Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/903/2024 du 09.09.2024 ( ICCIFD ) , REJETE
ATTAQUE
En droit
Par ces motifs
république et | canton de genève | |||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 9 septembre 2024
|
dans la cause
ASSOCIATION A______, représentée par Me Alexia HAUT, avocate, avec élection de domicile
contre
ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE
ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS
1. A______ (ci-après : la contribuable ou la recourante), a été créé par une assemblée constitutive du ______ 2001.
2. Par un courrier de sa fiduciaire du 28 février 2019, elle a indiqué vouloir déposer une dénonciation spontanée non punissable et demandé un délai pour transmettre son dossier complet.
3. A la suite de cette communication, le Service de la régularisation de l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a ouvert une procédure de rappels d’impôts pour l’IFD et l’ICC 2009 à 2017 par un courrier du 9 décembre 2019.
4. L’instruction de cette procédure a donné lieu à plusieurs échanges entre la fiduciaire de la contribuable et l’AFC-GE en parallèle avec la procédure de taxation ordinaire pour les périodes ultérieures.
5. Dans le contexte de cette dernière, ce mandataire a, par un courrier recommandé du 30 mai 2023, déposé une réclamation contre les bordereaux des périodes 2018 à 2021 notifiés le 23 mai 2023 « afin de préserver d’éventuels délais ». Elle indiquait que la procédure de rappel d’impôts pour les périodes antérieures était toujours pendante, si bien que les taxations des périodes ultérieures ne pouvaient pas intervenir.
6. Par un courrier daté du 16 mai 2023 et envoyé en recommandé le 30 mai 2023 à l’adresse de sa fiduciaire, le Service du contrôle de l’AFC-GE l’a informée que la procédure de rappels d’impôts portant sur les années 2009 à 2017 était terminée et lui remettait des bordereaux de rappels d’impôts, tout lui en informant qu’aucune amende n’était infligée. Ces bordereaux, datés du même jour, mentionnent comme date de notification le 31 mai 2023.
7. Il ressort du suivi de l’envoi recommandé par la poste que celui-ci a été distribué le 31 mai 2023.
8. Ce même jour, la fiduciaire de la contribuable a écrit au Service des personnes morales de l’AFC-GE en se référant à la taxation des périodes 2018 à 2021. Elle indiquait que « nous vous informons avoir reçu ce jour la décision du Service du contrôle qui répond à nos questions » et retirait sa réclamation de la veille.
9. Pour les bordereaux de rappels d’impôts des périodes 2009 à 2017, des rappels de paiement ont été envoyés à la contribuable le 14 juillet 2023.
10. Par un courrier recommandé du 25 juillet 2023 adressé au Service des personnes morales de l’AFC-GE, la fiduciaire de la contribuable s’est référée à un entretien téléphonique qu’elle avait eu avec la taxatrice en charge du dossier le 2 juin 2023. Il aurait été convenu au cours de celui-ci que la procédure de rappel d’impôts était close et que seules les décisions de taxations reçues devaient être payées. Les rappels de paiement du 14 juillet pour les années 2014 à 2017 se référaient à une période clôturée et sans que des décisions de taxation n’aient été reçues. Elle formait une réclamation et sollicitait un entretien pour clarifier la situation du dossier.
11. Par une décision expédiée sous pli recommandé le 30 octobre 2023, l’AFC-GE a déclaré irrecevable la réclamation contre les bordereaux de rappel d’impôts IFD 2009 à 2012 et ICC 2009 à 2017, notifiés le 31 mai 2023.
12. Contre cette décision, un recours a été déposé devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) par un nouveau mandataire. Développant longuement l’historique et le but de l’association recourante, et le fait qu’elle remplit un but d’utilité publique, elle indique qu’au cours de l’entretien téléphonique précité, la taxatrice avait répondu, s’agissant des années 2009 à 2017 que « tout était réglé et en ordre ». Après avoir reçu des rappels de paiement en juillet 2023, sa fiduciaire s’est étonnée de ne pas avoir reçu des bordereaux correspondant et a envoyé un courriel, puis un courrier recommandé, ce dernier le 25 juillet 2023. Diverses démarches ont été entreprises ultérieurement auprès de la Direction de l’AFC-GE, qui ont abouti, pour toute réponse, à la décision querellée du 30 octobre 2023. Indiquant n’avoir pas reçu les bordereaux, elle estime que l'AFC-GE doit procéder à une nouvelle notification. Pour le surplus, elle a formé une réclamation dans les 30 jours après avoir eu connaissance des rappels de paiement. Elle conclut dès lors à l’annulation de la décision et à ce qu’une notification des bordereaux soit effectuée avec un délai de 30 jours pour se déterminer sur ceux-ci ainsi qu’à l’allocation de dépens.
13. Dans sa réponse du 2 février 2024, l’AFC-GE conclut au rejet du recours. Elle indique que le courrier contenant les bordereaux litigieux a été notifié le 31 mai 2023, si bien que la réclamation déposée le 25 juillet 2024 seulement est manifestement tardive, sans qu’aucun motif sérieux ne soit invoqué pour justifier le retard. Elle constate certaines contradictions dans le descriptif des faits figurant dans le recours qui, de son point de vue, permettent de conclure que les bordereaux précités ont bien été notifiés en annexe à son courrier posté le 30 mai 2023.
14. Après avoir sollicité une prolongation de délai, la contribuable a, dans une réplique du 30 avril 2024, indiqué que la tardiveté invoquée par l’AFC-GE n’est pas démontrée. Relevant les différences de date entre les dates de rédaction et de notification des envois de l’AFC-GE, elle indique que, comme les bordereaux de taxation ordinaire pour les périodes 2018 à 2021 ont été expédiés simultanément, rien ne prouve que c’est bien le courrier du Service du contrôle qui figurait dans l’enveloppe envoyée sous pli recommandé. Par ailleurs, la photo produite de l’enveloppe ne permet pas de retenir, au vu de son format, qu’elle aurait pu contenir des bordereaux de neuf périodes. Au vu du volume des documents, il se serait plutôt agi d’un colis. Il est dès lors plus que probable que les bordereaux litigieux n’ont jamais été notifiés, si bien que le délai de réclamation n’a pas commencé à courir.
15. Par un courrier du 24 mai 2024 l’AFC-GE a fait savoir au tribunal qu’elle persistait dans les considérants et conclusions de sa réponse.
1. Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).
2. Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.
3. Préalablement, il convient de rappeler qu’en matière de réclamation, lorsque - comme en l’espèce - la décision sur réclamation est une décision d'irrecevabilité, seule la question de l'irrecevabilité peut faire l'objet du recours et non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l'autorité de recours doit en effet d'abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité de la réclamation (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) étaient ou non remplies et, si tel n'est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (cf. ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3 ; 2C_543/2017 du 1er février 2018 consid. 1.2).
4. Les longs développements que consacre l’Avocate de la recourante aux circonstances de sa constitution, son activité et son éventuelle exonération sont dès lors dénués de toute pertinence et ne seront pas examinés plus avant.
5. A teneur des art. 132 al. 1 LIFD et 39 al. 1 LPFisc, le contribuable peut adresser à l'autorité de taxation une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivent sa notification. Ce délai commence à courir le lendemain de la notification. Il est considéré comme respecté si la réclamation est remise à l'autorité de recours, à un office de poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse à l'étranger le dernier jour ouvrable du délai au plus tard (art. 133 al. 1 LIFD et 41 al. 1 LPFisc).
Les délais fixés par la loi sont des dispositions impératives de droit public. Ils ne sont en principe pas susceptibles d’être prolongés, restitués ou suspendus, si ce n’est par le législateur lui-même (art. 119 al. 1 LIFD et 21 al. 1 LPFisc). Ainsi, celui qui n’agit pas dans le délai prescrit est forclos (ATA/599/2023 du 6 juin 2023 consid. 3.2 et les références citées). Le strict respect des délais légaux se justifie pour des raisons d’égalité de traitement et n’est pas constitutif de formalisme excessif (ATF 142 V 152 consid. 4.2 in fine).
6. En l’espèce, l’AFC-GE allègue avoir expédié les bordereaux litigieux en annexe à son courrier daté du 16 mai 2023 et posté sous pli recommandé du 30 mai 2023, notifié le lendemain. De son côté, la recourante conteste avoir reçu ces bordereaux.
7. Le tribunal relève en premier lieu que le courrier de sa fiduciaire du 31 mai 2023, adressé au Service des personnes morales de l’AFC-GE se réfère précisément à une décision du Service du contrôle reçue le même jour, ce qui démontre bien qu’elle a reçu le courrier précité. Rien dans ce courrier ne permet de comprendre que les bordereaux énumérés dans l’avis de clôture des procédures de rappels d’impôts n’étaient pas annexés à l’envoi de l’AFC-GE. Les termes utilisés selon lesquels la décision « répond à nos questions » laissent clairement comprendre le contraire.
8. La photographie partielle de l’enveloppe produite sous pièce 18 par l’AFC-GE ne permet pas de retenir que celle-ci est de format C5. Elle apparaît au contraire comme coupée et de format C4, ce qui permettait de contenir les bordereaux de plusieurs années, contrairement à ce que soutient la recourante. Au reste, celle-ci n’a pas produit l’original de l’enveloppe qui est en sa possession et qui aurait permis de le démontrer.
9. Cette même copie fait ressortir, dans la fenêtre réservée à l’expéditeur, qu’il s’agit de l’envoi du Service du contrôle et non pas du Service de la taxation contenant les bordereaux des périodes ultérieures. De plus, le courrier précité de la fiduciaire de la recourante du 31 mai 2023 démontre clairement qu’elle avait reçu deux envois distincts, le premier du Service des personnes morales, qui a fait l’objet de la réclamation du 30 mai 2023, et le deuxième du Service du contrôle, reçu le 31 mai 2023.
10. Enfin, et conformément au principe de la bonne foi, cette mandataire aurait dû immédiatement contacter le Service du contrôle de l’AFC-GE si des annexes énumérées dans son courrier précité daté du 16 mai 2023 étaient manquantes. Ne l’ayant pas fait, il doit être retenu que la notification des bordereaux litigieux a bien eu lieu.
11. La réclamation formée contre ceux-ci par un courrier du 25 juillet 2023 seulement est dès lors manifestement tardive.
12. Selon les art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, une réclamation tardive n’est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d’absence du pays ou pour d’autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu’il l’a déposé dans les 30 jours après la fin de l’empêchement.
Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n’a pas respecté le délai légal en raison d’un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2). Celui-ci peut résulter d’une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l’on ne peut raisonnablement attendre de la part d’un homme d’affaires avisé (ATA/633/2022 du 14 juin 2022 consid. 2a et les références citées).
Les cas de force majeure sont également réservés. Tombent sous cette notion les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d’activité de l’intéressé et qui s’imposent à lui de façon irrésistible (ATA/599/2023 du 6 juin 2023 consid. 3.3 et les références citées). Pour établir l’existence d’un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l’assujetti (ATA/815/2022 du 17 août 2022 consid. 2).
13. Lorsqu'il mandate une fiduciaire, le contribuable n'est pas déchargé de ses obligations et responsabilités fiscales, mais doit supporter les inconvénients d'une telle intervention ; il répond en particulier des erreurs de l'auxiliaire qu'il n'instruit pas correctement ou dont il ne contrôle pas l'activité, du moins s'il était en mesure de reconnaître ces erreurs. Il ne faut pas que le contribuable qui se fait représenter soit favorisé par rapport au contribuable qui agit par lui-même par la possibilité de se soustraire à sa responsabilité en se retranchant derrière son représentant pour des fautes qui lui sont imputables (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_78/2019 du 20 septembre 2019 consid. 6.3 et les arrêts cités), étant rappelé que, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral et de la chambre administrative de la Cour de justice, les actes du représentant sont opposables au représenté comme les siens propres (arrêts du Tribunal fédéral 2C_577/2013 du 4 février 2014 consid. 6.1 ; 2C_280/2013 du 6 avril 2013 ; ATA/150/2021 du 9 février 2021 consid. 5b ; ATA/1127/2020 du 10 novembre 2020 consid. 4c).
14. En l’espèce, la recourante n’allègue pas l’existence d’un motif sérieux au sens des dispositions précitées, ni la survenance d’un cas de force majeur, qui l’aurait concrètement empêchée d’agir en temps utile.
15. Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que l’autorité intimée a déclaré irrecevable la réclamation de la recourante.
16. Partant, le recours sera rejeté.
17. En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de cette avance lui sera restitué. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable le recours interjeté le 30 novembre 2023 par A______ et contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 30 octobre 2023 ;
2. le rejette ;
3. met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;
4. ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 200.- ;
5. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
6. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Siégeant: Antoine BERTHOUD, président, Laurence DEMATRAZ et Caroline GOETTE, juges assesseurs
Au nom du Tribunal :
Le président suppléant
Antoine BERTHOUD
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |