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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1008/2024

DCSO/493/2024 du 17.10.2024 ( PLAINT ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1008/2024-CS DCSO/493/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 17 OCTOBRE 2024

 

Plainte 17 LP (A/1008/2024-CS) formée en date du 22 mars 2024 par A______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- A______

______

______ [GE].

- B______

______

______ [GE].

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. La B______ a requis le 16 novembre 2023 la continuation de la poursuite à l'encontre de A______ (ex-A______) sur la base d'un acte de défaut de biens n° 1______ du 19 juin 2023, pour un montant en capital de 2'718 fr. 30 représentant des loyers et indemnités pour occupation illicite d'une place de parking.

Le numéro de poursuite 2______ a été attribué à la réquisition de continuer la poursuite.

b. L'Office des poursuites (ci-après l'Office) a entrepris les opérations de saisie et convoqué la débitrice le 10 janvier 2024.

Celle-ci ne s'étant pas présentée pour son interrogatoire, l'Office a recherché les informations pertinentes auprès de Service des prestations complémentaires dont la débitrice était bénéficiaire.

L'Office a exécuté le 11 janvier 2024 une saisie des revenus de la débitrice à hauteur de 400 fr. par mois, du 11 janvier 2024 au 11 janvier 2025.

A teneur du procès-verbal de saisie du 12 mars 2024, série n° 3______, ce montant a été déterminé en tenant compte des éléments suivants :

Revenus de la débitrice :

- Rente AI (insaisissable) 2'450 fr.

- Prestations complémentaires (insaisissables) 483 fr.

- Contribution d'entretien de son ex-mari 400 fr.

Total des revenus 3'333 fr.

Charges de la débitrice :

- Bases mensuelles d'entretien 1'200 fr.

- Logement 1'450 fr.

- Assurance maladie (prise en charge par les prestations complémentaires) 0 fr.

Total des charges incompressibles (minimum vital) 2'650 fr.

Quotité saisissable mensuelle

Revenus de 3'333 fr. – charges de 2'650 fr. = 683 fr. en principe

Montant saisissable maximal en l'espèce : 400 fr., représentant la contribution d'entretien de l'ex-mari de la débitrice, le reste de ses revenus étant constitués de prestations sociales légalement insaisissables.

Le procès-verbal de saisie précisait que "la présente retenue a été décidée à titre de mesures conservatoires visant la sauvegarde des droits des créanciers. Elle est susceptible de modification dès que la débitrice se sera présentée dans nos locaux, munie de tous les justificatifs de ses charges et revenus, afin qu'une décision soit prise sur cette base".

B. a. Par acte expédié le 15 mars 2024 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites, complété par courrier du 20 mars 2024, A______ a formé une plainte contre le procès-verbal de saisie, la saisie de ses revenus à hauteur de 400 fr. ne lui permettant pas de vivre convenablement. Elle remettait également en cause la créance en poursuite.

b. Dans ses observations du 10 mai 2024, l'Office a conclu au rejet de la plainte au motif que la saisie ne portait pas atteinte au minimum vital de la débitrice, cette dernière n'ayant développé aucun grief contre le calcul effectué par l'Office, ni allégué aucune charge supplémentaire à celles retenues par ce dernier.

Il relevait notamment qu'il n'avait pas tenu compte dans le procès-verbal de saisie d'une allocation d'impotence de 1'225 fr. par mois qui augmentait d'autant les revenus de la débitrice, même si ce montant était également insaisissable, à l'instar de la rente AI et des prestations complémentaires.

c. Dans ses observations du 24 mai 2024, la B______ a conclu au rejet de la plainte, le montant de la créance en poursuite ayant été définitivement fixé, notamment par jugement exécutoire, et le montant de la saisie respectant le minimum vital de la débitrice.

d. La Chambre de surveillance a informé les parties que la cause était gardée à juger par avis du 27 mai 2024.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. La plaignante s'élève contre la saisie de ses revenus qui ne lui permettrait plus d'assumer ses charges.

2.1.1 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital).

Pour fixer le montant saisissable – en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c; ATF 112 III 79 consid. 2) – l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (ci-après conférence des préposés; BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées chaque année par l'autorité de surveillance (ci-après : NI; publiées au recueil systématique des lois genevoises : RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

2.1.2 Les revenus pris en considération sont les revenus réels du débiteur (ATF 115 III 103 consid. 1.c = JdT 1991 II 108; arrêt du Tribunal fédéral 5A_490/2012 du 23 novembre 2012 consid. 3; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, n° 17 ad art. 93 LP).

Si des revenus du débiteur sont insaisissables au sens des articles 92 et 93 LP, ils sont néanmoins ajoutés aux revenus saisissables afin de calculer la quotité saisissable (ATF 135 III 20 consid. 5.1).

Les rente AVS/AI sont insaisissables. Les prestations d'assistance et subsides alloués par un canton ou une commune sont insaisissables, même s'ils excèdent le minimum vital du débiteur (art. 92 al. 1 ch. 8 LP Vonder Mühl, Basler Kommentar, SchKG I, n° 30 ad art. 92 LP).

Les prestations pour impotence sont également insaisissables, même si elles ne sont pas mentionnées dans le texte de l'art. 92 al. 1 ch. 9a LP (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 186 ad art. 92 LP).

2.1.3 Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles l'alimentation, les vêtements et le linge, les soins corporels, l'entretien du logement, les frais culturels, la téléphonie et la connectivité, l'éclairage, l'électricité, le gaz, les assurances privées, etc. (art. I NI; OCHSNER, Le minimum vital, op. cit., p. 128). La base mensuelle d'entretien est fixée sous forme de forfaits attribués au débiteur et aux membres de sa famille en fonction de la composition du groupe familial. Pour un débiteur vivant seul il s'élève à 1'200 fr. (art. 1 NI).

D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI), les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI), les contributions d'entretien dues en vertu de la loi (art. II.5 NI) ou les frais de formation des enfants (art. II.6 NI), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (OCHSNER, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 82 ad art. 93 LP). Les impôts ne sont pas pris en compte dans le calcul du minimum vital (art. III NI et jurisprudence citée).

Seuls les montants effectivement payés doivent être pris en compte
(ATF 121 III 20 consid. 3b, JdT 1997 II p. 163; ATF 120 III 16 consid. 2c, JdT 1996 II p. 179; ATF 112 III 19, JdT 1988 II p. 118).

2.1.4 Dans le cadre tracé par les dispositions légales et les nombreux principes dégagés par la jurisprudence, l'Office dispose, dans la détermination du minimum vital du débiteur, d'un pouvoir d'appréciation étendu (art. 93 al. 1 LP;
ATF 134 III 323 consid. 2; Ochsner, in Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 79 ad art. 93 LP), qui lui permet de prendre en considération aussi bien les intérêts des créanciers que ceux du débiteur (ATF 119 III 70 consid. 3b; Kren Kostkiewicz, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, n° 17 ad art. 93 LP). La garantie du minimum vital prévue par l'art. 93 LP ne vise pas à permettre au débiteur de préserver un train de vie correspondant aux standards communément admis, mais à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à ses intérêts fondamentaux, le menace dans sa vie ou sa santé ou lui interdise tout contact avec l'extérieur (ATF 134 III 323 consid. 2; décision de la Chambre de surveillance DCSO/308/18 du 24 mai 2018 consid. 3).

2.1.5 C'est avant tout au débiteur qu'il incombe d'informer l'Office de toute modification des circonstances propre à entraîner une modification de l'ampleur de la saisie (WINKLER, Kommentar SchKG, 2017, Kren Kostkiewicz / Vock [éd.], n° 82 ad art. 93 LP). Dès qu'il a connaissance de telles circonstances, par le débiteur ou d'une autre manière, l'Office doit immédiatement les élucider et, le cas échéant, rendre une nouvelle décision (arrêt du Tribunal fédéral 5A_675/2011 du 19 janvier 2012 consid. 3.2; WINKLER, op. cit., n° 83 ad art. 93 LP). Cette décision ne déploiera toutefois ses effets que pour le futur, la saisie antérieure continuant à s'appliquer jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle décision de l'Office (KREN KOSTKIEWICZ, KUKO SchKG, 2ème éd., 2014, n° 72 ad art. 93 LP).

Lorsqu'elle est saisie d'une plainte, l'autorité de surveillance vérifie uniquement si la retenue fixée par l'Office ou le calcul qu'il a effectué est conforme aux faits déterminant la quotité saisissable des revenus du débiteur, compte tenu des circonstances existant au moment de l'exécution de cette mesure (ATF 121 III 20 consid. 3, JdT 1997 II 163). Si le plaignant souhaite invoquer des faits nouveaux, il lui appartient de les faire valoir par la voie de la révision de la saisie auprès de l'Office et non par la voie de la plainte (art. 93 al. 3 LP; ATF 108 III 10; VONDER MÜHLL, Basler Kommentar SchKG I, n° 54 ad art. 93 LP; DCSO/243/2015 du 20 août 2015 consid. 2.2 et 2.3).

2.1.6 Sous réserve de griefs devant conduire à la constatation de la nullité d'une mesure, invocables en tout temps (art. 22 al. 1 LP), l'intégralité des moyens et conclusions du plaignant doivent être à tout le moins sommairement exposés et motivés dans le délai de plainte, sous peine d'irrecevabilité. La motivation peut être sommaire mais doit permettre à l'autorité de surveillance de comprendre les griefs soulevés par la partie plaignante ainsi que ce qu'elle demande. L'invocation de nouveaux moyens en cours de procédure n'est pas admise dans le cadre de l'examen d'une plainte au sens de l'article 17 LP (ATF 142 III 234 consid. 2.2; 126 III 30 consid. 1b; 114 III 5 consid. 3, JdT 1990 II 80; arrêt du Tribunal fédéral 5A_237/2012 du 10 septembre 2012 consid. 2.2; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 32, 33 et 44 ad art. 17 LP).

2.2 En l'espèce, la plaignante ne soulève aucun grief motivé contre la saisie de ses revenus, ni n'allègue de charges que l'Office aurait omis d'introduire dans le calcul de son minimum vital. La recevabilité de sa plainte est par conséquent douteuse à cet égard.

Par ailleurs, la plaignante n'a pas souhaité collaborer à la saisie en ne se rendant pas à la convocation de l'Office, de sorte que ce dernier a dû instruire le dossier avec les moyens à disposition. Elle ne saurait pallier son absence de collaboration par le dépôt d'une plainte. Si elle estime que l'Office a omis des charges spécifiques à sa situation, il lui appartient de fournir les informations nécessaires à celui-ci afin qu'il puisse en tenir compte à l'avenir.

En tout état, compte tenu des principes rappelés ci-dessus, le calcul de la quotité saisissable des revenus de la plaignante par l'Office ne prête pas le flanc à la critique au vu des éléments qu'il avait pu réunir au moment d'exécuter la saisie et d'en établir le procès-verbal. Aucun des montants totalement insaisissables qui composent les revenus de la plaignante n'a été entamé par la saisie. Seule la contribution d'entretien versée par son ex-mari est saisie. En outre, l'ensemble des prestations insaisissables qu'elle touche couvre, voire même dépasse, son minimum vital au vu des charges connues de l'Office.

La plainte est par conséquent infondée s'agissant de la saisie opérée.

3. La plaignante remet en cause la créance en poursuite.

3.1 L'autorité de surveillance n'est pas compétente pour statuer sur le bienfondé matériel des prétentions du créancier déduites en poursuite qui relèvent de la compétence du juge ordinaire; elle n'est notamment pas compétente pour déterminer si le poursuivi est bien le débiteur du montant qui lui est réclamé; ce dernier doit faire valoir les moyens que lui offre la procédure de poursuite, soit notamment l'opposition au commandement de payer, l'action en libération de dette, l'annulation de la poursuite ou l'action en constatation de l'inexistence de la dette. En effet, c'est une particularité du droit suisse que de permettre l'introduction d'une poursuite sans devoir prouver l'existence de la créance; le titre exécutoire n'est pas la créance elle-même, ni le titre qui l'incorpore cas échéant, mais seulement le commandement de payer passé en force (parmi d'autres : ATF 136 III 365 consid. 2.1, avec la jurisprudence citée; 115 III 18 consid. 3b; 113 III 2 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_250-252/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.1; 5A_76/2013 du 15 mars 2013 consid. 3.1; 5A_890/2012 du 5 mars 2013 consid. 5.3).

3.2 En l'espèce, la créance en poursuite découle d'un premier acte de défaut de biens issu d'une poursuite antérieure, lequel remplace le commandement de payer exécutoire pour reprendre une poursuite au stade de la saisie (art. 149 al. 3 LP). La Chambre de surveillance n'est pas compétente pour remettre en cause la créance en poursuite fondée sur un titre exécutoire dans le cadre d'une plainte contre le procès-verbal de saisie. Seul le juge l'est, dans le cadre des actions susmentionnées, dans la mesure où elles sont encore ouvertes.

Les griefs de la plaignante à l'encontre de la créance en poursuite sont par conséquent irrecevables.

4. La procédure devant l'autorité de surveillance est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Rejette la plainte formée le 22 mars 2024 par A______ contre le procès-verbal de saisie du 12 mars 2024, série n° 3______, dans la mesure de sa recevabilité.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et
Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.