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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/4320/2020

DCSO/208/2021 du 27.05.2021 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : revenus saisissables; épargne
Normes : lp.93.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4320/2020-CS DCSO/208/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 27 MAI 2021

 

Plainte 17 LP (A/4320/2020-CS) formée en date du 18 décembre 2020 par A______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par plis recommandés du greffier du ______ à :

-       A______

______

______.

- ETAT DE GENEVE, ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

Service du contentieux

Rue du Stand 26

Case postale 3937

1211 Genève 3.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ fait l'objet de deux poursuites, n° 1______ et n° 2______, initiée par l'ETAT DE GENEVE, soit pour lui l'Administration fiscale, pour des soldes dus, au 11 décembre 2020, de 4'601 fr. et 14'379 fr. 55.

b. La débitrice ayant fait opposition aux commandements de payer qui lui ont été notifiés, L'ETAT DE GENEVE en a requis la mainlevée.

Les requêtes de mainlevée ont été rejetées dans un premier temps par jugements du 5 février 2020.

Elles ont été en revanche admises par jugements du 22 juin 2020.

c. L'ETAT DE GENEVEa requis la continuation de la poursuite les 10 juillet et 14 septembre 2020.

d. L'office a notifié à la débitrice un avis de saisie le 25 août 2020 dans le cadre de la poursuite n° 1______, avec convocation pour une audition le 16 septembre 2020.

En raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19, l'Office a toutefois annulé, par courrier du même jour, la convocation en ses locaux et invité la débitrice à remplir un formulaire et à le lui retourner dans un délai de 10 jours. Le formulaire portait sur la situation familiale, économique et financière de la débitrice. Une liste de pièces à annexer au formulaire était jointe.

e. A______ a écrit à l'Office le 31 août 2020 pour lui demander de radier la poursuite en présentant le jugement du 5 février 2020 rejetant la requête de mainlevée de l'ETAT DE GENEVE.

f. L'ETAT DE GENEVE a requis la continuation de la poursuite n° 2______ le 14 septembre 2020.

g. L'Office a informé A______ le 21 septembre 2020 que la poursuite n° 2______ participait également à la saisie, laquelle portait le numéro de série 3______.

h. A______ a également demandé à l'Office, le 2 octobre 2020, de radier cette poursuite, en se prévalant du jugement du 5 février 2020 refusant la mainlevée de l'opposition.

i. L'Office a répondu le 5 octobre 2020 à A______ que les oppositions qu'elle avait formées aux commandements de payer, poursuites n° 1______ et n° 2______, avaient été levées par jugement ultérieur du 22 juin 2020. Il invitait donc la débitrice à se présenter à l'Office d'ici au 19 octobre 2020 pour procéder à son audition.

j. A______ ne s'était pas présentée à l'Office, ce dernier a émis un avis de saisie de créance auprès de B______ SA à concurrence de 21'000 fr.

k. B______ SA a prélevé, le 2 décembre 2020, les sommes de 16'000 fr. du compte épargne de A______, laissant un solde en compte de 1'007 fr., et de 5'000 fr. du compte courant de la débitrice, laissant un solde en compte de 4'250 fr., afin de les virer en faveur de l'Office.

l. Il ressort des extraits du compte courant de la débitrice que celle-ci s'est vue bonifier des crédits de l'ordre de 5'500 fr. en un mois, entre le 2 novembre et le 12 décembre 2020.

m. L'Office a établi un procès-verbal de saisie le 11 décembre 2020, dans la série n° 3______, mentionnant la saisie du compte B______ SA de la débitrice, à concurrence de 21'000 fr.

Ce document mentionnait que la débitrice vivait en concubinage et avait un ou des enfants.

B. a. Par acte expédié le 18 décembre 2020 au greffe de la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites, A______ a formé une plainte contre le procès-verbal de saisie du 11 décembre 2020, par laquelle elle sollicitait une reconsidération de la décision de l'Office. Elle soulignait qu'elle était célibataire et que son fils avait 35 ans. Par ailleurs, elle aurait souhaité trouver un arrangement dans le règlement de sa dette envers le fisc, dans la mesure où elle existait vraiment. ______ [profession] et ______ [profession] indépendante, elle invoquait une année difficile sur le plan économique en raison de la situation sanitaire. Les montants saisis sur ses comptes représentaient une faible réserve pour les imprévus.

b. Dans ses observations du 11 janvier 2021, l'Office a expliqué avoir procédé à une saisie de créance, sans autre préavis mais en ayant néanmoins laissé près de trois mois à la débitrice pour se présenter dans ses locaux, en raison de l'absence de collaboration de cette dernière. Il n'avait donc pas été possible d'établir sa situation financière et de déterminer son minimum vital. Un solde de 6'460 fr. 63 restait sur ses comptes après saisie des montants nécessaires à désintéresser le créancier poursuivant, soit une somme suffisante pour couvrir le minimum vital de la débitrice. Une fois les poursuites soldées, un montant de l'ordre de 1'500 fr. devait pouvoir être restitué à cette dernière.

c. L'ETAT DE GENEVE a déposé des observations le 14 janvier 2021 à teneur desquelles il s'en rapportait à l'appréciation de la Chambre de surveillance.

d. A______ a répliqué le 25 janvier 2021 en développant des griefs concernant les créances en poursuites et en qualifiant de cavalière la manière dont l'Office avait procédé à la saisie de ses avoirs bancaires, en reconnaissant de surcroît avoir saisi un montant plus élevé que nécessaire de 1'500 fr.

Elle mentionnait encore une nouvelle poursuite n° 4______ dont le commandement de payer lui avait été notifié le 23 novembre 2020, sans plus de détails.


 

EN DROIT

1. Déposée en temps utile (art. 17 al. 2 LP) et dans les formes prévues par la loi (art. 9 al. 1 et 2 LALP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicables par renvoi de l'art. 9 al. 4 LALP), auprès de l'autorité compétente pour en connaître (art. 6 al. 1 et 3 LALP; art. 17 al. 1 LP), à l'encontre d'une mesure de l'Office pouvant être attaquée par cette voie (art. 17 al. 1 LP) et par une partie lésée dans ses intérêts (ATF
138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3), la plainte est recevable.

2. 2.1.1 Sous réserve de griefs devant conduire à la constatation de la nullité absolue d'une mesure de l'Office, invocables en tout temps (art. 22 al. 1 LP), l'intégralité des moyens et conclusions du plaignant doivent être à tout le moins sommairement exposés et motivés dans le délai de plainte, sous peine d'irrecevabilité. La motivation peut être sommaire mais doit permettre à l'autorité de surveillance de comprendre les griefs soulevés par la partie plaignante ainsi que ce qu'elle demande. L'invocation de nouveaux moyens en cours de procédure n'est pas admise dans le cadre de l'examen d'une plainte au sens de l'article 17 LP (ATF 142 III 234 consid. 2.2; ATF 126 III 30 consid. 1b; ATF 114 III 5 consid. 3 = JdT 1990 II 80; arrêt 5A_237/2012 du 10 septembre 2012 consid. 2.2; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 32, 33 et 44 ad art. 17 LP).

2.1.2 L'autorité de surveillance n'est en revanche pas compétente pour statuer sur le bienfondé matériel des prétentions du créancier déduites en poursuite qui relèvent de la compétence du juge ordinaire; elle n'est notamment pas compétente pour déterminer si le poursuivi est bien le débiteur du montant qui lui est réclamé; ce dernier doit faire valoir les moyens que lui offre la procédure de poursuite, soit notamment l'opposition au commandement de payer, l'action en libération de dette, l'annulation de la poursuite ou l'action en constatation de l'inexistence de la dette (parmi d'autres ATF 136 III 365 consid. 2.1, avec la jurisprudence citée;
115 III 18 consid. 3b; 113 III 2 consid. 2b; arrêts du Tribunal fédéral
5A_250-252/2015 du 10 septembre 2015 consid. 4.1; 5A_76/2013 du 15 mars 2013 consid. 3.1; 5A_890/2012 du 5 mars 2013 consid. 5.3).

2.1.3 Le procès-verbal de saisie matérialise la décision de l'Office relative à la saisie préalablement exécutée. Il peut dès lors être remis en cause par la voie de la plainte dans les dix jours à compter de sa communication, par le débiteur comme par le créancier. Ceux-ci pourront se prévaloir à cette occasion de toute violation des règles relatives à l'exécution de la saisie, remettre cette dernière en cause sous l'angle de l'opportunité ou encore contester l'assimilation du procès-verbal à un acte de défaut de biens. Lorsque l'Office omet d'indiquer les éléments à la base du calcul de la quotité saisissable des revenus du débiteur et que le créancier entend contester cette dernière, plainte doit également être déposée dans le délai de dix jours suivant la communication du procès-verbal (JEANDIN/SABETI, in CR LP, 2005, n. 17 et 19 ad art. 112 LP; JEANDIN, op. cit., n. 6 ad art. 115 LP).

Dans la procédure de plainte, la question de savoir si et dans quelle mesure l'enquête officielle menée par l'Office est défectueuse et son résultat inexact doit être examinée au regard des éléments qui ont été critiqués par le créancier dans le délai de dix jours dès la communication du procès-verbal de saisie (cf. ATF
127 III 572 consid. 3c, JdT 2001 II 78; ATF 86 III 53 consid. 1, JdT 1961 II 12).

2.1.4 Selon l'art. 93 al. 1 LP, les revenus relativement saisissables tels que les revenus du travail ne peuvent être saisis que déduction faite de ce que le préposé estime indispensable au débiteur et à sa famille (minimum vital). Cette disposition garantit à ces derniers la possibilité de mener une existence décente, sans toutefois les protéger contre la perte des commodités de la vie; elle vise à empêcher que l'exécution forcée ne porte atteinte à leurs intérêts fondamentaux, les menace dans leur vie ou leur santé ou leur interdise tout contact avec le monde extérieur. Les besoins du poursuivi et de sa famille reconnus par la jurisprudence sont ceux d'un poursuivi moyen et des membres d'une famille moyenne, c'est-à-dire du type le plus courant. Ils doivent toutefois tenir compte des circonstances objectives, et non subjectives, particulières au poursuivi (ATF 134 III 323 consid. 2; 108 III 60 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_912/2018 du 16 janvier 2018 consid. 3.1).

Pour fixer le montant saisissable - en fonction des circonstances de fait existant lors de l'exécution de la saisie (ATF 115 III 103 consid. 1c; ATF 112 III 79 consid. 2) - l'Office doit d'abord tenir compte de toutes les ressources du débiteur; puis, après avoir déterminé le revenu global brut, il évalue le revenu net en opérant les déductions correspondant aux charges sociales et aux frais d'acquisition du revenu; enfin, il déduit du revenu net les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur et de sa famille, en s'appuyant pour cela sur les directives de la Conférence des préposés aux poursuites et faillites de Suisse (ci-après conférence des préposés; BlSchK 2009, p. 196 ss), respectivement, à Genève, sur les Normes d'insaisissabilité édictées par l'autorité de surveillance (ci-après :
NI-2019 publiées au recueil systématique des lois genevoises RS/GE E.3.60.04; Ochsner, Le minimum vital (art. 93 al. 1 LP), in SJ 2012 II p. 119 ss, 123; Collaud, Le minimum vital selon l'article 93 LP, in RFJ 2012 p. 299 ss, 303; arrêt du Tribunal fédéral 5A_919/2012 du 11 février 2013 consid. 4.3.1).

Les dépenses nécessaires à l'entretien du débiteur se composent en premier lieu d'une base mensuelle d'entretien, fixée selon la situation familiale du débiteur, qui doit lui permettre de couvrir ses dépenses élémentaires, parmi lesquelles la nourriture et les frais de vêtement (OCHSNER, Le minimum vital, op. cit., p. 128). D'autres charges indispensables, comme les frais de logement (art. II.1 et II.3 NI-2019), les primes d'assurance-maladie obligatoire (art. II.3 NI-2019), les contributions d'entretien dues en vertu de la loi (art. II.5 NI-2019) ou les frais de formation des enfants (art. II.6 NI-2019), doivent être ajoutées à cette base mensuelle d'entretien, pour autant qu'elles soient effectivement payées (OCHSNER, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 82 ad art. 93 LP). La base mensuelle d'entretien est fixée sous forme de forfaits attribués au débiteur et aux membres de sa famille en fonction de la composition du groupe familial. Pour un débiteur vivant seul il s'élève à 1'200 fr., pour un débiteur monoparental à 1'350 fr., pour un couple marié, deux personnes vivant en partenariat enregistré ou un couple avec enfants à 1'700 fr., pour les enfants, par enfant, à 400 fr. jusqu'à l'âge de 10 ans et 600 fr. après 10 ans (NI-2019 in RS/GE E.3.60.04), sous déduction des allocations familiales (Ochsner, op. cit., p. 132).

2.2 En l'espèce, la plaignante ne formule pas réellement de griefs contre le procès-verbal de saisie entrepris. Elle souligne essentiellement le caractère "cavalier" de la saisie. Sa plainte est ainsi à la limite de l'irrecevabilité faute de motivation suffisante. Le fait que le procès-verbal contienne deux erreurs sur la situation familiale de la débitrice - admises et corrigées par l'Office - est sans incidence sur la décision rendue par ce dernier. Les quelques contestations de la créance en poursuite par la plaignante ne sont pas recevables dans le cadre d'une plainte au sens de l'art. 17 LP. A______ invoque essentiellement le fait que l'Office a saisi des fonds qui lui servaient de réserve pour les imprévus, ce par quoi il faut sous-entendre de l'épargne. Il ne s'agit donc pas de sommes représentant ses revenus réguliers qui seraient par hypothèse insaisissables. L'Office a d'ailleurs souligné avoir laissé les montants suffisants pour vivre sur les comptes de la plaignante. Cette dernière ne développe d'ailleurs aucun grief et n'allègue aucun fait pertinent en lien avec une éventuelle atteinte à son minimum vital, qui se détermine selon les principes exposés ci-dessus. Il lui appartenait à cet égard de collaborer avec l'Office pour arrêter ses charges incompressibles, ses revenus et la quotité saisissable de ces derniers. Finalement, la plaignante n'invoque aucune autre circonstance permettant de penser que les montants saisis seraient insaisissables pour d'autres motifs ou que les opérations de saisie ne se seraient pas déroulées conformément à la loi ou auraient été inopportunes. Le caractère incisif et inattendu de la saisie, ou à tout le moins ressenti comme tel par la débitrice, est essentiellement la conséquence de son absence de collaboration et non pas d'une attitude inadéquate de l'Office.

Le procès-verbal de saisie attaqué ne consacre donc aucune violation de la loi et la plainte doit être rejetée, dans la mesure où elle est recevable.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

A la forme :

Déclare recevable la plainte déposée le 18 décembre 2020 par A______ contre le procès-verbal de saisie du 11 décembre 2020, série n° 3______.

Au fond :

La rejette.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Messieurs Luca MINOTTI et Denis KELLER, juges assesseurs; Madame Christel HENZELIN, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Christel HENZELIN

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.