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Décisions | Chambre de surveillance en matière de poursuite et faillites

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A/3019/2020

DCSO/149/2021 du 15.04.2021 ( PLAINT ) , REJETE

Descripteurs : Retard injustifié; notification du commandement de payer; société sans adresse et dont les organes ne peuvent être atteints
Normes : LP.17.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3019/2020-CS DCSO/149/21

DECISION

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre de surveillance
des Offices des poursuites et faillites

DU JEUDI 15 AVRIL 2021

 

Plainte 17 LP (A/3019/2020-CS) formée en date du 25 septembre 2020 par A______.

 

* * * * *

 

Décision communiquée par courrier A à l'Office concerné et par pli recommandé du greffier du 19 avril 2021
à :

-       A______

______

Genève.

- Office cantonal des poursuites.

 

 


EN FAIT

A. a. A______ a requis, le 8 janvier 2020, la poursuite de B______ pour un montant de 1'549 fr. 80 correspondant à une facture impayée du 19 juin 2019.

b. Par courrier recommandé du 20 janvier 2020, l'Office cantonal des poursuites (ci-après l'Office), a adressé à A______ une décision dont la teneur était la suivante :

"L'Office des poursuites ne peut donner suite à votre réquisition de poursuite pour le/les motif(s) suivant(s).

Veuillez préciser qui vous entendez poursuivre. S'agit-il de la société inscrite au Registre du Commerce de Genève sous la raison sociale suivante : B______ SARL

Il vous appartient de déposer une nouvelle réquisition de poursuite dûment complétée.

En cas de question, veuillez contacter Mme (...).

La présente décision peut faire l'objet d'une plainte auprès de la Chambre de Surveillance (...)."

c. L'Office a adressé le 21 janvier 2020 à A______ une facture de frais de
13 fr. 30 pour l'édition et l'envoi d'une décision de rejet total de réquisition de poursuite. Ce document mentionnait des voies de recours, soit le dépôt d'une plainte dans le délai de 10 jours auprès de l'autorité de surveillance.

d. A______ a redéposé une réquisition de poursuite contre B______ SARL le 24 janvier 2020.

e. L'Office a établi un commandement de payer le 30 janvier 2020, lequel a fait l'objet d'une tentative de notification au siège de B______ SARL le 19 février 2020 qui a échoué en raison du "départ, sans laisser d'adresse" de la débitrice.

f. L'Office a envoyé un courrier postal à cette dernière le 26 février en l'invitant à se présenter à l'Office pour la notification d'un acte de poursuite, sans succès.

g. A______ s'est adressée le 27 mars 2020 à l'Office pour connaître l'avancement de la poursuite.

L'Office lui a répondu le 16 avril 2020 que la poursuite était traitée en vue de notification du commandement de payer. Toutefois les poursuites étaient suspendues en raison des féries de Pâques et de la pandémie de COVID-19. Dès que cela serait possible les tentatives de notification seraient reprises.

h. L'Office a établi un nouveau commandement de payer le 15 mai 2020 adressé le 26 mai 2020 au domicile privé de l'associée gérante de B______ SARL, C______. Faute d'avoir pu être remis à la débitrice par la poste selon la procédure normale, cet acte a été retourné non notifié le 2 juin 2020 à l'Office.

Des tentatives infructueuses de notifications spéciales ont encore eu lieu les 10 et 11 juin 2020 à cette adresse. Des convocations à l'Office en vue de retirer un acte de poursuite ont également été envoyées à cette adresse les 12 et 15 juin 2020, sans succès.

i. Ces tentatives de notification se sont croisées avec un nouveau courrier de A______ du 10 juin 2020 à l'Office pour demander des nouvelles de la poursuite.

L'Office y a répondu le 17 juin 2020 en exposant les nouvelles tentatives de notification à l'adresse privée de l'organe de B______ SARL.

j. B______ SARL a été déclarée en faillite entretemps, le 4 juin 2020.

k. L'Office a adressé le 7 juillet 2020 à A______ une facture des émoluments liés à la poursuite en 131 fr. 78, portant notamment sur l'établissement une première tentative de notification d'un commandement de payer (30.1.2020 : 60 fr. + 8 fr.), diverses tentatives ultérieures de notifications (25.2.20 : 27 fr. 25; 15.5.2020 : 8 fr.; 18.6.2020 : 27 fr. 25) et envois de convocation (26.2.2020 :
1 fr. 28). Ce document mentionnait des voies de recours, soit le dépôt d'une plainte dans le délai de 10 jours auprès de l'autorité de surveillance.

l. L'Office a écrit le 31 juillet 2020 à A______ pour l'informer de l'impossibilité d'atteindre la débitrice, tant au siège social qu'au domicile de son associée gérante, laquelle se trouverait à l'étranger. Il invitait par conséquent la créancière à lui communiquer une nouvelle adresse efficace pour la notification des actes de poursuite. A défaut, une décision de non-lieu de notification serait rendue.

m. L'Office a rendu une telle décision le 9 septembre 2020, notifiée le même jour par pli recommandé à A______, et reçue le 14 septembre 2020.

B. a. Par acte expédié le 25 septembre 2020 à la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et faillites (ci-après la Chambre de surveillance), A______ a formé une plainte contre cette décision. Il reprochait à l'Office d'avoir rejeté sa première réquisition de poursuite au motif qu'elle avait omis la mention "SARL", alors qu'une seule société dénommée B______ avait son siège à l'adresse mentionnée. Il fait ensuite grief à l'Office d'avoir mis six mois pour tenter de notifier un commandement de payer au motif que les délais étaient suspendus, ce qui a permis à la débitrice et à ses dirigeants de "faire leurs valises". Cette activité infructueuse de l'Office lui a néanmoins été facturée et elle souhaitait être remboursée.

b. Le greffe a ouvert une procédure en considérant que la plaignante invoquait notamment le grief de retard injustifié dans le traitement de la poursuite.

c. L'Office a déposé des observations le 14 octobre 2020 dans lesquelles il concluait au rejet de la plainte. Il y exposait le processus de notification décrit ci-dessus et notait qu'il n'avait pas facturé les émoluments liés à l'interpellation du
31 juillet 2020 et à la décision de non-lieu de notification, lesquelles n'avaient pas lieu d'être vu le prononcé de la faillite de la débitrice dont l'Office avait été informé que le 7 juillet 2020.

d. Le greffe la Chambre de surveillance a informé les parties par courrier du
19 octobre 2020 que la cause était gardée à juger.

C. La liquidation de la faillite de B______ SARL a été suspendue faute d'actifs le 11 février 2021 et clôturée le 11 mars 2021 en l'absence d'avance de frais permettant la liquidation. La société a été radiée le ______ 2021.

 

EN DROIT

1.             1.1 La Chambre de surveillance est compétente pour statuer sur les plaintes formées en application de l'article 17 LP (art. 13 LP; art. 125 et 126 al. 2 let. c LOJ; art. 6 al. 1 et 3 et 7 al. 1 LaLP) contre les mesures de l'Office ne pouvant être contestées par la voie judiciaire (al. 1), ainsi qu'en cas de déni de justice ou de retard à statuer (al. 3).

La plainte de l'art. 17 LP sert à corriger un vice dans la procédure d'exécution forcée. Lorsque, par cette voie, le plaignant entend seulement faire constater l'acte illicite de l'Office en vue d'obtenir la réparation de son dommage dans un procès en responsabilité contre le canton, voire même obtenir directement cette réparation, sa plainte est irrecevable (ATF 138 III 265 consid. 3.2; ATF 118 III 1 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 5A_312/2012 du 18 juillet 2012 consid. 5). Est ainsi notamment irrecevable la prétention en remboursement de frais de poursuite pour valoir réparation partielle du préjudice causé par des actes irréguliers de l'Office (arrêt du Tribunal fédéral 7B_172/2020 du 12 novembre 2020 consid. 2).

1.2. La plainte doit être déposée, sous forme écrite et motivée (art. 9 al. 1 et 2 LaLP; art. 65 al. 1 et 2 LPA, applicable par renvoi de l'art. 9 al. 4 LaLP), dans les dix jours de celui où le plaignant a eu connaissance de la mesure (art. 17 al. 2 LP). Elle peut également être déposée en tout temps en cas de nullité de l'acte contesté (art. 22 al. 1 LP), de retard à statuer et de déni de justice (art. 17 al. 3 LP).

1.3. A qualité pour former une plainte toute personne lésée ou exposée à l'être dans ses intérêts juridiquement protégés, ou tout au moins touchée dans ses intérêts de fait, par une décision ou une mesure de l'office (ATF 138 III 628 consid. 4; 138 III 219 consid. 2.3; 129 III 595 consid. 3; 120 III 42 consid. 3).

1.4. En l'occurrence, la plainte a été déposée dans les dix jours suivant la décision de non-lieu de notification et elle est donc recevable dans la mesure où elle vise cette décision. Or, aucun des griefs adressés à l'Office ne concerne cette décision. S'agissant des décisions de mettre les frais à charge de la plaignante, elles ont été rendues les 21 janvier et 7 juillet 2020; elles ne peuvent être remises en cause par une plainte déposée le 25 septembre 2020.

Quant à la demande de remboursement des frais au motif qu'ils représenteraient un préjudice subi par le créancier requérant du fait de l'inactivité ou d'un traitement déficient de la poursuite par l'Office, elle ne relève pas de la compétence de la Chambre de surveillance.

Reste le grief de retard injustifié qui n'est pas soumis à délai et relève de la compétence de la Chambre de céans.

2. 2.1.1 Il y a retard non justifié, au sens de l'art. 17 al. 3 LP, lorsqu'un organe de l'exécution forcée n'accomplit pas un acte qui lui incombe - d'office ou à la suite d'une requête régulière - dans le délai prévu par la loi ou dans un délai raisonnable compte tenu de l'ensemble des circonstances (Cometta/Möckli, Basler Kommentar, SchKG I, 2ème édition, 2010, n° 31-32 ad art. 17 LP; Dieth/Wohl, Kurz Kommentar, SchKG, 2ème édition, 2014, n° 32 ad art. 17 LP; Erard, Commentaire Romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 55 ad art. 17 LP).

2.1.2 La réquisition de poursuite énonce notamment le nom et le domicile du débiteur (art. 67 LP). Le nom doit être énoncé de manière claire et certaine; une mention insuffisante rend nulle la réquisition de poursuite (ATF 114 III 62
consid. 1a; ATF 98 III 24; ATF 62 III 134). Lorsqu'un défaut affecte la réquisition de poursuite, l'Office peut refuser d'y donner suite, en fixant le cas échéant au poursuivant un délai pour remédier au vice. Lorsque le défaut n'entraîne pas la nullité (art. 22 al. 1 LP) de la réquisition, la jurisprudence prescrit aux offices d'impartir au poursuivant un délai aux fins de rectifier ou compléter les indications viciées, ou de lui demander les renseignements nécessaires. S'agissant du domicile et de l'adresse du débiteur, c'est en premier lieu au poursuivant - et non à l'Office - qu'il incombe de les rechercher, respectivement de vérifier si l'adresse dont il dispose correspond encore à celle du domicile du débiteur; pour sa part, l'Office doit vérifier les indications relatives au domicile du débiteur fournies par le créancier, dès lors que sa compétence à raison du lieu en dépend; l'Office peut rechercher lui-même, aux frais du créancier, le véritable domicile du débiteur ou le demander au créancier en l'invitant à rectifier sa réquisition de poursuite à cet égard (ATF 141 III 173 consid. 2.4 et les références; ATF 120 III 110 cons. 1b; ATF 114 III 62 consid. 1a; ATF 98 III 24; ATF 62 III 134; DCSO/73/2019 du 08 février 2019 consid. 2.1.1 et les références citées; Ruedin, Commentaire romand, Poursuite et faillite, 2005, n° 11, 17, 18, 49 ad art. 67 LP).

2.1.3 A réception d'une réquisition de poursuite, l'Office vérifie que celle-ci est conforme aux prescriptions de l'art. 67 al. 1 et 2 LP ainsi que, sur la base des indications données par le créancier et de ses propres vérifications, sa compétence à raison du lieu. Si la réquisition de poursuite répond aux exigences de l'art. 67 al. 1 et 2 LP et n'est pas nulle pour un autre motif, l'Office rédige (art. 69 al. 1 LP) et notifie (art. 71 al. 1 LP) sans attendre le commandement de payer. Ces dispositions constituent des prescriptions d'ordre imposant à l'Office d'agir sans délai, "aussi vite que possible"; leur éventuelle violation est toutefois sans effet sur la validité du commandement de payer (Gilliéron, Commentaire LP, n° 14 ad art. 71 LP; Malacrida/Roesler, Kurz Kommentar, SchKG, n° 3 ad art. 71 LP).

Une fois le commandement de payer établi conformément à l'article 69 alinéa 2 LP, la durée de la procédure de notification proprement dite dépend en partie de circonstances sur lesquelles l'Office n'a pas de prise, telles la présence du débiteur ou d'un tiers habilité à recevoir le commandement de payer à sa place au moment de la notification, de l'éventuelle absence de collaboration du débiteur, de sa diligence, d'éventuelles difficultés à le localiser, etc. L'Office n'en est pas moins tenu de poursuivre de manière diligente et sans désemparer ses efforts en vue de la notification, dans le respect des articles 64 et suivants LP.

2.2 En l'espèce, l'Office a déployé une activité continue entre janvier et juin 2020 en vue de notifier le commandement de payer à la débitrice ou à son organe, hormis dans la période de suspension liée à la pandémie de COVID-19 et de Pâques. Sa tâche a été rendue ardue par une débitrice sans adresse ni activité et un organe absent. En outre, la créancière, qui est censée connaître son débiteur et pouvoir fournir des informations à l'Office, n'a pas été en mesure de le faire. Finalement, la situation de la débitrice était si obérée que la faillite est rapidement intervenue interrompant les opérations de poursuite. Si la créancière a pu croire, chaque fois qu'elle a interpellé l'Office, que ce dernier ne faisait rien, faute de communication spontanée, il tentait en réalité d'atteindre une débitrice sans activité, ni adresse, aux organes absents et vraisemblablement sans actifs. Dans de telles circonstances la Chambre de céans écartera le reproche de retard injustifié.

2.3 En conclusion, la plainte sera rejetée dans la mesure de sa recevabilité.

3. La procédure de plainte est gratuite (art. 20a al. 2 ch. 5 LP; art. 61 al. 2 let. a OELP) et ne donne pas lieu à l'allocation de dépens (art. 62 al. 2 OELP).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre de surveillance :

Rejette la plainte de A______ du 25 septembre 2020 dans la mesure de sa recevabilité.

Siégeant :

Monsieur Jean REYMOND, président; Madame Natalie OPPATJA et Monsieur Mathieu HOWALD, juges assesseur(e)s; Madame Véronique AMAUDRY-PISCETTA, greffière.

 

Le président :

Jean REYMOND

 

La greffière :

Véronique AMAUDRY-PISCETTA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

Le recours en matière civile au sens de l'art. 72 al. 2 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110) est ouvert contre les décisions prises par la Chambre de surveillance des Offices des poursuites et des faillites, unique autorité cantonale de surveillance en matière de poursuite pour dettes et faillite (art. 126 LOJ). Il doit être déposé devant le Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, dans les dix jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la présente décision (art. 100 al. 1 et 2 let. a LTF) ou dans les cinq jours en matière de poursuite pour effets de change (art. 100 al. 3 let. a LTF). L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire. Le recours doit être rédigé dans une langue officielle, indiquer les conclusions, en quoi l'acte attaqué viole le droit et les moyens de preuve, et être signé (art. 42 LTF).

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.