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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3064/2022

DCSO/487/2022 du 24.11.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Poursuite abusive
Normes : cc.2.al2; lp.17; lp.22
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3064/2022-CS DCSO/487/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 24 NOVEMBRE 2022

 

Plainte 17 LP (A/3064/2022-CS) formée en date du 20 septembre 2022 par A______, comparant en personne

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______ [GE].

- B______

______

______ [ZH].

- Office cantonal des poursuites.

 

 


Attendu, EN FAIT, que, sur réquisition de [la banque] B______, l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office) a fait notifier le 13 septembre 2022 un commandement de payer, poursuite n° 1______, A______ pour un montant de 1'869 fr. 15, plus intérêts à 11.95 % l'an dès le 1er septembre 2022, à titre de solde dû pour une carte de crédit C______ n° 2______.

Que A______ a fait opposition au commandement de payer.

Que par acte expédié le 20 septembre 2022, A______ a formé une plainte auprès de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance) contre la notification du commandement de payer et conclu à l'annulation de la poursuite.

Qu'il invoquait sur le fond la prescription de la créance dont se prévalait la débitrice.

Qu'il exposait également avoir déjà fait l'objet d'une poursuite de B______ en 2021 pour le solde de sa carte de crédit, poursuite n° 3______, à laquelle il avait formé opposition, dont la mainlevée n'avait jamais été requise par la créancière, si bien qu'il avait obtenu une décision de non-divulgation de la poursuite de l'Office. Qu'il ne comprenait donc pas qu'il soit possible que B______ puisse requérir une nouvelle poursuite pour la même créance dans un tel contexte.

Que dans ses observations du 11 octobre 2022, l'Office a conclu au rejet de la plainte, la poursuite ne pouvant être considérée comme abusive et nulle.

Que par courrier du 14 octobre 2022, la Chambre de surveillance a informé les parties que la cause était gardée à juger.

Considérant, EN DROIT, que, déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie potentiellement lésée dans ses intérêts (ATF 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

Que, sur le fond, la plainte de A______ conduit à s'interroger sur le caractère abusif et donc nul de la poursuite intentée par B______.

Que saisi d'une réquisition de poursuite répondant aux exigences de l'art. 67 LP, l'Office est tenu d'y donner suite par la notification d'un commandement de payer (art. 71 al. 1 LP), sans avoir à se soucier de la réalité de la créance indiquée dans la réquisition de poursuite (parmi d'autres arrêts du Tribunal fédéral 7B.36/2006 du 16 mai 2006 consid. 2.2 et les références citées : Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n° 16 ad art. 67 LP; Amonn/Walther, Grundriss des Schuldbetreibungs- und Konkursrechts, 7e éd., Berne 2003, § 17 n° 1).

Que sont toutefois nulles les poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1). La nullité doit être constatée en tout temps et indépendamment de toute plainte par l'autorité de surveillance (art. 22 al. 1 LP).

Que la nullité d'une poursuite pour abus de droit ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; qu'une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'Office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur. Que l'existence d'un abus ne peut donc être reconnue que sur la base d'éléments ou d'un ensemble d'indices démontrant de façon patente que l'institution du droit de l'exécution forcée est détournée de sa finalité (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1; ATF 115 III 18 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1020/2018 du 11 février 2019, 5A_317/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.1, 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3; DCSO/321/10 du 8 juillet 2010 consid. 3.b).

Que la procédure de plainte des art. 17 ss LP ne permet par ailleurs pas d'obtenir l'annulation de la poursuite en se prévalant de l'art. 2 al. 2 CC, dans la mesure où le grief pris de l'abus de droit est invoqué à l'encontre de la créance litigieuse. Que l'autorité de surveillance n'est en effet pas compétente pour statuer sur le bienfondé matériel des prétentions du créancier déduites en poursuite qui relèvent de la compétence du juge ordinaire; qu'elle n'est notamment pas compétente pour déterminer si le poursuivi est bien le débiteur du montant qui lui est réclamé; que ce dernier doit utiliser les moyens que lui offre la procédure de poursuite, soit notamment l'opposition au commandement de payer, l'action en libération de dette, l'annulation de la poursuite, l'action en constatation de l'inexistence de la dette ou l'action en répétition de l'indu. Que c'est une particularité du droit suisse que de permettre l'introduction d'une poursuite sans devoir prouver l'existence de la créance; que le titre exécutoire n'est pas la créance elle-même, ni le titre qui l'incorpore cas échéant, mais seulement le commandement de payer passé en force. Qu'il est donc pratiquement exclu que le créancier obtienne de manière abusive l'émission d'un commandement de payer. Que l'Office ne peut ainsi exiger des explications sur la nature de la prétention ni refuser d'émettre un commandement de payer, même si la cause de la créance semble peu plausible voire imaginaire (parmi d'autres ATF 136 III 365 consid. 2.1, avec la jurisprudence citée, ATF 115 III 18 consid. 3b, ATF 113 III 2 consid. 2b = JdT 1989 II 120; arrêts du Tribunal fédéral 5A_250-252/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.1, 5A_76/2013 du 15 mars 2013 consid. 3.1, 5A_890/2012 du 5 mars 2013 consid. 5.3, 5A_595/2012 du 24 octobre 2012 consid. 5).

Qu'une seconde poursuite pour la même créance n'est inadmissible que si, dans la première poursuite, le créancier a déjà requis la continuation de la poursuite ou est en droit de le faire. Que ce n'est en effet que dans ces cas qu'il y a un risque sérieux que le patrimoine du débiteur fasse l'objet d'une exécution à plusieurs reprises. Qu'en revanche, si la première poursuite a été arrêtée à la suite d'une opposition ou qu'elle est devenue caduque en raison d'une renonciation du créancier, il n'y a pas de motif d'empêcher ce dernier d'engager une nouvelle poursuite pour la même créance (ATF 128 III 383).

Qu'en l'espèce, le plaignant n'invoque aucune circonstance permettant de considérer, aux conditions très restrictives exposées ci-dessus, que sa créancière abuserait du droit de requérir la poursuite de sorte que sa nullité devrait être constatée.

Que le simple fait de répéter une poursuite n'est en tous les cas pas suffisant, même si la première poursuite a fait l'objet d'une décision de non-divulgation au sens de l'art. 8a al. 3 let. d LP.

Qu'en outre, le fait que la créancière n'ait pas requis la mainlevée de l'opposition formée à la première poursuite ne permet pas encore de considérer en application des principes rappelés ci-dessus qu'elle commettrait un abus de droit en requérant une nouvelle poursuite sur le même objet.

Que de surcroît, le plaignant ayant obtenu la non-divulgation de la poursuite antérieure de sa prétendue créancière, la poursuite litigieuse sera la seule procédure d'exécution forcée de B______ contre le plaignant à apparaître dans son extrait des poursuites. Que cela exclut que l'on puisse reprocher à B______ de ternir l'image du plaignant en multipliant les poursuites inutiles afin qu'elles figurent dans l'extrait des poursuites le concernant.

Que les conditions pour constater la nullité de la poursuite attaquée en raison de son caractère abusif ne sont donc pas réunies en l'occurrence et la plainte sera rejetée.

Que la procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte formée le 19 septembre 2022 par A______ contre la poursuite n° 1______ requise par B______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Anthony HUGUENIN, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.