Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/123/2025 du 03.02.2025 ( ICCIFD ) , REJETE
ATTAQUE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 3 février 2025
|
dans la cause
Madame A______
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS
1. Le présent litige concerne les impôts cantonaux et communaux (ICC) et l’impôt fédéral direct (IFD) des années fiscales 2020 à 2022 de Madame A______.
2. La contribuable a été taxée les 12 mai 2021 (année fiscale 2020), 27 juillet 2022 (année fiscale 2021), 21 juillet 2023 (année fiscale 2022) et 24 mai 2024 (année fiscale 2023).
3. Le 5 juin 2024, faisant valoir divers éléments, elle a prié l’administration fiscale cantonale (ci-après : l'AFC-GE) de vérifier ses taxations depuis juin 2020 et, cas échéant, d’effectuer les corrections nécessaires.
4. L’AFC-GE a considéré que ce courrier constituait une réclamation.
5. Par décisions sur réclamation du 16 juillet 2024, elle a déclaré la réclamation, en tant qu’elle concernait les années fiscales 2020 à 2022, irrecevable pour cause de tardiveté.
Concernant l’année fiscale 2023, l’AFC-GE est entrée en matière sur la réclamation et a notifié à la contribuable des taxations rectificatives.
6. Par acte du 29 juillet 2024, la contribuable a interjeté recours contre les décisions ayant trait aux années fiscales 2020 à 2022 auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).
En voyant ses impôts augmenter sans cesse et étant à la retraite, elle s’était adressée au service de la taxation pour se renseigner et avait alors constaté que l’AFC-GE s’était trompée alors qu’elle avait présenté chaque année les documents demandés pour son imposition. Elle l’avait en effet enregistrée comme conseillère administrative alors qu’elle était conseillère municipale. De ce fait, aucune déduction accordée aux conseillers municipaux ne lui avait été accordée et l’AFC-GE lui avait appliqué des frais de représentation qu’elle ne devait pas avoir.
Elle remerciait l’AFC-GE d’être entrée en matière pour son imposition 2023, mais trouvait injuste que celle-ci ne considère pas les autres années alors qu’elle n’avait eu aucune possibilité de vérifier l’erreur du fisc. Elle s’interrogeait sur la manière de constater une telle erreur à travers les documents reçus. En outre, il s’agissait de sa première expérience comme conseillère municipale et elle n’avait pas de recul pour s’inquiéter. Elle avait toujours fait confiance à l’AFC-GE.
7. Dans sa réponse du 28 octobre 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours. La réclamation de la contribuable avait été déposée tardivement contre les taxations des années fiscales 2020-2022 et la restitution du délai de réclamation était exclue, de sorte que c’était à bon droit que la réclamation, en tant qu’elle concernait les années litigieuses, avait été déclarée irrecevable. De plus, les conditions d’entrée en matière sur une demande de révision ou de reconsidération des taxations litigieuses n’étaient manifestement pas remplies en l’espèce.
8. La recourante n’a pas répliqué.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.
3. Lorsque la décision sur réclamation est, comme en l’espèce, une décision d’irrecevabilité, seule cette question peut faire l’objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l’autorité de recours doit en effet examiner si les conditions formelles de la recevabilité de la réclamation (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) étaient ou non remplies et, si tel n’est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2021 du 16 avril 2021 consid. 2.2).
4. Au vu de cette jurisprudence, il convient uniquement de déterminer si c’est à bon droit que l’AFC-GE a estimé que la réclamation du 5 juin 2024 a été déposée tardivement. Il s’ensuit que le tribunal n’a pas à examiner les griefs de la recourante.
5. Aux termes des art. 132 al. 1 LIFD et 39 al. 1 LPFisc, le contribuable peut adresser à l’autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivent sa notification.
Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l’autorité de taxation, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l’étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 41 al. 1 LPFisc).
6. De jurisprudence constante, le fardeau de la preuve de la notification d’un acte et de la date de celle-ci incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L’autorité supporte donc les conséquences de l’absence de preuve en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l’envoi. La preuve de la notification peut néanmoins résulter d’autres indices ou de l’ensemble des circonstances, par exemple un échange de correspondances ultérieur ou le comportement du destinataire (ATF 142 IV 125 consid. 4.3).
Selon la jurisprudence, en cas d’envoi de décisions sous pli simple, comme en l’espèce, on admet que la décision entreprise a été réceptionnée quelques jours après son expédition (ATA/1373/2018 du 18 décembre 2018 consid. 7c et les références citées).
Il appartient à l’administré qui réclame ou qui recourt d’établir qu’il l’a fait dans le respect du délai légal (ATA/899/2015 du 1er septembre 2015 ; ATA/243/2015 du 3 mars 2015; cf. aussi Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3ème éd., 2011, n° 2.2.6.7 p. 304).
7. Selon les art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, une réclamation tardive n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu’il l’a déposé dans les 30 jours après la fin de l’empêchement.
Un délai inobservé est restitué si la personne contribuable exécute l’acte omis dans les 30 jours qui suivent la disparition de l’empêchement et prouve qu’elle a été empêchée d’agir en temps utile pour des motifs sérieux (art. 21 al. 3 LPFisc).
8. Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même. Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos (ATA/1297/2024 du 5 novembre 2024 consid. 2.4).
Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et par un intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (ATF 142 V 152 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_6/2016 du 1er juin 2017 consid. 3.2) et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 125 V 65 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_811/2022 du 15 septembre 2022 consid. 2).
9. Les règles relatives à ce type de délais nécessitent une stricte application, ceci pour des motifs d’égalité de traitement et d’intérêt public lié à une bonne administration de la justice et à la sécurité du droit. Ainsi, l’irrecevabilité qui sanctionne le non-respect d’un délai n’est en principe pas constitutive d’un formalisme excessif prohibé par l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATF 142 V 152 consid. 4.2).
La restitution du délai suppose que le contribuable et son éventuel représentant n’ont pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne leur est pas imputable à faute (arrêts du Tribunal fédéral 2C_737/ 2018 du 20 juin 2019 consid. 4.1 non publié aux ATF 145 II 201 ; 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2 et les références citées). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).
Les cas de force majeure, soit les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de l’extérieur de façon irrésistible, demeurent aussi réservés. Pour établir l’existence d’un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l’assujetti (ATA/461/2018 du 8 mai 2018 ; ATA/328/2018 du 10 avril 2018).
10. En l’occurrence, aucun élément ne permet de connaître la date de la notification des bordereaux des 12 mai 2021, 27 juillet 2022 et 21 juillet 2023, ceux-ci ayant été envoyés à la recourante par pli simple. Cela étant, cette dernière n’indiquant dans aucune de ses écritures à quelle date elle a reçu ces bordereaux, ni ne contestant qu’ils lui ont été communiqués, il convient de retenir qu’ils lui ont été notifiés dans les quelques jours qui ont suivi ces dates. Or, elle n’a réclamé qu’en juin 2024, soit largement hors du délai légal de 30 jours.
Pour le surplus, la recourante ne démontre pas l’existence d’un motif sérieux, au sens des art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, ou la survenance d’un cas de force majeure, qui l’auraient concrètement empêché d’agir en temps utile ou de désigner un tiers pour s’en charger à sa place.
En conséquence, la réclamation du 5 juin 2024 doit être déclarée irrecevable.
11. Aux termes des art. 55 LPFisc et 147 1 LIFD, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé en faveur du contribuable, à sa demande ou d’office lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), lorsque l’autorité qui a statué n’a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu’elle connaissait ou devait connaître ou qu’elle a violé de quelque autre manière l’une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou lorsqu’un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).
Les art. 55 al. 2 LPFisc et 147 al. 2LIFD précisent que la reconsidération est exclue lorsque le requérant invoque des motifs qu’il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui. En d’autres termes, même en présence d’un motif de révision, si le contribuable ou son représentant omet, de manière négligente, de faire valoir celui-ci dans la procédure ordinaire, la révision n’est pas possible, la jurisprudence se montrant stricte à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Le seul facteur décisif est ainsi celui de savoir si le contribuable aurait déjà pu présenter les motifs de révision dans la procédure ordinaire, le but de la procédure extraordinaire et subsidiaire de la révision n’étant pas de réparer les omissions évitables du contribuable commises au cours de la procédure ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Il appartient en effet à ce dernier de contrôler la décision de taxation lorsqu’il la reçoit et de signaler en temps utile les vices dont elle serait affectée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_212/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.2).
Il n’est ainsi pas possible de déroger aux principes régissant la révision, quand bien même le résultat de leur application est choquant et heurte le sentiment de l’équité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_212/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.2 et 5.3).
12. En l’espèce, force est de constater, avec l’AFC-GE, que les conditions d’entrée en matière sur une reconsidération ou une révision des taxations litigieuses ne sont manifestement pas remplies, dès lors que la recourante invoque des motifs de fond qu’elle aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire de réclamation, si elle avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée d’elle, ce qu’elle n’a pas fait. Elle ne peut dès lors pas le faire par le biais de la voie extraordinaire de la révision, cette procédure étant réservée exclusivement aux cas où des éléments n’ont pas pu être invoqués dans le cadre de la procédure ordinaire.
13. Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.
14. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt des recours.
Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 29 juillet 2024 par Madame A______ contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 16 juillet 2024 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de la recourante un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;
4. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
5. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Laetitia MEIER DROZ, présidente Philippe FONTAINE et Yuri KUDRYAVTSEV, juges assesseurs.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Laetitia MEIER DROZ
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |