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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/23806/2018

AARP/320/2020 du 18.09.2020 sur OPMP/11578/2018 ( REV ) , PARTIEL

Descripteurs : RÉVISION(DÉCISION);DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LSTUP;RUPTURE DE BAN
Normes : LStup.19a.letd; CPP.410.al1; CP.291.al1
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/23806/2018AARP/320/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 18 septembre 2020

 

Entre

A______, actuellement détenu dans une autre cause à la prison de B______, ______, ______ (GE), comparant par Me C______, avocat, ______, rue ______, ______ (GE),

demandeur en révision,

 

contre l'ordonnance pénale OPMP/11578/2018 rendue le 1er décembre 2018 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

cité.




EN FAIT :

A. Par ordonnance pénale du 1er décembre 2018, le Ministère public (MP) a reconnu A______ coupable de rupture de ban (art. 291 al. 1 du Code pénal suisse [CP]) et d'infractions aux art. 19 al. 1 let. d et 19a ch. 1 de la Loi fédérale sur les stupéfiants (LStup), et l'a condamné à une peine privative de liberté de 180 jours, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, ainsi qu'à une amende de
CHF 300.- (peine privative de liberté de substitution : trois jours), en plus des frais de la procédure par CHF 250.-.

La période pénale retenue pour la rupture de ban va du 5 mai au 30 novembre 2018.

Faute d'opposition, l'ordonnance pénale est entrée en force, celle-ci ayant été constatée le 3 janvier 2019.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Par jugement du Tribunal de police (TP) du 4 mai 2018, A______ a fait l'objet d'une mesure d'expulsion. L'injonction d'exécution a été rendue le 24 mai suivant.

b. A teneur d'un courriel du Service d'application des peines et des mesures (SAPEM) du 6 février 2020, A______ a notamment été détenu à la prison de B______ entre les 30 mars et 29 novembre 2018 dans le cadre des procédures pénales P/1______/2018 (trois mois), P/2______/2018 (150 jours) et P/3______/2017 (cinq jours).

c.a. Le 30 novembre 2018, lendemain de sa sortie de prison, A______ a été interpellé à 19h40 aux alentours du B______ à Genève en possession d'une dose de cocaïne (0.2 grammes), d'un comprimé de Sèvre-Long et de 10 comprimés de Rivotril.

c.b. A la police, interrogé sur le fait qu'il faisait l'objet d'une interdiction de zone locale (périmètre du centre-ville) valable pour une année à compter du 22 mars 2018, l'intéressé a dit l'ignorer. Il a par ailleurs déclaré que l'argent qu'il possédait avait été gagné en prison ; à deux reprises, il a mentionné qu'il avait sept jours pour quitter la Suisse, alors qu'il comptait partir en France. Il a refusé de signer le procès-verbal de son audition.

d. A______ a purgé entre les 9 janvier et 7 juillet 2019 la peine privative de liberté de 180 jours infligée par le MP le 1er décembre 2018.

C. a.a. Dans sa demande en révision du 16 juin 2020, A______ expose, par l'intermédiaire de son conseil, qu'il n'a pas pu commettre de rupture de ban pendant la période pénale considérée, dès lors qu'il se trouvait en détention du 5 mai au 29 novembre 2018. Quant à la journée du 30 novembre 2018, date de son interpellation, celle-ci n'était pas non plus constitutive d'une rupture de ban puisqu'il venait tout juste de sortir de prison et n'avait pas eu le temps d'organiser son départ de Suisse.

Il était manifeste que le MP n'avait pas eu connaissance de sa détention pendant la période pénale considérée au moment où il avait rendu l'ordonnance querellée.

Or, on ne pouvait exiger de sa part qu'il en informât spontanément le MP, alors qu'il était dépourvu d'un conseil, ne maîtrisait pas le français, éprouvait des difficultés de lecture et ne disposait pas des connaissances suffisantes pour apprécier la situation et les infractions qui lui étaient reprochées, étant précisé que sa toxicomanie rendait les choses encore plus difficiles. Son silence était donc une conséquence directe de ces circonstances, alors qu'il n'avait aucunement eu la volonté, ni même un intérêt à dissimuler le fait qu'il avait été détenu du 5 mai au 29 novembre 2018.

