Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/366/2025 du 07.04.2025 ( OCPM ) , ADMIS
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 7 avril 2025
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dans la cause
Madame A______ et Madame B______, représentée par sa mère Madame C______, toutes représentées par Me Pierre OCHSNER, avocat, avec élection de domicile
contre
OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS
1. Madame C______, ressortissante du Kosovo, réside en Suisse depuis le 7 août 2020 et a obtenu un permis de séjour dans le cadre d'un regroupement familial suite à son mariage d'avec Monsieur D______, ressortissant suisse. Elle a deux filles d'un précédent mariage, A______, née le ______ 2005, et B______, née le ______ 2008, également ressortissantes du Kosovo.
2. Le 23 octobre 2023, A______ et B______ ont déposé une demande de visa d'entrée en Suisse et d'autorisation de séjour, auprès de la représentation suisse au Kosovo.
En substance, leur père les avait isolées et violentées physiquement et psychologiquement durant de nombreuses années, ce qui les avaient empêchées de déposer leur demande dans les délais et de vivre avec leur mère plus tôt. Seul un regroupement familial en Suisse, auprès de leur mère, permettait de garantir leur bien-être.
3. Elles sont arrivées à Genève en janvier 2024 et vivent depuis lors avec leur mère, leur beau-père, la fille et le beau-fils de ce dernier ainsi que leurs deux enfants, dans un appartement de quatre pièces sis à Les E______, F______ 1______ . A______ et B______ dorment au salon alors que leur mère et son époux dans une chambre et les quatre autres membres de la famille dans une autre.
4. Par décision du 23 avril 2024, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de délivrer l'autorisation de séjour sollicitée et prononcé le renvoi de Suisse d'A______ et B______, leur impartissant un délai au 24 juillet 2024 pour ce faire.
Les conditions des art. 30 al. 1 let. b et 44 al. 1 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et des art. 31 et 75 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) n'étaient pas remplies, leur demande était tardive et le logement où elles résidaient n'était pas approprié.
5. Par acte du 27 mai 2024, A______ et B______, représentées par leur mère, sous la plume de leur conseil, ont formé recours contre cette décision, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal) concluant principalement à son annulation et à l'octroi d'autorisations de séjour en leur faveur, subsidiairement à renvoyer la cause à l'OCPM pour nouvelle décision. Préalablement, elles ont sollicité leur comparution personnelle.
Elles ont notamment produit des preuves de recherches d'appartements de quatre ou cinq pièces car Mme C______, son époux, A______ et B______ souhaitaient vivre ensemble dans un nouveau logement.
6. Le 17 juillet 2024, l'OCPM a déposé ses observations et confirmé sa décision.
La condition relative au logement approprié n'était pas satisfaite (art. 44 al. 1 let. b LEI).
7. Les recourantes ont répliqué le 16 août 2024, persistant dans leur argumentaire et conclusions.
8. Dans sa duplique du 18 septembre 2024, l'OCPM n'a pas déposé d'observations complémentaires.
9. Le 29 janvier 2025, le tribunal a entendu A______ et B______ ainsi que Mme C______.
A l'issue de l'audience, il a imparti un délai au 21 février 2025 à l'OCPM pour se déterminer sur la suite de la procédure.
10. Le 21 février 2025, l'OCPM a déposé ses observations.
L'audience avait permis de clarifier la situation familiale en particulier s'agissant du contexte de violence dans lesquelles les filles de Mme C______ avaient vécu jusqu'à leur venue en Suisse. Les explications et déclarations fournies par A______ et B______, dotées d'une crédibilité sérieuse par leur précision notamment, permettaient de confirmer une relation conflictuelle avec leur père, laquelle avait eu pour conséquence de limiter, voire empêcher, les démarches entreprises par Mme C______ afin de faire venir ses filles en Suisse. Dans ces circonstances, les conditions posées par l'art. 47 al. 4 LEI étaient réalisées.
Cela étant, il s'en rapportait à justice s'agissant de la condition du logement approprié au sens de l'art. 44 al. 1 let. b LEI.
11. Le 13 mars 2025, les recourantes ont transmis une attestation de la régie G______ SA attestant qu'un appartement de quatre pièces serait attribué à Mme C______ et son époux, dans un immeuble sis rue H______ 2______ à Genève, d'ici la fin 2025. Dès lors, le couple pourrait dormir dans une chambre et A______ et B______ dans une autre.
Selon cette attestation, l'appartement concerné devant servir de rocade pour des locataires de l'immeuble dont les conduites sanitaires devaient être refaites, il ne lui était pas possible d'établir un contrat avec une date d'entrée pour le moment mais celle-ci pourrait être définie dans les deux mois.
12. Les autres éléments figurant au dossier seront repris dans la partie « en droit » en tant que de besoin.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).
3. Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).
4. L'objet du litige est défini principalement par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_686/2017 du 31 août 2018 consid. 4.3 ; ATA/1205/2024 du 15 octobre 2024 consid. 2.1 ; ATA/956/2024 du 20 août 2024 consid. 3.4). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (arrêt du Tribunal fédéral 8C_736/2023 du 2 octobre 2024 consid. 2.1). L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés (ATA/956/2024 du 20 août 2024 consid. 3.4, ATA/957/2024 du 20 août 2024 consid. 3.4).
5. En l'espèce, l'OCPM a admis, dans ses observations du 21 février 2025, que les conditions posées par l'art. 47 al. 4 LEI étaient réalisées, de sorte que seule reste litigeuse la question de la condition du logement approprié au sens de l'art. 44 al. 1 let. b LEI.
6. En vertu de l'art. 44 al. 1 let. b LEI, le conjoint étranger du titulaire d’une autorisation de séjour ainsi que ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans peuvent obtenir une autorisation de séjour et la prolongation de celle-ci pour autant notamment, qu'ils disposent d’un logement approprié.
7. En l'état, il est indéniable que le logement de quatre pièces où vivent les recourantes n'est pas adapté puisque surpeuplé. En effet, cinq adultes y vivent avec deux enfants en bas âge ainsi qu'une adolescente. Toutefois, elles sont assurées de déménager dans un logement adéquat d'ici la fin de l'année de sorte qu'il serait disproportionné de leur refuser l'autorisation de séjour à laquelle elles ont droit et de prononcer leur renvoi de Suisse pour ce seul motif. Les recourantes ayant la garantie de déménager dans un logement approprié, dans un court délai, la condition de l'art. 44 al. 1 let. b LEI est ainsi réalisée.
8. Partant, le recours sera admis, la décision attaquée annulée et la cause renvoyée à l'OCPM afin qu'il délivre des autorisations de séjour au sens de l'art. 44 LEI à A______ et B______.
9. Vu l'issue du litige, aucun émolument ne sera mis à la charge des recourantes, qui obtiennent gain de cause, de sorte que leur avance de frais leur sera restituée (art. 87 al. 1 LPA).
10. Une indemnité de procédure de CHF 800.-, à la charge de l’État de Genève, soit pour lui l'autorité intimée, valant participation aux honoraires d'avocat que les recourantes ont dû supporter aux fins de la procédure, leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA et 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).
11. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 27 mai 2024 par Madame A______ et Madame B______, représentée par sa mère Madame C______, contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 23 avril 2024 ;
2. l'admet ;
3. annule la décision précitée et renvoie la cause à l'office cantonal de la population et des migrations afin qu'il délivre des autorisations de séjour au sens de l'art. 44 LEI à A______ et B______ ;
4. dit qu'il n'est pas perçu d'émolument et ordonne la restitution aux recourantes, prise conjointement et solidairement, de leur avance de frais de CHF 500.- ;
5. condamne l’État de Genève, soit pour lui l’office cantonal de la population et des migrations à verser aux recourantes une indemnité de procédure de CHF 800.- ;
6. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Gwénaëlle GATTONI
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au SEM.
Genève, le |
| La greffière |