Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2439/2024

JTAPI/347/2025 du 02.04.2025 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CONJOINT ÉTRANGER;SUSPENSION DE LA VIE COMMUNE;CAS DE RIGUEUR;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.43.al1; LEI.50; LEI.64
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2439/2024

JTAPI/347/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 2 avril 2025

 

dans la cause

 

 

Monsieur A______

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1994, est ressortissant de Colombie.

2.             Le ______ 2020, il a épousé à Genève Madame B______, née le ______ 1983, ressortissante colombienne alors titulaire d’une autorisation de séjour en Suisse.

3.             Suite à son mariage, il a été mis au bénéfice d’une autorisation de séjour dans le cadre du regroupement familial, régulièrement renouvelée jusqu’au 18 novembre 2024.

4.             Par arrêt de la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de Justice (ci‑après : CPAR) du 2 novembre 2022, M. A______ a été condamné à une peine pécuniaire de 180 jours-amende, avec sursis et délai d’épreuve de 3 ans, pour pornographie (art. 197 al. 4 2e phr. du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0), séjour illégal (entre le 6 avril 2016 et le 22 juin 2020) et exercice d’une activité lucrative sans autorisation (entre janvier 2017 et le 22 juin 2020). Il a été renoncé à une expulsion pour cas de rigueur (art. 66a al. 2 CP).

Il ressortait notamment des faits retenus que M. A______ était né en Colombie, où vivaient ses parents et sa sœur. Il y avait été scolarisé jusqu’à la fin de l’école obligatoire, puis avait été formé comme coach sportif avant de travailler dans ce domaine durant quatre ans. Il était arrivé en Suisse en 2016 et avait notamment travaillé comme nettoyeur de chantier et plongeur.

5.             Par courrier du 25 janvier 2023, Mme B______, qui avait entre-temps été mise au bénéfice d’une autorisation d’établissement, a informé l’OCPM que son époux avait quitté le domicile conjugal le 10 novembre 2022 et que depuis cette date, aucune reprise de vie conjugale n’avait eu lieu.

6.             Par jugement du 13 juin 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : TPI) a notamment autorisé les époux à vivre séparé.

7.             Le 10 août 2023, l’OCPM a réceptionné un formulaire d’annonce de changement d’adresse de M. A______ depuis le 24 juillet 2023.

8.             Par courrier du 10 avril 2024, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser le renouvellement de son autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai de 30 jours lui était accordé pour exercer, par écrit, sont droit d’être entendu.

9.             Par courrier du 7 mai 2024, M. A______ a, en substance, fait valoir qu’il travaillait depuis le 1er décembre 2023 auprès d’un EMS à C______ en tant qu’auxiliaire de santé à plein-temps pour un salaire mensuel brut de CHF 4’373.-. Il avait suivi une formation d’instructeur de fitness et consacrait son temps à préparer un business plan pour son projet de « fitness médical » dédié aux personnes âgées. Il souhaitait pouvoir rester en Suisse où il avait le centre de ses intérêts et ses attaches affectives. Toute sa famille habitait à Genève. Son épouse et lui n’avaient pas introduit de demande en divorce, car ils gardaient l’espoir de pouvoir reconstruire leur couple. Cela faisait huit ans qu’il n’habitait plus en Colombie et il avait perdu tout réflexe pour y vivre.

Il a produit des certificats de travail, un avenant à son contrat de travail signé le 1er avril 2024, une attestation de C______ de niveau A2 en français, un certificat d’aptitude professionnelle de « fitness instructeur », un diplôme d’auxiliaire en soins, ainsi qu’un business plan pour son projet de « fitness médical ».

10.         Par décision du 19 juin 2024, l’OCPM a révoqué l’autorisation de séjour de M. A______ et prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 19 septembre 2024 pour quitter le territoire.

Les conditions de prolongation d’une autorisation de séjour selon l’art. 43 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de poursuite du séjour après la dissolution du mariage au sens de l’art. 50 LEI n’étaient pas remplies.

L’union conjugale en Suisse avait duré moins de trois ans, les époux s’étant mariés le ______ 2020 et séparés le 10 novembre 2022. Les conditions de l’art. 50 al. 1 let. a LEI étant cumulatives, il n’y avait pas lieu d’examiner plus avant le degré d’intégration de l’intéressé. En outre, ce dernier n’avait pas été victime de violences conjugales et son mariage n’avait pas été célébré contre sa volonté.

S’agissant des possibilités de réintégration sociale en Colombie, il y avait vécu durant toute son enfance et son adolescence, soit les années qui apparaissaient comme essentielles pour la formation de la personnalité et, partant, pour l’intégration sociale et culturelle. Dans ces conditions, il n’était pas concevable que son pays lui soit devenu à ce point étranger qu’il ne serait pas en mesure d’y retrouver ses repères. Ainsi, malgré la durée de son séjour en Suisse, sa réintégration en Colombie ne pouvait être tenue pour fortement compromise. Sa situation personnelle ne se distinguait guère de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités en Colombie, étant rappelé que l’exception aux mesures de limitation n’avait pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie dans son pays d’origine.

Au surplus, le dossier ne faisait pas apparaître que l’exécution du renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

11.         Par acte du 17 juillet 2024, M. A______ (ci-après : le recourant) a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant principalement à son annulation et ce que l’OCPM soit enjoint à préaviser favorablement sa demande d’autorisation de séjour, subsidiairement à ce que le dossier soit renvoyé à l’OCPM pour nouvelle décision dans le sens des considérants, sous suite de frais et dépens. Sur mesures provisionnelles, il sollicitait l’octroi de l’effet suspensif à l’ordre de quitter le territoire suisse jusqu’à droit connu sur le recours.

Son intérêt privé à pouvoir poursuivre son séjour en Suisse le temps de la procédure devait l’emporter sur l’intérêt public à l’application stricte de la politique migratoire. Il était de surcroît actif dans une branche économique qui demandait fortement du personnel et son employeur avait besoin de lui. En cas de renvoi, il serait également privé de sa famille, dont il était très proche, et il lui serait également plus difficile d’obtenir le divorce depuis l’étranger.

Né à D______ en Colombie, il avait été élevé par sa grand-mère maternelle. Celle-ci constituait sa seule et unique attache avec son pays d’origine. Il était arrivé en Suisse le 27 avril 2016, où vivaient plusieurs membres de sa famille, notamment des oncles et tantes et des cousins. Il avait noué avec eux de forts liens, à tel point qu’il ne trouvait plus de sens de vivre ailleurs. Il avait également connu son épouse en Suisse, mais leur union conjugale avait pris fin moins de trois ans après leur mariage.

Il vivait sur le territoire helvétique depuis maintenant huit ans, y avait ses attaches affectives (sa famille) et le centre de ses intérêts. Il maîtrisait le français, était indépendant financièrement et bien intégré sur le marché du travail. Il travaillait dans le domaine des soins et de la santé, secteur connaissant une pénurie de main-d’œuvre, et participait ainsi à la bonne marche de l’économie suisse. Il avait par ailleurs un projet professionnel de « fitness médical » pour les personnes âgées. Or, ce projet serait anéanti s’il ne pouvait pas bénéficier d’un permis de séjour et de travail.

La décision querellée était arbitraire et violait le principe de proportionnalité, compte tenu de son intégration et des liens affectifs qu’il entretenait avec les membres de sa famille en Suisse.

Il a produit notamment une copie de son contrat de travail signé le 19 juin 2024 avec E______ pour un poste d’auxiliaire de santé à plein temps dès le 1er août 2024 pour un salaire mensuel brut de CHF 4’231.-.

12.         Dans ses observations du 17 septembre 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés dans ce cadre n’étant pas de nature à modifier sa position. Il a produit son dossier.

Le recours était assorti de l’effet suspensif ex lege de sorte qu’il ne convenait pas de se prononcer sur la demande de suspension de l’exécution du renvoi de Suisse de l’intéressé par le biais de l’octroi de mesures provisionnelles.

Sur le fond, le recourant n’avait pas vécu en union conjugale avec sa conjointe au moins trois ans, ce qui n’était pas contesté. La question de son intégration en Suisse n’était pas déterminante au regard des conditions de l’art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI, qui ne s’attachait qu’à l’intégration dans le pays d’origine, laquelle devait être fortement compromise. Or, le fait d’avoir vécu huit ans en Suisse, dont quatre ans de manière illégale, de sorte que ces années étaient à relativiser, ne pouvait fortement compromettre sa réintégration en Colombie. Le recourant, qui était aujourd’hui âgé de 29 ans, avait en effet vécu dans sa patrie jusqu’à l’âge de 22 ans, dont l’adolescence qui était une période déterminante pour le développement de la personnalité et de l’identité sociale et culturelle d’une personne. Il avait acquis en Suisse des connaissances professionnelles qu’il pouvait mettre à profil, étant relevé qu’il était jeune, en bonne santé et sans enfants. Enfin, les membres de sa famille vivant en Suisse ne faisaient pas partie de son cercle familial nucléaire et lui-même ne se trouvait pas dans une situation de dépendance grave à l’égard de ces derniers.

De plus, aucun élément au dossier n’indiquait qu’il avait noué des liens étroits avec la Suisse tels qu’on ne pourrait plus exiger qu’il se réadapte à la vie dans sa patrie, étant souligné que les autorités pouvaient demander un certain effort de la part de la personne dont l’âge et l’état de santé devaient permettre, en cas de retour dans sa patrie, de surmonter les difficultés initiales pour se trouver un logement et un travail qui lui assure le minimum vital.

Le recourant ne pouvait ainsi se prévaloir de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite de son séjour.

Les conditions du cas de rigueur de l’art. 30 al. 1 let. b LEI en lien avec l’art. 31 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201) n’étaient pas non plus satisfaites.

Sous l’angle du respect de l’ordre et de la sécurité publics suisses, par arrêt de la CPAR du 2 novembre 2022, le recourant avait été condamné pour diffusion de pornographie dure contenant des actes d’ordres sexuels effectifs avec des mineurs. Ainsi, déjà en raison de ce fait, il ne pouvait pas se prévaloir d’une intégration exceptionnelle ou remarquable en Suisse. Enfin, le simple fait qu’un étranger doive retrouver les conditions de vie de son pays de provenance ne pouvait suffire à maintenir son titre de séjour, même si ces conditions étaient moins avantageuses que celles dont il bénéficiait en Suisse. Partant, c’était à bon droit que son renvoi avait été prononcé, l’exécution de celui-ci étant par ailleurs conforme à l’art. 83 LEI.

13.         Le recourant a répliqué par courrier du 9 octobre 2024.

Son épouse et lui n’avaient pas repris la vie commune et ils étaient en train de préparer une requête commune en divorce qui serait déposée prochainement. Il vivait en effet avec sa nouvelle compagne avec qui il avait l’intention de se marier une fois son divorce prononcé.

Il était actuellement au chômage et en l’absence de titre de séjour valable, il lui était difficile de trouver un emploi, car aucun employeur n’osait l’engager, même si son profil pour un emploi dans les soins aux personnes âgées était très demandé.

Il s’était marié par amour et non dans le but d’obtenir une autorisation de séjour. Il avait en effet déjà quatre ans de séjour et une vie en Suisse avant de se marier. Encore jeunes, son épouse et lui avaient décidé de refaire leur vie, raison pour laquelle ils avaient décidé de se séparer. Entre-temps, il continuait sa vie à Genève, à travailler et à s’investir dans son projet professionnel. Il continuait également à nourrir des liens affectifs avec sa famille vivant en Suisse.

Refuser de lui accorder une autorisation de séjour alors qu’il était jeune, formé et apte à travailler dans un domaine qui réclamait cruellement de personnel heurtait de manière choquante l’esprit de la loi.

14.         Le 5 novembre 2024, l’OCPM a informé le tribunal de céans qu’il n’avait pas d’observations complémentaires à formuler.

15.         Par courrier du 27 février 2025 adresse à l’OCPM, le recourant a demandé la reconsidération de la décision prononcée à son encontre le 19 juin 2024.

16.         Par décision du 11 mars 2025, déclaré exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur cette demande, en l’absence de faits nouveaux et important et/ou de modification importante de la situation du recourant depuis la décision attaquée.

17.         Le dossier de l’OCPM contient notamment un CV – non daté – du recourant mentionnant qu’il avait suivi une formation de peintre en bâtiment en Colombie et qu’il y avait travaillé comme aide en cuisine de 2014 à 2016. En Suisse, il avait travaillé comme peintre en bâtiment (2016), déménageur (2017 – inconnu) et agent d’entretien (2018-2019).

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Sur mesures provisionnelles, le recourant sollicite l’octroi de l’effet suspensif au recours.

4.             Selon l’art. 66 al. 1 LPA, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours. Le tribunal peut restituer l’effet suspensif à la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, lorsqu’aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose (art. 66 al. 3 LPA).

5.             En l’espèce, la décision litigieuse ne mentionne pas qu’elle aurait été déclarée exécutoire nonobstant recours. Dès lors, en l’absence d’une telle mention, la décision querellée dispose d’un effet suspensif automatique au sens de l’art. 66 al. 1 LPA. Il n’y a dès lors pas lieu d’ordonner de mesures provisionnelles à cet effet.

Le recours doit donc être déclaré sans objet sur ce point.

6.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

7.             Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

8.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

9.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 al. 1 LEI), ce qui est le cas en l’espèce.

10.         Aux termes de l’art. 43 al. 1 LEI, le conjoint étranger du titulaire d’une autorisation d’établissement a droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité à condition notamment de vivre en ménage commun avec lui.

Cette disposition requiert donc non seulement le mariage des époux mais également leur ménage commun (arrêt du Tribunal fédéral 2C_101/2024 du 13 juin 2024 consid. 5.1). Selon la jurisprudence, il y a présomption que la communauté conjugale est rompue après plus d’un an de séparation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_88/2017 du 30 janvier 2017 consid. 6.1).

11.         Selon l’art. 50 al. 1 let. a LEI, après la dissolution de la famille, le droit du conjoint à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu de l’art. 42 ou 43 LEI subsiste lorsque l’union conjugale a duré au moins trois ans et que les critères d’intégration définis à l’art. 58a LEI sont remplis (let. a), ces deux conditions étant cumulatives (ATF 140 II 289 consid. 3.8 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_63/2024 du 18 avril 2024 consid. 6.2 ; 2C_92/2023 du 5 mai 2023 consid. 6.2).

Le délai de trois ans prévu par cette disposition commence à courir dès le début de la cohabitation effective des époux en Suisse et s’achève au moment où ceux-ci cessent de faire ménage commun (ATF 140 II 345 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_431/2023 du 26 octobre 2023 consid. 6.2) ; peu importe combien de temps le mariage perdure encore formellement par la suite (ATF 136 II 113 consid. 3.2 et 3.3).

12.         En l’occurrence, il n’est pas contesté que le recourant ne fait plus ménage commun avec son épouse et que l’union conjugale a duré moins de trois ans, les époux s’étant mariés en Suisse le 19 novembre 2020 et séparés le 10 novembre 2022.

Dans la mesure où les deux conditions posées par l’art. 50 al. 1 let. a LEI sont cumulatives et que la première d’entre elles n’est pas remplie, il n’y a pas lieu d’examiner si le recourant peut se prévaloir d’une intégration réussie.

13.         L’art. 50 al. 1 let. b LEI permet au conjoint étranger de demeurer en Suisse après la dissolution de l’union conjugale, lorsque la poursuite de son séjour s’impose pour des raisons personnelles majeures. L’art. 50 al. 2 LEI, repris à l’art. 77 al. 2 OASA, précise qu’il existe de telles raisons notamment lorsque le conjoint est victime de violence conjugale, que le mariage a été conclu en violation de la libre volonté de l’un des époux ou que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise.

L’art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI vise à régler les situations qui échappent aux dispositions de l’art. 50 al. 1 let. a LEI, soit parce que le séjour en Suisse durant le mariage n’a pas duré trois ans ou parce que l’intégration n’est pas suffisamment accomplie ou encore parce que ces deux aspects font défaut, mais que - eu égard à l’ensemble des circonstances - l’étranger se trouve dans un cas de rigueur après la dissolution de la famille. À cet égard, c’est la situation personnelle de l’intéressé qui est décisive et non l’intérêt public que revêt une politique migratoire restrictive. Il s’agit par conséquent uniquement de décider du contenu de la notion juridique indéterminée « raisons personnelles majeures » et de l’appliquer au cas d’espèce, en gardant à l’esprit que l’art. 50 al. 1 let. b LEI confère un droit à la poursuite du séjour en Suisse (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_364/2022 du 7 septembre 2023 consid. 2.3).

14.         Comme il s’agit de cas de rigueur survenant à la suite de la dissolution de la famille, en relation avec l’autorisation de séjour découlant du mariage, les raisons qui ont conduit à sa dissolution revêtent de l’importance. L’admission d’un cas de rigueur personnel survenant après la dissolution de la communauté conjugale suppose que, sur la base des circonstances d’espèce, les conséquences pour la vie privée et familiale de la personne étrangère liées à ses conditions de vie après la perte du droit de séjour découlant de la communauté conjugale soient d’une intensité considérable (cf. ATF 138 II 393 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1111/2015 du 9 mai 2016 consid. 5.2).

15.         L’énumération des cas de l’art. 50 al. 2 LEI n’est pas exhaustive et laisse aux autorités une certaine liberté d’appréciation fondée sur des motifs humanitaires (ATF 136 II 1 consid. 5.3). Ainsi, une raison personnelle majeure susceptible de justifier l’octroi ou le renouvellement d’une autorisation de séjour peut également résulter d’autres circonstances. Les critères énumérés à l’art. 31 al. 1 OASA jouent à cet égard un rôle important, même si, pris isolément, ils ne sauraient fonder un cas individuel d’une extrême gravité. Cette disposition comprend une liste exemplative de critères à prendre en considération pour juger de l’existence d’un cas individuel d’une extrême gravité, soit l’intégration, le respect de l’ordre juridique, la situation familiale, la situation financière et la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation, la durée de présence en Suisse et l’état de santé. Il convient en outre de tenir compte des circonstances qui ont conduit à la dissolution du mariage (ATF 137 II 1 consid. 4.1 ; voir également ATF 137 II 345 consid. 3.2.1 au sujet des différences avec les conditions d’application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI et consid. 3.2.2 et 3.2.3 sur la notion de « raisons personnelles majeures »).

Parmi les éléments déterminants, il convient de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).

Par durée assez longue du séjour, on entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017). Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l’examen d’un cas d’extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l’ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l’étranger a séjourné en Suisse de manière illégale (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e et les références citées). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d’un cas de rigueur (ATA/847/2021 du 24 août 2021 consid. 7e ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017).

S’agissant de la réintégration sociale dans le pays de provenance, la question n’est pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de la réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’étranger, seraient gravement compromises (ATF 138 II 229 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_112/2020 du 9 juin 2020 consid. 5.1). Le simple fait que l’étranger doive retrouver des conditions de vie qui sont usuelles dans son pays de provenance ne constitue pas une raison personnelle majeure au sens de l’art. 50 LEI, même si ces conditions de vie sont moins avantageuses que celles dont cette personne bénéficie en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_103/2024 du 3 avril 2024 consid. 7.1). Par ailleurs, la personne qui fait valoir que sa réintégration sociale risque d’être fortement compromise en cas de retour dans son pays est tenue de collaborer à l’établissement des faits. De simples déclarations d’ordre général ne suffisent pas ; les craintes doivent se fonder sur des circonstances concrètes (ATF 138 II 229 consid. 3.2.3). Enfin, la question de l’intégration de la personne concernée en Suisse n’est pas déterminante au regard des conditions de l’art. 50 al. 1 let. b LEI, qui ne s’attache qu’à l’intégration - qui doit être fortement compromise - qui aura lieu dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal fédéral 2C_103/2024 du 3 avril 2024 consid. 7.1).

16.         Le droit au séjour ou à la poursuite du séjour fondé sur l’art. 50 LEI s’éteint, en vertu de l’art. 51 al. 2 let. b LEI, s’il existe des motifs de révocation au sens des art. 62 al. 1 LEI, notamment si l’étranger a été condamné à une peine privative de liberté de longue durée ou a fait l’objet d’une mesure pénale prévue aux art. 59 à 61 ou 64 CP (art. 62 al. 1 let. b LEI) ou s’il attente de manière grave ou répétée à la sécurité et l’ordre publics en Suisse ou à l’étranger, les met en danger ou représente une menace pour la sécurité intérieure ou extérieure de la Suisse (art. 62 al. 1 let. c LEI).

Les motifs envisagés à l’art. 62 al. 1 LEI constituent chacun une cause de révocation, respectivement de refus d’octroi d’une autorisation de séjour (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_317/2016 du 14 septembre 2016 consid. 4.5 et les références citées).

17.         En l’espèce, le recourant n’allègue pas avoir fait l’objet de violences conjugales ou que son mariage aurait été conclu en violation de sa libre volonté.

S’agissant de sa réintégration en Colombie, aucun élément du dossier ne permet de retenir que celle-ci serait fortement compromise. Bien qu’il séjourne en Suisse depuis avril 2016, soit depuis presque neuf ans, la durée de ce séjour doit être relativisée, dès lors qu’il s’est déroulé dans l’illégalité jusqu’en 2020, et que depuis 2024, la présence de l’intéressé n’est que tolérée. En outre, arrivé en Suisse à l’âge de 21 ans, il a passé son enfance, son adolescence, soit les années jugées cruciales et déterminantes pour la formation de sa personnalité, ainsi que le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, de sorte qu’il en maîtrise manifestement la langue et les us et coutumes. S’il prétend ne plus avoir d’attaches en Colombie, il ressort du dossier qu’outre sa grand-mère maternelle, ses parents et sa sœur y vivent toujours. Ainsi, bien que plusieurs membres de sa famille résident en Suisse, il dispose malgré tout d’un tissu familial en Colombie sur lequel il devrait pouvoir compter en cas de retour. En tout état, l’absence de liens familiaux dans le pays d’origine n’est pas, chez un jeune adulte en bonne santé, un élément susceptible de fortement compromettre la réintégration dans ce pays, dès lors que cette notion recouvre plus largement les aspects sociaux, culturels et professionnels pour lesquels un adulte est en principe autonome. En outre, le recourant n’a pas démontré qu’il se serait créé des attaches à ce point profondes avec la Suisse qu’il serait empêché de retourner dans son pays d’origine. Il pourra maintenir des contacts avec sa famille vivant en Suisse par le biais des moyens de communications modernes et de visites réciproques. S’agissant de sa relation avec sa nouvelle compagne – dont on ne sait rien –, elle ne saurait suffire à admettre l’existence de liens profonds avec la Suisse, étant relevé que cette relation est toute récente et que le recourant est toujours marié. Enfin, s’il sera certainement confronté à quelques difficultés à son retour, il n’a pas été démontré qu’elles seraient plus grandes que celles auxquelles ses concitoyens restés sur place sont confrontés. Âgé actuellement de 30 ans, le recourant est encore jeune, en bonne santé et au bénéfice de plusieurs expériences professionnelles et de connaissances linguistiques acquises en Suisse. Il a également suivi une formation d’instruction de fitness et obtenu un diplôme d’auxiliaire en soins durant son séjour. Ces éléments faciliteront grandement sa réintégration sur le marché de l’emploi de son pays, étant relevé qu’il y a travaillé plusieurs années avant sa venue en Suisse.

Il apparaît ainsi que la poursuite du séjour en Suisse du recourant ne s’impose pas pour des raisons personnelles majeures au sens des art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI.

Au surplus, il n’y a pas lieu d’examiner sa situation sous l’angle de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, puisque les raisons personnelles majeures ont été écartées sur la base de l’art. 50 al. 1 let. b LEI, de sorte qu’elles le seraient pareillement sous l’angle de l’art. 30 al. 1 let. b LEI (ATF 137 II 345 consid. 3.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1062/2013 du 28 mars 2014 consid. 3.2.1 ; ATAF 2017 VII/7 consid. 5.5.1).

18.         Selon l’art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l’autorisation, bien que requise, est révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé.

19.         Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d’une autorisation de séjour, l’autorité ne disposant à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

20.         En l’espèce, dès lors qu’il a refusé de renouveler l’autorisation de séjour du recourant, l’OCPM devait ordonner son renvoi de Suisse. Aucun élément ne laisse pour le surplus supposer que l’exécution de cette mesure se révélerait impossible, illicite ou inexigible au sens de l’art. 83 LEI.

21.         Compte tenu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

22.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais du même montant versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

23.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d’État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 17 juillet 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 19 juin 2024 ;

2.             le déclare sans objet s’agissant de la demande de mesures provisionnelles ;

3.             le rejette pour le surplus ;

4.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière