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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2852/2023

DCSO/488/2023 du 09.11.2023 ( PLAINT ) , REJETE

Normes : CC.2.al2; LP.22.al1
Résumé : Introduction d'une deuxième poursuite pour la même créance, en validation d'un deuxième séquestre.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2852/2023-CS DCSO/488/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 9 NOVEMBRE 2023

 

Plainte 17 LP (A/2852/2023-CS) formée en date du 11 septembre 2023 par A______, représenté par Me Hrant HOVAGEMYAN, avocat.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier 9 novembre 2023
à :

-       A______

c/o Me HOVAGEMYAN Hrant

Demole Hovagemyan

Rue Charles-Bonnet 2

Case postale

1211 Genève 3.

- B______ NV

c/o Me YÜCE Sirin

Charles Russell Speechlys SA

Rue de la Confédération 5

1204 Genève.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. Sur requête de [la banque] B______ NV, créancière, le Tribunal de première instance a ordonné le 22 décembre 2022 le séquestre, à hauteur de 5'795'816 fr. 86 plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 31 décembre 2019, de l'immeuble inscrit au Registre foncier sous feuillet n° 1______ de la commune de C______ [GE] appartenant à A______, débiteur.

Selon l'ordonnance de séquestre (cause n° C/25431/2022), le séquestre est fondé sur l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, soit l'existence d'un titre de mainlevée définitive, en l'espèce une "Ordonnance du 30 septembre 2022 du Tribunal de D______ [Pays-Bas]" déclarée exécutoire en Suisse par ordonnance du Tribunal du 22 décembre 2022, en application de l'art. 271 al. 3 LP.

b. Le séquestre (n° 3______) a été exécuté le 22 décembre 2022 par l'Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office). Le procès-verbal de séquestre a été établi et adressé aux parties le 11 janvier 2023.

c. A______ a fait usage de plusieurs moyens de droit pour contester l'ordonnance de séquestre et son exécution par l'Office.

c.a Il a ainsi recouru (art. 327a CPC) auprès de la Cour de justice contre l'ordonnance déclarant exécutoire en Suisse (art. 271 al. 3 LP) la décision judiciaire étrangère invoquée par B______ NV comme titre de mainlevée définitive au sens de l'art. 271 al. 2 ch. 6 LP. Le sort de ce recours n'avait pas encore été tranché lorsque la présente cause a été gardée à juger.

c.b Il a par ailleurs formé une opposition à l'ordonnance de séquestre au sens de l'art. 278 LP. Cette opposition a été rejetée par le Tribunal par un jugement du 12 mai 2023, contre lequel A______ a interjeté un recours auprès de la Cour. Là encore, le sort de ce recours n'avait pas été tranché lorsque la présente cause a été gardée à juger.

c.c A______ a enfin contesté l'exécution par l'Office de l'ordonnance de séquestre en formant auprès de la Chambre de céans une plainte contre le procès-verbal de séquestre (cause A/2______/2023). Par décision DCSO/190/2023 du 11 mai 2023, cette plainte a été partiellement admise, en ce sens que l'estimation de la valeur de l'immeuble séquestré figurant dans le procès-verbal de séquestre a été annulée et l'Office invité à procéder à une nouvelle estimation dans le sens des considérants. La plainte a pour le surplus été rejetée.

d. Pour sa part, B______ NV a validé le séquestre n° 3______ par l'introduction en temps utile d'une poursuite n° 4______, à laquelle A______ a formé opposition. La procédure sommaire introduite par B______ NV afin d'obtenir la mainlevée de cette opposition était toujours pendante à la date à laquelle la présente cause a été gardée à juger.

B. a. Le 25 juillet 2023, B______ NV a saisi le Tribunal d'une nouvelle requête de séquestre à l'encontre de A______, concluant à titre préalable à ce qu'un jugement rendu le 10 juillet 2023 par le Tribunal de D______ soit déclaré exécutoire en Suisse puis, principalement et se fondant sur le cas de séquestre prévu par l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, à ce que le séquestre de l'immeuble n° 1______ de la commune de C______ soit ordonné à hauteur de 5'341'097 fr. 83 plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er mars 2020.

Dans sa requête, B______ NV a expliqué que, à la suite de l'opposition formée par A______ devant les autorités judiciaires néerlandaises contre l'ordonnance du Tribunal de D______ du 30 septembre 2022 invoquée dans le cadre du séquestre ordonné le 22 décembre 2022, ce même Tribunal, après avoir réexaminé la cause, avait dans un premier temps annulé l'ordonnance du 30 septembre 2022 avant d'en confirmer dans un deuxième temps le contenu, sous réserve d'une modification mineure relative au point de départ des intérêts moratoires. Dans la mesure où il était à craindre que le débiteur ne tente de tirer parti, dans les procédures d'exequatur, d'opposition à séquestre et de mainlevée pendantes en Suisse, de l'annulation formelle de l'ordonnance du 30 septembre 2022, il se justifiait afin de parer à tout risque de libération de l'immeuble aujourd'hui séquestré d'en ordonner derechef le séquestre, pour la même créance mais en se fondant cette fois sur le jugement rendu le 10 juillet 2023 par le Tribunal de D______.

b. Par ordonnance du 25 juillet 2023, le Tribunal, faisant droit à cette nouvelle requête de séquestre, a déclaré exécutoire en Suisse la décision étrangère invoquée par B______ NV puis ordonné, à hauteur de 5'341'097 fr. 83 plus intérêts au taux de 5% l'an, le séquestre de l'immeuble N° 1______ de la commune de C______ appartenant à A______.

Le séquestre (n° 5______) a été exécuté le 25 juillet 2023. Le procès-verbal de séquestre, établi le jour même, a été adressé le 14 août 2023 aux parties.

c. Comme il l'avait fait pour le premier séquestre, A______ a recouru auprès de la Cour contre l'ordonnance du Tribunal déclarant exécutoire en Suisse la décision étrangère invoquée par la créancière séquestrante et formé opposition au séquestre. Ces deux procédures sont toujours en cours.

d. A______ a également formé une plainte contre le second procès-verbal de séquestre (cause A/6______/2023), concluant principalement à la constatation de sa nullité et subsidiairement à son annulation. Par décision DCSO/487/2023 du 9 novembre 2023, cette plainte a été partiellement admise en ce sens qu'il a été donné acte à l'Office de l'annulation de la valeur d'estimation de l'immeuble séquestré figurant dans le procès-verbal de séquestre contesté ainsi que de son engagement à procéder à une nouvelle estimation, et qu'il a été invité à faire diligence à cet égard. La plainte a pour le surplus été rejetée.

e. Le 23 août 2023, B______ NV a engagé à l'encontre de A______ une poursuite en validation du second séquestre (n° 5______) en vue du recouvrement des montants de 5'341'097 fr. 83 plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 1er mars 2020 et de 2'212 fr. 30 (frais de l'ordonnance de séquestre). Le commandement de payer établi par l'Office, poursuite n° 7______, a été notifié le 30 août 2023 à A______, qui a formé opposition.

C. a. Par acte adressé le 11 septembre 2023 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre le commandement de payer, poursuite n° 7______, concluant à la constatation de sa nullité, subsidiairement à son annulation. A l'appui de ces conclusions, le plaignant a pour l'essentiel soutenu qu'en engageant une seconde poursuite portant sur la même créance qu'une première poursuite dont l'issue n'était pas encore connue, B______ NV poursuivait un but étranger au droit de l'exécution forcée, à savoir celui de "faire capituler sa partie adverse par asphyxie", de telle sorte que la seconde poursuite était abusive au sens de l'art. 2 al. 2 CC.

A titre préalable, A______ a requis la suspension de la cause jusqu'à droit jugé dans les procédures de recours contre l'ordonnance de reconnaissance de la force exécutoire en Suisse de la décision étrangère invoquée dans le cadre du second séquestre (n° 5______), d'opposition au second séquestre et de plainte contre l'exécution du second séquestre (cf. let. B.c et B,d ci-dessus). Selon lui en effet, le sort du commandement de payer était intrinsèquement lié à celui du titre de créance invoqué.

b. Dans ses observations du 4 octobre 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte, relevant que la jurisprudence admettait la possibilité pour un créancier d'introduire une deuxième poursuite pour une même créance s'il n'était pas en droit de requérir la continuation de la poursuite, ou ne l'avait pas déjà fait, dans la première. Au vu des motifs invoqués par B______ NV, il n'apparaissait par ailleurs pas que l'introduction par celle-ci de la poursuite litigieuse ait eu pour objectif de tourmenter le plaignant.

c. Par détermination du 4 octobre 2023, B______ NV a également conclu au rejet de la plainte. Selon elle, la poursuite n° 7______ visait à la validation du second séquestre, dont l'examen ne relevait ni de la compétence de l'Office ni de celle de la Chambre de céans. Pour le surplus, A______ avait tiré argument dans les diverses procédures relatives au premier séquestre (recours contre l'ordonnance de force exécutoire, recours contre le jugement sur opposition à séquestre et procédure de mainlevée) de l'annulation formelle par le Tribunal de D______ de l'ordonnance invoquée pour obtenir le premier séquestre, de telle sorte qu'il ne pouvait être exclu que celui-ci soit annulé. Elle disposait donc bien d'un intérêt, protégé par la législation en matière d'exécution forcée, à l'obtention du second séquestre, que la poursuite litigieuse avait pour but de valider.

B______ NV s'est par ailleurs opposée à la suspension de la procédure de plainte, faisant valoir que les décisions devant être rendues dans les procédures en cours étaient sans influence sur la validité de la poursuite.

d. La cause a été gardée à juger le 23 octobre 2023.

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts
(ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1 L'art. 14 LPA, applicable à la procédure de plainte par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP, donne à l'autorité administrative, respectivement au juge, la possibilité de suspendre la procédure jusqu'à droit jugé sur une question préjudicielle de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité (al. 1). Si la suspension est ordonnée, l'autorité est ensuite liée par la décision rendue sur la question préjudicielle par l'autorité compétente (al. 2).

2.2 Une décision étant rendue ce jour dans la cause A/6______/2023, la requête de suspension n'a plus d'objet en ce qui la concerne.

2.3 L'objet de la présente procédure est la validité de la (seconde) poursuite engagée pour la même créance contre le plaignant par l'intimé. Les procédures justifiant, selon le plaignant, la suspension de la cause portent pour leur part, directement (procédure d'opposition à séquestre) ou indirectement (procédure de recours contre la décision de reconnaissance de force exécutoire), sur la validité du séquestre que la poursuite litigieuse est supposée valider. Contrairement à ce que paraît soutenir le plaignant, la validité du séquestre ne constitue cependant pas, dans le cas d'espèce, une condition de la validité de la poursuite subséquente : celle-ci a en effet été introduite au for du domicile du débiteur – qui se trouve coïncider avec le for du séquestre – avec pour conséquence qu'une éventuelle invalidation du séquestre demeurera sans influence sur la compétence à raison du lieu de l'Office pour établir et notifier le commandement de payer. Même en cas d'invalidation du séquestre par le juge civil, la poursuite pourra donc se poursuivre à Genève et, le cas échéant, aboutir à la saisie des biens du plaignant ou à sa faillite.

La validité de la poursuite ne dépend pas davantage de la question de savoir si la décision étrangère invoquée pour obtenir le séquestre pouvait ou non être déclarée exécutoire en Suisse, ni même de celle de savoir si la créance constatée dans cette décision – et déduite en poursuite – est ou non matériellement fondée. Ces questions concernent en effet le juge du séquestre et celui de la mainlevée, voire celui de l'action et reconnaissance ou en libération de dette; elles sont sans effet sur l'obligation de l'Office de donner suite à une réquisition de poursuite répondant aux exigences de forme de l'art. 67 LP, non visiblement abusive et pour le traitement de laquelle il est compétent à raison du lieu.

En l'absence de portée préjudicielle des décisions qui seront rendues au terme des procédures d'opposition à séquestre et de recours relatif à la force exécutoire, il n'y a ainsi pas lieu d'ordonner la suspension de la présente procédure dans l'attente de leur prononcé.

3. 3.1.1 Sont nulles les poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC
(ATF 140 III 481 consid. 2.3.1). La nullité doit être constatée en tout temps et indépendamment de toute plainte par l'autorité de surveillance (art. 22 al. 1 LP).

La nullité d'une poursuite pour abus de droit (art. 2 al. 2 CC) ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1; 115 III 18 consid. 3b; arrêts 5A_1020/2018 du 11 février 2019; 5A_317/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.1, in Pra 2016 p. 53 n° 7; 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3).

La procédure de plainte des art. 17 ss LP ne permet pas d'obtenir l'annulation de la poursuite en se prévalant de l'art. 2 al. 2 CC, dans la mesure où le grief pris de l'abus de droit est invoqué à l'encontre de la réclamation litigieuse, la décision à ce sujet étant réservée au juge ordinaire. En effet, c'est une particularité du droit suisse que de permettre l'introduction d'une poursuite sans devoir prouver l'existence de la créance; le titre exécutoire n'est pas la créance elle-même ni le titre qui l'incorpore éventuellement, mais seulement le commandement de payer passé en force (ATF 113 III 2 consid. 2b; cf. ég., parmi plusieurs: arrêts 5A_838/2016 du 13 mars 2017 consid. 2.1).

3.1.2 C’est au regard de l’ensemble des circonstances de la cause qu’il faut examiner si le recours à l’institution du droit de l’exécution forcée est constitutif, dans un cas particulier, d’abus manifeste de droit. Si elle ne dispose pas à cet égard d’une compétence plus étendue que l’Office, l'Autorité de surveillance se trouve généralement dans la situation de pouvoir identifier et élucider les cas d’abus manifeste de droit mieux que lui, car, contrairement à lui, elle n’intervient pas que sur la base d’une simple réquisition (notamment de poursuite) mais dispose des éléments fournis dans le cadre de la plainte et de son instruction; elle est par ailleurs tenue de prendre en considération les faits ressortant devant elle, en vertu de son devoir d’établir les faits d’office (art. 20a al. 2 ch. 2 LP), les parties pouvant au surplus être requises de collaborer. Il peut donc y avoir abus manifeste de droit sans que l’Office ait été en mesure de le détecter lorsqu’il a donné suite à la réquisition d’établir et notifier un commandement de payer.

Partant, un créancier pourrait être amené à fournir des indications sur la plausibilité de sa créance dans le cadre d'une procédure de plainte devant l'autorité de surveillance engagée par le débiteur, dans la mesure où celles-ci ne ressortent pas déjà du commandement de payer. Dans le cas contraire, la poursuite pourrait, selon les circonstances, être jugée comme manifestement abusive et par conséquent être considérée comme nulle (cf. Engler, Die nichtige Betreibung, ZZZ 2016, p. 44 ss, 49 ; cf. OGer ZH PS170016 du 26 juin 2017, consid. III.6.3). Même si l'autorité de surveillance constate d'office les faits déterminants pour l'appréciation juridique de la nullité et que l'art. 20a al. 2 ch. 2 LP n'est pas applicable, les parties, qui doivent être entendues avant une éventuelle constatation de la nullité d'une décision, ont au moins un fardeau d'allégation de fait pour les circonstances qu'elles seules peuvent connaître et qui sont susceptibles de les disculper. Leur comportement durant la procédure peut être pris en compte dans l'appréciation des preuves (cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_588/2011 du 18 novembre 2011, consid. 3.3).

3.2 Selon la jurisprudence, l'introduction d'une seconde poursuite pour la même créance n'est inadmissible que si, dans la première poursuite, le créancier a déjà requis la continuation de la poursuite ou est en droit de le faire. Ce n'est en effet que dans ces cas qu'il existe un risque sérieux que le patrimoine du débiteur fasse l'objet d'une exécution à plusieurs reprises. En revanche, si la première poursuite a été arrêtée à la suite d'une opposition ou qu'elle est devenue caduque en raison d'une renonciation du créancier, il n'y a pas de motif d'empêcher ce dernier d'engager une nouvelle poursuite pour la même créance (ATF 139 III 444 consid. 4.1.2; 128 III 383 consid. 1.1).

3.3 Il est constant en l'espèce que les deux poursuites engagées par l'intimée portent sur la même créance, la différence entre les montants réclamés étant vraisemblablement due à une variation des taux de change entre les dates d'introduction desdites poursuites. Il n'est de même pas contesté que le plaignant a formé opposition au commandement de payer qui lui a été notifié dans la première de ces poursuites et que ladite opposition n'a en l'état pas été levée ni écartée (cf. let. A.d ci-dessus). Il en résulte que l'intimée, créancière, n'est pas en mesure de requérir la continuation de cette première poursuite. Rien ne lui interdisait donc de requérir la notification au plaignant d'un second commandement de payer pour la même créance.

Le fait pour l'intimée d'avoir engagé une deuxième poursuite pour le même montant n'a donc, en soi, rien d'abusif. Il pourrait cependant être constitutif d'un abus de droit s'il fallait retenir que, par ce comportement en soi licite, l'intimée poursuivait des buts sans rapport avec l'exécution forcée, et cherchait en particulier à tourmenter le plaignant.

Le dossier ne contient cependant aucun élément en faveur d'une telle conclusion. L'intimée a au contraire expliqué que la seconde poursuite avait pour but de valider un second séquestre, lui-même requis pour se prémunir contre l'éventualité qu'un premier séquestre soit annulé en raison du fait que la décision étrangère invoquée pour l'obtenir avait été, à la suite d'une opposition du plaignant, formellement annulée mais matériellement confirmée par la juridiction étrangère compétente. La plausibilité de cette explication est renforcée par les pièces produites, dont il résulte que le plaignant a effectivement fait valoir, dans ses procédés dirigés contre le premier séquestre, l'annulation formelle de la décision étrangère invoquée pour l'obtenir.

L'interprétation que fait le plaignant de cette explication, à savoir que l'intimée craignait qu'il continue à se défendre et tentait de le faire capituler par asphyxie, relève pour sa part du sophisme. On voit mal en effet en quoi l'usage par l'intimée de moyens licites pour tenter de recouvrer un montant qu'elle estime lui être dû, ce qui correspond à l'objectif premier des règles relatives à l'exécution forcée des créances pécuniaires, pourrait être assimilé à la situation de contrainte procédurale dépeinte par le plaignant. Ce dernier, qui a fait et continue à faire usage des voies de droit que la loi lui octroie, ne saurait reprocher à l'intimée d'en faire de même. Il se garde par ailleurs d'indiquer à quelle démarche procédurale son "asphyxie" alléguée l'aurait conduit à renoncer.

Il n'existe ainsi, en résumé, aucune raison de penser que l'introduction – conforme au droit – par l'intimée d'une seconde poursuite pour la même créance aurait visé des buts étrangers à la procédure d'exécution forcée, en particulier celui de tourmenter le plaignant ou de le priver de la possibilité de se défendre. La plainte doit en conséquence être rejetée.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :


A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 11 septembre 2023 par A______ contre le commandement de payer, poursuite n° 7______, notifié le 30 août 2023.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président : La greffière :

 

Patrick CHENAUX Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.