Ces éléments devaient conduire à retenir l'existence d'un motif de révision.

a.b. Dans un deuxième volet, A______ conclut à son acquittement du chef de rupture de ban parce qu'il n'avait jamais eu l'intention, le 30 novembre 2018 en particulier, de demeurer en Suisse, bien que se sachant expulsé, et au prononcé d'une peine privative de liberté n'excédant pas 20 jours en rapport avec l'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d LStup. Il requiert, enfin, la rectification de son casier judiciaire et l'octroi d'une indemnité pour tort moral de CHF 32'000.-, correspondant à 160 jours de détention injustifiée sur la base d'une indemnité journalière de CHF 200.-.

b. Dans ses observations, le MP conclut au rejet de la demande de révision, mal fondée, sinon abusive, et relève notamment que A______ aurait eu la possibilité d'exposer les faits et de produire des moyens de preuve en temps utile, notamment par le biais d'une demande de restitution de délai, ce d'autant qu'un défenseur d'office - en l'occurrence, Me C______ - lui avait été désigné dans une procédure connexe (P/4______/2018) le 13 décembre 2018, soit après la notification de l'ordonnance querellée, mais avant son entrée en force (ndr : la constatation de celle-ci). A______ ne pouvait par conséquent se prévaloir de son incompréhension de la situation et des infractions qui lui étaient reprochées, dès lors qu'il aurait pu se renseigner auprès de son avocat et former, le cas échéant, une opposition tardive à l'ordonnance rendue. Il ne démontrait pas, en définitive, s'être trouvé dans une situation où il n'aurait pu exposer les faits ou produire les moyens de preuves dont il se prévalait.

Par ailleurs, A______ n'avait pris aucune disposition en vue de son départ de Suisse et l'élément subjectif de l'infraction de rupture de ban était réalisé dans la mesure où l'intéressé ne collaborait pas avec les autorités compétentes depuis longtemps, ce qui marquait sa volonté de rester sans droit en Suisse.

c. Dans une réplique, A______ fait encore valoir que lors de son interrogatoire à la police, celle-ci ne lui avait à aucun moment reproché une rupture de ban, respectivement lui avait fait part d'une période pénale précise. Il n'avait pas été entendu personnellement par le MP, alors que celui-ci entendait sanctionner des faits différents de ceux dont il avait été discuté à la police. Il était dès lors bien dans l'impossibilité de se défendre correctement et son incompréhension n'était pas critiquable, sans compter qu'il avait dit à deux reprises avoir sept jours pour quitter la Suisse, ce qui ne se concevait qu'à compter de sa récente libération de prison.

Enfin, il n'était pas correct de tirer argument de la nomination de son nouveau défenseur dans la procédure P/4______/2018 survenue le 17 décembre 2018 - soit postérieurement à l'écoulement du délai d'opposition et à l'entrée en force de l'ordonnance pénale -, alors que, précisément, la nécessité d'être assisté lui avait été reconnue dans cette procédure-là, ouverte notamment pour rupture de ban, ce qui démontrait ses difficultés de compréhension, sans compter qu'il avait été assisté d'un interprète tout au long de la procédure P/5______/2020, laquelle s'était terminée par un acquittement.

D. A______ est né le ______ 1988 en Algérie, pays dont il se dit ressortissant. Il est célibataire et sans enfant. Il est arrivé en Suisse en février 2010, sans papiers. Il n'a pas de domicile et survit en dormant dans des abris PC, tout en bénéficiant de l'aide d'amis et d'associations.

Selon l'extrait du casier judiciaire suisse le plus récent, il a été condamné à vingt reprises pour des infractions diverses depuis le 27 février 2012, et notamment en dernier lieu :

-     le 22 mars 2018, par le MP, pour dommages à la propriété, séjour illégal et contravention selon l'art. 19a LStup, à une peine privative de liberté de 150 jours, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, et à une amende de CHF 300.- ;

-     le 4 mai 2018, par le TP, pour délit contre la LStup, séjour illégal, non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou interdiction de pénétrer dans une région déterminée et contravention selon l'art. 19a LStup, à une peine privative de liberté de 3 mois, partiellement complémentaire à celle prononcée le 22 mars 2018, sous déduction de 37 jours de détention avant jugement, à une amende de CHF 300.-, ainsi qu'à l'expulsion pour une durée de 5 ans ;

puis, après la condamnation par ordonnance pénale du 1er décembre 2018 querellée, comme suit :

-     le 4 mars 2020, par le TP, pour rupture de ban, à une peine privative de liberté de 3 mois, sous déduction de 57 jours de détention avant jugement, ainsi qu'à l'expulsion pour une durée de 7 ans ;

-     le 25 août 2020, par le TP, pour délit contre la LStup, à une peine privative de liberté de 90 jours, sous déduction de 2 jours de détention avant jugement.

Sur ces vingt condamnations, quatre concernent des délits contre la LStup et onze des contraventions selon l'art. 19a LStup.

Le 7 février 2020, la CPAR a condamné A______ pour rupture de ban (périodes du 1er au 11 décembre 2018 et du 8 au 19 juillet 2019) et infractions aux art. 119 al. 1 de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) et 19a LStup, à une peine privative de liberté de 6 mois, sous déduction de 69 jours de détention avant jugement, cette décision faisant l'objet d'un recours pendant au Tribunal fédéral (cf. procédure P/4______/2018).

E. Me C______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure de révision, comptabilisant, sous des libellés divers - dont des "recherches" -, 6h15 d'activité de chef d'étude et 6h30 d'activité d'avocat-stagiaire, étant précisé qu'à cet égard, 3h45 et 0h30 sont aussi adossées aux postes déjà mentionnés dans l'activité du maître de stage.

EN DROIT :

1. 1.1. La Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) est l'autorité compétente en matière de révision (art. 21 al. 1 let. b CPP cum art. 130 al. 1 let. a de la loi d'organisation judiciaire [LOJ]).

1.2. La demande de révision a été formée par devant l'autorité compétente et selon la forme prévue par la loi (art. 411 al. 1 CPP).

1.3. Selon l'art. 411 al. 2 CPP, les demandes de révision visées à l'art. 410 al. 1 let. b et 2 CPP doivent être déposées dans les 90 jours à compter de la date à laquelle la personne concernée a eu connaissance de la décision en cause. Dans les autres cas, elles ne sont soumises à aucun délai.

1.4. La demande de révision de l'ordonnance pénale du 1er décembre 2018 fondée sur l'art. 410 al. 1 let. a CPP est ainsi recevable.

2. 2.1.1. L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné.

Cette disposition reprend la double exigence posée par l'art. 385 CP, selon laquelle les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux (cf. Message relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1303 ad art. 417 [actuel art. 410 CPP]). Les faits ou moyens de preuves sont nouveaux lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'ils ne lui ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit (ATF 137 IV 59 consid. 5.1.2 p. 66 s. ; ATF 130 IV 72 consid. 1 p. 73). Les faits et moyens de preuve sont sérieux lorsqu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (ATF 137 IV 59 consid. 5.1.4 p. 6 ; ATF 130 IV 72 consid. 1 p. 73).

2.1.2. Le fait que le recourant a eu connaissance des faits ou moyens de preuve au moment du jugement de condamnation n'importe pas. Cette conception trouve sa confirmation dans l'énoncé légal de l'art. 410 CPP, qui parle de faits ou de moyens de preuve inconnus de l'autorité inférieure. Elle résulte en particulier de ce qu'en procédure pénale, il incombe à l'accusation de prouver la culpabilité de l'auteur (ATF 130 IV 72 consid. 2.2 p. 74; 116 IV 353 consid. 3a p. 357; 69 IV 134 consid. 4 p. 138).

2.1.3. Celui qui invoque, à l'appui d'une demande de révision, un moyen de preuve qui existait déjà au moment de la procédure de condamnation et dont il avait connaissance doit justifier de manière détaillée de son abstention de produire le moyen de preuve lors du jugement de condamnation. A défaut, il doit se laisser opposer qu'il a renoncé sans raison valable à le faire, fondant ainsi le soupçon d'un comportement contraire au principe de la bonne foi, voire constitutif d'un abus de droit, excluant qu'il puisse se prévaloir du moyen de preuve invoqué dans la nouvelle procédure (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1061/2019 du 28 mai 2020 consid. 3.3 et références citées; 6B_415/2012 du 14 décembre 2012 consid. 2.3; 6B_942/2010 du 3 mars 2011 consid. 2.2.1).

2.1.4. A teneur de l'art. 413 al. 2 CPP, si la juridiction d'appel constate que les motifs de révision sont fondés, elle annule partiellement ou entièrement la décision attaquée ; de plus, elle renvoie la cause pour nouveau traitement et nouveau jugement à l'autorité qu'elle désigne (let. a) ou elle rend elle-même une nouvelle décision si l'état du dossier le permet (let. b).

2.2.1. Celui qui aura contrevenu à une décision d'expulsion du territoire de la Confédération ou d'un canton prononcée par une autorité compétente sera puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 291 al. 1 CP).

2.2.2. La rupture de ban suppose la réunion de trois conditions : une décision d'expulsion, la transgression de celle-ci et l'intention. Cette infraction est consommée dans deux hypothèses : si l'auteur reste en Suisse après l'entrée en force de la décision d'expulsion alors qu'il a l'obligation de partir ou s'il y entre pendant la durée de validité de l'expulsion. C'est un délit continu. Ainsi, lorsque l'auteur se trouve en Suisse, le délit est réalisé aussi longtemps que dure le séjour illicite en Suisse et non pas uniquement lors du passage à la frontière (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI [éds], Code pénal - Petit Commentaire, 2ème éd., Bâle 2017, n. 11 et 12 ad art. 291 et références citées).

Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant toutefois suffisant. Il faut non seulement que l'auteur entre ou reste en Suisse volontairement, mais encore qu'il sache qu'il est expulsé ou accepte cette éventualité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1191/2019 du 4 décembre 2019 consid. 5.1 et références citées).

2.3.1. En l'espèce, il est établi que le MP n'était pas conscient au moment de statuer du fait que le demandeur avait été détenu du 30 mars au 29 novembre 2018.

Il est également établi que le demandeur en était scient lorsqu'il s'est vu remettre l'ordonnance pénale du 1er décembre 2018, dès lors qu'il était sorti de prison deux jours auparavant.

Cela dit, le demandeur, qui maîtrise mal le français et dont l'on ignore tout de sa scolarité, alors que sa situation personnelle est précaire, n'a pas été interrogé sur des charges constitutives de rupture de ban lors de son passage à la police, alors même qu'il n'était pas assisté d'un défenseur d'office et que le MP a prononcé à son encontre une peine privative de liberté de plus de 120 jours. Dans ces conditions, il n'est pas possible de reprocher au demandeur de s'être tu, qui plus est abusivement.

Le fait que le demandeur se soit vu nommer un défenseur d'office dans une procédure connexe, postérieurement à l'entrée en force de l'ordonnance pénale, ne saurait être pris en considération, dans la mesure où le mandat de l'avocat se limitait précisément au cadre de la procédure en question. Il ne peut par conséquent être retenu, comme prétend le MP, que le demandeur aurait eu loisir d'examiner les tenants et aboutissants de l'ordonnance pénale en cause avec son conseil nouvellement nommé et encore moins de requérir, par l'intermédiaire de ce dernier, une restitution de délai.

Par ailleurs, il aurait été aisé pour le MP de se rendre compte que le demandeur devait être récemment sorti de prison, ou du moins de se questionner à cet égard à lecture du procès-verbal de son interrogatoire à la police.

Il convient d'entrer en matière.

2.3.2. Sur le fond, le demandeur n'a pas pu se rendre coupable de rupture de ban jusqu'à sa sortie de prison du 29 novembre 2018.

En ce qui concerne la journée du 30 novembre 2018, rien ne permet de déduire que le demandeur n'avait aucune volonté de quitter la Suisse à l'issue du délai de sept jours qui lui avait été imparti, sans qu'il ne soit contredit à cet égard, étant précisé qu'un délai de tolérance ressort des propres directives du MP (cf. Directives de politique criminelle du Procureur général B.11, adoptée le 18 octobre 2017, ch. 3.5). Une intention ne peut en effet être construite sur la base d'extrapolations, soit que le demandeur n'allait accomplir aucune démarche durant le délai qui lui avait été donné, ou d'un fait négatif, soit qu'il n'en avait faite aucune le 30 novembre 2018, ce que l'accusation n'a pas établi.

L'infraction de rupture de ban n'est, partant, pas réalisée.

2.3.3. La demande en révision étant fondée, l'ordonnance pénale querellée doit être partiellement annulée.

Dans la mesure où le dossier permet de constater que le demandeur n'a pu se rendre coupable de rupture de ban, ce dernier sera acquitté de ce chef.

3. 3.1.1. La détention de stupéfiants au sens de l'art. 19 al. 1 let. d LStup est sanctionnée d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.1.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 p. 147 ; ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s. ; ATF 136 IV 55 consid. 5 p. 57 ss ; ATF 134 IV 17 consid. 2.1 p. 19 ss ; ATF 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20).

3.1.3. Bien que la récidive ne constitue plus un motif d'aggravation obligatoire de la peine (art. 67 aCP), les antécédents continuent de jouer un rôle très important dans la fixation de celle-ci (M. NIGGLI / H. WIPRÄCHTIGER (éds), Basler Kommentar Strafrecht I : Art. 1-110 StGB, Jugendstrafgesetz, 3ème éd., Bâle 2013, n. 130 ad art. 47 CP ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1202/2014 du 14 avril 2016 consid. 3.5.). En général, la culpabilité de l'auteur est amplifiée du fait qu'il n'a pas tenu compte de l'avertissement constitué par la précédente condamnation, et sa rechute témoigne d'une énergie criminelle accrue (R. ROTH / L. MOREILLON [éds], Code pénal I : art. 1-100 CP, Bâle 2009, n. 55 ad art. 47 CP).

3.1.4. Au sens de l'art. 41 CP, le juge peut prononcer une peine privative de liberté à la place d'une peine pécuniaire si une peine privative de liberté paraît justifiée pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (let. a), ou s'il y a lieu de craindre qu'une peine pécuniaire ne puisse pas être exécutée (let. b).

3.2. En l'espèce, la faute du prévenu n'est pas de peu d'importance. L'intéressé persiste à violer la législation en matière de stupéfiants, malgré nombre de condamnations pour des faits similaires.

Il n'a tiré aucune leçon de ses précédentes condamnations, dont à des peines privatives de liberté de 3 mois, respectivement de 150 jours antérieures aux faits reprochés, dès lors qu'il a récidivé le lendemain de sa sortie de prison.

Le pronostic le concernant est clairement défavorable. Les conditions du sursis ne sont pas réalisées et seule une peine privative de liberté est à même d'atteindre le but de prévention spéciale pour l'infraction en cause, genre de peine que le prévenu ne conteste au demeurant pas.

Au vu de ce qui précède, une peine privative de liberté de trois mois paraît justifiée et sera prononcée.

L'amende sanctionnant la contravention à la LStup, non contestée, sera pour le surplus confirmée.

4. 4.1.1. Si le condamné est acquitté ou que sa peine est réduite, ou si la procédure est classée, le montant des amendes ou des peines pécuniaires perçues en trop lui est remboursé. Les prétentions du prévenu en matière de dommages-intérêts ou de réparation du tort moral sont régies par l'art. 436 al. 4 CPP (art. 415 al. 2 CPP).

4.1.2. Le prévenu qui, après révision, est acquitté ou condamné à une peine moins sévère a droit à une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure de révision. S'il a subi une peine ou une mesure privative de liberté, il a également droit à une réparation du tort moral et à une indemnité dans la mesure où la privation de liberté ne peut être imputée sur des sanctions prononcées à raison d'autres infractions (art. 436 al. 4 CPP).

4.2. En l'espèce, le demandeur a été privé à tort de sa liberté à concurrence de trois mois. Il n'y a toutefois pas lieu de l'indemniser dans la mesure où cette détention sera imputée sur la sanction prononcée par le TP le 25 août 2020 (cf. art. 51 CP).

5. Vu l'issue de la procédure, les frais de la procédure de révision seront laissés à la charge de l'Etat (cf. art. 428 al. 1 CPP).

Il n'y a pas lieu en revanche de revenir sur les frais de la procédure préliminaire, dès lors que les actes d'instruction auraient été exactement les mêmes en l'absence de mise en prévention du demandeur pour rupture de ban (cf. art. 428 al. 3 CPP).

6. Considéré globalement, l'état de frais produit par Me C______, défenseur d'office de A______ satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale, sous réserve de 4h15 (3h45 et 0h30) d'activité de l'avocat-stagiaire, lesquelles apparaissent comme de la formation, à tout le moins ne sont pas justifiées au regard du solde des heures facturées correct en terme d'enjeux de la procédure et d'écritures produites.

La rémunération de Me C______ sera partant arrêtée à CHF 1'935.35 correspondant à 6h15 d'activité de chef d'étude au tarif de CHF 200.-/heure, respectivement à 2h15 d'activité d'avocat-stagiaire au tarif de CHF 100.-/heure, plus la majoration forfaitaire de 20% et l'équivalent de la TVA au taux de 7.7% en CHF 138.35.

***


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit la demande de révision de A______ contre l'ordonnance pénale OPMP/11578/2018 rendue le 1er décembre 2018 par le Ministère public dans la procédure P/23806/2018.

L'admet.

Annule partiellement l'ordonnance pénale querellée en tant qu'elle reconnaît A______ coupable de rupture de ban (art. 291 al. 1 CP) et le condamne en conséquence.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ du chef de rupture de ban (art. 291 al. 1 CP).

Ordonne la radiation de la mention y relative au casier judiciaire.

Déclare A______ coupable d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. d de la Loi fédérale sur les stupéfiants (LStup).

Le condamne à une peine privative de liberté de trois mois, sous déduction d'un jour de détention avant jugement.

Dit que le solde de peine de trois mois déjà purgé par A______ doit être imputé sur la peine de trois mois, sous déduction de deux jours de détention avant jugement, infligée par le TP le 25 août 2020 (procédure P/6______/2020).

Déclare A______ coupable d'infraction à l'art. 19a ch. 1 de la Loi fédérale sur les stupéfiants (LStup).

Le condamne à une amende de CHF 300.-.

Prononce une peine privative de liberté de substitution de 3 jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Ordonne la confiscation et la destruction de la drogue et des comprimés figurant sous chiffres n° 1 et 2 de l'inventaire du 30 novembre 2018.

Condamne A______ aux frais de la procédure de première instance par CHF 250.-.

Laisse les frais de la procédure en révision à la charge de l'Etat.

Arrête à CHF 1'935.35 TVA comprise, l'indemnisation de Me C______, défenseur d'office de A______.

Notifie le présent arrêt aux parties et le communique, pour information, au Service de l'application des peines et mesures, à la prison de B______, au Secrétariat d'Etat aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

Siégeant :

Monsieur Vincent FOURNIER, président ; Mesdames Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE et Gaëlle VAN HOVE, juges.

 

La greffière :

Florence PEIRY

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure de première instance :

CHF

250.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

0.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

135.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

385.00