre 2014.

B. a. Les faits relatifs aux lésions corporelles ne présentent plus d'intérêt juridique, au vu des conclusions auxquelles la Chambre pénale d'appel et de révision parvient (cf. infra ch. 2). Aussi ne seront-ils repris que pour ce qu'ils ont de pertinents.

b. À l'issue des actes complémentaires d'instruction auxquels il a procédé, le Tribunal de police a fixé une première audience au 31 mars 2014. A______ y a fait défaut.

Une deuxième audience a été convoquée pour le 21 novembre suivant. Le prévenu y a encore une fois fait défaut, ce qui a conduit le Tribunal à procéder aux débats en son absence conformément à l'art. 366 al. 2 du code de procédure pénale, du 5 octobre 2007 (CPP ; RS 312.0). La partie défaillante, représentée par son conseil, a déposé un chargé de pièces exclusivement consacré à prouver l'innocence de A______ face aux accusations d'ordre financier le concernant.

C______, présent à l'audience, a été invité à s'exprimer sur l'altercation qui l'avait opposé à A______.

Avant la clôture de la partie probatoire, le président du Tribunal a demandé si A______ entendait faire valoir des prétentions en indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 CPP pour le cas où il devait être acquitté totalement ou en partie. Le prévenu a été rendu attentif aux conséquences d'un défaut de revendications à cet égard. À teneur du dossier, aucune pièce n'a été déposée avant les plaidoiries et la clôture des débats. A______ n'a pas davantage pris des conclusions, sinon celles tendant au rejet des conclusions civiles de C______.

Le 5 décembre 2014, A______ a écrit au Tribunal pour "[demander] un nouveau jugement et [annoncer] former appel contre le jugement rendu le 25 novembre 2014". Il avait été malade et à ce titre empêché de participer aux débats. Une nouvelle audience a été convoquée pour le 9 janvier 2015 à laquelle A______ a à nouveau fait défaut. Il était venu de Paris et se trouvait à Lausanne. En page 3 du procès-verbal d'audience, on peut lire ce qui suit : "Le Tribunal décide de rendre une ordonnance constatant le deuxième défaut du prévenu, A______ gardant notamment la faculté de se présenter au greffe du tribunal pénal ce jour afin de démontrer qu'il était bien en Suisse aujourd'hui".

Par ordonnance rendue le même jour, le Tribunal de police a constaté, en application de l'art. 369 al. 4 CPP, que A______ avait fait défaut sans excuse valable, de sorte que le jugement du 25 novembre 2014 restait valable.

C. a. Le Ministère public conclut au rejet de l'appel.

b. Le 31 mars 2015, A______ a demandé la récusation de la direction de procédure qui n'avait pas procédé, comme requis depuis plusieurs années, au rétablissement d'une situation conforme au droit en ne faisant pas droit à la réparation du bris des scellés. Il sollicite au surplus le dépaysement de la procédure en raison de l'inaction des autorités genevoises et du défaut de sérénité de la justice à son égard.

Le Tribunal pénal fédéral, auquel la requête a été soumise, a conclu le 28 mai 2015 à l'irrecevabilité de la demande de dépaysement formulée par A______ (décision de la Cour des plaintes BB.2015.54). La demande de récusation a été traitée en parallèle de la procédure d'appel (cf. infra let. d).

c.a Devant la CPAR, A______ a soulevé deux questions préjudicielles. Par la première, il sollicitait la suspension de la procédure en raison du fait que l'autorité de jugement de première instance n'avait pas statué sur la demande de restitution de délai plaidée devant elle. La CPAR a rejeté cette question préjudicielle en se basant sur l'arrêt rendu le 16 avril 2015 par la Chambre pénale de recours (ACPR/222/2015) par lequel A______ avait été débouté de sa demande en ce sens. La seconde question préjudicielle traitait de l'absence de décision sur la demande de récusation. La CPAR l'a rejetée en application de l'art. 59 CP qui l'autorisait à exercer sa fonction dans l'attente d'une décision.

c.b Au fond, A______ persiste dans ses conclusions. Il dépose deux bordereaux de pièces datés du 16 novembre 2015.

c.b.a Le premier chargé contient :

- un exemplaire du courriel/courrier daté du 21 novembre 2014 et adressé "par voie électronique (…) et par dépôt à l'ambassade suisse en France au GREFFE DU TRIBUNAL DE POLICE, au juge qui remplacera M. E______, contre qui j'ai déposé une plainte pénale (26.03.2014), en cours d'instruction auprès de la Chambre pénale de recours (recours contre l'ordonnance de non entrée en matière et recours contre l'ordonnance de refus d'octroi de l'assistance juridique, avec saisine en cours du Tribunal fédéral suisse (recours pour déni de justice), par lequel A______ répertorie notamment ses pertes matérielles chiffrées à CHF 3'399'900.-, sous réserve d'expertise, le principal poste étant constitué de la "perte nette sur espérance de gain de 2006 à sa retraite" en CHF 2'920'000.- ;

- sa demande par voie électronique datée du 8 janvier 2015 tendant au renvoi de l'audience du lendemain en raison des événements survenus la veille à Paris (attaque dans les locaux de "Charlie Hebdo") ainsi que des justificatifs de la présence de A______ en Suisse le 9 janvier 2015 ;

- des documents relatant l'existence d'une plainte déposée par A______ à la suite d'une disparition d'argent de son dépôt ;

- des billets de train pour des déplacements entre Paris et Bellegarde aux dates des
2 juillet, 14 décembre et 24 décembre 2014 ;

- plusieurs avis aux débiteurs de la délivrance d'un acte de défaut de biens ;

- des articles de presse faisant état de l'arrestation et des pratiques jugées illicites d'un ______ [métier lié au corps médical] de la place de Genève ;

- différentes pièces relatives à sa demande de restitution de délai.

c.b.b Le second bordereau de pièces est constitué des justificatifs de sa demande d'indemnisation produite devant la juridiction d'appel. A______ conclut préalablement à ce qu'une expertise soit ordonnée qui vise à déterminer son dommage économique. À titre principal, il conclut à une indemnisation de CHF 3'576'604.40, montant qui se décompose en :

-          CHF 602.20 de valeurs disparues en prison,

-          CHF 6'000.- pour les frais d'inscription à l'Université de Lausanne pour sa fille,

-          CHF 10'000.- (frais forfaitaires),

-          CHF 50'000.- et CHF 30'000.- pour la perte sur honoraires de ses patients en 2005, respectivement pour Lausanne et Genève,

-          CHF 30'000.- et CHF 20'000.- pour la perte sur honoraires de ses patients avant 2005, respectivement pour Nyon et Lausanne,

-          CHF 5'000.- et CHF 3'000.- pour la perte sur honoraires de ses patients en janvier 2006, respectivement pour Lausanne et Genève,

-          CHF 30'000.- pour la perte sur honoraires de ses patients au bénéfice de l'AI,

-          CHF 2'920'000.- pour la perte nette sur ses espérances de gain de 2006 à 2023, date à laquelle il atteindra l'âge de la retraite,

-          CHF 84'000.- pour les dettes de pension alimentaire envers sa fille,

-          CHF 19'200.-, CHF 13'000.- et CHF 3'500.- pour diverses dettes de loyer à Genève, CHF 2'200.- et CHF 3'500.- pour ses dettes de loyer à Lausanne,

-          CHF 180'000.- pour ses dettes d'impôts.

A______ revendique en sus le paiement de CHF 50'000.- au titre du tort moral. Il justifie ce montant par le fait qu'il a été très affecté par son incarcération, par l'interdiction qui lui a été faite de conserver des contacts avec sa fille, le dénuement dans lequel il s'est trouvé à sa sortie de prison et les souffrances inhérentes aux articles de presse qui ont sali sa réputation.

c.c Entendu par la CPAR, A______ ne savait pas encore s'il allait reprendre son activité de médecin, pour laquelle il avait reçu l'autorisation des autorités genevoises. Il était en attente de la décision du canton de Vaud à cet égard.

c.d Le conseil de A______ présente sa note de frais et honoraires pour son activité déployée en appel. Sept heures et 51 minutes sont retenues à ce titre, dont 3 x 12 minutes de lecture d'actes judiciaires par le chef d'étude. Sont encore comptabilisées une heure pour la rédaction de la déclaration d'appel, 30 minutes pour la rédaction d'un courrier et deux heures pour celle de la demande d'indemnisation, toutes tâches accomplies par la stagiaire, auxquelles la durée des débats d'appel (une heure et demi) vient encore s'ajouter.

c.e Le 20 novembre 2015, soit quatre jours après l'audience d'appel, la CPAR reçoit un courrier de A______ daté du 11 novembre 2015 et posté le 16 novembre 2015 ayant pour objet : "envoi d'un brouillon de détails chiffrés de ma demande d'indemnisation selon art. 429 CPP (…)". A______, détenu à la prison de Champ-Dollon pour une autre cause, y expose ses prétentions financières (dommage matériel et tort moral) qui se chiffrent à CHF 3'419'000.-. Plusieurs revendications se recoupent avec celles déposées par son conseil en audience.

d. Dans un arrêt AARP/466/2015 du 17 novembre 2015, la CPAR, dans une composition différente de celle appelée à juger le présent appel, a rejeté la demande de récusation présentée par A______.

D. Selon l'extrait de son casier judiciaire, A______ a été condamné le 14 décembre 2012 par le Ministère public du canton de Genève à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 90.- l'unité, sursis trois ans, pour violence ou menace contre les autorités et les fonctionnaires ainsi que pour dommages à la propriété.

EN DROIT :

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La partie qui attaque seulement certaines parties du jugement est tenue d'indiquer dans la déclaration d'appel, de manière définitive, sur quelles parties porte l'appel, à savoir (art. 399 al. 4 CPP) : la question de la culpabilité, le cas échéant en rapport avec chacun des actes (let. a) ; la quotité de la peine (let. b) ; les mesures qui ont été ordonnées (let. c) ; les prétentions civiles ou certaines d'entre elles (let. d) ; les conséquences accessoires du jugement (let. e) ; les frais, les indemnités et la réparation du tort moral (let. f) ; les décisions judiciaires ultérieures (let. g).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

1.2 Le défaut prononcé à l'encontre de l'appelant affecte le jugement rendu le 25 novembre 2014, sans que le prévenu ne puisse se prévaloir d'un droit quelconque lié à son absence à la nouvelle audience du 9 janvier 2015. Le conseil de A______ ne s'y est pas trompé dans sa déclaration d'appel, dans la mesure où il fait à bon droit référence au jugement du 25 novembre 2014. Le défaut à l'audience du 9 janvier 2015 représentait en fait un troisième défaut et non un deuxième comme mentionné par le premier juge. C'est sans compter qu'aucune disposition du CPP n'autorise un prévenu défaillant à justifier a posteriori d'un empêchement à se présenter à l'audience, sinon par une demande de relief que le prévenu avait déjà épuisée en l'espèce lorsqu'il s'est opposé au jugement par défaut rendu le 31 mars 2014.

2. La question de la prescription de l'action pénale se pose, dès lors que la seule infraction désormais reprochée à l'appelant date du 29 septembre 2004. L'examen se fait d'office, quel que soit le degré de juridiction concerné.

2.1 L'art. 389 CPP prévoit, notamment pour la prescription, l'application du nouveau droit si ses dispositions sont plus favorables que celles de l'ancien droit. Les lésions corporelles étaient sanctionnées jusqu'en 2007 par une peine d'emprisonnement (peine maximale de trois ans selon l'art. 36 aCP) et, depuis l'entrée en vigueur du code pénal révisé, par une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Aux termes de l'art. 70 let. c aCP, en vigueur depuis le 1er octobre 2002 et devenu l'art. 97 aCP, l'action pénale se prescrivait par sept ans pour une peine non supérieure à trois ans. Selon l'art. 97 al. 1 CP, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2014, l'action pénale se prescrit par dix ans si la peine maximale encourue est une peine privative de liberté de trois ans.

Il résulte de ce qui précède que l'art. 97 CP dans sa version actuelle est moins favorable à l'appelant que l'art. 70 aCP/97 aCP. Ce sont donc ces deux dernières dispositions qui sont applicables aux faits de 2004, avec une prescription de l'action pénale fixée à sept ans.

2.2 Le Tribunal de police, dans son jugement rendu le 7 juin 2010, a reconnu l'appelant coupable des lésions corporelles commises au préjudice de l'intimé. Mais, pour des motifs portant sur le volet financier du dossier, le jugement a été annulé et retourné au premier juge pour complément d'instruction. Contrairement aux apparences, l'annulation a aussi porté sur le verdict de culpabilité du chef d'infraction à l'art. 123 CP. Preuve en est que l'intimé a été appelé à s'exprimer sur les violences subies lors de l'audience du 21 novembre 2014. Le Tribunal de police a finalement rendu son verdict sur les lésions corporelles reprochées à l'appelant le 25 novembre 2014, plus de dix ans après les faits.

Il s'impose en conséquence de constater la prescription de l'action pénale s'agissant du délit de lésions corporelles reproché à l'appelant. Cette conclusion rend vain tout examen des circonstances de l'altercation ayant opposé les deux parties le 29 septembre 2004, nonobstant le fait que l'appel porte sur cette question.

3. 3.1 L'appelant a subi 48 jours de détention avant jugement. Son acquittement conduit la CPAR à traiter d'office son indemnisation au titre de la détention injustifiée, celle-ci n'étant pas soumise aux règles du droit civil comme les autres prétentions d'indemnisation. Ainsi la compétence de la juridiction d'appel est-elle acquise même si l'appelant n'a pas pris de conclusions en ce sens.

3.2 La question de l'indemnisation d'une détention injustifiée ne se pose (…) que si une imputation suffisante de cette détention sur une autre sanction au sens de l'art. 51 CP n'est plus possible ; l'indemnisation financière est ainsi subsidiaire à l'imputation (ATF 141 IV 236 consid. 3.3 et les références cité in l'arrêt du Tribunal fédéral 6B_431/2015 du 24 mars 2016 consid. 2.2).

Selon l'art. 51 CP, le juge impute sur la peine la détention avant jugement subie par l'auteur dans le cadre de l'affaire qui vient d'être jugée ou d'une autre procédure (dans ce dernier cas, cf. ATF 133 IV 150 consid. 5.1 p. 155 s.). Un jour de détention correspond à un jour-amende ou à quatre heures de travail d'intérêt général.

3.3 L'appelant n'ayant pas un droit absolu à une indemnisation financière, les 48 jours de détention avant jugement subie en trop seront imputés sur la peine pécuniaire de 2012, ainsi que le préconise la jurisprudence en application de l'art. 51 CP.

4. 4.1 Aux termes de l'art. 429 al. 1 CPP, le prévenu a un droit à une indemnisation et à la réparation de son tort moral s'il est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement.

L'art. 429 CPP impose à l'autorité de jugement d'attirer l'attention du prévenu sur son droit à faire valoir des prétentions en indemnisation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_842/2014 du 3 novembre 2014 consid. 2.1). Si le prévenu, assisté d'un avocat, n'émet, expressément ou implicitement, aucune prétention d'indemnisation, il peut ainsi en être inféré qu'il y a renoncé (ACPR/379/2012 du 18 septembre 2012 et ACPR/282/2013 du 18 juin 2013).

L'autorité pénale compétente pour liquider l'indemnisation est celle qui a prononcé l'abandon de la poursuite pénale (A. KUHN / Y. JEANNERET (éds), op. cit., n. 51 ad art. 429 ; G. PIQUEREZ / A. MACALUSO, Procédure pénale suisse, Genève 2011, n. 2286 p. 729 ; ACPR/362/2011 du 7 décembre 2011).

4.2 Le seul bordereau de pièces produit en première instance avait trait aux accusations financières pesant sur l'appelant, en lien avec la plainte déposée par l'intimé. L'appelant n'a pas fait valoir auprès du premier juge son droit à une indemnisation, ainsi que le procès-verbal d'audience en témoigne. Le courrier/courriel du 21 novembre 2014, censé avoir été adressé au premier juge, ne figure pas dans les pièces du dossier. Son existence découle de la seule production du chargé de pièces déposé devant la CPAR, alors même qu'il est probable que l'Ambassade de Suisse à Paris n'aurait pas manqué de faire suivre le courrier à sa réception et que le premier juge l'aurait versé au dossier. Pour que celui-ci appliquât l'art. 429 al. 2 deuxième phrase CPP, il eût fallu que le prévenu fît valoir auprès du Tribunal ses prétentions en indemnisation, le cas échéant par le biais de son conseil pour autant que celui-ci fût nanti d'un tel mandat. En l'espèce, comme aucune revendication n'a été formulée en première instance, malgré l'invitation du Tribunal de police à agir en ce sens (procès-verbal d'audience, p. 7), l'appelant est désormais forclos à vouloir réparer cette omission en appel, dans la mesure où, par son silence en première instance, il est censé avoir renoncé à ses prétentions.

La solution n'est pas différente avec l'abandon des poursuites en appel concernant les lésions corporelles. Il ressort du dossier et des pièces produites que cette infraction n'a pesé que d'un poids insignifiant dans les actes de la procédure et les conséquences qui en ont résulté pour l'appelant. Il suffit pour s'en convaincre de comparer la densité des actes exécutés pour le volet financier et celui des violences corporelles. Aussi la CPAR n'entrera-t-elle pas en matière sur une indemnisation de l'appelant après l'abandon des poursuites pour lésions corporelles frappées par la prescription, la souffrance de l'appelant liée à cet acte secondaire n'atteignant pas un stade suffisant justifiant une réparation.

Une constatation s'impose en tout état. Face aux revendications formulées en appel, il est douteux que le premier juge, en principe compétent pour traiter des prétentions en indemnisation, ait pu les traiter lui-même s'il en avait été nanti, s'agissant notamment de déterminer la quotité des pertes subies sur l'espérance de gain du prévenu jusqu'à la retraite ou des pertes sur honoraires de ses patients dans les cantons de Genève et de Vaud. Pour ces postes, la solution eût consisté à renvoyer le prévenu à agir par la voie civile faute de pouvoir procéder à des calculs nécessitant des expertises et des calculs actuariels.

5. 5.1 Selon les art. 426 al. 1 et 428 al. 1 CPP, les frais de la procédure de première instance – que la CPAR est tenue de revoir lorsqu'elle rend une nouvelle décision (art. 428 al. 3 CPP) – et d'appel sont mis à la charge des parties dans la mesure où elles succombent.

5.2 Au fil des verdicts successifs, la culpabilité initiale de l'appelant s'est réduite à néant. Les frais de première instance, déjà fortement abaissés eu égard à l'acquittement prononcé sur le volet prédominant, n'auraient pas été mis à la charge de l'appelant si la prescription avait été constatée à cette date déjà. Il convient par conséquent de corriger cette omission en libérant l'appelant du paiement des frais de procédure de première instance. Il y a lieu de procéder de même pour les frais de la procédure d'appel, l'ensemble des frais étant ainsi laissé à la charge de l'Etat.

6. 6.1 Les frais imputables à la défense d'office sont des débours (art. 422 al. 2 let. a CPP) qui constituent des frais de procédure (art. 422 al. 1 CPP) et doivent, conformément à l'art. 421 al. 1 CPP, être fixés par l'autorité pénale dans la décision finale au plus tard (ATF 139 IV 199 consid. 5.1 p. 201-202). La juridiction d'appel est partant compétente, au sens de l'art. 135 al. 2 CPP, pour statuer sur l'activité postérieure à sa saisine.

6.2.1 Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique du 28 juillet 2010 (RAJ ; E 2 05.04) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : avocat stagiaire CHF 65.- (let. a) ; collaborateur CHF 125.- (let. b) ; chef d'étude CHF 200.- (let. c).

6.2.2 À teneur de la jurisprudence, est décisif pour fixer la rémunération de l'avocat, le nombre d'heures nécessaires pour assurer la défense d'office du prévenu (arrêt du Tribunal fédéral 2C_509/2007 du 19 novembre 2007 consid. 4). (…) Si, comme à Genève, la réglementation prévoit un tarif réduit, celui-ci s'applique sans égard à l'issue du procès (ATF 139 IV 261 consid. 2 p. 261 ss). Les autorités cantonales jouissent d'une importante marge d'appréciation lorsqu'elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d'office (arrêt du Tribunal fédéral 6B_856/2014 du 10 juillet 2015 consid. 2.3 et les références citées).

L'art 16. al. 2 RAJ prescrit également que seules les heures nécessaires à la défense devant les juridictions cantonales sont retenues et sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

6.2.3 Reprenant l'activité de taxation suite à l'entrée en vigueur du CPP, la CPAR a maintenu dans son principe l'ancienne pratique selon laquelle l'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure était forfaitairement majorée de 20% jusqu'à 30 heures d'activité, 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions, sous réserve d'exceptions possibles, pour des documents particulièrement volumineux ou nécessitant un examen poussé, charge à l'avocat d'en justifier. Cette pratique s'explique par un souci de simplification et de rationalisation, l'expérience enseignant qu'un taux de 20% jusqu'à 30 heures de travail dans un même dossier, 10% au-delà, permet de couvrir les prestations n'entrant pas dans les postes de la procédure et répondant à l'exigence de nécessité et d'adéquation.

Dans une ordonnance du 3 août 2015 (ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.35 du 3 août 2015 consid. 5.3), le Tribunal pénal fédéral a certes considéré que l'activité déployée avant la saisine de la juridiction d'appel n'entrait pas en considération pour la détermination du taux forfaitaire à appliquer aux diligences prestées en deuxième instance. Cette décision ne tient cependant pas compte de deux éléments. D'une part, la CPAR ne fait que s'inspirer, en les adaptant, faisant de la sorte usage de ses prérogatives de juge, des directives du Service de l'assistance juridique antérieures à l'adoption du CPP, lesquelles n'ont pas force de loi ni de règlement (arrêt du Tribunal fédéral 6B_165/2014 du 19 août 2014 consid. 3.5). D'autre part, en tout état, la pratique a toujours été de faire masse de toutes les heures consacrées par le même avocat au même dossier, étant rappelé qu'avant l'entrée en vigueur du CPP, la taxation avait lieu à la fin de la procédure cantonale, par le prononcé d'une décision unique. Aussi la CPAR continue-t-elle de tenir compte de l'ensemble de l'activité pour arrêter la majoration forfaitaire à 10 ou 20%, estimant que le fait qu'une décision de taxation intervienne séparément pour l'activité antérieure à sa saisine n'a pas de pertinence, cette circonstance n'ayant aucune influence sur la quantité de travail effectué par l'avocat en deuxième instance.

6.2.4 La majoration forfaitaire couvre les démarches diverses, tels la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions, sous réserve d'exceptions possibles, pour des documents particulièrement volumineux ou nécessitant un examen poussé, charge à l'avocat d'en justifier. Ainsi, les communications et courriers divers sont en principe inclus dans le forfait (AARP/326/2015 du 16 juillet 2015 ; AARP/193/2015 du 27 avril 2015 ; AARP/55/2015 du 25 mars 2015) de même que d'autres documents ne nécessitant pas ou peu de motivation ou autre investissement particulier en termes de travail juridique, telle la déclaration d'appel (ordonnance de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2014.51 du 21 novembre 2014 consid. 2.1 ; décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.165 du 24 janvier 2014 consid. 4.1.3 et BB.2013.127 du 4 décembre 2013 consid. 4.2 ) qui n'a au surplus pas besoin d'être motivée.

La réception et lecture de pièces, procès-verbaux, ordonnances et jugements, plus particulièrement lorsqu'ils ne tiennent que sur quelques pages, quand ils donnent gain de cause à la partie assistée, ou encore n'appellent pas de réaction notamment parce qu'ils ne font que fixer la suite de la procédure ou ne sont pas susceptibles de recours sur le plan cantonal, est également couverte par le forfait (AARP/331/2015 du 27 juillet 2015 ; AARP/362/2015 du 16 juillet 2015 ; AARP/281/2015 du 25 juin 2015 ; AARP/272/2015 du 1er juin 2015 ; AARP/269/2015 du 9 juin 2015 ; AARP/152/2015 du 24 mars 2015 ; AARP/132/2015 du 4 mars 2015), contrairement au cas où un examen plus poussé s'imposait, notamment aux fins de déterminer l'opportunité d'un recours au plan cantonal.

En principe, la consultation du dossier est indemnisée, sous réserve du caractère excessivement long ou répétitif de cette activité, en particulier si le dossier n'a pas ou peu évolué pendant la procédure d'appel (AARP/239/2015 du 20 mai 2015 ; AARP/92/2015 du 17 février 2015 ; AARP/433/2014 du 7 octobre 2014 ; AARP/201/2014 du 1er mai 2014).

6.3 En l'occurrence, deux des trois lectures de courriers ou d'actes judiciaires seront écartées comme faisant partie du forfait, le temps consacré à la lecture du jugement entrepris étant en revanche pris en compte (12 minutes arrêtées à un quart d'heure, au tarif de de CHF 200.-/heure). Seule l'activité déployée par la stagiaire pour la consultation du dossier (deux heures), la conférence avec le client (30 minutes), la préparation de l'audience et de la plaidoirie (une heure trois quarts) sera rémunérés à hauteur de CHF 276.25, les autres postes étant écartés pour les motifs précités. Il convient d'ajouter à ces montants [CHF 50.- et CHF 276.25] la rémunération de la stagiaire pour le temps de l'audience par CHF 97.50.

En conclusion, l'indemnité sera arrêtée à CHF 503.45 correspondant à 15 minutes d'activité au tarif de CHF 200.-/heure, à 5h45 au tarif de CHF 65.-/heure, plus la majoration forfaitaire de 10% au vu de l'activité déployée en première instance [CHF 42.40] et l'équivalent de la TVA au taux de 8% [CHF 37.30].

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/815/2014 rendu le 25 novembre 2014 par le Tribunal de police dans la procédure P/8724/2004.

Annule ce jugement dans la mesure où le Tribunal de police l'a reconnu coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP), l'a condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende, sous déduction de 48 jours-amende correspondant à 48 jours de détention avant jugement, a fixé le montant du jour-amende à CHF 30.-, avec sursis (délai d'épreuve deux ans), ainsi qu'aux frais de la procédure arrêtés à CHF 675.-.

Et, statuant à nouveau :

Constate que l'action pénale dirigée contre A______ pour lésions corporelles simples est éteinte par la prescription.

Dit que les 48 jours de détention avant jugement subie en trop par A______ dans le cadre de la présente procédure doivent être imputés sur la peine pécuniaire de 90 jours-amende, à CHF 90.- l'unité, sursis trois ans, qui a été prononcée à son encontre par le Ministère public le 14 décembre 2012.

Laisse les frais de la procédure de première instance et d'appel à la charge de l'Etat.

Arrête à CHF 503.45, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police (Chambre 11).

Siégeant :

Monsieur Jacques DELIEUTRAZ, président; Madame Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE et Madame Yvette NICOLET, juges.

 

Le greffier :

Jean-Marc ROULIER

 

Le président :

Jacques DELIEUTRAZ

 

 


Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète
(art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 (LOAP; RS 173.71), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).