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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2363/2024

JTAPI/708/2024 du 16.07.2024 ( MC ) , ADMIS PARTIELLEMENT

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2363/2024 MC

JTAPI/708/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 juillet 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Vicky STOCKMAR, avocate, excusant Me Betsalel ASSOULINE, avocat

 

contre

 

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1988, est ressortissant du Burkina Faso.

2.             Il a été condamné à sept reprises par les autorités judiciaires suisses.

3.             Le 11 septembre 2014, il a déposé une demande d'asile, sur laquelle le Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : le SEM) n'est pas entré en matière. Ce dernier a prononcé le renvoi de l'intéressé le 4 février 2015 et en a confié son exécution au canton de Berne.

4.             Le 28 avril 2015, M. A______ s'est vu notifier une interdiction d'entrée (IES) en Suisse valable du 28 avril 2015 au 27 avril 2018.

5.             Le même jour, il a été renvoyé en Italie.

6.             Revenu en Suisse malgré l’IES dont il faisait l'objet, M. A______ a été condamné par le Ministère public de Genève le 24 novembre 2016 et renvoyé au Burkina Faso le 31 mai 2022.

7.             Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 6 décembre 2022, dûment notifiée, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______, en application de l’art. 64 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), et lui a imparti un délai au 15 janvier 2023 pour quitter le territoire helvétique.

8.             Le 6 juin 2023, l'intéressé a été écroué à la prison de Champ-Dollon.

9.             Libéré le 5 décembre 2023, il s'est vu notifier le même jour par l'OCPM une convocation pour le 18 décembre 2023 à 11h00 au Vieil Hôtel de Police, boulevard Carl-Vogt 17 pour attester de sa présence et s'est vu saisir son passeport.

10.         Par courrier du 29 décembre 2023 adressé au SEM, l'intéressé a requis la restitution de son passeport.

11.         Le 9 février 2024, l'OCPM a convoqué M. A______ pour le 23 février 2024 à 11h00 et s’est vu transmettre divers documents dont une réservation de vol pour le 3 mars 2024 au plus tard, à destination de son pays d'origine.

12.         Entendu dans les locaux de l'OCPM le 23 février 2024, l'intéressé a déclaré réfléchir à s'il était disposé à quitter la Suisse et ne pas encore avoir de date de prévu pour son départ. Pour ce motif, il n’avait pas pris les documents sollicités. Il irait voir la Croix-Rouge afin d'organiser son départ.

13.         Le même jour, M. A______ s'est vu notifier une nouvelle IES valable pour trois ans dès la date de son départ de Suisse.

14.         Par courriel du 11 mars 2024, le service d'aide au retour de la Croix-Rouge a informé l'OCPM que M. A______ ne s'était pas manifesté pour prendre un rendez-vous auprès de leur service.

15.         Par courrier du 13 mars 2024, dûment notifié, l'intéressé s'est vu impartir un délai au 22 mars 2024 pour transmettre les documents déjà sollicités. Ce courrier est resté sans réponse.

16.         Le 22 avril 2024, M. A______ a été arrêté par les services de police au salon de coiffure DIX-NEUF BARBER SHOP, sis place du Lignon 31, à Le Lignon, après qu'il ait uriné dans ledit salon.

Entendu par la police le même jour, il a indiqué, notamment, qu'il était sorti de Suisse depuis son arrivée ou depuis sa dernière audition par la police, en précisant qu'il se rendait régulièrement en France voisine.

17.         Le 23 avril 2024, le Ministère public l’a condamné, notamment pour infraction à l’art. 115 LEI, puis l’a remis entre les mains des services de police, lesquels ont immédiatement procédé à la demande de réservation d'un vol de ligne en sa faveur à destination de son pays d'origine.

18.         Le 23 avril 2024, à 17h30, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois, en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1, renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. b et h LEI ainsi que de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI.

Lors de son audition, l’intéressé a déclaré ne pas s'opposer à son renvoi au Burkina Faso.

19.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

20.         Par jugement du même jour (JTAPI/382/2024), le tribunal a confirmé la détention administrative de M. A______ pour une durée d'un mois, soit jusqu'au 23 mai 2024 inclus.

21.         Le 26 avril 2024, l’intéressé s'est opposé à son renvoi par vol de ligne (DEPU) à destination de son pays d'origine.

22.         Par requête motivée du 6 mai 2024, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.

23.         Lors de l'audience du 14 mai 2024 devant le tribunal, M. A______ a expliqué n’avoir pas pris le vol du 26 avril dernier car il n'entendait pas rentrer au Burkina Faso. La situation n'y était pas stable, il y avait du terrorisme et il craignait pour sa vie dans son pays d’origine. Trois ou quatre coups d’état avaient eu lieu en dix ans. Il faudrait une stabilité politique pour qu'il rentre dans son pays. Son seul fils, ses frères et ses sœurs y vivaient. Ses parents étaient décédés. Il avait une bonne santé.

La représentante de l'OCPM a indiqué qu'ils attendaient une réponse du SEM d'ici la fin de la semaine prochaine au plus tard pour un vol DEPA ou spécial. Elle confirmait qu'il existait des vols avec escorte pour le Burkina Faso. Elle a plaidé et conclu à la confirmation de la détention administrative de M.  A______ pour une durée de deux mois.

Le conseil de l'intéressé a plaidé et conclu principalement, à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à son assignation territoriale, encore plus subsidiairement à ce que la durée de sa détention administrative s'élève à maximum deux semaines.

24.         Par jugement du même jour (JTAPI/468/2024), le tribunal a prolongé la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 23 juillet 2024 inclus.

25.         Les 16 mai et 5 juin 2024, la chambre administrative de la Cour de justice (CACJ) a rejeté les recours interjetés les 5 et 31 mai 2024 par M. A______ contre respectivement les jugements du tribunal des 25 avril et 14 mai 2024.

26.         Par requête motivée du 11 juillet 2024, l'OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

Selon les dernières informations du SEM, l’intéressé était inscrit sur le prochain vol spécial à destination du Burkina Faso qui devrait intervenir durant l'été 2024.

27.         Lors de l'audience de ce jour devant le tribunal, M. A______ a déclaré qu’il n’était toujours pas d’accord de retourner au Burkina Faso, pour les motifs déjà invoqués devant le tribunal et la chambre administrative. Il n’avait rien à ajouter par rapport à sa situation depuis le dernier examen de celle-ci par la chambre administrative le 5 juin 2024.

La représentante de l’OCPM a confirmé que le renvoi de M. A______ dans son pays d’origine, prévu par vol spécial dans le courant de l’été, était toujours d’actualité. Elle a versé à la procédure un pli confidentiel concernant les modalités de ce dernier. Elle a conclu à la confirmation de la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

Le conseil de M. A______ s’est étonnée de ne pas avoir plus de précisions concernant la date dudit vol. Elle a conclu, principalement, à la mise en liberté de son client, subsidiairement, à son assignation territoriale et, enfin, plus subsidiairement encore, à la réduction de la durée de sa détention administrative à ce qui était nécessaire eu égard aux informations à disposition du tribunal. La détention administrative était disproportionnée, la concrétisation du vol spécial n’étant, en particulier, pas garantie à ce jour.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour prolonger la détention administrative en vue de renvoi ou d'expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. e de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             S'il entend demander la prolongation de la détention en vue du renvoi, l'OCPM doit saisir le tribunal d'une requête écrite et motivée dans ce sens au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. d et 8 al. 4 LaLEtr).

3.             En l'occurrence, le 11 juillet 2024, le tribunal a été valablement saisi, dans le délai légal précité, d'une requête de l'OCPM tendant à la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de trois mois.

4.             Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.

5.             La question de la légalité de la détention de M. A______ a déjà été tranchée par le tribunal dans son jugement du 25 avril 2024 (JTAPI/382/2024) et elle a été confirmée par la chambre administrative (ATA/606/2024 précité) puis lors de l’examen de la demande de prolongation de ladite détention, par JTAPI/923/2022 du 14 mai 2024 et ATA/682/2024 du 5 juin 2024.

En l’absence de changements de circonstance, elle ne peut qu’être confirmée dans son principe. En outre, l’assurance du départ effectif de M. A______ répond toujours à un intérêt public et aucune autre mesure moins incisive ne peut être envisagée pour garantir sa présence jusqu’à l’exécution de son refoulement, ce d’autant plus qu’il se déclare toujours fermement opposé à un quelconque retour dans son pays.

6.             Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI). Concrètement, dans ces deux circonstances, la détention administrative peut donc atteindre dix-huit mois (cf. not. arrêt du Tribunal fédéral 2C_560/2021 du 3 août 2021 consid. 8.1).

7.             La détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101), qui se compose des règles d'aptitude - exigeant que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/189/2015 du 18 février 2015 consid. 7a).

8.             Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

9.             Selon la jurisprudence, le devoir de célérité est en principe violé lorsque, pendant plus de deux mois, aucune démarche n'est accomplie en vue de l'exécution du refoulement par les autorités compétentes, sans que cette inaction soit en première ligne causée par le comportement des autorités étrangères ou celui de l'intéressé lui-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; ATA/567/2016 du 1er juillet 2016 consid. 7a).

10.         Dans l'appréciation de la diligence des autorités, il faut notamment tenir compte de la complexité du cas, en particulier sous l'angle de l'exécutabilité du renvoi. Il faut en tous les cas se demander si la détention prononcée dans le cas d'espèce et sa durée demeurent nécessaires et restent dans une mesure proportionnée par rapport au but poursuivi (arrêts du Tribunal fédéral 2C_18/2016 du 2 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_218/2013 du 26 mars 2013 consid. 2.3).

11.         En l'espèce, concernant les démarches entreprises par les autorités en vue d’exécuter le renvoi de M. A______, elles continuent d’être effectuées avec diligence et célérité puisque l’intéressé est inscrit sur le prochain vol spécial à destination du Burkina Faso, lequel est prévu dans le courant de l'été 2024. A ce stade, aucun élément du dossier ne permet de douter de sa concrétisation.

Enfin, M. A______ est détenu administrativement depuis le 23 avril 2024, de sorte que la durée de la détention administrative admissible en vertu de l'art. 79 LEI n'est de loin pas atteinte. Elle ne le serait pas non plus à l'issue de la prolongation de trois mois sollicitée par l'OCPM, étant observé, au demeurant, que compte tenu de l'absence de coopération constatée de l’intéressé, sa détention pourrait se prolonger jusqu'à dix-huit mois en application de l'art. 79 al. 2 let. a LEI. Cela étant, la nécessité d’une prolongation de la détention de trois mois n’apparait pas nécessaire ni proportionnée en l’occurrence, au vu des éléments du dossier.

12.         Au vu de ce qui précède, la demande de prolongation de la détention administrative de M. A______ sera admise mais pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 23 septembre 2024.

13.         Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative de Monsieur A______ formée le 11 juillet 2024 par l’office cantonal de la population et des migrations ;

2.             l’admet partiellement ;

3.             prolonge la détention administrative de Monsieur A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 23 septembre 2024 ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière