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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3623/2023

JTAPI/919/2024 du 13.09.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : PRESTATION APPRÉCIABLE EN ARGENT;FARDEAU DE LA PREUVE;KIOSQUE
Normes : LIFD.20.al1.letc; LIPP.22.al1.letc; LIFD.124.al2; LIPP.26.al2
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3623/2023 ICC/IFD

JTAPI/919/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 13 septembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______ et Madame B______, représentés par Me Giovanni CURCIO, avocat, avec élection de domicile

 

contre

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             Le présent litige concerne les impôts cantonaux et communaux (ICC) et l’impôt fédéral direct (IFD) 2017-2020 de Monsieur A______ et de Madame B______.

2.             De janvier 2012 à mars 2014, le contribuable a exploité, en raison individuelle, un magasin de tabac et de journaux tenant également lieu d’épicerie. Dès mai 2014, il a travaillé au sein d’C______ SA (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce genevois le ______ 2014 et active dans le domaine des cafés-buvettes, bureaux de vente de tabac et de journaux ainsi que le commerce de détail. Durant les années 2017-2020, il en était l’administrateur avec signature individuelle et l’actionnaire unique.

3.             Dans leurs déclarations fiscales 2017 à 2020, qui indiquaient en tant que mandataire D______, les contribuables ont déclaré les fortunes et revenus nets imposables suivants :

Année fiscale

2017

2018

2019

2020

Revenu IFD

16’797.-

4’182.-

13’438.-

20’575.-

Revenu ICC

10’643.-

0.-

489.-

12’308.-

Fortune ICC

0.-

0.-

0.-

0.-

4.             Les contribuables ont été taxés sur la base de ces déclarations par l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE), qui a retenu des revenus nets imposables en ICC de respectivement CHF 17’125.- (2017), CHF 5’011.- (2018), CHF 6’869.- (2019) et CHF 19’508.- (2020), tandis que les fortunes nettes imposables et les revenus nets imposables en IFD des années en cause ont été fixés à zéro.

Les ICC se sont dès lors élevés à CHF 55.- (2017), à CHF 25.- (2018), à CHF 55.- (2019) et à CHF 35.- (2020), et les IFD 2017-2020 à 0.-. Ces décisions de taxation ICC/IFD 2017-2020 sont entrées en force.

5.             Le 10 mars 2023, l’AFC-GE a informé les contribuables qu’elle ouvrait à leur encontre des procédures en rappel et soustraction d’impôt pour les années 2017-2020. L’administration fédérale des contributions, division principale de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après : la division TVA) lui avait communiqué qu’ils avaient bénéficié de prestations appréciables en argent sous la forme de chiffres d’affaires non déclarés provenant de la société, dont ils n’avaient d’ailleurs pas déclaré la valeur fiscale dans l’état des titres de leurs déclarations. Selon les informations en sa possession, elle envisageait des reprises sur la « valeur fiscale de la société », à savoir 60% des montants de respectivement CHF 208’303.- (2017), CHF 215’747.- (2018), CHF 167’603.- (2019) et CHF 66’130.- (2020). Un délai pour se déterminer leur a été octroyé.

6.             Les 3 avril et 16 mai 2023, sous la plume de leur conseil, les contribuables ont requis - et obtenu - un délai supplémentaire pour faire parvenir leurs observations.

7.             Le 18 avril 2023, en référence à la procédure de contrôle ouverte à l’encontre des contribuables et au courrier du 10 mars 2023, E______ Sàrl a indiqué à l’AFC-GE que le contribuable avait confié la gestion de ses affaires administratives et fiscales à un comptable, Monsieur F______, en qui il avait toute confiance, et qu’il ne s’était jamais préoccupé des démarches effectuées par celui-ci. Elle avait établi un tableau comparatif entre les chiffres d’affaires ressortant des comptes de la société et les chiffres d’affaires non déclarés et en tirait la conclusion que l’augmentation considérable du chiffre d’affaires lors des années fiscales en cause laissait présager que les rentrées avaient été déclarées ; l’affirmation même qu’il y aurait eu des recettes non déclarées semblait peu crédible. Elle ignorait quel genre de recettes n’aurait pas été déclaré, mais les différences en la matière résultaient en principe soit d’une double comptabilité entre les rentrées cash et les rentrées par carte de crédit, soit d’erreurs de comptabilisation liées aux décomptes des loteries de tout genre. En effet, certaines entreprises de loterie indiquaient aux commerçants les montants mensuels de mouvements englobant les ventes de tickets et les gains que le commerçant avait payé aux gagnants, lesquels ne constituaient pas un chiffre d’affaires du commerçant, n’étant que des postes de transitions. En analysant le tableau comparatif, la conclusion d’une intégration des rentrées bancaires dues aux paiements des loteries s’imposait car les montants des chiffres d’affaires « non déclarés » par rapport à ceux effectivement déclarés ne donnait aucune image d’une évolution logique. Quant à la valeur de la fortune, faute d’être en possession des déclarations fiscales des années en question, elle partait du principe que l’AFC-GE avait à juste titre constaté l’absence de déclaration de la fortune représentée par les actions de la société. Les reprises de fortune devraient être, compte tenu que seule la moitié du capital avait été libérée, de respectivement CHF 64’850,09 (2017), CHF 68’668,88 (2018), CHF 76’298,23 (2017) et CHF 69’461,89 (2020).

Les comptes de pertes et profits et les bilans 2015-2020 de la société ont été produits en annexe.

8.             Le 5 juin 2023, le conseil des contribuables a indiqué n’avoir pas d’observations complémentaires à formuler en sus de celles émanant d’E______ Sàrl.

9.             Le 12 juin 2023, l’AFC-GE a informé les contribuables de la clôture des procédures ouvertes à leur encontre et leur a notifié des bordereaux de rappel d’impôt ICC/IFD et des bordereaux amende ICC/IFD pour les périodes fiscales 2017 à 2020.

Il résulte desdits bordereaux que les reprises se sont élevées aux montants annoncés le 10 mars 2023. L’AFC-GE a jugé que la soustraction avait été commise de manière intentionnelle, à tout le moins par dol éventuel, et a fixé les amendes - qui n’ont été infligées qu’au contribuable - à une demi fois l’impôt soustrait.

10.         Le 24 juillet 2023, sous la plume de leur conseil, les contribuables ont élevé deux réclamations à l’encontre de ces bordereaux, reprenant les explications fournies par E______ Sàrl. Le contribuable n’ayant pas de connaissances, ni en droit fiscal, ni en droit des sociétés, motif pour lequel il avait fait appel à un comptable, dont il n’avait jamais contrôlé le travail, on ne saurait retenir la moindre faute à son encontre.

11.         Par décision sur réclamation du 21 septembre 2023, l’AFC-GE a maintenu les reprises et les amendes.

La division TVA avait considéré que la comptabilité de la société n’était pas probante après avoir constaté, lors d’un contrôle, l’absence d’un livre de caisse, le fait qu’aucun compte bancaire ou postal ne figurait en comptabilité malgré les encaissements par cartes et la comptabilisation arbitraire des chiffres d’affaires, certaines recettes ayant par exemple été comptabilisées forfaitairement. Il avait été procédé, en présence d’une telle comptabilité, à l’évaluation des chiffres d’affaires non déclarés, puis retenu que ces chiffres d’affaires constituaient des prestations appréciables en argent imposables auprès du contribuable, actionnaire unique de la société. Les rappels d’impôts notifiés à la société sur cette base étaient par ailleurs entrés en force, sans avoir été contestés.

Le contribuable avait commis une faute intentionnelle, à tout le moins par dol éventuel.

Afin de déterminer la quotité des amendes, elle avait notamment retenu la situation financière du contribuable, la double pénalité (circonstances atténuantes) et l’importance des montants soustraits (circonstance aggravante).

12.         Par acte du 30 octobre 2023, par l’intermédiaire de leur conseil, les contribuables ont interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à ce que soit ordonné la clôture sans suite des procédures ouvertes à leur encontre, le tout sous suite de frais et dépens. Ils ont requis préalablement la comparution personnelle des parties.

Les reprises liées aux distributions dissimulées de bénéfices, mais non celles en relation avec la valeur de la société (ni dans leur principe ni dans leur montant), et les amendes étaient contestées. Ils ont réitéré les arguments de leurs précédentes écritures, précisant que le comptable avait été de 2014 (avril) à 2016 (février) administrateur avec signature individuelle de la société, qu’il n’y avait eu d’ailleurs aucun prélèvement ou retrait et que l’évolution des affaires de la société plaidait en faveur d’une erreur d’interprétation de sa comptabilité plutôt que pour des malversations ou négligences de leur part. Ils ont invoqué au surplus la situation personnelle difficile vécue les années en cause par leur famille, notamment le fait qu’ils habitaient avec leurs deux enfants dans un studio de 40 m2 et qu’ils avaient été victime, « depuis 2018-2019, voire même avant », de plusieurs invasions de punaises de lit, engendrant un stress important. Ils avaient dès lors d’autant plus compté sur le travail du comptable, mais la confiance placée en ce dernier avait été trahie. Dans ces circonstances, il ne saurait dès lors être question ni d’imprévoyance coupable au sens de l’art. 12 al. 3 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) ni d’un manque d’effort blâmable.

Diverses pièces ont été produites, dont deux certificats médicaux des 4 octobre 2021 et 13 octobre 2022 d’un pédiatre qui y indiquait soutenir leur demande d’obtenir un logement plus grand, les conditions de vie de celui actuel n’étant pas favorables au bon développement des enfants à cause notamment de sa taille, du travail de nuit du père et d’un épisode d’invasion de punaises de lit. Ces invasions étaient aussi attestées par des bons de leur régie des 28 mai 2020, 12 et 22 avril et 21 juin 2021.

13.         Dans sa réponse du 31 janvier 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours. Elle a produit son dossier, lequel comprenaient des pièces couvertes par le secret fiscal.

Suite à la communication de la division TVA, des bordereaux en rappel d’impôts et d’amende ICC/IFD 2017-2020 avaient été notifiés à la société ; ils étaient entrés en force, aucune contestation ou réclamation n’ayant été formulée. Dans la mesure où il avait été établi que la société avait soustrait du chiffre d’affaires, on ne voyait pas qui d’autre que le recourant, en sa qualité d’actionnaire unique, aurait pu en bénéficier sous forme de prestations appréciables en argent. Les recourants se bornaient à faire valoir dans leurs écritures des objections générales et des suppositions pour contester les reprises, alors qu’il leur appartenait, le fardeau de la preuve étant renversé, de critiquer de manière détaillée et documentée les reprises, ici justifiées.

Les éléments constitutifs objectifs d’une soustraction d’impôt étaient réunis, le recourant n’ayant pas déclaré l’intégralité de ses revenus ni de sa fortune durant les années en cause, transmettant des déclarations fiscales incomplètes et inexactes et violant ainsi une obligation légale qui lui incombait. Il en avait résulté une perte fiscale pour la collectivité, concrétisée par les rappels d’impôts effectués le 12 juin 2023. Il en allait de même des éléments subjectifs de la soustraction fiscale. Le recourant faisait valoir son absence de compétences en matière administrative, comptable et fiscale, mais il répondait toutefois de la faute de son auxiliaire et ne saurait se dégager de toute responsabilité en alléguant que ces omissions avaient été commises par son comptable. En outre, il était tenu de vérifier les éléments figurant dans ses déclarations fiscales qu’il avait signées, ce qu’il n’avait manifestement pas fait, ainsi que d’ailleurs reconnu dans le recours. Au demeurant, il avait, dès 2012, exercé à titre d’indépendant au sein de sa raison individuelle, de sorte qu’il était fortement douteux qu’il ne disposait d’aucune capacité en matière administrative et comptable en 2017 et les années fiscales suivantes, après avoir été à la tête de deux entreprises successivement durant cinq années. L’absence de livre de caisse et de comptabilisation de compte bancaire ou postal, malgré des encaissements par cartes, constituaient des lacunes comptables flagrantes qu’il aurait très bien pu reconnaître s’il avait agi avec toute la diligence requise. Partant, la soustraction avait été commise de manière intentionnelle, à tout le moins par dol éventuel.

En fixant la quotité de l’amende à une demi fois le montant des impôts soustraits, elle n’avait pas outrepassé son pouvoir d’appréciation, tenant au contraire compte de plusieurs circonstances atténuantes et fixant une quotité basse. S’agissant des circonstances particulières invoquées dans le recours, notamment les deux épisodes d’invasions de punaises de lit en mai 2020 et avril 2021, ceux-ci ne sauraient avoir une quelconque incidence sur la quotité de l’amende. Quant aux conditions de vie difficiles alléguées, elles avaient été prises en considération dans la circonstance atténuante relative à la situation économique du contribuable.

14.         Les recourants n’ont pas donné suite au courrier du tribunal du 1er février 2024 qui les invitait à déposer leur éventuelle réplique d’ici au 23 février 2024.

15.         Lors de l’audience du 11 septembre 2024, le recourant a exposé n’avoir eu aucun problème avec sa comptabilité jusqu’en 2021. Il avait remis tous les documents qu’il estimait utiles à son comptable, M. F______, auquel il faisait entière confiance. Ce dernier, qui avait transformé en 2014 sa raison individuelle en la société et qui s’était occupé de la comptabilité de 2012 à 2022, lui avait toujours affirmé faire le nécessaire concernant ses déclarations fiscales. Il ignorait ce qu’il s’était passé en l’espèce, mais pensait qu’il devait s’agir d’un oubli puisque le comptable avait tous les documents nécessaires à disposition. Ce dernier lui avait d’ailleurs répondu, lorsqu’il l’avait interrogé suite aux problèmes rencontrés avec le fisc, avoir oublié d’indiquer la valeur des actions de la société dans l’état des titres. À ce jour, il n’avait plus aucune pièce comptable relative aux périodes fiscales litigieuses : les rouleaux de caisse, cahiers et livres comptables étaient en effet stockés dans des cartons que ses employés avaient, lors d’un nettoyage de son commerce effectué en son absence, mis sur le trottoir en pensant qu’il s’agissait de cartons pour la voirie. Il était donc erroné d’affirmer qu’il n’avait pas établi de livres de caisse. Il avait encore le bilan comptable de la société des années en cause, mais sa nouvelle comptable (depuis 2023) lui avait indiqué que ceux-ci étaient faux : de nombreux éléments n’avaient en effet pas été déclarés, tels les montants qu’il avait reversés à la Loterie Romande. Il n’avait pas contesté les reprises concernant la société car « cela faisait trop pour [lui] », traversant à l’époque une situation très compliquée qui l’avait mené au bord de la dépression.

La recourante a indiqué être une mère, s’occuper de ses enfants et n’être au courant de rien. Ils n’avaient pas immédiatement identifié le problème des punaises de lit dont ils avaient souffert pendant quatre ans, situation qui avait généré énormément de stress.

Le conseil des recourants a précisé que M. F______ était le comptable à la fois de la société et de ses mandants. Dans la mesure où des informations ne figuraient pas dans le bilan de la société, ses mandants étaient dans l’impossibilité de se rendre compte des erreurs pouvant en découler pour leur déclaration ; ceci valait en particulier pour la valeur des actions.

16.         Il sied encore de relever que les montants des chiffres d’affaires réintégrés en tant que bénéfice non déclarés dans les bordereaux en rappel d’impôts et d’amende ICC/IFD notifiés à la société sont identiques aux montants indiqués dans le courrier du 10 mars 2023 adressé aux recourants, ceux-ci étant eux-mêmes identiques aux reprises effectuées en leur chef.

En outre, à teneur du registre du commerce genevois, M. F______ a exploité, en raison individuelle, D______, laquelle a été inscrite le ______ 2018 et radiée le ______ 2023.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Les contribuables contestent en premier lieu les reprises effectuées par l’AFC-GE, alléguant que les montants en cause proviendraient en réalité des ventes de tickets et des gains qui avaient été payés aux gagnants, de sorte qu’ils ne constituaient pas un chiffre d’affaires de la société.

4.             À teneur de l’art. 20 al. 1 let. c LIFD, est imposable le rendement de la fortune mobilière en particulier les dividendes, les parts de bénéfice, les excédents de liquidation et tous autres avantages appréciables en argent provenant de participations de tout genre. En droit cantonal, l’art. 22 al. 1 let. c de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) correspond à l’art. 20 al. 1 let. a LIFD.

5.             Il y a avantage appréciable en argent si 1) la société fait une prestation sans obtenir de contre-prestation correspondante ; 2) cette prestation est accordée à un actionnaire ou à une personne le ou la touchant de près ; 3) elle n’aurait pas été accordée à de telles conditions à un tiers ; 4) les organes de la société savaient ou auraient pu se rendre compte de l’avantage qu’ils accordaient (ATF 140 II 88 consid. 4.1).

Selon la jurisprudence, il y a aussi avantage appréciable en argent lorsque des produits qui auraient dû être comptabilisés dans le chef d’une personne morale ne le sont pas, ou que cette dernière renonce à réaliser un revenu en faveur de l’actionnaire ou d’un proche (cf. notamment arrêts du Tribunal fédéral 2C_377/2014 du 26 mai 2015 consid. 9.4 à 9.4.3 ; 2C_88/2011 du 3 octobre 2011 consid. 2.2 à 2.2.3, in RDAF 2012 II 131).

Une société effectue une distribution dissimulée de bénéfice lorsqu’elle renonce à un produit réalisé dans le cadre d’une transaction commerciale avec un tiers en faveur de son actionnaire. Dans cette hypothèse, la société s’appauvrit en omettant de comptabiliser ces recettes dans son compte de résultat. On rattache également à cette catégorie le versement de recettes sur un « compte noir » n’apparaissant pas dans la comptabilité de l’entreprise (Robert DANON, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, p. 1121 n. 226 ad art. 57, 58 LIFD).

6.             Dans le domaine des prestations appréciables en argent, le fardeau de la preuve se répartit comme suit: les autorités fiscales doivent apporter la preuve que la société a fourni une prestation et qu’elle n’a pas obtenu de contre-prestation ou une contre-prestation insuffisante; si les preuves recueillies par l’autorité fiscale fournissent suffisamment d’indices révélant l’existence d’une telle disproportion, il appartient alors au contribuable d’établir l’exactitude de ses allégations contraires (arrêts du Tribunal fédéral 2C_207/2019 du 16 juillet 2019 consid. 4.2 ; 2C_1157/2016 du 2 novembre 2017 consid. 4.2.3). Le contribuable n’a donc pas à supporter les conséquences d’un manque de preuves, à moins qu’on ne puisse lui reprocher une violation de ses devoirs de collaboration (arrêt 2C_605/2014 du 25 février 2015 consid. 6 et les références). La répartition du fardeau de la preuve susmentionnée s’applique le cas échéant également à la procédure ouverte en lien avec d’éventuelles infractions fiscales (arrêts 2C_11/2018 du 10 décembre 2018 consid. 6.2; 2C_1157/2016 du 2 novembre 2017 consid. 4.2.3). En présence d’une prestation à caractère insolite, la preuve directe que le bénéficiaire en est un actionnaire ou une personne proche de la société contribuable n’est pas nécessaire ; il suffit qu’une autre explication du déroulement de l’opération ne puisse être trouvée (ATF 119 Ib 431 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_199/2009 du 14 septembre 2009 consid. 3.2, in RDAF 2009 II 566).

La présomption non renversée selon laquelle la société a versé une prestation appréciable en argent à son actionnaire ou à une personne le touchant de près déploie un certain effet secondaire. Ce qui sera considéré comme une distribution dissimulée de dividende au niveau de la société représentera en principe un avantage appréciable en argent pour l’actionnaire conformément à l’art. 20 al. 1 let. c LIFD. Dans la mesure où la prestation appréciable en argent de la société est entrée en force, les cantons effectuent généralement une imposition analogue auprès du détenteur de parts. Il n’existe néanmoins pas de véritable automatisme de taxation. Le versement de la prestation appréciable en argent par la société constitue certes un indice important dont il faut tenir compte dans l’imposition du détenteur de parts. Mais un effet d’extension de qualification échoue, car si la formulation du jugement (le dispositif) donne un accès à l’autorité de la chose jugée formelle et matérielle, tel n’est cependant pas le cas de l’établissement des faits ou des considérants quant au droit (les motifs). Par conséquent, seuls les facteurs fiscaux acquièrent l’autorité de la chose jugée. Une nouvelle appréciation du droit est indispensable au niveau de l’actionnaire, d’autant plus que la société et le détenteur de parts constituent - malgré leurs liens de droit commercial - deux sujets de droit et deux sujets fiscaux indépendants l’un de l’autre. En dérogation aux règles habituelles concernant le fardeau de la preuve, c’est au détenteur de parts, lorsqu’il est en même temps organe de la société, de contester dans les détails la nature et le montant de la prestation appréciable en argent prétendue par l’administration fiscale. On peut s’imaginer qu’il ne soulèvera des arguments qui ne seront pertinents que pour sa taxation. S’il omet de contester l’un des aspects ou s’il se limite à un exposé sommaire, l’autorité de taxation peut partir du principe que la taxation entrée en force pour la société se justifie également vis-à-vis de l’actionnaire (ATF 2C_489/2018 et 2C_490/2018 du 13 juillet 2018, Revue fiscale 2018 p. 960 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_16/2015 du 6 août 2015, in RDAF 2016 II 110 consid. 2.5.6 à 2.5.8).

7.             En matière de soustraction d’impôt, la solidarité fiscale est exclue au regard du principe de culpabilité, au contraire de ce qui prévaut en matière de paiement de l’impôt et du rappel d’impôt où les époux ont une responsabilité solidaire. En effet, la limitation de la responsabilité d’un époux à la soustraction de ses propres éléments imposables ne le libère par pour autant de sa solidarité s’agissant du rappel d’impôt lui-même. Chaque époux répond du montant d’impôt soustrait en totalité, même s’il n’a commis aucune soustraction d’impôt (Séverine L’EPLATTENIER, Contravention, délits et crimes fiscaux, § 317, p. 215-216 et les références citées).

8.             En l’occurrence, il résulte des pièces du dossier que les reprises opérées dans le chef du recourant correspondent en tous points à celles effectuées au niveau de la société, ce que les recourants ne remettent pas en cause. Ils ne contestent pas non plus l’affirmation de l’AFC-GE selon laquelle des bordereaux de rappel d’impôt notifiés à la société sont entrés en force. Le tribunal retient dès lors que les redressements opérés au niveau de cette dernière, qui n’ont pas été contestés par le recourant qui aurait pu s’adjoindre pour ce faire l’aide d’un tiers même s’il traversait une période compliquée dans son existence, sont effectivement entrés en force. Dès lors, conformément à la jurisprudence précitée, en dérogation des règles ordinaires sur le fardeau de la preuve, il appartient aux recourants de contester de manière détaillée les reprises incriminées.

Or, leurs allégations à cet égard consistent en des objections de caractère général et des suppositions, qui n’emportent pas la conviction du tribunal et qui ne seront donc pas suivie. Le tribunal partage l’avis de l’AFC-GE lorsqu’elle relève que puisqu’il a été établi que la société avait soustrait du chiffre d’affaires, on ne concevait pas qui d’autre que le recourant, en sa qualité d’actionnaire unique, aurait pu en bénéficier sous forme de prestations appréciables en argent. Partant, il ne peut être fait grief à l’AFC-GE d’être partie du principe que les taxations entrées en force pour la société se justifiaient également vis-à-vis des recourants, lesquels n’ont pas démontré n’avoir bénéficié d’aucune prestation appréciable en argent, alors même que le fardeau de la preuve leur incombait.

Le tribunal tient encore à relever que l’allégation selon laquelle toutes les pièces comptables des années fiscales en cause auraient été jetées par inadvertance par les employés du recourant, formulée pour la première fois lors de l’audience du 11 septembre 2024, est peu convaincante. En tout état, même à l’admettre, il n’en demeurerait pas moins que les recourants sont tenus de contester les reprises incriminées de manière détaillée et qu’ils ne l’ont pas fait, pour un motif qui relève également de la responsabilité puisqu’il n’a pas convenablement rangé ses pièces comptables, de sorte qu’elles ont été jetées avec les vieux papiers.

Les reprises concernant ces prestations sont donc justifiées.

Il en va de même des reprises relatives à la valeur fiscale de la société, élément admis par les recourants.

9.             Le recourant conteste les amendes qui lui ont été infligées.

10.         Selon les art. 175 al. 1 LIFD et 69 al. 1 LPFisc, est notamment puni d’une amende le contribuable qui, intentionnellement ou par négligence, fait en sorte qu’une taxation ne soit pas effectuée alors qu’elle devrait l’être, ou qu’une taxation entrée en force soit incomplète.

Pour que cette infraction soit retenue, il faut qu’il y ait soustraction d’un montant d’impôt, en violation d’une obligation légale incombant au contribuable, une faute de ce dernier, ainsi qu’un lien de causalité entre le comportement illicite et la perte fiscale subie par la collectivité (arrêts du Tribunal fédéral 9C_678/2022 du 5 juin 2023 consid. 8.2.1 et les arrêts cités).

11.         Le bien juridiquement protégé par ces dispositions est le patrimoine de la collectivité publique, lésé dès lors que les ressources financières n’augmentent pas conformément à ce que prévoit la loi fiscale. Ces dispositions protègent la créance fiscale en tant que fortune de la collectivité publique (ATF 121 II 257 consid. 5b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_907/2012 du 22 mai 2013 consid. 5.3). La soustraction fiscale suppose tout d’abord objectivement une insuffisance, totale ou partielle, dans le montant de l’impôt qui résulte d’une taxation. Le dommage porté aux intérêts pécuniaires de la collectivité correspond à la différence entre le montant de l’impôt fixé dans la décision définitive de taxation et le montant qui aurait été dû si le contribuable n’avait pas violé ses obligations.

12.         Le contribuable doit remplir la formule de déclaration d’impôt de manière conforme à la vérité et complète et y joindre les annexes (art. 124 al. 2 LIFD et 26 al. 2 LPFisc). Il doit faire tout ce qui est nécessaire pour assurer une taxation complète et exacte et, à la demande de l’autorité de taxation, fournir notamment des renseignements oraux ou écrits, présenter ses livres comptables, les pièces justificatives et autres attestations ainsi que les pièces concernant ses relations d’affaires (art. 126 al. 1 et 2 LIFD et 31 al. 1 et 2 LPFisc). Le contribuable est garant de ses déclarations, sur lesquelles l’autorité de taxation est en principe en droit de se fonder sans les vérifier et d’en présumer l’exactitude (arrêts du Tribunal fédéral 9C_723/2023 du 28 mars 2024 consid. 5.1 ; 2C_396/2022 du 7 décembre 2022 consid. 6.1.4). Lorsque le contribuable se heurte à une incertitude quant à un élément de fait, il ne doit pas la dissimuler, mais bien la signaler dans sa déclaration. Dans tous les cas, il doit décrire les faits de manière complète et objective (arrêt du Tribunal fédéral 2C_81/2022 du 25 novembre 2022 consid. 75.1).

13.         Lorsqu’un contribuable signe sa déclaration fiscale, il endosse la responsabilité de la véracité des indications qui s’y trouvent ; il répond ainsi lui-même des infractions fiscales commises si une faute lui est imputable ; il ne peut se libérer en faisant valoir qu’il s’est fait assister ou conseiller. Il ne faut en effet pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport au contribuable qui remplit sa déclaration fiscale lui-même par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.3 et les arrêts cités).

Ainsi, le contribuable qui mandate une fiduciaire pour remplir sa déclaration d’impôt n’est pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales, mais doit supporter les inconvénients d’une telle intervention ; il répond en particulier des erreurs de l’auxiliaire qu’il n’instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l’activité, du moins s’il était en mesure de reconnaître ces erreurs. Lorsqu’un contribuable signe sa déclaration fiscale par avance, laissant à la fiduciaire la charge de l’envoyer sans effectuer aucun contrôle, il s’accommode de la réalisation d’une éventuelle infraction fiscale si la déclaration fournie est inexacte. Pour retenir l’intention par dol éventuel, il faut toutefois que le contribuable ait pu reconnaître le caractère erroné de la déclaration fiscale s’il avait agi avec la diligence requise et qu’il ait ainsi été en mesure de la faire corriger. S’agissant de savoir si une soustraction est intentionnelle ou procède d’une négligence non punissable, l’importance des montants en cause joue aussi un rôle non négligeable, dès lors que l’absence d’un montant sur la déclaration d’impôt peut d’autant plus difficilement échapper au contribuable que la somme est élevée (ATA/1282/2018 du 27 novembre 2018 consid. 4a et la jurisprudence citée).

14.         La soustraction est punissable aussi bien intentionnellement que par négligence. La notion de négligence de l’art. 175 LIFD et de l’art. 56 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) est identique à celle de l’art. 12 du CP : commet un crime ou un délit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, agit sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. L’imprévoyance est coupable quand l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, par quoi l’on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle. Si le contribuable a des doutes sur ses droits ou obligations, il doit faire en sorte de lever ce doute ou, au moins, en informer l’autorité fiscale (ATF 135 II 86 consid. 4.3).

15.         La preuve d’un comportement intentionnel de la part du contribuable doit ainsi être considérée comme apportée lorsqu’il est établi avec une sécurité suffisante que celui-ci était conscient du caractère erroné ou incomplet des indications fournies. Si cette conscience est établie, il faut présumer qu’il a voulu tromper les autorités fiscales, afin d’obtenir une taxation plus favorable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_792/2021 du 14 mars 2022 consid. 6.4.1). Cette présomption ne se laisse pas facilement renverser, car l’on peine à imaginer quel autre motif pourrait conduire un contribuable à fournir au fisc des informations qu’il sait incorrectes ou incomplètes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1066/2018 du 21 juin 2019 consid. 4.1). Le dol éventuel suffit pour retenir l’intention (arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.2) : il suppose que l’auteur envisage le résultat dommageable, mais agit néanmoins, parce qu’il s’en accommode au cas où il se produirait (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1073/2018 du 20 décembre 2019 consid. 17.3.1). En revanche, agit par négligence celui qui, par une imprévoyance coupable, ne se rend pas compte ou ne tient pas compte des conséquences de son acte. L’imprévoyance est coupable lorsque l’auteur n’a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle, ce par quoi l’on entend sa formation, ses capacités intellectuelles et son expérience professionnelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1052/2019 du 18 mai 2020 consid. 3.7.1).

16.         Ainsi, un contribuable a, au moins, agi par dol éventuel lorsqu’il fournit des informations qu’il sait incomplètes ou incorrectes et n’intervient pas auprès du fisc pour les rectifier. On considère en effet qu’il a adopté ce comportement en escomptant que l’autorité fiscale s’en tienne à sa déclaration, sans l’examiner de manière approfondie. Un raisonnement similaire peut être tenu a fortiori si le contribuable n’a pas déposé de déclaration fiscale, qu’il obtient une taxation de loin plus favorable dans le cadre de la taxation d’office qui s’ensuit et ne réagit pas ultérieurement de lui-même pour rectifier l’erreur du fisc, soit avant que celui-ci ne s’en aperçoive et engage une procédure de rappel d’impôt (ATA/561/2011 du 30 août 2011).

17.         En règle générale et pour autant que toutes les autres conditions soient remplies, une soustraction est commise dès qu’il y a irrégularité dans la comptabilité (ATF 135 II 86 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_508/2014, 2C_509/2014 du 20 février 2015 consid. 5.3.1 ; 2C_907/2012, 2C_908/2012 du 22 mai 2013 consid. 5.2.1).

18.         En l’espèce, il a été établi que les déclarations 2017-2020 du recourant étaient irrégulières et incomplètes, ne mentionnant ni les prestations appréciables en argent obtenues ni la valeur fiscale de la société. Le dommage subi par la collectivité est équivalent au montant des rappels d’impôt dont le bien-fondé doit, comme vu ci-dessus, être confirmé. Il est par ailleurs établi qu’en ne déclarant pas ces éléments, le recourant a violé son obligation de remplir la déclaration fiscale de manière complète et conforme à la vérité (cf. art. 124 al. 2 LIFD et 26 al. 2 LPFisc). Les éléments objectifs d’une soustraction fiscale sont ainsi donnés.

L’élément subjectif, soit la faute, apparaît également réalisé, à tout le moins sous forme de dol éventuel. Que la comptabilité de la société et ses déclarations fiscales privées aient été établies par un comptable n’est pas suffisant pour admettre qu’il aurait pris toutes les précautions nécessaires ; cela ne l’a en effet pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales. Il ne peut au demeurant pas prétendre qu’il n’aurait pas pu déceler les prétendues erreurs de son comptable, ne démontrant pas avoir effectivement contrôlé les déclarations établies par ce dernier. Par ailleurs, le recourant ne saurait de manière toute générale rejeter la faute sur M. F______, celui-ci étant son auxiliaire, de sorte qu’il répond comme des siens des manquements et/ou oublis que celui-ci aurait par hypothèse commis dans la gestion de ses affaires fiscales. En tout état, ainsi que souligné à juste titre par l’AFC-GE, il ne peut être raisonnablement retenu que le recourant, qui a exercé plusieurs années à titre d’indépendant, n’ait aucune connaissance en matière administrative et fiscale, étant au surplus relevé que même un contribuable sans connaissance fiscale ne peut ignorer qu’il doit déclarer l’entier de ses revenus et les éléments de sa fortune. À cet égard, les lacunes comptables étaient de plus tellement flagrantes que le recourant aurait pu aisément les reconnaître s’il avait agi avec toute la diligence requise. Dans ces conditions, il faut admettre qu’il a agi fautivement, à tout le moins par dol éventuel.

Toutes les conditions de la soustraction fiscale étant ainsi remplies, les amendes litigieuses sont justifiées dans leur principe.

19.         En cas de soustraction fiscale, en règle générale, l’amende est fixée au montant de l’impôt soustrait ; si la faute est légère, l’amende peut être réduite jusqu’au tiers de ce montant ; si la faute est grave, elle peut au plus être triplée (art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc).

Le montant de l’impôt soustrait constitue le premier élément de fixation de la peine. Celle-ci doit ensuite être fixée selon le degré de la faute de l’auteur (cf. ATF 143 IV 130 consid. 3.3). En présence d’une infraction intentionnelle sans circonstances particulières, l’amende équivaut en règle générale au montant de l’impôt soustrait (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 9.1 et 11 ; ATA/401/2024 du 19 mars 2024 consid. 7.3).

Par faute grave, il faut comprendre, entre autres, la récidive, de même que l’attitude continuellement récalcitrante du contribuable vis-à-vis des autorités fiscales. Il y a en particulier circonstance aggravante, lorsque la soustraction d’impôt s’étend sur plusieurs années et s’effectue selon différents procédés, en cas d’existence d’un compte bancaire non déclaré ou, par exemple, en cas de présentation planifiée et erronée de bilans sur plusieurs exercices (cf. Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, n. 54 ad art. 175).

20.         En droit pénal fiscal, les éléments principaux à prendre en considération sont le montant de l’impôt éludé, la manière de procéder, les motivations, ainsi que les circonstances personnelles et économiques de l’auteur (ATF 144 IV 136 consid. 7.2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_180/2013 du 5 novembre 2013 consid. 9.1 ; 2C_851/2011 du 15 août 2012 consid. 3.3 et les références citées).

La bonne collaboration du contribuable dans la procédure en soustraction d’impôt constitue l’un des éléments permettant de réduire la peine (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_1007/2012 du 15 mars 2013). Entrent également en considération le repentir actif (réglé par l’art. 175 al. 3 LIFD) ou encore l’écoulement d’un temps relativement long entre l’acte et sa découverte, durant lequel le contribuable s’est comporté correctement à l’égard du fisc (cf. Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, op. cit., n. 47 ad art. 175 et les références citées).

Lorsque le contribuable cache un élément de sa fortune et omet de signaler les revenus qui en découlent dans plusieurs déclarations, on est en présence d’un concours réel : le contribuable commet une nouvelle soustraction fiscale à chaque déclaration (cf. Pietro SANSONETTI/Danielle HOSTETTLER, op. cit., n. 46 s., 54 et 56 s. ad art. 175).

21.         Dans la mesure où elles respectent le cadre légal, les autorités fiscales cantonales, qui doivent faire preuve de sévérité afin d’assurer le respect de la loi, disposent d’un large pouvoir d’appréciation lors de la fixation de l’amende, l’autorité de recours ne censurant que l’abus du pouvoir d’appréciation (cf. ATF 144 IV 136 consid. 9.1 ; ATA/1002/2020 du 6 octobre 2020 consid. 9b et les références citées).

Par ailleurs, selon la jurisprudence, l’importance des montants soustraits et donc des rappels d’impôts ne constitue pas une sorte de double sanction et n’est donc pas un critère devant jouer en faveur du contribuable, le critère légal des art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc étant celui de la gravité de la faute (cf. ATF 144 IV 136 consid. 7.3.2).

22.         En l’espèce, le recourant a commis intentionnellement une soustraction fiscale s’étant déroulée consécutivement sur quatre années et portant sur des montants de revenu non négligeables. Dans ces conditions, il faut admettre que cette soustraction procède d’une faute grave, qui devrait être sanctionnée, conformément à ce que prévoient les art. 175 al. 2 LIFD et 69 al. 2 LPFisc, par une amende au moins égale à une fois le montant de l’impôt soustrait.

L’AFC-GE a néanmoins réduit cette quotité à une demie fois de l’impôt soustrait, tenant compte de la situation financière du recourant et de la double pénalité, ce qui apparait plutôt clément. Pour le surplus, le recourant ne saurait se prévaloir de sa prétendue méconnaissance du droit fiscal et comptable (cf. ATF 126 V 308 consid. 2b) à titre de circonstance atténuante, puisqu’il est manifeste que tout contribuable sait - ou doit savoir - devoir déclarer l’entier de ses avoirs et des revenus découlant d’une activité lucrative. Quant aux circonstances particulières invoquées, à savoir une certaine promiscuité et les conséquences en découlant et le stress lié aux invasions de punaises de lit, qui sont au demeurant attestées pour des années fiscales postérieures à celles en cause, elles ne peuvent avoir une quelconque influence sur la quotité des amendes.

Dans ces conditions, la quotité retenue par l’AFC-GE sera confirmée.

23.         Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

24.         En application des art. 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 700.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 30 octobre 2023 par Monsieur A______ et Madame B______ contre la décision sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 21 septembre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 700.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Marielle TONOSSI, présidente, Giedre LIDEIKYTE HUBER et Jean-Marc WASEM, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière