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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/268/2023

DCSO/190/2023 du 11.05.2023 ( PLAINT ) , PARTIELMNT ADMIS

Normes : lp.276.al1; lp.97.al1; orfi.9
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/268/2023-CS DCSO/190/23

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 11 MAI 2023

 

Plainte 17 LP (A/268/2023-CS) formée en date du 26 janvier 2023 par A______, élisant domicile en l'étude de Me Hrant Hovagemyan, avocat.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du à :

-       A______

c/o Me HOVAGEMYAN Hrant

Demole Hovagemyan

Rue Charles-Bonnet 2

Case postale

1211 Genève 3.

- B______ NV

c/o Me YÜCE Sirin

Charles Russell Speechlys SA

Rue de la Confédération 5

1204 Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. Sur requête de B______ NV, créancière, le Tribunal de première instance a ordonné le 22 (recte : le 21) décembre 2022 le séquestre, à hauteur de 5'795'816 fr. 86 plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 31 décembre 2019, de l'immeuble inscrit au Registre foncier sous feuillet n° 1______ de la commune de C______, appartenant à A______, débiteur.

Selon l'ordonnance de séquestre (cause n° C/2______/2022), le séquestre était fondé sur l'art. 271 al. 1 ch. 6 LP, soit l'existence d'un titre de mainlevée définitive, en l'espèce une "Ordonnance du 30 septembre 2022 du Tribunal d'Amsterdam" déclarée exécutoire en Suisse par ordonnance du Tribunal du 22 décembre 2022 en application de l'art. 271 al. 3 LP.

b. A réception de l'ordonnance de séquestre, l’Office cantonal des poursuites (ci-après : l'Office) a exécuté le séquestre (n° 3______) par l'envoi au Registre foncier d'une réquisition d'inscription d'une restriction du droit d'aliéner (avis ORFI 2).

c. Le procès-verbal de séquestre n° 3______ a été établi le 11 janvier 2023, envoyé le même jour aux parties et reçu le 16 janvier 2023 par A______.

Selon ce document, le séquestre avait porté sur l'immeuble visé par l'ordonnance de séquestre, dont la valeur était évaluée par l'Office à 6'321'839 fr., montant correspondant à son estimation fiscale. Une copie de l'extrait du Registre foncier relatif à l'immeuble séquestré était annexée.

L'extension du séquestre aux fruits et autres produits de l'immeuble était en l'état réservée.

d. Par réquisition du 16 janvier 2023, B______ NV a engagé à l'encontre de A______, en validation du séquestre n° 3______, la poursuite n° 4______ tendant au paiement d'un montant de 5'795'816 fr. 86 plus intérêts au taux de 5% l'an à compter du 31 décembre 2019, allégué être dû au titre de "Ordonnance du 30 septembre 2022 du Tribunal d'Amsterdam. Ordonnance de séquestre du 22 décembre 2022 n° C/2______/22. Procès-verbal de séquestre n° 3______ (Office des poursuites du canton de Genève) reçu le 12 janvier 2023".

e. Par avis du 23 janvier 2023, l'Office a informé A______ qu'il lui était dorénavant interdit de percevoir les loyers et fermages dus par d'éventuels locataires ou fermiers de l'immeuble séquestré ou de conclure des arrangements à leur sujet, lesdits loyers et fermages devant dorénavant être encaissés par l'Office. Il lui était par ailleurs fait sommation de remettre à l'Office toutes les pièces relatives à l'administration de l'immeuble.

Par courrier du même jour, l'Office a confié à une régie de la place la gérance légale de l'immeuble séquestré.

B. a. Par acte adressé le 26 janvier 2023 à la Chambre de surveillance, A______ a formé une plainte au sens de l'art. 17 LP contre le procès-verbal de séquestre et l'avis de l'Office du 23 janvier 2023, concluant à la constatation de la nullité, subsidiairement à l'annulation, du procès-verbal de séquestre en raison de son caractère imprécis et incomplet et de l'omission de l'Office d'obtenir de sa part les informations nécessaires ainsi que de l'interroger sur son activité indépendante et son minimum vital. Il était notamment reproché à l'Office d'avoir renoncé à faire évaluer la valeur de l'immeuble par un expert et d'avoir retenu, en lieu et place, une estimation fiscale sans relation avec le produit prévisible de son éventuelle réalisation forcée.

b. Par ordonnance du 27 janvier 2023, la Chambre de surveillance a rejeté la requête d'effet suspensif formulée à titre préalable par le plaignant.

c. Dans ses observations du 21 février 2023, l'Office a conclu au rejet de la plainte. En l'espèce, l'exécution du séquestre et l'établissement du procès-verbal de séquestre n'avaient nécessité aucune information de la part du débiteur séquestré. L'art. 97 al. 2 LP ne prescrivait pas que le recours à un expert soit obligatoire et, en tout état, le montant de l'estimation était en l'espèce sans réelle portée. Dans la mesure où le séquestre ne portait pas sur les revenus du débiteur au sens de l'art. 93 al. 1 LP, il n'était pas nécessaire de l'interroger sur son minimum vital. Il appartenait au contraire au débiteur, s'il estimait que les loyers et fermages issus de l'immeuble séquestré étaient nécessaires à son entretien et à celui de sa famille au sens de l'art. 103 al. 2 LP, de fournir à l'Office les pièces le justifiant.

d. Par détermination du 21 février 2023, B______ NV a conclu à l'irrecevabilité, subsidiairement au rejet de la plainte. Elle a fait valoir que la plainte était vraisemblablement tardive, qu'une expertise de la valeur de l'immeuble séquestré n'était pas obligatoire, étant relevé que la valeur retenue par l'Office n'était pas en soi contestée par le plaignant et n'avait pas de portée en l'espèce, et que, le séquestre ne portant pas sur les revenus du travail du plaignant mais sur les fruits d'un immeuble, c'est à ce dernier qu'il incombait le cas échéant d'établir une violation de son minimum vital, ce qu'il n'avait pas fait.

Plus généralement, B______ NV a reproché au plaignant une attitude procédurale dilatoire se traduisant par de nombreux recours, plaintes et oppositions.

e. Par réplique spontanée du 6 mars 2023, A______ a persisté dans son argumentation et ses conclusions, contestant par ailleurs les reproches de B______ NV quant à son attitude procédurale.

f. Dans une duplique spontanée du 14 mars 2023, B______ NV a persisté dans ses conclusions.

g. A______ a encore persisté dans ses conclusions par écriture spontanée du 24 mars 2023.

h. La cause a été gardée à juger le 17 avril 2023.

 

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP).

1.2 La plainte est en l'espèce recevable en tant qu'elle est dirigée contre le procès-verbal de séquestre : il s'agit en effet d'un acte susceptible d'être contesté par cette voie et la plainte, qui émane d'une partie potentiellement lésée dans ses intérêts, a été formée en temps utile et satisfait aux exigences légales.

La question est plus délicate en ce que la plainte est dirigée contre l'avis relatif à l'extension du séquestre aux loyers et fermages dans la mesure où le plaignant, bien qu'il précise que sa plainte vise également cet acte, n'a pris aucune conclusion le concernant. Au vu des considérants qui suivent, la question peut toutefois demeurer ouverte.

2. Le plaignant reproche en premier lieu à l'Office de ne pas l'avoir interrogé au moment de l'exécution du séquestre, ou en tous les cas avant d'établir le procès-verbal de séquestre.

2.1 Mesure conservatoire urgente de droit des poursuites, le séquestre doit être exécuté selon les modalités applicables à la saisie (art. 275 LP), sous réserve de certaines particularités dues à sa nature. En particulier, le séquestre doit être exécuté par surprise et à l'improviste, soit sans que le débiteur séquestré en ait été préalablement averti (Stoffel/Chabloz, Voies d'exécution, 3ème édition, 2016, p. 249/250).

Une fois le séquestre exécuté, l'office des poursuites établit et communique aux créancier et débiteur le procès-verbal de séquestre, qui doit mentionner les actifs sur lesquels le séquestre a effectivement porté et leur valeur (art. 276 al. 1 et 2 LP).

Le procès-verbal de séquestre doit mentionner toutes les opérations entreprises par l'office pour l'exécution ainsi que les évènements survenus postérieurement. Par exemple, le procès-verbal mentionnera : la date à laquelle les avis prévus à l'art. 99 LP ont été expédiés ou communiqués aux tiers; les réponses obtenues de leur part; les démarches subséquentes entreprises par l'office en vue de déterminer les actifs visés; les décisions de l'office relatives aux mesures de sûretés prises en application des art. 98 ss LP; ou encore la substitution des actifs par des sûretés en vertu de l'art. 277 LP (Ochsner, Exécution du séquestre, in JT 2006 II 77, p. 111).

Compte tenu des aléas de l'exécution, toutes ces informations ne pourront pas être mentionnées immédiatement. L'office ne peut toutefois pas attendre de toutes les avoir en sa possession avant d'expédier le procès-verbal. Il faut donc admettre que le procès-verbal puisse être complété après une première expédition qui devra au moins contenir les mesures d'exécution prises par l'office, ainsi que la portée de ces mesures pour autant qu'elle soit connue ou les raisons pour lesquelles elle ne peut pas être établie (Ochsner, op. cit., p. 117).

2.2 En l'espèce, un interrogatoire du plaignant, débiteur séquestré, avant l'exécution du séquestre n'entrait pas en considération puisqu'une telle démarche aurait anéanti l'effet de surprise voulu par le législateur.

En raison de la nature de l'unique bien mentionné dans l'ordonnance de séquestre – soit un immeuble inscrit au Registre foncier au nom du débiteur séquestré – l'obtention d'informations complémentaires de la part de ce dernier n'était par ailleurs pas nécessaire à l'établissement du procès-verbal de séquestre, de telle sorte que l'Office pouvait y renoncer. Comme rappelé ci-dessus, le procès-verbal de séquestre peut et doit au demeurant être complété au gré des informations recueillies après son établissement par l'Office et des mesures entreprises : s'il s'avère ainsi nécessaire d'obtenir de la part du plaignant des informations pertinentes relatives à l'exécution ou à la portée du séquestre (par exemple concernant les fruits civils de l'immeuble séquestré), le procès-verbal sera complété en ce sens.

Le plaignant, à juste titre, ne soutient pour le surplus pas que la loi ou la jurisprudence lui accorderait un droit absolu à pouvoir s'exprimer avant l'établissement du procès-verbal de séquestre.

Le premier grief soulevé par le plaignant est ainsi infondé.

3. Le plaignant reproche ensuite à l'Office d'avoir renoncé à recourir à un expert afin d'évaluer la valeur de l'immeuble séquestré, ainsi que d'avoir repris l'estimation fiscale, laquelle ne correspond pas selon lui à la valeur de réalisation prévisible du bien séquestré.

3.1 L'art. 97 al. 1 LP, applicable par analogie à l'exécution du séquestre en vertu du renvoi de l'art. 275 LP, impose à l'Office d'estimer la valeur des biens saisis, respectivement séquestrés. L'art. 276 al. 1 LP prévoit que cette valeur doit être indiquée dans le procès-verbal de séquestre notifié aux créancier et débiteur. Il s'agit là d'une condition de validité de l'exécution du séquestre (ATF 113 III 104 consid. 4b; Stoffel/Chabloz, in CR LP, 2005, N 13 ad art. 276 LP) dont le but est de permettre à l'Office de ne pas séquestrer plus de biens que nécessaire pour satisfaire le créancier séquestrant (art. 97 al. 2 LP) et de ne pas séquestrer des biens dont le produit de réalisation prévisible ne dépasserait que dans une moindre mesure le montant des frais (art. 92 al. 2 LP) (Stoffel/Chabloz, in CR LP, N 14 ad art. 276 LP). Au surplus, cette estimation servira à fixer le montant des sûretés à fournir par le débiteur dans le cas où il souhaiterait retrouver la libre disposition de ses biens au sens de l'art. 277 LP (Stoffel/Chabloz, in CR LP, N 14 ad art. 276 LP).

Si la saisie (ou le séquestre) porte sur un immeuble, l'estimation doit déterminer la valeur vénale de celui-ci et de ses accessoires, sans égard au montant des taxes cadastrale ou d'assurance contre l'incendie (art. 9 al. 1 première phrase ORFI). Cette valeur correspondra au produit prévisible de la réalisation forcée, par une vente aux enchères ou de gré à gré (ATF 134 III 42 consid. 3; Foëx, in BAK SchKG I, 2010, N 10 et 11 ad art. 97 LP; De Gottrau, in CR LP, N 6 ad art. 97 LP; Winkler, in KUKO SchKG, 2014, 2ème édition, N 5 ad art. 97 LP). L'estimation de l'Office ne saurait se fonder uniquement sur l'évaluation de l'assurance incendie ou la valeur fiscale, quand bien même celles-ci peuvent avoir valeur d'indice (Zopfi, in Commentaire ORFI, 2012, Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse [éd.], N 1 ad art. 9 ORFI).

Il appartient également à l'office d'apprécier si l'estimation de la valeur d'un actif nécessite qu'il soit fait appel à un expert, ce qui sera généralement le cas lorsqu'elle nécessite des connaissances spécifiques (Foëx, op. cit., N 13 et 14 ad art. 97 LP). Cela vaut en général pour un immeuble (De Gottrau, op. cit., N 10 ad art. 97 LP). L'office peut toutefois renoncer à mandater un expert, par exemple s'il dispose d'une expertise professionnelle et récente dont les conclusions relatives à la valeur vénale de l'immeuble paraissent toujours pertinentes (Zopfi, op. cit., N 2 ad art. 9 ORFI).

L'estimation d'un actif est une question d'appréciation, qui peut faire l'objet d'une plainte. Si la saisie porte sur un immeuble, une seconde évaluation par des experts peut en outre être requise aux conditions de l'art. 9 al. 2 ORFI.

3.2 Au vu des principes qui précèdent, c'est effectivement à tort que l'Office, lorsqu'il a arrêté la valeur d'estimation de l'immeuble séquestré, s'est exclusivement fondé sur son évaluation fiscale. On ne saurait en effet admettre de manière générale que le montant de cette estimation correspondrait à la valeur vénale de l'immeuble, soit au produit prévisible de sa réalisation par une vente aux enchères ou de gré à gré.

La plainte est donc, de ce point de vue, bien fondée.

Le vice relatif au montant de l'estimation retenu par l'Office n'entraîne toutefois ni la nullité ni même l'annulation du procès-verbal de séquestre, mais uniquement celle de l'estimation contestée. L'Office sera donc invité à procéder à une nouvelle estimation de la valeur de l'immeuble séquestré, conformément aux principes dégagés ci-dessus, et à compléter le moment venu le procès-verbal de séquestre en ce sens. Le procès-verbal de séquestre ainsi complété devra être une nouvelle fois communiqué aux parties afin que celles-ci puissent faire valoir leurs droits, notamment celui de solliciter, si elles le souhaitent, une nouvelle estimation (art. 9 al. 2 ORFI).

4. Le plaignant, invoquant l'art. 93 al. 1 LP, reproche enfin à l'Office de ne pas l'avoir interrogé sur les ressources et charges qu'il tirait de son activité indépendante, ce afin d'établir son minimum vital.

4.1.1 Selon l'art. 102 al. 1 LP, la saisie d'un immeuble s'étend à ses fruits (naturels et civils), dont les loyers et fermages (art. 14 ORFI; ATF 125 III 248 consid. 2; Zopfi, in KUKO SchKG, 2ème édition, 2014, N 10 ad art. 102 LP). Il en va de même pour les immeubles séquestrés, en vertu du renvoi de l'art. 275 LP aux règles applicables à la saisie.

L'office des poursuites doit pourvoir à la gérance et à l'exploitation de l'immeuble saisi (art. 102 al. 3 LP), ce qui comprend notamment l'encaissement des éventuels loyers dus par des tiers en contrepartie de la cession de l'usage de l'immeuble (Zopfi, op. cit., N 5 d art. 102 LP).

L'art. 103 al. 2 LP prévoit que, si le débiteur poursuivi est sans ressources, il est prélevé ce qui est nécessaire à son entretien et à celui de sa famille. L'art. 93 al. 1 LP et la jurisprudence y relative s'appliquent à la détermination du minimum vital du débiteur et de sa famille. L'application de l'art. 103 al. 2 LP suppose par ailleurs que le débiteur ne puisse pas subvenir à ses besoins par d'autres revenus. Il lui incombe de déposer une demande motivée accompagnée dans la mesure du possible des pièces nécessaires (Zopfi, op. cit., N 4 ad art. 103 LP).

4.1.2 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus du travail, les usufruits et leurs produits, les rentes viagères, de même que les contributions d'entretien, les pensions et prestations de toutes sortes qui sont destinées à couvrir une perte de gain ou une prétention découlant du droit d'entretien, en particulier les rentes et les indemnités en capital qui ne sont pas insaisissables en vertu de l'art. 92 LP, peuvent être saisis, déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille.

Les revenus visés par l'art. 93 al. 1 LP sont ainsi ceux que le débiteur tire d'une activité lucrative, qu'elle soit exercée à titre dépendant ou indépendant, ainsi qu'un certain nombre de revenus de remplacement assimilés.

Selon la jurisprudence (ATF 94 III 8 consid. 1), le terme d'"usufruit" utilisé à l'art. 93 al. 1 désigne non seulement un usufruit au sens des art. 745 ss. CC mais plus généralement tous les revenus que le débiteur tire d'un capital dont il ne peut librement disposer pour une raison juridique. Les revenus de biens qui appartiennent au débiteur et dont il peut librement disposer sont en revanche entièrement saisissables, sous réserve de l'art. 103 al. 2 LP (Ochsner, in CR LP, N 41 et 43 ad art. 93 LP).

4.2 En l'espèce, le séquestre a porté sur un immeuble appartenant au débiteur lui-même, dont rien ne permet de penser qu'il ne peut – sous réserve de saisies ou de séquestres – en disposer librement. Conformément à l'art. 102 al. 1, ce séquestre porte également sur les fruits civils de l'immeuble, et donc sur les loyers et fermages dus par des tiers en contrepartie de l'usage de tout ou partie des locaux qu'il comprend. Tant l'immeuble que ses fruits sont ainsi entièrement saisissables sous la seule réserve de l'art. 103 al. 2 LP.

C'est donc à tort que le plaignant invoque l'art. 93 al. 1 LP, applicable aux revenus relativement saisissables. C'est également à tort qu'il soutient que l'Office aurait eu l'obligation de l'interroger sur l'activité lucrative indépendante qu'il affirme exercer (sans dire en quoi elle consiste) afin d'établir son minimum d'existence et celui de sa famille : une telle obligation de l'Office n'existe en effet que pour les revenus auxquels l'art. 93 al. 1 s'applique, dont les revenus tirés par le débiteur de biens en capital lui appartenant et dont il peut librement disposer ne font pas partie.

Le plaignant conserve certes la possibilité d'invoquer en sa faveur l'art. 103 al. 2 LP. C'est toutefois à lui qu'il incomberait, dans ce contexte, de formuler une demande en ce sens auprès de l'Office en lui donnant toutes les informations nécessaires quant à ses revenus et à ses charges, ce qu'il n'a pas fait.

Le moyen est donc infondé.

5. En définitive, la plainte sera partiellement admise en tant qu'elle porte sur le montant de l'estimation de l'immeuble séquestré, et l'Office invité à procéder à une nouvelle évaluation. Elle sera rejetée pour le surplus.

6. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP et art. 61 al. 2 let. a OELP) et il ne peut être alloué aucuns dépens dans cette procédure (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 26 janvier 2023 par A______ contre le procès-verbal de séquestre n° 3______ du 11 janvier 2023 et l'avis relatif à l'encaissement des loyers et fermages du 23 janvier 2023.

Au fond :

L'admet partiellement, en ce sens que l'estimation de la valeur de l'immeuble séquestré est annulée et l'Office cantonal des poursuites invité à procéder à une nouvelle estimation dans le sens des considérants.

Rejette la plainte pour le surplus.

Siégeant :

Monsieur Patrick CHENAUX, président; Monsieur Luca MINOTTI et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Patrick CHENAUX

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.