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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/2626/2021

DCSO/210/2022 du 02.06.2022 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : poursuite abusive
Normes : cc.2.al2
En fait
En droit
Par ces motifs

§république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2626/2021-CS DCSO/210/22

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU MERCREDI 1ER JUIN 2022

 

Plaintes 17 LP (A/2626/2021-CS) formées en date des 12 août, 12 septembre,
22 septembre et 12 décembre 2021 par A______, B______ SA et C______ SARL, comparant en personne.

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

- A______
B______ SA et C______ SARL

______

______.

 

- D______ LTD

E______ SARL

c/o Me GIROUD Sandrine

Lalive SA

Rue de la Mairie 35

Case postale 6569

1211 Genève 6.

- Office cantonal des poursuites.


EN FAIT

A. a. A______ est l'administrateur unique respectivement l'associé-gérant, avec signature individuelle, des sociétés de droit suisse B______ SA, active dans le domaine de la fabrication et de la commercialisation de produits de beauté et de bien-être, et C______ SARL, société de participations.

b. F______ est le directeur général de E______ SARL, filiale de droit français de D______ LTD, société de droit irlandais active dans la production de produits dermatologiques.

c. A______ et F______, ainsi que leurs sociétés, ont entretenu des relations d'affaires à compter de 2011, B______ SA ayant notamment fourni des services pour D______ LTD. Un contrat de distribution a par ailleurs été conclu entre D______ LTD et B______ SA le 15 septembre 2014.

d. Les rapports entre les deux partenaires et leurs sociétés respectives s'étant ensuite dégradés, D______ LTD et E______ SARL ont adressé, le 27 mai 2020, à l'Office cantonal des poursuites (ci-après: l'Office), trois réquisitions de poursuite chacune dirigées respectivement contre A______, B______ SA et C______ SARL.

Dans la rubrique destinée à la cause de l'obligation, les réquisitions de poursuite faisaient référence à des annexes, listant diverses créances dont le recouvrement était réclamé.

Sur les six réquisitions de poursuite, cinq listaient plus de dix créances, la réquisition de poursuite de E______ SARL contre C______ SARL ne mentionnant en revanche que trois créances.

e. Par courriers des 29 mai et 2 juin 2020, l'Office a invité D______ LTD et E______ SARL à rectifier les réquisitions de poursuite afin qu'elles soient conformes à l'ordonnance fédérale prescrivant qu'une réquisition de poursuite ne pouvait contenir plus de dix créances.

f. En définitive, à la suite d'une modification de la présentation des créances par les poursuivantes, l'Office a établi trois commandements de payer pour le compte de E______ SARL, à savoir :

- commandement de payer, poursuite n° 1______, contre A______, notifié le 8 juillet 2020, pour 10 créances totalisant 161'851 fr. 13, alléguées être dues au titre de "dommage résultant de frais juridiques ( )", dommage résultant "de démissions et de congés maladies à cause de D______ LTD", remboursement "de l'utilisation, sans droit, des employés de E______", entre 2014 et 2019, et dommage résultant de dénonciations injustifiées par A______ aux autorités";

- commandement de payer, poursuite n° 2______, contre B______ SA, notifié le 8 juillet 2020, pour six créances totalisant 65'429 fr. 26, alléguées être dues au titre de "remboursement de l'utilisation, sans droit, des employés de E______" entre 2014 et 2019;

- commandement de payer, poursuite n° 3______, contre C______ SARL notifié le 5 juin 2020 pour trois créances totalisant 34'857 fr. 57, alléguées être dues au titre de "indemnité de congé maladie due à G______ en raison du comportement de A______ notamment en violation du contrat de Consulting et d'autres obligations contractuelles et actes illicites", de "indemnité due à G______ sur la base de l'accord transactionnel" et de "frais de recrutement selon facture 21______ de H______ du 30 novembre 2018";

et cinq commandements de payer pour le compte de D______ LTD, à savoir :

- commandement de payer, poursuite n° 4______, contre A______, notifié le 8 juillet 2020, pour sept créances totalisant 987'984 fr. 18, alléguées être dues au titre de "dommage résultant des honoraires de consultant encourus en raison de la campagne de dénigrement menée par A______", selon factures, "dommage pour frais juridiques", "dommage re diminution du chiffre d'affaires de E______ en Chine" et "dommage re temps facturé indûment par C______ re affaires privées";

- commandement de payer, poursuite n° 5______, contre A______, notifié le 8 juillet 2020 pour 10 créances totalisant 1'381'930 fr. 55, alléguées être dues au titre de "remboursement des dépenses personnelles de A______ payées indûment avec carte de crédit de E______", "remboursement des frais de voyage facturés indûment sans justificatif", remboursement honoraires indus perçus 1er semestre 2019", "remboursement de l'avance de bonus indue pour 2018", "dommage résultant conclusion illicite contrat avec I______", "dommage résultant de paiement excessifs indus produits achetés par B______", "dommage re campagne de diffamation menée par D______ LTD", selon factures, et "dommage re diminution chiffre d'affaires E______ concernant J______";

- commandement de payer, poursuite n° 6______, contre C______ SARL, notifié le 8 juillet 2020, pour sept créances totalisant 884'597 fr. 73 alléguées être dues au titre de "dommage résultant des honoraires de consultant encourus en raison de la campagne de dénigrement menée par A______", selon factures, "dommage pour frais juridiques", "dommage re diminution du chiffre d'affaires de E_______ en Chine" et "dommage re temps facturé indûment par C______ re affaires privées";

- commandement de payer, poursuite n° 7______, contre C______ SARL, notifié le 8 juillet 2020 pour 10 créances totalisant 415'440.76, alléguées être dues au titre de "remboursement des dépenses personnelles de A______ payées indûment avec carte de crédit de E____-_", "remboursement des frais de voyage facturés indûment sans justificatif", "remboursement des honoraires indus perçus 1er semestre 2019", "remboursement de l'avance de bonus indue pour 2018", "dommage re campagne de diffamation menée par D______ LTD", selon factures, "dommage re diminution du chiffre d'affaires de E______ en Suisse", "dommage re diminution chiffre d'affaires E______ concernant J______" et "dommage frais juridiques";

- commandement de payer, poursuite n° 8______, contre B______ SA, notifié le 14 juillet 2020, pour six créances totalisant 383'747 fr. 27, alléguées être dues au titre de diverses factures découlant du contrat de distribution, de "dommage re paiement excessif indu pour produits achetés par B______" et "dommage re diminution du chiffre d'affaires de E______ en Suisse".

Les huit commandements de payer ont tous été frappés d'opposition.

g. A______, B______ SA et C______ SARL ayant sollicité des poursuivantes la production des moyens de preuve afférents aux diverses créances, conformément à l'art. 73 LP, D______ LTD et E______ SARL ont transmis en date des 22 juin et 27 juillet 2020 à l'Office divers documents, dont notamment des copies de factures, d'un accord transactionnel avec une ancienne employée, de fiches de salaire ou de relevés bancaires.

h. Dans les poursuites précitées, l'Office a en outre prononcé des décisions de non-divulgation de la poursuite, à la demande notamment de A______.

i. Une année plus tard, D______ LTD et E______ SARL ont réintroduit de nouvelles poursuites contre A______, B______ SA et C______ SARL, à savoir :

- commandement de payer, poursuite n° 9______, de E______ SARL contre A______, notifié le 11 août 2021, pour 10 créances totalisant 134'248 fr. 40, plus intérêts, alléguées être dues au titre de "dommage résultant de frais juridiques ( )", "dommage résultant de démissions et de congés maladies à cause de D______ LTD", "remboursement de l'utilisation, sans droit, des employés de E______", entre 2014 et 2019, et "dommage résultant de dénonciations injustifiées par A______ aux autorités";

- commandement de payer, poursuite n° 10______, de E______ SARL contre C______ SARL, notifié le 2 septembre 2021, pour une créance de 35'454 fr. 90, plus intérêts, alléguée être due au titre de "dommage résultant de démissions et de congés maladies du fait du comportement de A______ ";

- commandement de payer, poursuite n° 11______, de E______ SARL contre B______ SA, notifié le 20 septembre 2021, pour six créances totalisant 66'550 fr. 45, plus intérêts, alléguées être dues au titre de "remboursement de l'utilisation, sans droit, des employés de E______" entre 2014 et 2019. Dans cette poursuite, l'Office avait fait notifier un premier commandement de payer le 11 août 2021 lequel mentionnait par erreur comme poursuivante D______ LTD à la place de E______ SARL;

- commandement de payer, poursuite n° 12______, de D______ LTD contre A______, notifié le 4 août 2020, pour 10 créances totalisant 261'138 fr. 25, alléguées être dues au titre de "dommage résultant des honoraires de consultant encourus en raison de la campagne de dénigrement menée par A______", selon factures, "dommage pour frais juridiques", selon factures, "dommage résultant de la diminution du chiffre d'affaires de E______ en Suisse" et "dommage re campagne de diffamation menée par D______ LTD";

- commandement de payer, poursuite n° 13______, de D______ LTD contre A______, notifié le 4 août 2021, pour 10 créances totalisant 2'099'638 fr. 05, alléguées être dues au titre de "remboursement des dépenses personnelles de A______ payées indûment avec carte de crédit de E______", "remboursement des frais de voyage facturés indûment sans justificatif", "remboursement des honoraires indus perçus 1er semestre de 2019", "remboursement de l'avance de bonus indue pour 2018", "dommage résultant de la conclusion illicite d'un contrat avec I______", "dommage résultant de paiements excessifs indus pour produits achetés par B______", "dommage résultant de la diminution du C.A. de E______ re J______", "dommage résultant du temps facturé indûment par C______ pour affaires privées", "dommage résultant de la diminution du C.A. de E______ en Chine", et "dommage résultant de prestations marketing pour C______ facturées indûment à E______";

- commandement de payer, poursuite n° 14______, de D______ LTD contre C______ SARL, notifié le 4 août 2021, pour neuf créances totalisant 989'047 fr. 60, alléguées être dues au titre de "dommage résultant des honoraires de consultant encourus en raison de la campagne de dénigrement menée par A______", selon factures, "dommage pour frais juridiques", selon factures, "dommage résultant de la diminution du chiffre d'affaires de E______ en Chine", "dommage résultant du temps facturé indûment par C______ pour affaires privées", "remboursement des honoraires indus perçus pour le 1er semestre de 2019", "remboursement de l'avance de bonus indue pour 2018";

- commandement de payer, poursuite n° 15______, de D______ LTD contre C______ SARL, notifié le 11 août 2021, pour neuf créances totalisant 338'345 fr. 70, alléguées être dues au titre de "remboursement des dépenses personnelles de A______ payées indûment avec carte de crédit de E______", "remboursement des frais de voyage facturés indûment sans justificatif", "dommage campagne de diffamation", "dommage résultant de la diminution du chiffre d'affaires de E______ en Suisse", "dommage pour frais juridiques", "dommage résultant de la diminution du chiffre d'affaires de E______ re J______", et "dommage résultant de prestations marketing pour C______ facturées indûment à E______";

- commandement de payer, poursuite n° 16______, de D______ LTD contre B______ SA, notifié le 4 août 2021, pour six créances totalisant 390'323 fr. 60, alléguées être dues au titre de diverses factures découlant notamment du contrat de distribution, de "dommage re paiements excessifs indus pour produits achetés par B______" et "dommage re diminution du chiffre d'affaires de E______ en Suisse".

B. a. Par acte déposé le 12 août 2021 auprès de la Chambre de surveillance (A/2626/21), A______ a formé une plainte contre les commandements de payer reçus en dates des 5 et 11 août 2021, concluant, de manière implicite, à la constatation de la nullité des poursuites y relatives, en tant qu'elles constituaient des mesures de rétorsion et des moyens de contrainte à son égard, respectivement à l'égard de ses sociétés C______ SARL et B______ SA, de la part de F______, contre lequel il avait déposé plainte pénale.

Les prétentions de D______ LTD et E______ SARL étaient sans fondement et fictives, preuve en était qu'elles n'apparaissaient pas dans les comptes de D______ LTD de 2018 et 2019. En réalité, F______ utilisait la poursuite pour faire pression sur lui afin de le forcer à vendre ses parts minoritaires dans D______ LTD, formellement détenues par C______ SARL.

La plainte était accompagnée des exemplaires pour le débiteur de cinq commandements de payer, poursuites nos 13______, 12______, 9______, 14______ et 11______ (qui a été renotifié en septembre : cf. supra B.i).

b. Dans leurs déterminations des 6 septembre, 29 septembre et 19 octobre 2021, D______ LTD et E______ SARL ont conclu à l'irrecevabilité de la plainte, laquelle était tardive dès lors qu'elle visait en réalité les poursuites introduites en 2020, contre lesquelles A______ n'avait pas réagi. De plus, la plainte avait été introduite exclusivement au nom de A______, de sorte qu'elle était irrecevable en tant qu'elle visait les poursuites contre C______ SARL et B______ SA. Enfin, les griefs soulevés, dirigés contre D______ LTD et E______ SARL, respectivement F______, ne relevaient pas de la procédure de plainte. Sur le fond, D______ LTD et E______ SARL ont exposé que les poursuites s'inscrivaient dans le contexte de la liquidation des rapports commerciaux entre F______ et A______. D______ LTD et E______ SARL avaient du reste documenté leurs prétentions à l'égard de l'Office, A______ ayant requis la présentation des moyens de preuve au sens de l'art. 73 LP. Certaines créances étaient réclamées aussi bien à l'encontre de A______ que de ses sociétés, en tant que débiteurs solidaires. Il avait en outre été nécessaire de déposer deux réquisitions de poursuite supplémentaires pour tenir compte du fait que les formulaires des commandements de payer ne permettaient pas l'inscription de plus de dix créances par poursuite.

Enfin, les négociations entreprises entre A______, C______ SARL et B______ SA, d'une part, et D______ LTD et E______ SARL, d'autre part, n'avaient pas abouti, de sorte que D______ LTD avait introduit une action au fond en Irlande le 22 septembre 2021 à l'encontre de A______ et de B______ SA.

C. a. Par actes expédiés les 12 et 22 septembre 2021 auprès de la Chambre de surveillance (A/18______/2021 et A/19______/2021), A______ a formé deux plaintes contre les commandements de payer, poursuites n° 10______ et 11______, reçus par C______ SARL et par B______ SA en septembre 2021 et qui, à l'instar de ceux notifiés en août, constituaient selon lui des mesures de rétorsion et des moyens de contrainte à son encontre, respectivement à l'encontre de ses sociétés, de la part de F______.

b. Dans sa détermination du 8 octobre 2021, dans la procédure A/18______/2021, E______ SARL a conclu à l'irrecevabilité respectivement au rejet de la plainte du 12 septembre 2021, essentiellement pour les mêmes motifs invoqués à l'égard de la plainte du 12 août 2021.

c. Par ordonnance du 20 octobre 2021, la Chambre de céans a ordonné la jonction des trois plaintes (sous n° A/2626/21).

d. A______, aussi en tant que représentant de C______ SARL et B______ SA, s'est déterminé en date des 7 et 26 octobre, 10 novembre et 26 novembre 2021. Il a notamment exposé que l'action en justice déposée en Irlande par D______ LTD faisait l'impasse sur un grand nombre des créances, dont le paiement était réclamé par voie de poursuite, "abandonnant" ainsi des prétentions à hauteur de plus de 1'100'000 fr., ce qui était la démonstration du caractère abusif des poursuites, qui totalisaient quelque six millions de francs suisses. Enfin, les comptes 2020 de D______ LTD ne faisaient pas non plus apparaître des créances envers lui-même ou ses sociétés.

A______ a aussi relevé que les prétentions en relation avec les salariés de D______ LTD étaient sans fondement, dès lors que c'était F______ qui avait proposé l'aide des équipes. Preuve en était que les contrats de travail de E______ SARL prévoyaient que les collaborateurs pouvaient être amenés à travailler pour les sociétés du groupe. Quant à la couverture de ses frais de voyage, elle avait été validée par l'entreprise. Les autres prétentions étaient aussi vigoureusement contestées, les prétendues créances concernant le remboursement des frais (de consultants, d'avocats ou autres) ou liées à des ventes non réalisées étant dépourvues de fondement.

e. Dans leurs déterminations des 2 novembre, 22 novembre et 14 décembre 2021, D______ LTD et E______ SARL ont encore exposé, en réponse à un grief soulevé par les poursuivis, que certaines prétentions n'avaient pas été soumises aux juridictions irlandaises, dès lors qu'elles relevaient d'autres fors. E______ SARL envisageait d'ailleurs aussi d'introduire une action au fond en France.

f. Dans ses déterminations, l'Office s'en est rapporté à justice.

g. La cause a été gardée à juger le 15 décembre 2021.

h. A______ s'est déterminé spontanément le 17 décembre 2021.

D. a. Par acte posté le 12 décembre 2021 (A/4227/2021), C______ SARL a formé plainte contre le commandement de payer, poursuite n° 14______, reçu le 4 août 2021 dans la poursuite introduite par D______ LTD. Elle a conclu à sa nullité, la poursuite étant constitutive d'un abus de droit.

b. D______ LTD a conclu au rejet de la plainte, reprenant les arguments présentés dans les précédentes déterminations.

c. A______ s'est encore déterminé les 13 janvier 2022 et 5 avril 2022. Il s'est opposé à la jonction des causes.

EN DROIT

1. 1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de la LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre des mesures prises par l'office qui ne peuvent être attaquées par la voie judiciaire (art. 17 al. 1 LP). A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3). La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP).

1.2 Les quatre plaintes émanent en l'espèce non seulement du plaignant, en tant que personne physique, mais aussi de ses deux sociétés visées par les poursuites litigieuses, à l'égard desquelles il dispose de la signature individuelle et qui sont clairement désignées dans les plaintes. Elles émanent donc de personnes touchées ou exposées à l'être dans leurs intérêts protégés et respectent les exigences minimales de forme découlant de la loi, le grief soulevé étant par ailleurs clairement identifiable, s'agissant de plaintes pour poursuites abusives émanant d'un plaideur en personne. Il n'est enfin pas déterminant de savoir si les plaintes ont été interjetés dans les dix jours dès la réception des commandements de payer, dès lors que l'unique grief soulevé conduirait, s'il devait être considéré comme bien-fondé, à la nullité des poursuites.

Il y a donc lieu d'entrer en matière.

1.3 La recevabilité des déterminations spontanées et de leurs annexes, en particulier de l'écriture des plaignants du 17 décembre 2021, adressée à la Chambre de céans dans les dix jours ayant suivi la réception de l'écriture des intimées du 14 décembre 2021, peut demeurer indécise, compte tenu de l'issue de la procédure.

2. 2.1 Aux termes de l'art. 70 LPA, qui s'applique à la procédure de plainte (art. 9 al. 4 LaLP), l'autorité peut, d'office ou sur requête, joindre en une même procédure des affaires qui se rapportent à une situation identique ou à une cause juridique commune.

2.2 En l'espèce, les quatre plaintes s'inscrivent dans le même contexte de fait, soit la liquidation des relations commerciales entre les parties, concernent des poursuites émanant des mêmes sociétés poursuivantes et dirigées contre des sociétés appartenant à A______ qui en est leur unique organe. Elles soulèvent toutes le même grief, à savoir celui tiré de l'abus de droit. La précédente décision de jonction était donc justifiée et on ne discerne pas en quoi elle porterait préjudice aux plaignants, de sorte qu'il convient de prononcer également la jonction de la quatrième plainte (A/4227/2021) sous A/2626/2021. Il sera d'ailleurs observé à cet égard que cette dernière plainte vise une poursuite dont le commandement de payer avait déjà été joint à la plainte du 12 août 2021, de sorte qu'elle n'a pas de portée propre.

3. 3.1.1. La finalité du droit des poursuites est essentiellement de permettre le recouvrement de sommes d’argent ou la fourniture de sûretés (art. 38 al. 1 LP). Le droit de l’exécution forcée permet ainsi à un soi-disant créancier de poursuivre un prétendu débiteur en recouvrement d’une prétention sans devoir prouver l’existence de cette dernière et il n'appartient ni à l'Office des poursuites ni aux autorités de surveillance de décider si une prétention litigieuse est exigée à bon droit ou non. Toutefois, si l’intervention d’un organe de l’exécution forcée est requise à des fins complètement étrangères à celles pour lesquelles elle a été prévue, elle représente un abus manifeste de droit, qui n’est pas protégé par la loi (art. 2 al. 2 CC). Aussi, les poursuites introduites en violation du principe de l'interdiction de l'abus de droit, tel qu'il résulte de l'art. 2 al. 2 CC (ATF
140 III 481 consid. 2.3.1), sont nulles (art. 22 al. 1 LP).

3.1.2 La nullité d'une poursuite pour abus de droit (art. 2 al. 2 CC) ne peut être admise par les autorités de surveillance que dans des cas exceptionnels, notamment lorsqu'il est manifeste que le poursuivant agit dans un but n'ayant pas le moindre rapport avec la procédure de poursuite ou pour tourmenter délibérément le poursuivi; une telle éventualité est, par exemple, réalisée lorsque le poursuivant fait notifier plusieurs commandements de payer fondés sur la même cause et pour des sommes importantes, sans jamais requérir la mainlevée de l'opposition, ni la reconnaissance judiciaire de sa prétention, lorsqu'il procède par voie de poursuite contre une personne dans l'unique but de détruire sa bonne réputation, ou encore lorsqu'il reconnaît, devant l'office des poursuites ou le poursuivi lui-même, qu'il n'agit pas envers le véritable débiteur (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1; 115 III 18 consid. 3b; arrêts 5A_1020/2018 du 11 février 2019; 5A_317/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.1, in Pra 2016 p. 53 n° 7; 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3).

En revanche, celui qui poursuit son débiteur dans le seul but d'interrompre la prescription ne commet en principe pas d'abus de droit, la notification d'un commandement de payer représentant un moyen légal pour ce faire (art. 135 ch. 2 CO; arrêt du Tribunal fédéral 5A_250/2015 précité consid. 4.2 in fine).

La procédure de plainte des art. 17 ss LP ne permet par ailleurs pas d'obtenir l'annulation de la poursuite en se prévalant de l'art. 2 al. 2 CC, dans la mesure où le grief pris de l'abus de droit est invoqué à l'encontre de la réclamation litigieuse, la décision à ce sujet étant réservée au juge ordinaire. En effet, c'est une particularité du droit suisse que de permettre l'introduction d'une poursuite sans devoir prouver l'existence de la créance; le titre exécutoire n'est pas la créance elle-même ni le titre qui l'incorpore éventuellement, mais seulement le commandement de payer passé en force (ATF 113 III 2 consid. 2b; cf. ég., parmi plusieurs: arrêts 5A_838/2016 du 13 mars 2017 consid. 2).

3.1.3 L'existence d'un abus ne peut être reconnue que sur la base d'éléments ou d'un ensemble d'indices démontrant de façon patente que l'institution du droit de l'exécution forcée est détournée de sa finalité (ATF 140 III 481 consid. 2.3.1; ATF 115 III 18 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 5A_1020/2018 du 11 février 2019, 5A_317/2015 du 13 octobre 2015 consid. 2.1, 5A_218/2015 du 30 novembre 2015 consid. 3; DCSO/245/2021 du 17 juin 2021 consid. 3.3.1, DCSO/321/10 du 8 juillet 2010 consid. 3.b).

3.2 En l'espèce, il résulte des éléments au dossier que les poursuivantes et les poursuivis ont entretenu des relations d'affaires depuis 2011 et se trouvent en litige à tout le moins depuis 2020, en relation avec la fin de leurs rapports commerciaux.

Ce constat permet de considérer que l'existence d'une partie au moins des prétentions invoquées par les poursuivantes n'est pas exclue. Le fait que certaines créances soient mentionnées aussi bien dans les poursuites dirigées contre l'unique organe des sociétés poursuivies que dans celles dirigées contre les sociétés elles-mêmes n'est pas non plus décisif pour admettre le caractère abusif des poursuites, s'agissant de prétentions pour lesquelles les poursuivis peuvent vraisemblablement répondre de manière solidaire. En effet, savoir si un organe d'une personne morale répond ou non des dettes de celle-ci est une question de fond que l'autorité de surveillance n'a pas à examiner dans le cadre d'une plainte pour nullité de la poursuite dont il est allégué le caractère abusif (arrêt du Tribunal fédéral 5A_595/2012 du 24 octobre 2012 consid. 5).

Le fait que les poursuites aient été renouvelées après une année, à l'échéance de la première série de commandements de payer, ne suffit pas pour retenir que les poursuivantes auraient agi dans un but sans rapport avec la procédure de poursuite, voire dans le but de tourmenter délibérément les poursuivis. En l'absence de titres de mainlevée, le dépôt d'actions judiciaires, par des sociétés ayant leur siège dans des pays différents, peut en effet prendre un certain temps. Dans l'intervalle, l'une des deux sociétés poursuivantes a introduit une action judiciaire en Irlande, ce qui tend aussi à soutenir le fait que les poursuivantes rechercheraient effectivement le recouvrement de prétentions élevées contre les poursuivis.

Le fait que les montants totaux réclamés dans cette action judiciaire soient inférieurs à ceux réclamés dans les poursuites querellées n'est pas non plus décisif. En effet, une seule des deux poursuivantes est partie demanderesse à la procédure, à savoir la société irlandaise, ce qui pourrait déjà expliquer que les prétentions élevées par la société française ne seraient pas comprises dans les conclusions de cette action. En outre, la société irlandaise a agi contre deux des trois poursuivis, ce qui peut aussi avoir un effet sur le montant total des prétentions.

Les autres arguments soulevés par les plaignants pour contester notamment la créance alléguée en remboursement de l'utilisation, sans droit, d'employés d'une des deux poursuivantes, de même que les prétendus dommages résultant de frais juridiques ou de consultants, ou encore le remboursement de frais de voyages, relèvent d'une action au fond et pas de la procédure de plainte.

Il résulte de ce qui précède, que les éléments fournis par les plaignants n'établissent pas de manière patente que les poursuites litigieuses ne tendent pas au recouvrement de créances mais constitueraient une utilisation détournée de la voie de l'exécution forcée.

En tant que les plaignants relèvent que les poursuites querellées portent atteinte à leur réputation et posent problème dans leurs activités économiques, il sera rappelé qu'ils disposent de la possibilité de requérir la non-divulgation de la poursuite, démarche qu'ils ont du reste déjà entreprise et qu'il leur appartient, le cas échéant, de renouveler (art. 8a LP).

Aussi, les plaintes seront rejetées.

4. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

 

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PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevables les plaintes formées les 12 août, 12 septembre, 22 septembre et 12 décembre 2021 par A______, C______ SARL et B______ SA contre les poursuites nos 13______, 12______, 17______, 11______, 14______ et n° 10______.

Ordonne la jonction de la cause A/4227/2021 sous le numéro de cause A/2626/2021.

Au fond :

Rejette les plaintes.

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, présidente; Madame Ekaterine BLINOVA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseurs; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

La présidente :

Verena PEDRAZZINI RIZZI

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l’art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L’art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.