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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3597/2023

JTAPI/669/2024 du 02.07.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : VIOLENCE DOMESTIQUE;CAS DE RIGUEUR
Normes : LEI.42; LEI.50.al1.leta; LEI.50.al1.letb; LEI.30.al1.letb; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3597/2023

JTAPI/669/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 2 juillet 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant pour son compte et celui de sa fille mineure B______, représentées par Me Liza SANT’ANA LIMA, avocate, avec élection de domicile

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______ et sa fille B______, nées les respectivement ______ 1992 et ______ 2012, sont ressortissantes de Colombie. Elles sont arrivées en Suisse le 18 juillet 2018.

2.             Le ______ 2018, Mme A______ a épousé à C______ (GE) Monsieur D______, ressortissant suisse né le ______ 1960. Aucun enfant n’est issu de cette union.

3.             L’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a de ce fait délivré des autorisations de séjour au titre du regroupement familial à Mme A______ et à sa fille ; ces autorisations ont été régulièrement renouvelées jusqu’au 21 août 2022.

4.             Le 14 février 2020, M. D______ a déposé plainte pénale contre son épouse pour des voies de fait survenues le jour même ; il a indiqué avoir l’intention d’entamer des démarches en vue du divorce. Auditionnée quatre jours plus tard par la police, Mme A______ a admis avoir giflé son époux lors d’une dispute, a contesté les autres reproches formulés par son époux et a répondu, à la question de comment elle voyait l’avenir de son couple, réfléchir au divorce.

Par ordonnance pénale et ordonnance de non entrée en matière partielle du 24 avril 2020, le Ministère public genevois l’a reconnue coupable de voies de fait (art. 126 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 – CP - RS 311.0) et l’a condamnée à une amende de CHF 200.-.

5.             Le 2 juin 2020, Mme A______ a déposé plainte pénale à l’encontre de son époux pour menace, injure et voies de fait, l’accusant notamment de l’avoir poussée violement et menacée de la mettre à la porte.

Le 14 octobre 2020, le Ministère public genevois a décidé de ne pas entrer en matière sur cette plainte, retenant que le couple était en pleine procédure de divorce et qu’au vu des versions contradictoires et de l’absence de tout élément permettant de privilégier une version plutôt qu’une autre, la procédure ne pouvait être poursui-vie.

6.             Le 20 juin 2020, M. D______ a déposé auprès du Tribunal de première instance (ci-après : TPI) une requête unilatérale en divorce pour rupture du lien conjugal, laquelle a été rejetée par jugement du 3 août 2022.

Pour sa part, Mme A______ a déposé une requête en protection de l’union conjugale.

7.             Le 24 décembre 2020, M. D______ a déposé plainte pénale contre son épouse pour des voies de fait survenues quelques heures auparavant, produisant un constat médical. Il a notamment exposé qu’elle lui avait jeté une bouteille de bière au niveau de sa poitrine et l’avait frappé à cinq ou dix reprises sur les flancs et au ventre avec ses poings et ses pieds, là où il avait subi une opération trois jours auparavant. Ils étaient en procédure de divorce depuis le mois de février 2020, mais vivaient encore sous le même toit. Auditionnée le jour même par la police, Mme A______ a contesté les violences qui lui étaient reprochées par son époux ; elle avait le pied cassé et les hématomes de son époux étaient dus à une liposuccion réalisée trois jours avant les faits ; son époux voulait qu’elle quitte l’appartement, mais elle n’avait « nulle part où aller ».

Mme A______ a été reconnue coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 et 2 al. 1 et 4 CP) et le Ministère public genevois l’a condamnée à une peine pécuniaire de 60 jours-amende par ordonnance pénale du 2 juin 2021.

Par jugement du 12 juin 2023, suite à l’opposition faite à l’ordonnance précitée et à l’audience ayant eu lieu par devant le Tribunal de police le 6 avril 2023, celui-ci a maintenu cette condamnation. L’appel interjeté contre ce jugement a été admis partiellement le 7 décembre 2023, la peine pécuniaire ayant été réduite à 30 jours-amende.

8.             Le 24 décembre 2020, une mesure d’éloignement administratif d’une durée de dix jours a été prononcée à l’encontre de Mme A______.

9.             Le 16 février 2021, la précitée a informé l’OCPM de son nouveau domicile (foyer E______), depuis le 24 janvier 2021.

10.         Le 22 mars 2021, Mme A______ a déposé plainte pénale à l’encontre de son époux, pour contrainte, séquestration et enlèvement ainsi qu’infractions contre l’intégrité sexuelle.

Par ordonnance du 24 août 2022, confirmée par arrêt de la Chambre pénale de recours du 29 mars 2023, le Ministère public du canton de Genève a ordonné le classement de la procédure ouverte suite à cette plainte.

11.         Par jugement sur mesures protectrices de l’union conjugale du 10 janvier 2022, le TPI a autorisé les époux à vivre séparés et a attribué la jouissance exclusive du domicile conjugal à M. D______. Par arrêt du 30 septembre 2022, la Cour de justice a confirmé ce jugement, fixant toutefois le montant des contributions d’entretien dues par M. D______, par mois et d’avance, à CHF 6’500.-. Le recours au Tribunal fédéral interjeté contre cet arrêt a été retiré en date du 15 mai 2023.

12.         Le 1er juillet 2022, Mme A______ a sollicité le renouvellement de son titre de séjour et celui de sa fille ; elle a indiqué être séparée depuis le mois de décembre 2020.

13.         Le 6 avril 2023, l’OCPM a informé Mme A______ de son intention de refuser d’accéder à la demande de prolongation de son titre de séjour et de celui de sa fille. Il lui a imparti un délai de trente jours pour faire valoir ses observations écrites.

14.         Le 8 mai 2023, Mme A______ s’est déterminée, sous la plume de son conseil. Elle a déclaré en substance avoir été victime de violences conjugales de la part de son époux, ayant fait l’objet de fausses accusations de la part de ce dernier. Les nombreuses procédures civiles et pénales qu’il avait intentées attestaient du traitement dégradant et persistant qu’elle avait subi. Le divorce n’avait pas encore été prononcé et elle devait comparaître aux audiences y relatives. Sa fille et elle-même étaient bien intégrées en Suisse, malgré les difficultés traversées au cours de la « relation toxique » avec M. D______. Un retour dans son pays d’origine constituerait un déracinement très important pour sa fille.

Divers justificatifs des procédures civiles et pénales opposant les époux ont été produits.

15.         Par jugement du ______ 2023, le TPI a prononcé le divorce des époux à la suite d’un accord intervenu entre les parties.

16.         Par décision du 28 septembre 2023, l’OCPM a refusé de prolonger les autorisations de séjour de Mme A______ et de sa fille, a prononcé leur renvoi et leur a imparti un délai au 28 décembre 2023 pour quitter la Suisse et le territoire des États-membres de l’Union européenne et des États associés à Schengen, l’exécution de cette mesure apparaissant possible, licite et raisonnablement exigible.

Mme A______ avait pris des cours de français de niveau B1 auprès de l’école F______ et travaillait à mi-temps dans le domaine de la restauration pour un salaire mensuel brut de CHF 1’920.-. Elle ne faisait pas l’objet de poursuites ou d’actes de défaut de biens, mais avait émargé, avec sa fille, à l’aide sociale entre 2021 et 2022 pour un montant total de CHF 41'500.65.

La durée de la vie conjugale avait duré moins de trois ans, du 18 juillet 2018 au 14 février 2020, date à laquelle M. D______ avait évoqué auprès des services de police son souhait de divorcer. Dès lors, l’art. 50 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) n’était pas applicable au cas d’espèce.

La poursuite de son séjour en Suisse ne s’imposait pas pour des raisons personnelles majeures, étant précisé que les séjours en Suisse de Mme A______ et de sa fille, aujourd’hui âgée de 11 ans, étaient de courte durée et qu’il n’existait aucun obstacle objectif à leur retour en Colombie. Elles pouvaient également compter sur l’appui des membres de leur famille restée en Colombie avec qui elles avaient conservé des attaches, comme l’attestaient leurs demandes de visas de retour sollicitées, la première fois, le 23 décembre 2022 pour se rendre en Espagne quinze jours, puis le 7 avril 2023 pour se rendre en Colombie vingt-deux jours afin de rendre visite à leur famille. Leur réintégration ne devrait pas poser de difficultés insurmontables.

Les violences conjugales alléguées avant la séparation, soit avant le 14 février 2020, n’étaient pas prouvées et étayées par des pièces, étant précisé que selon le rapport médical établi le 19 février 2021 par une psychiatre et une psychologue des HUG, l’intéressée avait commencé à être suivie par l’unité interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence depuis le 8 janvier 2021, soit après la séparation du couple, et une symptomatologie anxio-dépressive ainsi qu’un état dépressif sévère évoluant de manière favorable avaient été constatés. Il n’était nullement démontré que ces violences psychiques avaient rendu la continuation de la vie commune insupportable. Au contraire, M. D______ avait manifesté son souhait de divorcer déjà en février 2020 et Mme A______, s’opposait au principe même du divorce, ayant quitté le domicilie conjugale le 24 décembre 2020 suite à des mesures d’éloignement ordonnées par les services de police, et non de sa propre initiative. Elle résidait certes en Suisse depuis cinq ans, mais n’avait pas créé des attaches à ce point profondes et durables qu’elle ne pouvait plus raisonnablement envisager un retour dans son pays d’origine, y étant d’ailleurs arrivée à l’âge de 26 ans. Sa situation personnelle ne se distinguait guère de celle de bon nombre de ses concitoyens connaissant les mêmes réalités en Colombie. Son état de santé psychique apparaissait comme étant étroitement liée à son statut précaire et à la perspective d’un renvoi.

Sa fille, scolarisée auprès de l’école publique des G______ et qui prenait des cours de boxe éducative, n’était pas encore adolescente, de sorte que son intégration en Suisse n’était pas déterminante.

La procédure de divorce en cours ne justifiait nullement sa présence, s’agissant d’une procédure civile où elle pouvait se faire représenter par un mandataire afin de sauvegarder ses droits.

17.         Par acte du 30 octobre 2023, sous la plume de son conseil, Mme A______, agissant pour son compte et celui de sa fille mineure, a conclu à l’annulation de la décision précitée ainsi qu’à la prolongation de son autorisation de séjour et de celle de sa fille, sous suite de frais et dépens.

Elle avait rencontré M. D______ en Colombie en 2016 et il l’avait convaincue de l’épouser et de venir vivre en Suisse. Les conflits conjugaux avaient commencé à peine six mois après le mariage, non seulement parce que la famille de M. D______ ne l’acceptait pas, mais surtout parce que ce dernier, qui avait des relations extra-conjugales, avait commencé à l’humilier, à la rabaisser et à l’insulter, la traitant notamment de « délinquante, tueuse et narcotrafiquante », en plus de la forcer à avoir des rapports sexuels avec lui. Souhaitant littéralement se débarrasser d’elle et de sa fille, il avait déposé une requête unilatérale en divorce en février 2020 et, afin d’obtenir son expulsion du domicile conjugal, il l’avait poussée à bout si bien qu’elle avait fini par le gifler, ce qu’elle avait toujours admis. Malheureusement, dans le cadre des différentes plaintes pénales déposées par les époux, les paroles de son ex-conjoint avaient toujours été considérées comme la traduction de la vérité, alors que les siennes avaient été condamnées « au mépris le plus absolu ». Or, sa fille et elle-même se trouvaient en Suisse parce que M. D______, dont l’âge lui permettrait d’être son père, les y avait fait venir. Il cherchait très vraisemblablement une épouse docile et soumise en Colombie, aussi bien en raison de sa jeunesse que de sa situation socialement précaire.

Ce n’était que dans le cadre d’une thérapie entamée après sa séparation qu’elle avait pu se rendre compte qu’elle était victime de graves violences conjugales.

Malgré tant de bouleversements dans sa vie privée, elle avait travaillé à mi-temps en tant que spécialiste de la restauration pour H______ du 2 octobre 2022 au 31 juillet 2023. Son contrat de travail n’avait pas été renouvelé en raison du non-prolongement de son autorisation de séjour, alors même qu’elle était très appréciée de ses supérieurs hiérarchiques et de ses collègues. Elle était à la recherche d’un nouvel emploi, mais disposait de ressources financières pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa fille en raison des versements des contributions d’entretien. Elles avaient dû émarger à l’aide sociale en 2021 du fait de leur expulsion du domicile conjugal à Noël 2020, jusqu’à ce que la justice condamne M. D______ à lui verser une contribution d’entretien. Elle avait remboursé l’intégralité de l’aide reçue.

Âgée de 11 ans, bientôt adolescente, sa fille était scolarisée à Genève depuis 2018 et y était parfaitement intégrée. En plus de fréquenter l’École des G______, elle faisait des cours de couture créative et de dessin et disposait d’un répétiteur en anglais et en français. Son fort attachement à son cadre de vie genevois ressortait des témoignages de ses amis.

La décision querellée avait procédé à une constatation inexacte de leur situation personnelle, considérant à tort que les violences conjugales alléguées n’étaient pas prouvées et étayées par des pièces. Le rapport médical établi le 19 février 2021 par l’unité interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence des HUG, soit moins de deux mois après la séparation physique des époux, intervenue le 24 décembre 2020, ne permettait pas le moindre doute à ce propos. Les nombreuses procédures civiles et pénales intentées à son encontre attestaient du traitement dégradant et persistant qu’elle avait subi. Elle n’était âgée que de 26 ans lors de son arrivée en Suisse et ne maîtrisait pas le français, ne travaillait pas et ne connaissait personne à qui confier ses souffrances, dans la mesure où M. D______ était sa seule personne de référence.

En outre, sa fille et elle-même se trouvaient dans un cas d’extrême gravité au sens de l’art. 30 LEI. Elles avaient su s’intégrer à la vie économique et sociale de Suisse, pays qui était devenu le centre de leur vie privée et familiale, étant précisé que sa fille avait été alphabétisée en français et n’avait jamais fréquenté l’école dans son pays natal et que son retour au pays impliquerait un vrai saut dans l’inconnu, dans une réalité socio-culturelle dont elle n’avait pas les codes. De surcroît, l’année scolaire en Colombie débutait en février, si bien que l’éventuel retour de sa fille engendrerait un décalage dans sa scolarité, pouvant impliquer qu’elle se retrouve avec des camarades n’ayant pas son âge.

Un bordereau de pièces a été produit à l’appui de ces allégations.

18.         Dans ses observations du 8 janvier 2024, l’OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés n’étant pas de nature à modifier sa position.

La recourante ne contestait pas le fait qu’elle n’avait pas vécu en union conjugale avec son ex-époux pendant trois ans. Eu égard aux éléments figurant au dossier, elle ne pouvait pas se prévaloir de raisons personnelles majeures pour poursuivre son séjour en Suisse. Elle ne démontrait pas à satisfaction de droit avoir subi des violences dont le seuil d’intensité et de durée correspondent aux critères fixés par la jurisprudence fédérale en la matière. Aucun élément au dossier n’indiquait que sa réintégration sociale en Colombie était fortement compromise ; elle y avait vécu toute sa vie jusqu’à l’âge de 26 ans, son séjour en Suisse n’était pas de longue durée et elle avait certainement gardé des fortes attaches avec sa patrie, où elle disposait d’un réseau familial et de connaissances. Son intégration socio-économique en Suisse ne pouvait pas être considérée comme exceptionnelle, ayant bénéficié de prestations de l’aide sociale en 2021 et ayant eu un comportement, d’un point de vue du respect de l’ordre et de la sécurité public, qui ne pouvait pas être considéré comme irréprochable.

Sa fille, encore attachée dans une large mesure à son pays d’origine par le biais de la recourante, maîtrisait l’espagnol et connaissait sa famille en Colombie ; la demande de visa de retour la concernait aussi. Elle pourrait y mettre à profit les connaissances scolaires et l’expérience de vie acquises en Suisse, et s’y réintégrer socialement après un certain temps de réadaptation, soutenue par les siens,

19.         Par réplique du 9 février 2024, la recourante a persisté dans les conclusions de son recours et a conclu au rejet des observations de l’OCPM.

Elle ne contestait pas que son union conjugale avec M. D______ n’avait pas duré trois ans, mais la poursuite de son séjour en Suisse s’imposait pour des raisons personnelles majeures, ayant été victime de violences conjugales, notamment psychologiques, constatées par le rapport médical du 19 février 2021.

Sa fille, qui serait âgée de douze ans dans six mois, ne saurait s’intégrer socialement en Colombie, pays qu’elle avait quitté à l’âge de six ans et dans lequel elle n’avait jamais été scolarisée. La Colombie, où sa famille maternelle vivait certes toujours, ne restait toutefois pour elle qu’un pays de vacances où elle ne s’était rendue qu’à quelques reprises depuis son installation en Suisse ; elle n’avait pratiquement plus aucun souvenir dans sa toute petite enfance passée dans son pays d’origine.

20.         Par duplique du 22 février 2024, l’OCPM a indiqué ne pas avoir d’observations complémentaires à formuler.

21.         Par ordonnance pénale du 2 mai 2024, le Ministère public genevois a reconnu la recourante coupable de calomnie (art. 174 ch. 1 CP) et l’a condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, avec un sursis de 3 ans.

M. D______ avait en effet déposé plainte pénale à son encontre pour avoir, dans le cadre d’entretiens qu’elle avait eus en janvier et février 2021 avec des médecins et/ou psychologues de l’unité interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence, tenu des propos portant atteinte à son honneur, en l’accusant faussement de diverses violences, psychologiques, sexuelles et matérielles dont il aurait été l’auteur à son encontre et en particulier en indiquant qu’il avait porté à deux reprises déposé plainte pénale contre elle sur la base de mensonges, puis avoir produit le rapport médical du 19 février 2021 dans le cadre de la procédure civile qui les opposait devant le TPI.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d’étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d’application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu’elle viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/1331/2023 du 12 décembre 2022 consid. 3).

5.             Est litigeux le refus de prolonger l’autorisation de séjour de la recourante.

6.             La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants de Colombie.

7.             Selon l’art. 42 al. 1 LEI, le conjoint d’un ressortissant suisse ainsi que ses enfants célibataires de moins de 18 ans ont droit à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité à condition de vivre en ménage commun avec lui.

8.             En l’espèce, il est manifeste que la recourante ne peut plus déduire de droit de séjour fondé sur cette disposition, son mariage avec M. D______ ayant été dissous par jugement du ______ 2023.

9.             Aux termes de l’art. 50 al. 1 let. a LEI, après dissolution de la famille, le droit du conjoint et des enfants à l’octroi d’une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu des art. 42 et 43 LEI subsiste si l’union conjugale a duré au moins trois ans et les critères d’intégration définis à l’art. 58a LEI sont remplis. Ces deux conditions sont cumulatives (cf. ATF 140 II 345 consid. 4 ; 136 II 113 consid. 3.3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_63/2024 du 18 avril 2024 consid. 6.2 ; 2C_92/2023 du 5 mai 2023 consid. 6.2).

De jurisprudence constante, le calcul de la période minimale de trois ans commence à courir dès le début de la cohabitation effective des époux en Suisse et s’achève au moment où ceux-ci cessent de faire ménage commun (ATF 140 II 345 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_431/2023 du 26 octobre 2023 consid. 6.2) ; peu importe combien de temps le mariage perdure encore formellement par la suite (ATF 136 II 113 consid. 3.2 et 3.3). La limite des trois ans est absolue et s’applique même s’il ne reste que quelques jours pour atteindre la durée des trente-six mois exigés par l’art. 50 al. 1 let. a LEI (ATF 137 II 345 consid. 3.1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1048/2022 du 22 mars 2023 consid. 4.2).

10.         En l’espèce, il n’est à juste titre pas contesté que l’union conjugale de la recourante a duré moins de trois ans, le mariage ayant été célébré le ______ 2018, M. D______ ayant exprimé sa volonté de se séparer au début de l’année 2020 et la vie commune ayant cessé à Noël 2020.

Ainsi, dans la mesure où les deux conditions posées par l’art. 50 al. 1 let. a LEI sont cumulatives et que la première d’entre elles n’est pas remplie, il n’y a pas lieu d’examiner si l’intégration de la recourante est réussie.

11.         L’art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI permet au conjoint étranger de demeurer en Suisse après la dissolution de l’union conjugale, lorsque la poursuite de son séjour s’impose pour des raisons personnelles majeures. Les raisons personnelles majeures, visées à l’al. 1 let. b, sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violence conjugale, que le mariage a été conclu en violation de la libre volonté d’un des époux ou que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise (art. 50 al. 2 LEI).

Cette disposition vise à régler les situations qui échappent aux dispositions de l’art. 50 al. 1 let. a LEI, soit parce que le séjour en Suisse durant le mariage n’a pas duré trois ans ou parce que l’intégration n’est pas suffisamment accomplie ou encore parce que ces deux aspects font défaut, mais que - eu égard à l’ensemble des circonstances - l’étranger se trouve dans un cas de rigueur après la dissolution de la famille. À cet égard, c’est la situation personnelle de l’intéressé qui est décisive et non l’intérêt public que revêt une politique migratoire restrictive. Il s’agit par conséquent uniquement de décider du contenu de la notion juridique indéterminée « raisons personnelles majeures » et de l’appliquer au cas d’espèce, en gardant à l’esprit que l’art. 50 al. 1 let. b LEI confère un droit à la poursuite du séjour en Suisse, contrairement à l’art. 30 al. 1 let. b LEI qui constitue la base pour les permis de séjour pour cas de rigueur (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_364/2022 du 7 septembre 2023 consid. 2.3).

L’art. 77 al. 2 OASA précise que les raisons personnelles majeures visées à l’art. 50 al. 1 let. b LEI, sont notamment données lorsque le conjoint est victime de violence conjugale ou lorsque le mariage a été conclu en violation de la libre volonté d’un des époux ou que la réintégration sociale dans le pays de provenance semble fortement compromise.

L’énumération de ces cas n’est pas exhaustive et laisse aux autorités une certaine liberté d’appréciation fondée sur des motifs humanitaires (ATF 136 II 1 consid. 5.3).

12.         Si la violence conjugale est invoquée, les autorités compétentes peuvent demander des preuves. Sont notamment considérés comme indices de violence conjugale : a) les certificats médicaux, b) les rapports de police, c) les plaintes pénales, d) les mesures au sens de l’art. 28b du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) et e) les jugements pénaux prononcés à ce sujet (art. 77 al. 5 et 6 OASA). Les autorités compétentes tiennent aussi compte des indications et des renseignements fournis par des services spécialisés (art. 77 al. 6bis OASA).

13.         L’octroi d’un droit de séjour en faveur de victimes de violences conjugales a pour but d’empêcher qu’une personne faisant l’objet de violences conjugales poursuive la communauté conjugale pour des motifs liés uniquement au droit des migrations, quand bien même le maintien de celle-ci n’est objectivement plus tolérable de sa part, dès lors que la vie commune met sérieusement en péril sa santé physique ou psychique (ATF 138 II 229 consid. 3.1 et 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_956/ 2013 du 11 avril 2014 consid. 3.1 ; 2C_784/2013 du 11 février 2014 consid. 4.1). Lorsqu’une séparation se produit dans une telle constellation, le droit de séjour qui était originairement dérivé de la relation conjugale se transforme en un droit de séjour propre.

Sur la base de la ratio legis susmentionnée, il y a lieu de conditionner la présence d’un cas de rigueur suite à la dissolution de la famille pour violence conjugale à l’existence d’un rapport étroit entre la violence conjugale et la séparation du couple. Ce rapport n’est toutefois pas exclu du simple fait que l’initiative de la séparation n’a pas été prise par la personne qui prétend avoir fait l’objet de violence conjugale mais par son conjoint (arrêt du Tribunal fédéral 2C_915/2019 du 13 mars 2020 consid. 3.2) et une analyse du cas concret doit avoir lieu dans chaque affaire.

14.         Selon la jurisprudence, il convient de prendre au sérieux toute forme de violence conjugale, qu’elle soit physique ou psychique. La violence conjugale doit toutefois revêtir une certaine intensité. Elle constitue une maltraitance systématique ayant pour but d’exercer pouvoir et contrôle sur celui qui la subit (ATF 138 II 229 consid. 3.2.1). À l’instar de violences physiques, seuls des actes de violence psychique d’une intensité particulière peuvent justifier l’application de l’art. 50 al. 1 let. b LEI (ATF 138 II 229 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_47/2023 du 31 mars 2023 consid. 3.4.). Des affirmations d’ordre général ou des indices faisant état de tensions ponctuelles sont insuffisants (ATF 138 II 229 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_681/2021 du 26 janvier 2022 consid. 5.1).

La personne étrangère qui soutient, en relation avec l’art. 50 al. 1 let. b et al. 2 LEI, avoir été victime de violences conjugales est soumise à un devoir de coopération accru. Il lui appartient de rendre vraisemblable, par des moyens appropriés, la violence conjugale, respectivement l’oppression domestique alléguée. En particulier, il lui incombe d’illustrer de façon concrète et objective, ainsi que d’établir par preuves le caractère systématique de la maltraitance, respectivement sa durée, ainsi que les pressions subjectives qui en résultent (art. 77 al. 6 et al. 6bis OASA ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_49/2021 du 29 mars 2022 consid. 5.3). L’art. 50 al. 2 LEI n’exige toutefois pas la preuve stricte de la maltraitance, mais se contente d’un faisceau d’indices suffisants (arrêts du Tribunal fédéral 2C_593/2019 du 11 juillet 2019 consid. 5.2 ; 2C_196/2014 du 19 mai 2014 consid. 3.4) respectivement d’un degré de vraisemblance, sur la base d’une appréciation globale de tous les éléments en présence (ATF 142 I 152 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_671/2017 du 29 mars 2018 consid. 2.3). Ainsi, selon le degré de preuve de la vraisemblance, il suffit que l’autorité estime comme plus probable la réalisation des faits allégués que la thèse contraire (ATA/1333/2021 du 7 décembre 2021 consid. 7f).

15.         Une raison personnelle majeure susceptible de justifier l’octroi ou le renouvellement d’une autorisation de séjour peut également résulter d’autres circonstances. Ainsi, les critères énumérés à l’art. 31 al. 1 OASA jouent à cet égard un rôle important, même si, pris isolément, ils ne sauraient fonder un cas individuel d’une extrême gravité. Cette disposition comprend une liste exemplative de critères à prendre en considération pour juger de l’existence d’un cas individuel d’une extrême gravité, soit l’intégration, le respect de l’ordre juridique, la situation familiale, la situation financière et la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation, la durée de présence en Suisse et l’état de santé. Il convient en outre de tenir compte des circonstances qui ont conduit à la dissolution du mariage (ATF 137 II 1 consid. 4.1 ; voir également ATF 137 II 345 consid. 3.2.1 au sujet des différences avec les conditions d’application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI et consid. 3.2.2 et 3.2.3 sur la notion de « raisons personnelles majeures »).

Parmi les éléments déterminants, il convient de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, l’intéressé possédant des connaissances profession-nelles si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse, la situation des enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4206/2021 du 24 novembre 2022 consid. 5.4).

S’agissant de la réintégration sociale dans le pays de provenance, la question n’est pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de la réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l’étranger, seraient gravement compromises (cf. ATF 138 II 229 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_112/2020 du 9 juin 2020 consid. 5.1). Le simple fait que l’étranger doive retrouver des conditions de vie qui sont usuelles dans son pays de provenance ne constitue pas une raison personnelle majeure au sens de l’art. 50 LEI, même si ces conditions de vie sont moins avantageuses que celles dont cette personne bénéficie en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_112/2020 du 9 juin 2020 consid. 5.1 et les références).

Par ailleurs, la personne qui fait valoir que sa réintégration sociale risque d’être fortement compromise en cas de retour dans son pays est tenue de collaborer à l’établissement des faits. De simples déclarations d’ordre général ne suffisent pas ; les craintes doivent se fonder sur des circonstances concrètes (ATF 138 II 229 consid. 3.2.3).

La question de l’intégration de la personne concernée en Suisse n’est pas déterminante au regard des conditions de l’art. 50 al. 1 let. b LEI, qui ne s’attache qu’à l’intégration - qui doit être fortement compromise - qui aura lieu dans le pays d’origine (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_145/2019 du 24 juin 2019 consid. 3.7 et les arrêts cités ; 2C_1003/2015 du 7 janvier 2016 consid. 4.4).

16.         La recourante soutient que la poursuite de son séjour en Suisse se justifie au motif qu’elle aurait été victime de violences conjugales.

17.         En l’espèce, force est pour le tribunal de constater qu’il n’existe aucune preuve matérielle des violences domestiques alléguées, hormis le rapport médical du 19 février 2021 qui ne fait au demeurant que reprendre les dires de la recourante et pour lequel elle a été condamnée pour calomnie ; il n’emporte donc nullement la conviction du tribunal et ne peut fonder l’existence de violences domestiques. De plus, les diverses plaintes de la recourante ont été écartées par la justice pénale, dont l’indépendance et l’impartialité n’est pas à mettre en doute, tandis qu’elle a été condamnée pour avoir porté atteinte à l’intégrité physique de M. D______. Au vu de ces éléments, rien ne permet de conclure à l’existence de violences domestiques de la part de M. D______, lequel en a plutôt été la victime.

Au surplus, aucun élément ne permet de démontrer que la réintégration sociale de la recourante dans son pays d’origine serait fortement compromise. En effet, la Colombie est le pays dans lequel elle a vécu son enfance, son adolescence ainsi que le début de sa vie d’adulte. Elle y connaît les us et les coutumes. Des membres de sa famille, avec qui elle a gardé des contacts, vivent également dans ce pays. Le fait qu’elle n’y retrouvera sans doute pas le même niveau de vie que celui dont elle bénéficie actuellement en Suisse n’est pas pertinent au regard des critères rappelés ci-dessus. Enfin, la recourante n’a pas démontré qu’elle se serait créé des attaches profondes avec la Suisse ni qu’elle aurait des problèmes de santé sérieux, l’empêchant de retourner dans son pays d’origine. Au surplus, elle a été condamnée à diverses reprises par la justice pénale et il ne peut être retenu que son intégration socio-économique en Suisse soit exceptionnelle.

Compte tenu de ce qui précède, les conditions posées par l’art. 50 al. 1 let. b LEI ne sont en l’espèce pas remplies.

18.         Enfin et pour les mêmes motifs, on ne saurait non plus parvenir à la conclusion que la recourante se trouverait dans un cas individuel d’une extrême gravité au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-6778/2011 du 13 janvier 2014 consid. 10.4 ; C-6133/2008 du 15 juillet 2011 consid. 8.3), qu’il ne peut de toute façon pas invoquer, du fait qu’il a déjà été exempté des mesures de limitation suite à son mariage (cf. ATA/81/2018 du 30 janvier 2018).

19.         Se pose enfin la question de savoir si la fille de la recourante se trouve dans un cas de rigueur, étant rappelé que l’art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l’existence d’un cas individuel d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l’intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

20.         D’une manière générale, lorsqu’un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse et y a seulement commencé sa scolarité, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d’origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Avec la scolarisation, l’intégration au milieu suisse s’accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l’âge de l’enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l’état d’avancement de la formation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter, dans le pays d’origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. L’adolescence - période comprise entre 12 et 16 ans (ATF 123 II 125 consid. 4b ; ATA/329/2022 du 29 mars 2022 consid. 8a) - est en effet une période essentielle du développement personnel, scolaire et profes-sionnel, entraînant une intégration accrue dans un milieu déterminé. Un soudain déplacement du centre de vie peut constituer un véritable déracinement et s’accompagner de grandes difficultés d’intégration. Un retour dans la patrie peut donc, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l’école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1700/2022 du 11 janvier 2024 consid. 7.5).

Sous l’angle du cas de rigueur, il est considéré que cette pratique différenciée réalise la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, telle qu’elle est prescrite par l’art. 3 al. 1 par. 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l’Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107 ; ATF 135 I 153 consid. 2.2.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-6053/ 2017 du 13 février 2020 consid. 8.2.1). Les dispositions de la CDE, qui ne posent que des principes dont les autorités législatives, exécutives et judiciaires des États parties doivent s’inspirer, ne font d’ailleurs pas de l’intérêt de l’enfant un critère exclusif, mais un élément d’appréciation dont l’autorité doit tenir compte lorsqu’il s’agit de mettre en balance les différents intérêts en présence, de sorte qu’aucune prétention directe à l’octroi d’une autorisation de droit des étrangers ne peut en être déduite (ATF 144 I 91 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_241/2023 du 17 mai 2023 consid. 4.2.3 ; 2C_544/2022 du 11 juillet 2022 consid. 4.3).

21.         En l’occurrence, âgée de presque six ans à son arrivée en Suisse et désormais âgée de presque douze ans, la fille de la recourante n’est pas encore entrée dans l’adolescence. Bien que scolarisée depuis sa venue à Genève, vu la capacité d’adaptation des jeunes enfants, il apparaît qu’un déménagement dans son pays d’origine, dont elle parle vraisemblablement la langue, en compagnie de sa mère qui s’occupe d’elle depuis sa naissance, ne représenterait pas un obstacle insurmontable pour cet enfant.

Sa situation ne constitue dès lors pas un cas de rigueur.

22.         Dans ces conditions, il apparaît que la décision de l’OCPM est conforme au droit en vigueur.

23.         Aux termes de l’art. 64 al. 1 LEI, l’autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l’encontre d’un étranger qui n’a pas d’autorisation alors qu’il y est tenu (let. a), d’un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée en Suisse (let. b) et d’un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l’autorisation, bien que requise, est révoquée ou n’est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).

Elle ne dispose à ce titre d’aucun pouvoir d’appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d’une demande d’autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 8a).

24.         En l’espèce, dans la mesure où les recourantes sont dépourvues à ce jour de titre de séjour valable en Suisse, l’OCPM n’avait d’autre choix que de prononcer son renvoi en application de l’art. 64 al. 1 let. c LEI.

25.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

26.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

27.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d’État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 30 octobre 2023 par Madame A______, agissant pour son compte et celui de sa fille mineure B______, contre la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 28 septembre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l’avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d’État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière