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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3004/2023

DCSO/23/2024 du 01.02.2024 ( PLAINT ) , IRRECEVABLE

Normes : LP.17.al2; LP.32.al2; LP.93.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3004/2023-CS DCSO/23/2024

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 1ER FEVRIER 2024

 

Plainte 17 LP (A/3004/2023-CS) formée en date du 15 août 2023 par A______, représenté par Me Yann ZOSSO, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

c/o Me ZOSSO Yann

REGO AVOCATS

Esplanade de Pont-Rouge 4

Case postale

1211 Genève 26.

- B______

c/o Me BURRI Christel

ABC Avocats

Rue Juste Olivier 16

Case postale 1095

1260 Nyon 1.

- Office cantonal des poursuites.

 


EN FAIT

A. a. Depuis 2019, A______ a engagé à l'encontre de son époux B______ plusieurs poursuites (poursuite n° 1______ ayant participé à la saisie, série n° 2______ et poursuite n° 3______ ayant participé à la saisie, série n° 4______) en vue du recouvrement de contributions alimentaires alléguées être dues par ce dernier au titre d'un arrêt rendu le 4 février 2020 par la Cour de justice (ACJC/226/2020).

b. Statuant le 26 septembre 2022 sur requête de A______, le Tribunal de première instance a ordonné le séquestre, à hauteur d'un montant de 442'354 fr. 20 plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 5 septembre 2022, de divers actifs dont il a considéré vraisemblable qu'ils appartenaient à B______, au nombre desquels, notamment :

·         Un appartement sis à Genève, rue 5______ no. ______;

·         Les parts sociales, respectivement les actions, des sociétés C______ SARL et D______ AG appartenant à B______;

·         Les créances, en particulier en paiement de salaires ou revenu d'activité indépendante, dont B______ était titulaire à l'encontre des sociétés C______ SARL, E______ GMBH et D______ AG;

·         Divers comptes bancaires sous titularité formelle de D______ AG et de E______ GMBH.

Le séquestre (n° 6______) a été exécuté le 5 septembre 2022 par l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office), lequel a délégué l'exécution du séquestre sur les comptes bancaires sous titularité formelle de D______ AG et de E______ GMBH à l'Office des poursuites de Zürich 1.

c. Le procès-verbal a été établi et adressé aux débiteur et créancière le 26 septembre 2022 et complété, s'agissant des comptes bancaires sous titularité formelle de D______ AG et de E______ GMBH, par une communication du 23 décembre 2022. Il n'a fait l'objet d'aucune plainte.

Il ressort de ce document que le séquestre a porté sur :

·         Les revenus du débiteur, y compris 13ème salaire, commissions, gratifications et heures supplémentaires, à hauteur de toute somme excédant 6'785 fr. 65 par mois; ce dernier montant, correspondant au minimum vital de B______, comprenait notamment son loyer de 2'600 fr. par mois et les intérêts hypothécaires relatifs à l'appartement lui appartenant, occupé par la créancière poursuivante et les enfants communs des parties; le revenu net mentionné dans le procès-verbal de séquestre – soit 7'047 fr. 55 par mois, correspond au salaire alors versé à B______ par la société C______ SARL; le procès-verbal de séquestre mentionne en revanche que, selon les investigations conduites par l'Office (soit l'interrogatoire du débiteur séquestré), celui-ci ne percevait aucun revenu de la société E______ GMBH;

·         Les parts sociales et actions des sociétés C______ SARL, D______ AG et E______ GMBH, ainsi que, pour un montant inconnu faute de détermination desdites sociétés, les créances du débiteur séquestré à leur encontre;

·         L'appartement sis rue 5______ no. ______ à Genève;

·         Les comptes bancaires sous titularité formelle de D______ AG et de E______ GMBH.

d. A______ a validé le séquestre n° 6______ par l'introduction d'une poursuite n° 7______. Le 4 avril 2023, elle a requis la continuation de ladite poursuite, ce qui a entraîné la conversion du séquestre en saisie définitive.

e. Le procès-verbal de saisie, série n° 8______, à laquelle ne participe que la poursuite n° 7______, a été établi le 4 août 2023 et adressé le même jour aux parties, le conseil de la poursuivante l'ayant reçu le 8 août 2023.

Il en résulte que la saisie a porté sur les actifs suivants :

·         Pour un montant estimé à 20'000 fr., les parts sociales de la société C______ SARL;

·         Pour un montant estimé à 20'731 fr. les comptes bancaires sous titularité formelle de D______ AG et de E______ GMBH:

·         Pour un montant estimé nul, les créances du poursuivi à l'encontre des sociétés D______ AG et E______ GMBH, l'Office ayant retenu, après avoir interpellé ces deux sociétés, qu'elles n'exerçaient plus aucune activité depuis le séquestre de leurs comptes bancaires;

·         Pour un montant estimé à 100'000 fr., les actions de la société D______ AG;

·         Pour un montant estimé à 1'500'000 fr., l'appartement sis rue 5______ no. ______ à Genève, ledit immeuble étant toutefois grevé d'une cédule hypothécaire en premier rang d'un montant de 1'260'000 fr. en mains de la banque F______;

·         Le salaire versé au poursuivi par son employeur, la société C______ SARL, du 5 septembre 2022 au 5 septembre 2023, à hauteur de toute somme excédant 6'785 fr. 65 par mois et de toute somme versée au titre de prime, gratification et/ou 13ème salaire.

f. Par lettre adressée le 15 août 2023 à l'Office, A______ lui a demandé de reconsidérer le procès-verbal de saisie du 4 août 2023 quant aux charges et aux revenus du poursuivi.

Sur le premier point, la poursuivante considérait qu'il n'y avait pas lieu de tenir compte dans les charges de B______ d'un montant mensuel de 1'684 fr. au titre des intérêts hypothécaires relatifs à l'appartement sis rue 5______ no. ______ à Genève, dans la mesure où il avait cessé de s'en acquitter, ce qui avait conduit la banque F______, créancière hypothécaire, à résilier le crédit hypothécaire qu'elle avait consenti et à engager une poursuite en réalisation de gage immobilier.

Sur le second point, A______ a soutenu que, dans la mesure où le poursuivi avait mis en place, par le truchement des sociétés E______ GMBH et D______ AG qu'il dominait, un système lui permettant de percevoir sous une forme autre que salariale une partie du fruit de son activité d'orthodontiste, il incombait à l'Office d'instruire de manière approfondie sa situation financière, d'une part en l'interrogeant sur ses sources de revenus et d'autre part en obtenant de sa part et de celle des sociétés C______ SARL, D______ AG et E______ GMBH des pièces justificatives "permettant d'appréhender la façon dont est absorbé l'important chiffre d'affaires généré par C______ SARL ainsi que son activité d'indépendant facturée via E______ GMBH".

Dans la mesure où l'Office déciderait de ne pas reconsidérer le procès-verbal de saisie dans le sens souhaité par A______, il était invité à transmettre la lettre du 15 août 2023 à la Chambre de céans "afin que celle-ci soit traitée comme un plainte".

g. Le 23 août 2023, l'Office, après avoir en vain invité B______ à justifier du paiement des intérêts hypothécaires relatifs à l'appartement sis rue 5______ no. ______ à Genève, a partiellement fait droit à la demande de reconsidération de la poursuivante en portant la saisie exécutée sur le salaire du poursuivi à toute somme excédant 5'154 fr. 65 par mois.

Par lettre du 18 août 2023, il l'a par ailleurs informée qu'il n'entendait procéder à de plus amples investigations sur la situation financière du poursuivi dans la mesure où la valeur des actifs saisis, selon leur estimation non contestée, couvrait la créance invoquée dans la seule poursuite participant à la saisie.

h. Par lettre adressée le 4 septembre 2023 à l'Office, A______ a persisté dans sa demande qu'il soit procédé à des investigations complémentaires, contestant – au vu notamment de l'incertitude liée au produit de vente de l'appartement et aux frais de la procédure de réalisation forcée – que ses créances soient couvertes par le produit de réalisation prévisible des actifs saisis.

B. a. Par pli du 6 septembre 2023, reçu le 12 septembre 2023 au greffe de la Chambre de surveillance, l'Office a transmis à celle-ci, comme valant plainte au sens de l'art. 17 LP, la demande de reconsidération que lui avait adressée A______ le 15 août 2023.

b. Dans ses observations du 4 octobre 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte dans la mesure où celle-ci conservait un objet, dès lors que les actifs saisis étaient suffisants pour couvrir, en capital, frais et intérêts, la seule poursuite participant à la saisie.

c. Par détermination du 10 octobre 2023, B______ a lui aussi conclu au rejet de la plainte, faisant d'une part valoir, à l'instar de l'Office, que la créance en poursuite était couverte par les actifs saisis, et d'autre part qu'il n'appartenait pas aux autorités de poursuite d'exiger de sa part des informations auxquelles le juge civil avait renoncé.

d. En l'absence de réplique spontanée, la cause a été gardée à juger le 30 octobre 2023.

EN DROIT

1. 1.1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3).

1.1.2 La plainte, qui respecte la forme écrite et comporte une motivation ainsi que des conclusions, est en l'espèce dirigée contre une mesure – le procès-verbal de saisie – pouvant être contestée par cette voie et émane d'une partie susceptible d'être lésée dans ses intérêts juridiquement protégés. Elle est, dans cette mesure, recevable.

1.2.1 La plainte doit être déposée dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Il s'agit là d'un délai de péremption qui, sous réserve de l'art. 33 al. 2 (octroi d'un délai plus long à une partie domiciliée à l'étranger) et 4 (restitution en cas d'empêchement non fautif), ne peut être prolongé. Conformément à l'art. 143 al. 1 CPC, applicable au délai de l'art. 17 al. 2 LP par renvoi de l'art. 31 LP, ledit délai est réputé respecté lorsque l'acte est remis, au plus tard le dernier jour, à l'autorité de surveillance ou, à l'attention de celle-ci, à la poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse.

Il résulte cela étant de l'art. 32 al. 2 LP que le délai de plainte est également réputé avoir été observé si le plaignant saisit en temps utile un office des poursuites ou un office des faillites incompétent; ledit office doit alors transmettre la communication "sans retard" à l'autorité de surveillance. L'application de l'art. 32 al. 2 LP suppose toutefois que le plaignant se soit trouvé dans l'erreur sur l'autorité qu'il devait saisir ou, autrement dit, qu'il ait cru de bonne foi adresser son acte à l'autorité compétente pour en connaître (ATF 145 III 487 consid. 3.4.5; décision de la Chambre de surveillance DCSO/335/2015 du 15 octobre 2015; Nordmann/Oneyse, in BSK SChKG I, 3ème édition, 2021, N 6d as art. 32 LP; arrêt du Tribunal fédéral 5A_421/2012 du 20 décembre 2012 consid. 3.1).

1.2.2 En l'occurrence, la plaignante a eu connaissance de la mesure attaquée, par l'intermédiaire de son conseil, le 8 août 2023, de telle sorte que le délai de plainte courait jusqu'au vendredi 18 août 2023. Avant l'expiration de ce délai, soit le 15 août 2023, le conseil de la plaignante a adressé à l'Office un courrier valant demande de reconsidération et, subsidiairement, plainte au sens de l'art. 17 LP, l'Office étant invité, en cas de refus de la demande de reconsidération, à transmettre ledit courrier à la Chambre de surveillance. Après avoir partiellement admis la demande de reconsidération et l'avoir refusée pour le surplus, l'Office a en conséquence transmis le courrier du conseil de la plaignante du 15 août 2023 à la Chambre de céans le 6 septembre 2023, soit environ trois semaines après l'avoir reçu.

Ce mode de procéder n'est pas conforme aux art. 17 al. 2 et 32 al. 2 LP, en relation avec l'art. 143 al. 1 CPC.

En premier lieu, il ressort du courrier du 15 août 2023 lui-même que la plaignante était parfaitement consciente que sa plainte devait être déposée auprès de – ou adressée à – la Chambre de surveillance. Ce n'est donc pas par erreur, mais en toute connaissance de cause, qu'elle a adressé sa plainte à une autorité qu'elle savait incompétente pour la traiter – l'Office – en la doublant d'une demande de reconsidération. Elle ne saurait donc se prévaloir de l'art. 32 al. 2 LP, avec pour conséquence que la plainte doit être considérée comme tardive et, partant, irrecevable.

En second lieu, l'Office ne pouvait attendre quelque trois semaines avant de communiquer la "plainte" à la Chambre de céans, l'art. 32 al. 2 LP précisant au contraire que cette transmission doit intervenir "sans retard". Le fait que la plaignante ait choisi de doubler sa plainte d'une demande de reconsidération adressée, elle, à l'Office, n'y change rien : sous réserve des mesures atteintes de nullité absolue (art. 22 al. 1 LP), celui-ci ne peut en effet reconsidérer ses décisions que jusqu'à l'expiration du délai de plainte puis, et pour autant qu'une plainte ait effectivement été formée, jusqu'à l'envoi de sa réponse (art. 17 al. 4 LP; Meier, in BSK SchKG I, 3ème édition, 2021, N 120 ad rem. introductives aux art. 17-21 LP). A réception, deux jours avant l'expiration du délai de plainte, d'une demande de reconsidération, il pouvait donc tout au plus attendre la fin de ce délai avant de – s'il n'avait pas dans l'intervalle intégralement admis la demande de reconsidération – transmettre la plainte à l'autorité de surveillance.

2. Même recevable, la plainte aurait dû être déclarée sans objet.

Les griefs invoqués par la plaignante, qu'ils aient trait aux charges mensuelles admises par l'Office ou à l'insuffisance alléguée des investigations relatives aux revenus du débiteur, concernent en effet exclusivement la saisie de revenus exécutée par l'Office en application de l'art. 93 al. 1 LP. Or la plaignante, à juste titre, ne conteste pas le procès-verbal de saisie en ce qu'il mentionne que cette saisie des revenus du débiteur, ayant débuté le 5 septembre 2022 avec l'exécution du séquestre, a expiré le 5 septembre 2023 (art. 93 al. 2 LP; ATF 116 III 15 consid. 2a et 3), soit avant même réception de la plainte par la Chambre de céans. Une augmentation rétroactive de la quotité saisissable n'étant pas possible (ATF 116 III 15 consid. 2d et 3; DCSO/364/2023 du 31 août 2023 consid. 2.3 et 3.1), une éventuelle admission des griefs soulevés dans la plainte n'apporterait aucun avantage concret à la plaignante, qui ne peut donc plus se prévaloir d'aucun intérêt digne de protection.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


Déclare irrecevable la plainte formée par A______ contre le procès-verbal de saisie, série n° 8______ du 4 août 2023.

 

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Messieurs Luca MINOTTI et
Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Elise CAIRUS, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Elise CAIRUS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.