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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/1110/2024

DCSO/157/2024 du 18.04.2024 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1110/2024-CS DCSO/157/24

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 18 AVRIL 2024

Plainte 17 LP (A/1110/2024-CS) formée en date du 2 avril 2024 par A______, représenté par Me Michael RUDERMANN, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du 19 avril 2024
à :

-       A______

c/o Me RUDERMANN Michael

Avocats Associés

Boulevard des Tranchées 36

1206 Genève.

- ETAT DE GENEVE, ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
Service du contentieux
26, rue du Stand
Case postale 3937
1211 Genève 3.

- CONFEDERATION SUISSE
c/o AFC
Service du contentieux
Rue du Stand 26
Case postale 3937
1211 Genève 3.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Les époux B______ et A______, tous deux ressortissants indonésiens, ont déclaré prendre résidence à Genève en 1998, au bénéfice d'une autorisation de séjour de type B.

b. Ils ont acquis le 24 juillet 2000 les parcelles n° 1______ et n° 2______ de la Commune de C______, sises chemin 3______ no. ______ et ______ à C______ (Genève).

c. A______ est inscrite comme seule propriétaire des immeubles.

d. Sur plainte du Conseiller fédéral en charge du Département fédéral des finances, une procédure pénale fiscale et des procédures de rappel d'impôts ont été ouvertes en Suisse dès 2004 contre B______ et A______.

e. Ces derniers ont quitté Genève pour l'Indonésie en 2006.

f. A l'issue des procédures pénales et de rappel d'impôt, des bordereaux de taxation ont été notifiés aux époux B______ et A______ les 19 décembre 2008, 18 décembre 2009 et 15 janvier 2010 concernant l'impôt communal et cantonal (ci-après ICC) 2000 à 2006 et l'impôt fédéral direct (ci-après IFD) 2001 à 2005 par l'Administration fiscale cantonale genevoise (ci-après AFC), agissant pour le compte de la CONFEDERATION SUISSE et de l'ETAT DE GENEVE.

Des procédures de réclamation et recours jusqu'au Tribunal fédéral s'en sont suivies, qui se sont achevées par un arrêt du 22 août 2017 de la Chambre administrative de la Cour de justice de Genève, statuant sur arrêt de renvoi du Tribunal fédéral du 14 novembre 2016.

g. L'AFC a entrepris diverses démarches en exécution forcée des créances d'impôts de l'ETAT DE GENEVE et de la CONFEDERATION SUISSE.

h. Le 9 avril 2010, l'AFC a émis quatre demandes de sûretés, valant ordonnances de séquestre au sens de l'art. 274 LP, en application des art. 38, 39 LPGIP et
169 LIFD, validées par quatre poursuites :

-      séquestre n° 4______, validé par la poursuite n° 5______, à l'encontre de A______, pour une créance fiscale de 42'075'002 fr. 50 relative à l'ICC 2000 à 2005;

-      séquestre n° 6______, validé par la poursuite n° 7______, à l'encontre de A______, pour une créance fiscale de 14'834'206 fr. 50 relative à l'IFD 2001 à 2005;

-      séquestre n° 8______, validé par la poursuite n° 9______, à l'encontre de B______, pour une créance fiscale de 60'787'980 fr. 40 relative à l'ICC 2000 à 2005;

-      séquestre n° 10_____, validé par la poursuite n° 11_____, à l'encontre de B______, pour une créance fiscale de 21'786'836 fr. 25 relative à l'IFD 2001 à 2005).

Les séquestres à l'encontre de A______ portaient notamment sur les parcelles n° 1______ et n° 2______ de la Commune de C______.

Opposition ayant été formée aux commandements de payer par les débiteurs, la mainlevée en a été prononcée en dernier lieu et définitivement par arrêts du Tribunal fédéral du 17 octobre 2018 à hauteur de, respectivement,
41'075'002 fr. 50 dans la poursuite n° 5______, de 14'834'2016 fr. 50 dans la poursuite n° 7______, de 60'315'644 fr. dans la poursuite n° 9______ et de 21'786'836 fr. dans la poursuite n° 11_____.

i. Le 23 mai 2017, l'AFC a requis quatre séquestres ordinaires contre les époux B______ et A______, pour les mêmes créances fiscales que celles ayant fait l'objet des demandes de sûretés, séquestres fiscaux et poursuites susmentionnés, qu'il a validés par quatre poursuites soit :

-      séquestre n° 12_____, validé par la poursuite n° 13_____, à l'encontre de A______, pour une créance fiscale de 42'075'002 fr. 50 relative à l'ICC 2000 à 2005;

-      séquestre n° 14_____. validé par la poursuite n° 15_____, à l'encontre de A______, pour une créance fiscale de 14'834'206 fr. 50 relative à l'IFD 2001 à 2005;

-      séquestre n° 16_____, validé par la poursuite n° 17_____, à l'encontre de B______, pour une créance fiscale de 60'787'980 fr. 40 relative à l'ICC 2000 à 2005;

-      séquestre n° 18_____, validé par la poursuite n° 19_____, à l'encontre de B______, pour une créance fiscale de 21'786'836 fr. 25 relative à l'IFD 2001 à 2005.

Les séquestres à l'encontre de A______ portaient notamment sur les parcelles n° 1______ et n° 2______ de la Commune de C______.

Les ordonnances de séquestre ayant été contestées, elles sont devenues définitives suite à l'arrêt du Tribunal fédéral du 26 septembre 2018.

Les commandements de payer en validation des séquestres ayant également fait l'objet d'oppositions, leur mainlevée a été définitivement ordonnée par arrêts du Tribunal fédéral du 27 janvier 2020.

j. L'AFC a requis la continuation des poursuites n° 5______, n° 7______, n° 13_____ et n° 15_____, visant A______, en date des 6 novembre 2017 et 1er octobre 2018.

k. Le 7 juin 2019, l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office) a établi un procès-verbal de saisie, série n° 20_____, à l'encontre de A______. La série comportait les quatre poursuites précitées n° 5______ (solde dû au 7 juin 2019 : 41'818'221 fr. 25), n° 7______ (solde dû au 7 juin 2019 : 14'838'624 fr. 60), n° 13_____ (solde dû au 7 juin 2019 : 46'365'328 fr. 20) et n° 15_____ (solde dû au 7 juin 2019 : 15'747'325 fr. 15) visant l'intéressée. Les deux premières participaient à la saisie à titre définitif, alors que les deux secondes y participaient à titre provisoire.

Parmi les actifs saisis, le procès-verbal de saisie mentionnait les parcelles n° 1______ et n° 2______ de la Commune de C______ et précisait que la vente des immeubles pouvait être requise du 1er avril 2019 au 1er octobre 2020, la saisie ayant été exécutée le 1er octobre 2018.

Il mentionnait également des avoirs bancaires.

l. L'AFC a requis la vente des immeubles saisis le 20 juin 2019 dans les poursuites n° 5______ et n° 7______ et le 21 septembre 2020 dans les poursuites n° 13_____ et n° 15_____.

m. Par décision du 15 octobre 2019, l'Office a arrêté la valeur d'estimation de la parcelle n° 2______ à 5'240'000 fr. et celle de la parcelle n° 1______ à 12'555'000 fr., sur la base d'un rapport d'expertise immobilière du 10 octobre 2019.

Le 28 octobre 2019, A______ a saisi la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillite (ci-après la Chambre de surveillance) d'une requête en nouvelle expertise au sens de l'art. 9 ORFI, laquelle a été déclarée irrecevable par décision DCSO/568/2019 du 17 décembre 2019, la requérante n'ayant pas fourni l'avance de frais demandée dans le délai imparti.

n. Le divorce des époux B______ et A______ a été prononcé par jugement du Tribunal de D______ (Indonésie) le 2 décembre 2019.

Ils ont requis le 10 janvier 2020 de l'AFC, sur cette base, l'ouverture d'une procédure de scission fiscale, notamment pour les périodes 2000 à 2006, ce qui aurait eu pour effet de réduire sensiblement la dette fiscale de A______ qui était en grande partie fondée sur la solidarité fiscale avec son époux, liée au mariage.

L'AFC a rejeté cette requête par décision du 21 février 2020, au motif que l'invocation du divorce était abusive, les conjoints n'étant pas réellement séparés. Cette décision a été confirmée en dernier lieu et définitivement par arrêt du Tribunal fédéral du 22 décembre 2023.

o. Le 16 novembre 2022, l'Office a communiqué à l'AFC et à A______ le placard de vente des parcelles n° 1______ et n° 2______ de la Commune de C______, la date de la vente aux enchères des parcelles étant fixée au 28 février 2023.

B. a. L'AFC a saisi la Chambre de surveillance d'une plainte contre ce placard de vente le 25 novembre 2022. Elle a conclu à son annulation et à ce que l'Office soit invité à communiquer un nouveau placard une fois la problématique de la scission et de la solidarité entre les époux B______ et A______ définitivement tranchée. Elle exposait que dans l'hypothèse où le divorce des contribuables devait être considéré valable du point de vue fiscal, ce qu'elle contestait, la créance fiscale due par A______ aurait été largement réduite, de sorte que les immeubles saisis n'auraient plus dû être réalisés dans leur ensemble.

b. Par acte expédié le 28 novembre 2022, A______ a également formé une plainte contre le placard de vente, dénonçant par ailleurs "l'ensemble des procédés de l'Office en lien avec la réalisation forcée" des immeubles. Elle requérait la suspension des procédures de réalisation des parcelles saisies, jusqu'à droit définitivement jugé dans la procédure de scission fiscale. Elle demandait par ailleurs la mise en œuvre d'une nouvelle expertise des parcelles et faisait valoir qu'elle ne disposait d'aucune indication quant au respect par l'AFC du délai de l'art. 116 LP, l'Office ayant omis de l'informer du dépôt de la réquisition de vente.

c. Par décisions des 13 décembre 2022 et 12 janvier 2023, la Chambre de surveillance a accordé l'effet suspensif à ces deux plaintes, de sorte que les démarches tendant à la vente aux enchères ont été suspendues.

d. Par décision DCSO/199/2023 du 11 mai 2023, la Chambre de surveillance a rejeté les plaintes de l'AFC et de A______.

Elle a en substance considéré que la vente avait été requise par la créancière dans le délai prévu par l'art. 116 LP. Par ailleurs, la procédure de scission fiscale en cours ne permettait pas de suspendre les opérations de réalisation, les cas de sursis à la réalisation étant exhaustivement prévus par les art. 123, 36, 85a al. 2 LP ou d'autres procédures paralysant la réalisation de l'immeuble saisi, soit des cas de figure non réalisés en l'occurrence. En outre, les délais de réalisation n'étaient pas à la disposition des parties, de sorte que même si l'AFC et la débitrice étaient d'accord pour le report de la vente, l'Office était tenu de poursuivre les opérations de réalisation. Finalement, la contestation de l'estimation des biens immobiliers retenue par l'Office n'était plus possible, la demande de nouvelle expertise de la débitrice ayant été déclarée irrecevable faute de paiement de l'avance de frais requise par l'intéressée.

e. La décision du 11 mai 2023 a été confirmée par arrêt du Tribunal fédéral 5A_388/2023 du 5 juillet 2023, sur recours de A______.

C. a. L'Office a republié le 16 février 2024 un placard de vente aux enchères des parcelles n° 1______ et n° 2______ de la Commune de C______, mentionnant les estimations respectives de 12'555'000 fr. et 5'240'000 fr. Les intéressés étaient avisés du dépôt à l'Office, en date du 20 mars 2024, des conditions de vente et de l'état des charges.

b. Par courrier du 20 mars 2024, reçu le 22 mars 2024, l'Office a communiqué à A______ les conditions de vente et l'état des charges des immeubles.

Ce document contenait une liste des créanciers saisissants participant à la série 20_____ contre A______, ainsi que le solde des poursuites, en capital, intérêts et frais au 23 avril 2024, soit :

-      poursuite n° 5______, solde de 41'818'849 fr.10;

-      poursuite n° 7______, solde de 14'839'203 fr. 50;

-      poursuite n° 13_____, solde de 56'615'442 fr. 85;

-      poursuite n° 15_____, solde de 17'918'643 fr. 90.

c. Par acte expédié le 2 avril 2024 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte contre cette communication et "l'ensemble des procédés de l'Office en rapport avec la vente des parcelles n° 1______ et n° 2______ de la Commune de C______, notamment les conditions de vente aux enchères". Elle a assorti sa plainte d'une requête d'effet suspensif.

En substance, la plaignante invoquait une estimation erronée de la valeur vénale des parcelles n° 1______ et n° 2______ de la Commune de C______ dès lors qu'elle disposait d'expertises privées parvenant à une valeur de 23'500'000 fr., en lieu et place de 17'500'000 fr.; elle demandait qu'une nouvelle estimation soit effectuée. Elle invoquait par ailleurs la prescription du droit de percevoir tout impôt et amende relatifs à la période fiscale 2000, s'agissant de l'ICC. Elle évoquait également l'absence d'entrée en force des créances fiscales 2016 à 2023, tout en admettant que les poursuites ayant conduit à la réalisation attaquée ne concernaient pas ces exercices fiscaux. Finalement, elle contestait le montant des soldes de poursuites mentionnés dans les conditions de vente et état des charges, ceux-ci ne correspondant pas aux montants dus à titre d'impôts, amendes et intérêts selon un calcul qu'elle exposait en pièce 41 de son chargé, parvenant à un total dû, pour les exercices fiscaux de 2000 à 2006 de 111'579'074, sans amendes ni intérêts sur amendes au 23 avril 2024, et de 111'127'422 fr. sans amendes ni intérêt sur amendes et sans l'année 2000 au 23 avril 2024; elle ne précisait toutefois pas d'où provenaient les chiffres de base utilisés pour son calcul.

 

EN DROIT

1. La plainte étant manifestement mal fondée ou irrecevable, aucune instruction préalable n'a été ordonnée et elle sera écartée d'entrée de cause, conformément à l'art. 72 LPA applicable par renvoi de l'article 9 al. 4 LaLP.

2. 2.1 Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi
(art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable à ces égards.

2.2 Sous réserve de griefs devant conduire à la constatation de la nullité d'une mesure, invocables en tout temps (art. 22 al. 1 LP), l'intégralité des moyens et conclusions du plaignant doivent être à tout le moins sommairement exposés et motivés dans le délai de plainte, sous peine d'irrecevabilité. La motivation peut être sommaire mais doit permettre à l'autorité de surveillance de comprendre les griefs soulevés par la partie plaignante ainsi que ce qu'elle demande. L'invocation de nouveaux moyens en cours de procédure n'est pas admise dans le cadre de l'examen d'une plainte au sens de l'article 17 LP (ATF 142 III 234 consid. 2.2; 126 III 30 consid. 1b; 114 III 5 consid. 3, JdT 1990 II 80; arrêt du Tribunal fédéral 5A_237/2012 du 10 septembre 2012 consid. 2.2; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 32, 33 et 44 ad art. 17 LP).

Le caractère suffisamment motivé – et, partant, la recevabilité – des griefs invoqués par la plaignante sera examiné pour chacun d'eux ci-après.

2.3 La qualité pour porter plainte selon l'art. 17 LP – condition de recevabilité devant être examinée d'office (GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 140 ad art. 17 LP) – est reconnue à toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou à tout le moins atteinte dans ses intérêts de fait, par une mesure ou une omission d'un organe de la poursuite. Les créanciers et les débiteurs ont, de manière générale, le droit de se plaindre de ce que les actes de l'administration de la faillite n'ont pas été accomplis conformément à la loi. En revanche, les tiers à la procédure d'exécution forcée n'ont en principe pas la qualité pour former une plainte, à moins qu'un acte de poursuite ne leur soit directement préjudiciable. Le plaignant doit dans tous les cas poursuivre un but concret; il doit être matériellement lésé par les effets de la décision attaquée et avoir un intérêt digne de protection à sa modification ou à son annulation (ATF 139 III 384 consid. 2.1; 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3, JdT 2004 II 96; 120 III 42 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_48/2022 du 10 mai 2022 consid. 4.2.1; 5A_483/2012 du 23 août 2012 consid. 5.3.1).

La recevabilité de la plainte sous l'angle de la qualité pour agir sera également examinée ci-après dans la mesure pertinente à chacun des griefs.

3. La plaignante reproche à l'Office d'avoir procédé à une évaluation erronée des biens à réaliser et demande une nouvelle estimation.

Elle avait déjà invoqué ce grief dans sa plainte du 28 novembre 2022, dans les mêmes termes, lequel a été rejeté par la décision DCSO/199/2023 du 11 mai 2023 de la chambre de céans, confirmée par arrêt du Tribunal fédéral du 5 juillet 2023. Elle demande que la Chambre de surveillance se penche à nouveau sur sa demande de nouvelle expertise, ce qui équivaut matériellement à une demande reconsidération ou la révision de la décision du 11 mai 2023.

3.1.1 En vertu de l'autorité de la chose jugée et du principe "res judicata pro veritate habetur", une décision cantonale entrée en force ne peut être réexaminée ("ne bis in idem"), si ce n'est dans le cadre étroit de la procédure de révision (ATF 127 III 496 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 7B.162/2005 du 7 octobre 2005).

L'autorité de la chose jugée est un principe général permettant de s'opposer à ce qu'un jugement soit remis en discussion par les mêmes parties sur le même objet (Hohl, Procédure civile, Tome I, 2ème éd. 2016, n. 2323 ss). Il s'agit d'un principe de droit matériel, et non de procédure, pour toutes les prétentions de droit privé fédéral. L'identité entre la prétention tranchée dans la précédente décision et la prétention réclamée par la nouvelle demande, qui fonde l'exception de l'autorité de la chose jugée, ne doit pas s'entendre d'un point de vue grammatical, mais matériel. L'objet de la nouvelle demande est délimité par les conclusions et par le complexe de faits invoqué à l'appui de celles-ci. La cause juridique n'est pas déterminante, le juge appliquant le droit d'office (arrêt du Tribunal fédéral 4A_66/2016 du 22 août 2016 consid. 4.1.1 et les références citées).

En droit de la poursuite et des faillites, l'autorité de la chose jugée ne vaut que pour la procédure d'exécution forcée en cause et pour autant que l'état de fait reste le même (ATF 133 III 580 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_35/2007 du 17 août 2007 consid. 2.1).

3.1.2 Selon l'art. 80 LPA – applicable à la procédure devant la Chambre de surveillance en vertu de l'art. 9 al. 4 LALP –, il y a lieu à révision lorsque, dans une affaire réglée par une décision définitive, il apparaît notamment que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b).

La demande de révision doit désigner la décision attaquée, indiquer le motif de révision et les moyens de preuve et contenir les conclusions du requérant pour le cas où la révision serait admise et une nouvelle décision prise (art. 81 al. 3 et 65 al. 1 al. 2 LPA). Par faits nouveaux justifiant la révision d'une décision, il faut entendre des événements qui se sont produits antérieurement à la procédure précédente, mais dont l'auteur de la demande de réexamen a été empêché, sans sa faute, de faire état à cette occasion. Les preuves nouvelles invoquées doivent se rapporter à des faits antérieurs à la décision attaquée (ATA/107/2013 du
19 février 2013 consid. 3; ATA/355/2011 du 31 mai 2011).

La procédure de reconsidération – prévue par l'art. 48 al. 1 LPA et recevable lorsqu'un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b, existe (let. a) ou lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision (let. b) – n'est en revanche pas applicable devant la Chambre de surveillance qui n'est pas une autorité administrative au sens des art. 5 et 48 al. 1 LPA, mais une autorité judiciaire pouvant être assimilée à une juridiction administrative (art. 6 al. 1 let. f LPA cum art. 9 LALP). La solution ne serait pas différente si la Chambre de céans devait être considérée comme une juridiction civile, la voie de la reconsidération n'étant pas prévue par le CPC.

3.2 En l'espèce, la plaignante n'invoque aucune circonstance ou argument nouveau et n'explique pas en quoi une nouvelle décision sur demande de nouvelle expertise se justifierait actuellement, alors que la question avait été définitivement réglée par la Chambre de surveillance et le Tribunal fédéral dans leurs décisions des 11 mai et 5 juillet 2023 dans le cadre des opérations de réalisation liées à la série n° 20_____. Cet objet ayant été tranché par une décision ayant acquis autorité de la chose jugée au sens étroit du droit des poursuites, il n'y a pas lieu d'y revenir et le grief est irrecevable pour ce seul motif.

Compte tenu de la motivation extrêmement sommaire du grief, sa recevabilité est également douteuse sous cet angle.

Enfin, la révision de la décision DCSO/199/2023 du 11 mai 2023 n'est pas invoquée par la plaignante et, en tout état, aucun motif n'est allégué permettant de l'envisager, de sorte que cette voie de droit n'a pas à être envisagée. Quant à la reconsidération, elle n'entre pas en ligne de compte pour les motifs exposés ci-dessus.

4. La plaignante invoque également la prescription de la créance en poursuite s'agissant de l'exercice fiscal 2000 et conteste le montant des soldes en poursuite indiqués dans les conditions générales et l'état des charges entrepris.

4.1 L'autorité de surveillance n'est pas compétente pour statuer sur le bienfondé matériel des prétentions du créancier déduites en poursuite qui relèvent de la compétence du juge ordinaire; elle n'est notamment pas compétente pour déterminer si le poursuivi est bien le débiteur du montant qui lui est réclamé; ce dernier doit faire valoir les moyens que lui offre la procédure de poursuite, soit notamment l'opposition au commandement de payer, l'action en libération de dette, l'annulation de la poursuite ou l'action en constatation de l'inexistence de la dette. En effet, c'est une particularité du droit suisse que de permettre l'introduction d'une poursuite sans devoir prouver l'existence de la créance; le titre exécutoire n'est pas la créance elle-même, ni le titre qui l'incorpore cas échéant, mais seulement le commandement de payer passé en force (parmi d'autres : ATF 136 III 365 consid. 2.1, avec la jurisprudence citée; 115 III 18 consid. 3b; 113 III 2 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_250-252/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.1; 5A_76/2013 du 15 mars 2013 consid. 3.1; 5A_890/2012 du 5 mars 2013 consid. 5.3).

Lorsque le débiteur estime ne pas devoir le montant en poursuite, alors que son opposition au commandement de payer a été levée ou qu'il a omis de faire opposition, il doit agir en annulation ou en suspension de la poursuite en application des art. 85 et 85a LP. La voie ouverte par les art. 85 et 85a LP est également applicable pour les créances de droit public fondées sur des décisions administratives, à l'instar des bordereaux de taxation; dans ce cas, le juge civil se limite à constater que les montants sont dus et à quelle hauteur ou que les conditions d'un sursis au paiement sont réunies et, cas échéant, ordonne la suspension provisoire de la poursuite au sens de l'art. 85a al. 2 LP; il appartient en revanche à l'autorité administrative, saisie parallèlement, de trancher les questions de fond qui relèvent de sa compétence (Vock, Aepli-Wirz, Kommentar SchKG, Kren-Kostkiewiecz, Vock, éditeurs, 2017, n° 19 ad art. 85a LP; Bodmer, Bangert, Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, n° 11c ad art. 85a LP; Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 13 ad art. 85a LP).

4.2.1 En l'espèce, il n'appartient pas à la Chambre de céans, sur plainte au sens de l'art 17 LP, de statuer sur la prescription partielle de la créance fiscale en poursuite, mais au juge du fond de la constater selon les voies ad hoc. Il en va de même du montant de la créance en poursuite. Faute de compétence matérielle de l'autorité saisie, ces griefs sont par conséquent irrecevables.

4.2.2 Dans la mesure où ils auraient été matériellement recevables, il aurait fallu les écarter faute de motivation suffisante.

La plaignante n'explique notamment pas, au regard des art. 42 LPGIP et
22 LPFisc, en quoi la prescription du droit de percevoir l'ICC 2000 serait acquise, notamment au vu du dies a quo du calcul du délai de prescription absolue de
10 ans (art. 42 al. 3 LPGIP) et de l'interruption du délai par les nombreuses contestations qu'elle a élevées et les poursuites entreprises par l'AFC (art. 42 al. 2 LPGIP cum art. 22 LPFisc).

En tout état, l'impact de ce grief sur le montant en poursuite est minime au vu des calculs auxquels se livre la plaignante dans sa pièce 49 (~ 451'000 fr. dus pour l'exercice fiscal 2000 prétendument prescrit), de sorte que même s'il devait être entré en matière il serait sans portée sur la décision de réaliser les immeubles saisis au vu des soldes dus dans les poursuites (que ce soit selon les calculs de la plaignante – ~ 111'000'000 fr. – ou ceux de l'Office – ~ 131'000'000 fr.) et l'estimation des biens à réaliser (que ce soit selon les estimations alléguées par la plaignante – ~ 23'500'000 fr. – ou celles retenues par l'Office – ~ 17'500'000 fr.).

Elle n'indique pas non plus en quoi l'Office se serait trompé dans le calcul des soldes des poursuites comprises dans la série n° 20_____ mentionné dans les conditions de vente et état des charges, alors qu'elle n'a pas contesté les soldes mentionnés dans le procès-verbal de saisie du 7 juin 2019 alors qu'il était calculé selon les mêmes principes. En tout état, il est certain que le calcul proposé par la plaignante est erroné puisqu'elle omet à tout le moins les frais de poursuite et semble le fonder sur des montants découlant de pièces fiscales, sans explication, alors que l'Office ne doit se fonder que sur le capital et les intérêts découlant du commandement de payer devenu exécutoire, ainsi que les frais de poursuite, dans le cadre de l'exécution forcée.

Le seul grief qui aurait pu porter, s'agissant du montant total des poursuites participant à la série n° 20_____, consistait dans la dénonciation de la multiplication de poursuites portant sur la même créance, alors que le stade de la réquisition de continuer la poursuite avait été dépassé, provoquant une atteinte excessive au patrimoine du débiteur. Or, la plaignante ne l'invoque pas et elle est forclose pour s'en prévaloir dans la présente procédure, la multiplication des poursuites pour une même créance n'étant pas un motif de nullité, mais uniquement d'annulation sur plainte (cf. ATF 139 III 444 et 128 III 383). En tout état, sur cet objet également, l'intérêt à la plainte est inexistant, l'annulation des poursuites constituant des doublons dans la série n° 20_____ ne permettant pas de réduire suffisamment le solde total des créances participant à la série pour éviter la vente des deux biens immobiliers saisis au vu de leur estimation, que ce soit celle de l'Office ou celle de la plaignante.

En définitive, les griefs de la plaignante portant sur la quotité des soldes en poursuite dans la série n° 20_____ ou sur la prescription partielle des créances en poursuite seront également déclarés irrecevables.

5. La plaignante invoque encore l'absence d'entrée en force des créances fiscales pour les exercices 2016 à 2023.

Un tel grief est sans lien avec l'objet des poursuites ayant conduit à la réalisation attaquée puisqu'elles ne concernent que les périodes fiscales 2000 à 2005, ce que la plaignante admet elle-même. Sans intérêt et sans mérite, ce grief, qui ne semble avoir été articulé que pour semer un peu plus le trouble dans un dossier déjà suffisamment volumineux, sera à son tour déclaré irrecevable, sans autre discussion.

6. La plaignante utilise finalement, dans le cadre de ses conclusions, une formule très générale visant à remettre en cause "l'ensemble des procédés de l'office en rapport avec la vente des parcelles n° 1______ et n° 2______ de la Commune de C______" qu'elle avait d'ores et déjà pratiquée dans sa plainte du 28 novembre 2022.

Une telle formulation, qui ne vise aucun acte déterminé de l'Office et ne comporte aucun grief précis n'est pas recevable, faute d'objet et de motivation suffisante. En outre, il n'apparaît pas que l'un ou l'autre des procédés de l'Office présenterait des vices relevant de la nullité, de sorte que la Chambre devrait les relever d'office.

Cette conclusion est par conséquent également irrecevable.

7. En définitive, la plainte est totalement irrecevable.

8. La Chambre de surveillance ayant écarté la plainte d'entrée de cause, la requête d'effet suspensif est sans objet.

9. La procédure devant l'autorité de surveillance est en principe gratuite (art. 20a
al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

Toutefois, une partie qui use de procédés téméraires ou de mauvaise foi peut être condamnée à une amende de 1'500 fr. au plus ainsi qu'au paiement des émoluments et des débours (art. 20a al. 2 ch. 5, deuxième phrase, LP).

En l'occurrence, la plaignante a développé des griefs qui se révèlent tous manifestement irrecevables et présentent un caractère manifestement dilatoire, dans le but de faire à nouveau reporter la vente des biens immobiliers saisis. De tels procédés sont susceptibles de tomber sous le coup de l'art. 20a al. 2 ch. 5 LP, ce dont elle sera avertie.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Déclare irrecevable la plainte formée le 2 avril 2024 par A______ contre la communication du 20 mars 2024 de l'Office cantonal des poursuites à l'intéressée des conditions de vente et état des charges des parcelles n° 1______ et n° 2______ de la Commune de C______, dans le cadre des opérations de réalisation, série n° 20_____.

Constate le caractère téméraire ou de mauvaise foi de la plainte au sens de l'art. 20a al. 2 ch. 5 LP.

Avertit A______ de ce qu'elle encourt des frais et amende en cas de récidive.

Siégeant :

Madame Jean REYMOND, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et
Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs ; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.