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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/359/2025

JTAPI/188/2025 du 19.02.2025 ( MC ) , REJETE

REJETE par ATA/247/2025

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/359/2025 MC

JTAPI/188/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 19 février 2025

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


EN FAIT

1.            Monsieur A______, né le ______ 1994, est ressortissant guinéen.

2.            Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse du 23 janvier 2025, il a été condamné à cinq reprises entre le 23 février 2015 et le 26 octobre 2022, pour délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), opposition aux actes de l'autorité (art. 286 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), faux dans les certificats (art. 252 Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

3.            Le 22 janvier 2025, M. A______ a été interpellé par la police, à l'avenue Henri-Golay 40 à Genève, après avoir tenté de vendre une boulette de cocaïne à un consommateur, contre la somme de EUR 100.-. Auditionné dans la foulée, le consommateur a formellement mis en cause M. A______ pour lui avoir vendu à trois reprises de la cocaïne, pour un poids total de trois grammes, contre la somme de EUR 300.-.

4.            Le 23 janvier 2025, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public de Genève pour ces faits, à une peine pécuniaire de 80 jours-amende, à CHF 10.-, pour empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP), séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et infraction à l'art. 19 al. 1 let. d LStup.

Il lui était également reproché d'avoir pénétré et séjourné illicitement sur le territoire suisse, entre décembre 2024 et le 22 janvier 2025, et de s'être opposé à son interpellation du 22 janvier 2025.

M. A______ a fait opposition à cette ordonnance pénale.

5.            Le 23 janvier 2025 à 12h30, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (interdiction d'accès au canton de Genève) pour une durée de 18 mois.

6.            Par courrier du 24 janvier 2025, sous la plume de son conseil, M. A______ a formé opposition contre la décision prise par le commissaire de police le 23 janvier 2025 à son encontre, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

7.            M. A______ a été dûment convoqué pour l'audience du 18 février 2025 devant le tribunal.

8.            Lors de cette audience, M. A______ a déclaré qu'il était venu en Suisse le mois précédent suite à l’invitation de sa copine qui vivait à Genève. Il vivait à ______ (Espagne)et travaillait comme saisonnier, dans les champs ou dans le domaine du nettoyage. Il gagnait environ EUR 1'000.- par mois. Il n'avait ni amis ni famille ni liens particuliers avec Genève. Il avait fait opposition à l’interdiction territoriale car il trouvait que la durée était disproportionnée.

M. A______, par la voix de son conseil, a conclu à ce que la durée de l’interdiction territoriale prise par le commissaire de police le 23 janvier 2025 soit réduite.

La représentante du commissaire de police a conclu au rejet de l'opposition formée le 24 janvier 2025 par M. A______ et au maintien de l'interdiction territoriale.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner sur opposition la légalité et l’adéquation de l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prononcée par le commissaire de police à l'encontre d'un ressortissant étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             L'opposition ayant été formée dans le délai de dix jours courant dès la notification de la mesure querellée, elle est recevable sous l'angle de l'art. 8 al. 1 LaLEtr.

3.             Statuant ce jour, le tribunal respecte en outre le délai de vingt jours que lui impose l'art. 9 al. 1 let. b LaLEtr.

4.             Seule est litigieuse la durée de l’interdiction territoriale prononcée à l'encontre de M. A______.

5.             Aux termes de l'art. 74 al. 1 LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée notamment lorsque l’étranger n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation d’établissement et trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants (let. a).

6.             Si le législateur a expressément fait référence aux infractions en lien avec le trafic de stupéfiants (art. 74 al. 1 let. a LEI), cela n'exclut toutefois pas d'autres troubles ou menaces à la sécurité et l'ordre publics (ATF 142 II 1 consid. 2.2 et les références), telle par exemple la violation des dispositions de police des étrangers (arrêts du Tribunal fédéral 2C_123/2021 du 5 mars 2021 consid. 3.1 ; 2C_884/2021 du 5 août 2021 consid. 3.1.). Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour et d'établissement n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement ; s'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l'étranger concerné, « le seuil, pour l'ordonner, n'a pas été placé très haut » ; il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics.

7.             Une mesure basée sur l’art. 74 al. 1 let. a LEI ne présuppose pas une condamnation pénale de l’intéressé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_884/2020 précité consid. 3.3 ; 2C_123/2021 du 5 mars 2021).

8.             La mesure doit en outre respecter le principe de la proportionnalité. Tel que garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), il exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. Il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

9.             L'art. 74 LEI ne précise ni la durée ni l'étendue de la mesure. Selon le Tribunal fédéral, celle-ci doit dans tous les cas répondre au principe de proportionnalité, soit être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3). Elle ne peut donc pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1). Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

10.         La chambre administrative a confirmé une interdiction territoriale de douze mois dans le canton de Genève à l’encontre d’une personne sans antécédents, interpellée et condamnée par le Ministère public pour avoir vendu une boulette de cocaïne, l’intéressé n’ayant aucune ressource financière ni aucun intérêt à venir dans le canton (ATA/655/2021 du 23 juin 2021 ; ATA/802/2019 du 17 avril 2019).

11.         Elle a aussi confirmé des interdictions territoriales pour une durée de 18 mois prononcées contre un étranger interpellé en flagrant délit de vente de deux boulettes de cocaïne et auparavant condamné deux fois et arrêté une fois pour trafic de stupéfiants (ATA/2577/2022 du 15 septembre 2022) ou un étranger sans titre, travail, lieu de séjour précis ni attaches à Genève, condamné plusieurs fois pour infractions à la LEI et la LStup (ATA/536/2022 du 20 mai 2022).

12.         Elle a confirmé l’interdiction de tout le territoire du canton pour une durée de douze mois : pour une personne vivant illégalement en Suisse depuis 30 ans, qui faisait valoir une relation avec son amie à Genève et des projets de mariage, qui était sans domicile fixe et avait récemment à nouveau commis un vol, précisant qu’il ne formait pas de communauté conjugale et pourrait voir son amie dans un autre canton (ATA/1236/2021 du 16 novembre 2021) ; contre une personne en situation illégale ayant volé deux parfums, pour un montant total de CHF 330.80, rappelant qu'une durée inférieure à six mois n'était guère efficace (ATA/1319/2023 du 8 décembre 2023) ; contre une personne condamnée notamment pour vols et violation de domicile, sans emploi, ni titre de séjour en Suisse, ni de lien avéré avec ce pays, ne disposant pas de moyens de subsistance et n’ayant pas de nécessité de se rendre à Genève (ATA/385/2024 du 19 mars 2024).

13.         Elle a également confirmé un jugement du TAPI réduisant à six mois la durée de l’interdiction territoriale concernant un étranger sans autorisation de séjour, sans ressources, ni attaches à Genève, condamné pour un seul vol de faible importance, pour obtention illicite de prestations d’une assurance sociale de peu de gravité et entrée et séjour illégal pendant cinq jours. L’intéressé n’avait pas d’autres antécédents en Suisse ni à l’étranger (ATA/232/2024 du 20 février 2024 consid. 3.5).

14.         En l’espèce, M. A______ a été condamné à six reprises entre le 23 février 2015 et le 23 janvier 2025, pour trafic de drogue, opposition aux actes de l'autorité, faux dans les certificats et infractions à la LEI. L'intéressé réalise un revenu d'environ EUR 1'000.- pour ses activités en Espagne. Il ne possède pas de titre de séjour en Suisse où il n'a pas de liens avérés et aucune nécessité de se rendre à Genève.

15.         Au vu de l’ensemble de ces circonstances, de la jurisprudence de la chambre administrative susvisée et du fait que les infractions reprochées à M. A______ ont mis en danger la santé publique, la durée de la mesure d’éloignement de dix-huit mois respecte le principe de la proportionnalité. Enfin, rien n’empêche l'intéressé de poursuivre sa relation - au demeurant non établie - sans passer par Genève.

16.         Partant, le tribunal confirmera l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise à l'encontre de M. A______ pour une durée de 18 mois.

17.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM).

18.         Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable l'opposition formée le 24 janvier 2025 par Monsieur A______ contre la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 23 janvier 2025 pour une durée de 18 mois ;

2.             la rejette ;

3.             confirme la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 23 janvier 2025 à l'encontre de Monsieur A______ pour une durée de 18 mois ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;

5.             dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au SEM.

Genève,

 

Le greffier