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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1097/2025

JTAPI/342/2025 du 01.04.2025 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.75.al1.letb; LEI.76.al1.letb.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1097/2025 MC

JTAPI/342/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 1er avril 2025

 

dans la cause

 

 

Monsieur A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 2003, est ressortissant sénégalais. Il est en possession d'un titre de séjour espagnol valable jusqu'au 7 mars 2028.

2.             Il a été condamné le 27 novembre 2024 par le Ministère public du canton de Genève à une peine privative de liberté de 60 jours, avec sursis, délai d'épreuve trois ans, pour vente de crack (art 19 al. 1 let. c à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 - LStup - RS 812.121) et infractions à l'art 115 al. 1 à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

3.             Par décision du même jour, prise par le commissaire de police, il lui a été fait interdiction de pénétrer dans le canton de Genève, pour une durée de douze mois, en application de l'art 74 al. 1 let. a LEI.

4.             M. A______ a été interpellé à Genève le 15 janvier 2025, en violation de l'interdiction précitée.

5.             Le 16 janvier 2025, M. A______ s'est vu notifier par l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une décision de renvoi, en application de l'art. 64c LEI.

6.             Une demande de réadmission en Espagne a été immédiatement entreprise.

7.             Le 16 janvier à 15h10, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M, A______ pour une durée de quatre semaines.

8.             Par jugement du 20 janvier 2025, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) a confirmé la détention administrative de l'intéressé pour la durée demandée (JTAPI/57/2025).

9.             Le 24 janvier 2025, M. A______ a été refoulé en Espagne.

10.         M. A______ est revenu à Genève le 4 mars 2025. Il a été arrêté à la douane de B______ après avoir tenté de se légitimer avec une pièce qui ne lui appartenait pas. Suspectant que l'intéressé avait ingéré de la drogue, il a été soumis à un examen radiologique qui a révélé la présence d'un corps étranger d'une dizaine de centimètres dans son estomac. Le lendemain, il a été placé en détention provisoire à Champ-Dollon par le Ministère public après que l'intéressé avait déclaré se savoir faire l'objet d'une interdiction cantonale, mais être entré en Suisse par erreur, s'être légitimé avec une carte d'une tierce par erreur, ne pas avoir ingérée de la drogue. M. A______ a précisé ne pas avoir d'adresse à Genève, faire des allers-retours entre l'Espagne et la France, être démuni de moyens d'existence.

11.         Le 28 mars 2025, M. A______ a été relaxé par le Ministère public et remis aux services de police.

12.         Par décision du 28 mars 2025, l'OCPM a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______, en application de l’art. 64 al. 1 LEI, et a chargé les services de police d'exécuter le renvoi de l'intéressé.

13.         Toujours le 28 mars 2025, les services de police ont soumis au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) une demande de réadmission à faire pour l'intéressé selon les modalités de l'Accord du 17 novembre 2003 entre la Confédération suisse et le Royaume d’Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière (RS 0.142.113.329; entrée en vigueur: 12 janvier 2005).

14.         Le 28 mars 2025, à 18h41, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée d'un mois, retenant qu'il remplissait les conditions légales d'une détention administrative notamment en raison du fait qu'il avait violé une décision d'interdiction de pénétrer dans une zone déterminée.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il ne s’opposait pas à son renvoi en Espagne.

15.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au tribunal le même jour.

16.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a précisé qu’il avait un emploi qui débutait en Espagne le 5 avril 2025 et qu’il souhaitait donc pouvoir quitter la Suisse immédiatement. S’il était libéré, il quitterait encore ce jour la Suisse et prendrait le premier moyen de transport pour C______(Espagne) en s'engageant à ne plus revenir en Suisse. Sur question du tribunal de savoir s’il avait les moyens de prendre l'avion, il avait une connaissance à Annemasse qui pourrait l'aider, mais il comptait prendre le bus.

Le représentant du commissaire de police a indiqué qu’à ce jour, il n’avait pas encore reçu de réponse des autorités espagnoles et lorsque ce serait le cas, un vol pourrait être réservé dans un délai d'environ trois jours.

Le conseil de l’intéressé a insisté sur le fait que, contrairement à ce que laissait entendre la décision litigieuse, les examens qui avaient eu lieu sur M. A______ lors de son arrestation en mars 2025 n'avaient pas révélé de présence de drogue dans son système digestif. Elle a insisté également sur le fait que M. A______ n'avait pas été condamné par le Ministère public pour le fait qu'il se serait légitimé avec une pièce d'identité concernant une tierce personne et qu'en réalité, cette absence de condamnation s'expliquait par le fait que lors de son arrestation, il y avait dans ses affaires une carte d'identité concernant un tiers, mais il n'avait en revanche pas essayé de se légitimer avec.

Le représentant du commissaire de police a demandé la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative prononcé à l’encontre de M. A______ pour une durée d’un mois.

Le conseil de M. A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de ce dernier.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 28 mars 2025 à 18h00.

3.            À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. b LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle quitte la région qui lui est assignée ou pénètre dans une zone qui lui est interdite en vertu de l’art. 74 LEI.

4.            En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse prononcée par l'OCPM le 28 mars 2025 et, en entrant dans le canton de Genève le 4 mars 2025, a pénétré dans une zone qui lui avait été interdite par décision du 27 novembre 2024 pour une durée de douze mois (expirant le 26 novembre 2025). Par conséquent, les conditions légales de sa détention, au sens des dispositions sus-rappelées, sont, sur le principe, réalisées, ce que d'ailleurs M. A______ ne conteste pas.

5.             Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

6.             Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

7.             Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

8.            Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

9.            En l'espèce, l'intérêt public au renvoi de M. A______ peut justifier qu'il soit privé de sa liberté pendant une certaine durée. En outre, compte tenu de son retour à Genève un peu plus d'un mois après son renvoi en Espagne, alors qu'il ne pouvait pas ignorer l'interdiction de pénétrer à nouveau dans ce canton, il n'y a pas lieu d'escompter qu'une mesure moins incisive que la détention, comme une nouvelle mesure fondée sur l'art. 74 LEI, permette de s'assurer de sa présence lors de l'exécution de son renvoi.

10.        M. A______ soutient que sa détention serait en soi disproportionnée dans la mesure où, compte tenu notamment de l'emploi qu'il pourra occuper en Espagne dès le 5 avril 2025, il n'aurait lui-même aucun intérêt à demeurer plus longuement en Suisse. Or, l'enjeu, pour les autorités suisses, n'est pas uniquement de s'assurer que M. A______ quitte le territoire national et qu'il le fasse le plus vite possible, mais aussi, à partir du moment où elles ont la responsabilité du précité, de s'assurer du respect des engagements pris par la Suisse vis-à-vis des autorités espagnoles, en application des accords de Schengen et des accords bilatéraux qui lient les différents Etats signataires de ces accords. Ces engagements obligent la Suisse à respecter les règles de procédure convenues avec l'Espagne, soit notamment à demander aux autorités de ce pays un accord de réadmission pour chaque cas individuel. Par conséquent, la logique sur laquelle se fonde M. A______ pour soutenir que sa détention est disproportionnée est incomplète.

11.        Enfin, même si la durée de détention prononcée est d'un mois, tandis que le délai dans lequel le renvoi de M. A______ vers l'Espagne ne devrait pas excéder quelques jours, la durée susmentionnée n'apparaît pas en tant que telle disproportionnée et devrait en réalité s'avérer largement sans objet.

12.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée d’un mois.

13.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 28 mars 2025 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée d’un mois, soit jusqu'au 27 avril 2025 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière