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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2136/2024

JTAPI/663/2024 du 27.06.2024 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.75.al1.leth; LEI.76.al1.letb.ch1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2136/2024 MC

JTAPI/663/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 juin 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Raffaella MEAKIN, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1979 et originaire d'Irak, est connu des services de police et de la justice suisse.

Selon ses dires, il n'a pas d'enfants et sa famille, dont sa mère et ses frères vivaient à B______ (Irak). Lorsqu'il s'y rendait, il était logé, nourri et aidé financièrement par sa mère. Il s'y était rendu pour la dernière fois en 2020. En 2006, il avait quitté son pays d'origine pour s'installer en France, à C______. Son titre de séjour français lui avait été retiré en 2012, notamment en raison d'un séjour en Irak et de ses condamnations en France. Il s'était ensuite établi à Genève. En 2016, il avait obtenu une attestation tolérant sa présence en Suisse durant les démarches en lien avec son mariage, puis avait obtenu un permis B le 24 mars 2017. S'agissant de sa situation personnelle, il n'avait aucune source de revenu. Il avait des dettes à hauteur de CHF 140'000.-.

2.             Son casier judiciaire français fait état de trois condamnations à des peines privatives de liberté de quatre mois avec sursis, un an assorti du sursis partiel et un an et demi ferme entre 2008 et 2012 pour des faits de violence sur une personne chargée de mission de service public, violence sur un conjoint / concubin / partenaire et violence avec usage ou menace d'une arme.

3.             Par ailleurs, selon la procédure d'entraide versée au dossier, il ressort que M. A______ avait reconnu avoir, le 7 mars 2017, au casino de D______(France), frappé un homme car, selon lui, ce dernier pensait pouvoir gagner de l'argent en le poussant et en le mettant en colère.

4.             Selon un acte d'accusation du 10 décembre 2019, l'intéressé a notamment été accusé des faits suivants :

-       Le 25 mai 2015, il avait giflé Madame E______, qui circulait au volant de son véhicule, car elle repoussait ses avances, l'avait menacée de mort à plusieurs reprises, l'avait saisie par les cheveux pour l'empêcher de sortir du véhicule, l'avait frappée au visage à plusieurs reprises, lui causant des lésions au nez et une fracture de la main, et endommagé son téléphone portable ;

-       Le 5 décembre 2015, il avait violé les règles de la circulation routière, conduisant sans permis et causant intentionnellement la chute de Monsieur F______ de son motocycle, causant des dommages à hauteur de CHF 3000.- et assénant à ce dernier plusieurs coups de pieds au niveau des jambes ;

-       Le 16 octobre 2017, M. A______ avait donné à son épouse avec qui il faisait ménage commun, Madame G______, plusieurs coups de poing au visage, lui causant des hématomes, ecchymoses, œdème et plaies ;

-       Le 6 janvier 2019, il avait intentionnellement bousculé Madame G______, la faisant chuter, et lui avait asséné des coups de poing au visage, lui causant des lésions.

5.             Par arrêt du 16 novembre 2021, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice a déclaré M. A______ coupable de lésions corporelles simples, lésions corporelles simples contre une personne hors d'état de se défendre ou de se protéger, dommages à la propriété, tentative de contrainte, séjour illégal et conduite sans permis, l'a condamné à une peine privative de liberté de seize mois, sous déduction de 442 jours correspondant à 300 jours pour la détention avant jugement et 142 jours pour l'imputation des mesures de substitution, a ordonné un traitement ambulatoire sous la forme d'une suivi préconisé par l'expert, et a ordonné l'expulsion de Suisse de l'intéressé pour une durée de trois ans.

6.             Le juge de la Cour de justice pénale a notamment retenu ce qui suit :

L'appelant, qui a été condamné à quatre reprises en Suisse entre octobre 2013 et avril 2017 et trois fois en France entre 2008 et 2012 pour des faits de violence non dénués de gravité, est coutumier de comportements illicites. Son comportement témoigne de son incapacité à respecter l'ordre juridique suisse, les sanctions prononcées contre lui ne parvenant manifestement pas à le détourner de la commission de nouvelles infractions. Il est ainsi à craindre avec une forte probabilité que l'appelant menace à nouveau l'ordre et la sécurité publique. Les infractions commises, et en particulier les lésions corporelles simples, sont d'une gravité certaine (…). Il ne peut être considéré que son intégration en Suisse est réussie (…)

En dehors de son épouse, qu'il a violentée à plusieurs reprises, l'appelant ne possède aucun lien étroit avec la Suisse. Rien n'indique que le retour de l'appelant en Irak le mettait dans une situation personnelle grave. (…) Au regard de ce qui précède, l'intérêt à l'expulsion de l'appelant l'emporte sur son intérêt privé à demeurer en Suisse. (pièce 1, consid. 5.3.1, page 33).

7.             Par courrier du 21 mars 2023, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a octroyé à M. A______ un délai de cinq jours pour s'exprimer au sujet de son expulsion judiciaire, conformément à son droit d'être entendu.

8.             Par décision du 22 décembre 2023, l'OCPM a décidé de ne pas reporter l'expulsion judiciaire prononcée à l'encontre de M. A______ le 16 novembre 2021, lui octroyant un délai de 48 heure dès sa libération pour quitter la Suisse.

9.             L'intéressé a été interpellé par la police genevoise le 12 décembre 2023 et prévenu de menaces, contraintes dans le cadre de violences conjugales, séjour illégal et empêchement d'accomplir un acte officiel. Il ressortait du rapport d'arrestation que l'intéressé, en date du 12 décembre 2023, avait menacé son épouse, Madame H______, de la tuer avec une arme à feu, avait voulu lui jeter de l'acide au visage et l'étrangler jusqu'à la mort. Le même jour, l'intéressé avait contraint physiquement son épouse afin de lui faire embrasser ses chaussures, l'avait contrainte à le suivre à l'extérieur pour une promenade forcée et l'avait forcée à fouiller son smartphone. Par ailleurs, il avait poussé Mme H______ contre sa porte palière d'appartement. Entendu par les services de police, l'intéressé avait nié les faits. S'agissant de sa situation personnelle, il n'avait aucune famille ni attache particulière en Suisse, étant précisé qu'il était séparé de son épouse, Mme H______, et qu'il souhaitait divorcer. Il ne travaillait pas.

10.         Le 13 décembre 2023, M. A______ a été entendu par le Ministère public puis maintenu en détention provisoire à la prison de Champ-Dollon.

11.         Par courrier du 13 décembre 2023, Mme H______ a informé l'OCPM du fait de sa séparation avec son mari, M. A______, depuis le 1er septembre 2023.

12.         Le 9 janvier 2024, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice a informé l'OCPM du fait que M. A______ avait déposé un recours contre la décision de non-report d'expulsion judiciaire prise à son encontre le 22 décembre 2023.

13.         Par ordonnance pénale du 12 avril 2024, le Ministère public a condamné M. A______, alors qu'il était détenu à la prison de Champ-Dollon, pour menaces (art. 180 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0)), menaces commises par le conjoint (art. 180 al. 2 let. a CP), contrainte (art. 181 CP), empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP), rupture de ban (art. 291 al. 1 CP), acte préparatoires délictueux à la séquestration ou à l'enlèvement (art. 260bis al. 1 let. e CP) et délit contre la loi fédérale sur les armes (LArm), et l'a condamné à une peine privative de liberté de cinq mois, sous déduction de 78 jours de détention avant jugement.

14.         Le 17 juin 2024, le SAPEM a émis un ordre d'exécution à jour concernant la détention de l'intéressé, mentionnant une fin de peine au 25 juin 2024.

15.         Le 17 juin 2024, l'OCPM a appris que la cause relative au recours interjeté par M. A______ contre la décision de non-report d'expulsion judiciaire avait été rayée du rôle [par la Chambre pénale de recours] sans décision formelle. La décision de non-report d'expulsion était donc désormais définitive.

16.         Le jour-même 2024, les services de police ont adressé au Secrétariat d'Etat aux migrations une demande d'identification et d'obtention des documents de voyage en faveur de M. A______, annexant à ladite demande, notamment, une copie de son passeport iraquien. En effet, il ressortait du dépôt de Champ-Dollon que l'intéressé n'était pas porteur de son passeport.

17.         A sa sortie de prison, le 25 juin 2024, l'intéressé a été remis en mains des services de police en vue de l'exécution de son expulsion.

18.         Le 25 juin 2024, à 14h55, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois, fondant cette décision notamment sur les art. 75 al. 1 let. h cum 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Irak, car il s'agissait d'un pays en guerre. Le procès-verbal d'audition mentionne que la détention pour des motifs de droit des étrangers a débuté le même jour à 14h30.

19.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

20.         Lors de l'audience de ce jour, M. A______ a indiqué que l'une des condamnations prononcées contre lui en France était injustifiée car il avait clairement été victime d'une agression mais son agresseur et lui avaient été condamnés comme s'ils avaient les mêmes torts. S'agissant des violences qui lui étaient reprochées à l'égard de son épouse, elle avait abusé de la situation et avait profité du fait qu'elle connaissait son histoire. Il avait été condamné alors que la procureur en charge de l'affaire lui avait laissé entendre qu'en donnant son accord, il pourrait échapper à une expulsion. Il aurait également voulu pouvoir s'opposer à certains actes mais avait pâti du manque de diligence de sa précédente mandataire. Celle-ci avait précisé qu'il n'avait aucune chance de s'opposer à sa condamnation au vu de ses antécédents. Sur question de son conseil, il n'était absolument pas au courant du fait qu'une expulsion avait été prononcée à son encontre en 2021. Ni son avocate ni aucun de ceux qu'il avait consultés par la suite, ni le service de probation et d'insertion ne lui en avaient parlé. D'ailleurs il ne comprenait pas pourquoi on l'avait autorisé à se marier le 13 mars 2023 avec Mme H______.

Le conseil de M. A______ a déposé des pièces complémentaires sous bordereau numéroté de 1 à 3.

Sur question de son conseil, M. A______ a expliqué que la pièce n°2 émanait d'une milice chiite qui lui voulait du mal, son frère et son père ayant déjà reçu des menaces et des avertissements de sa part, étant précisé que sa famille était sunnite. La formulation selon laquelle M. A______ devait venir pour obtenir la justice divine ne voulait pas dire grand-chose de clair mais il savait qu'il était potentiellement menacé de mort. Il avait reçu d'autres lettres de menace par la suite. Il s'estimait toujours en danger à l'heure actuelle. Lorsqu'il était retourné en Irak depuis 2005, il n'avait jamais séjourné plus de deux jours d'affilée pour sa sécurité. D'ailleurs lors d'une de ces visites, sa famille avait reçu des visites menaçantes de personnes qui savaient manifestement qu'il était présent à ce moment-là et son père lui avait d'ailleurs demandé de partir immédiatement car il craignait pour la vie de toute la famille. Sur question de son avocate, il a expliqué avoir un réseau d'amis et de connaissances important à Genève. Des amis suisses avaient d'ailleurs écrit une attestation pour témoigner en sa faveur.

La représentante du commissaire de police, sur question du tribunal, concernant la manière dont s'était terminée la procédure dans le cadre de laquelle M. A______ avait contesté le non report de son expulsion judiciaire, a expliqué avoir appris du SAPEM que la fin de détention de M. A______ allait intervenir le 25 juin 2024, alors que le commissaire de police n'avait aucune information sur la suite donnée à la contestation par M. A______ du non report de son expulsion judiciaire. Elle avait elle-même eu un téléphone avec la CPR, lui expliquant que M. A______ avait été invité à motiver son recours et qu'il ne l'avait pas fait, de sorte que la cause avait été rayée du rôle sans décision formelle.

M. A______ a expliqué que durant ses six mois de détention à Champ-Dollon, il n'avait vu un ou une assistante sociale qu'à trois reprises et qu'il n'avait pas compris quoi que ce soit aux démarches qui étaient faites en son nom. Par ailleurs, il avait rencontré à quelques reprises un avocat qui lui avait répété que le mieux était qu'il se plie aux décisions rendues à son égard. Sur question du tribunal, personne n'avait parlé avec lui du fait qu'une juridiction l'avait consulté pour expliquer les raisons qui pouvaient selon lui s'opposer à son retour en Irak.

Sur question du tribunal, le conseil de M. A______ a expliqué que l'avocate de ce dernier n'avait eu qu'environ 24 heures pour se pencher sur son dossier, de sorte qu'aucune décision n'avait encore été prise sur l'éventualité de le défendre pour tenter de contester la procédure par laquelle la CPR avait fini par rayer la cause du rôle.

M. A______ a ajouté que son précédent conseil lui avait parlé d'une audience qui devait se tenir le 4 mai ou le 4 juin 2024 devant un tribunal, tout en lui suggérant d'accepter les charges qui pesaient contre lui pour des violences à l'égard de son épouse. Sur question du tribunal de savoir jusqu'à quand sa précédente avocate était constituée, il a indiqué ne pas le savoir mais l'avoir vue la dernière fois il y avait environ un mois ou deux.

La représentant du commissaire de police a précisé, s'agissant du mariage qui avait eu lieu en mars 2023, que M. A______ était titulaire d'un permis B en cours de validité, étant précisé que dans ce genre de situation, les expulsions prononcées dans les cas où celles-ci étaient facultatives n'entraînaient la caducité du permis B qu'au moment où l'expulsion était exécutée. Elle a produit des directives du SEM concernant la procédure de retour à destination de l'Irak, qui impliquaient un passeport en cours de validité ou un laissez-passer. A ce jour, elle n'avait pas de nouvelles de la demande de soutien au renvoi adressée au SEM et elle ne savait pas combien de temps les démarches pourraient prendre jusqu'à l'exécution de l'expulsion. Elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pour une durée de deux mois.

Le conseil de M. A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à ce que sa détention soit remplacée par une mesure subsidiaire.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 25 juin 2024 à 14h30.

3.             L'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 lettre h LEI, permet d'ordonner la détention administrative d'un ressortissant étranger afin d'assurer l'exécution d'une décision de renvoi ou d'expulsion notifiée à celui-ci, lorsque la personne concernée a été condamnée pour crime, par quoi il faut entendre une infraction passible d’une peine privative de liberté de plus de 3 ans (art. 10 al. 2 CP).

4.             Selon l’art. 76 al. 1 let. b LEI, lorsqu'une décision de renvoi ou d'expulsion a été notifiée, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, placer la personne concernée en détention administrative, notamment si celle-ci menace sérieusement d'autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l'objet d'une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif (ch. 1 renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. g LEI).

5.             Comme la loi exige une menace sérieuse ou une mise en danger grave de la vie ou de l'intégrité corporelle d'autres personnes, il faut que le comportement répréhensible revête une certaine intensité. Les infractions, y compris en relation avec les stupéfiants, qui apparaissent comme des cas bagatelles ne suffisent pas (arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3 ; 2A.35/2000 du 10 février 2000 consid. 2b/bb ; 2A.450/1995 du 3 novembre 1995 consid. 5a). Enfin, comme la disposition est tournée vers le futur et tend à empêcher que l'étranger continue son comportement dangereux, il faut en outre faire un pronostic pour déterminer si, sur la base des circonstances connues, il existe un risque sérieux que d'autres mises en danger graves se reproduisent (arrêts du Tribunal fédéral 2C_293/2012 du 18 avril 2012 consid. 4.3 ; 2A.480/2003 du 26 août 2004 consid. 3.1 et les nombreuses références citées).

6.            En l'espèce, M. A______ fait l'objet d'une mesure d'expulsion de Suisse prononcée le 16 novembre 2021 par la Chambre pénale d'appel et de révision du canton de Genève pour une durée de trois ans. De plus, il a été condamné par ordonnance pénale du 14 avril 2024, notamment, pour actes préparatoires à la séquestration ou à l'enlèvement, infraction passible d'une peine privative de cinq ans (art. 260bis al. 1 let. c CP), ce qui est donc un crime.

7.            Par conséquent, sur le principe, la détention administrative de M. A______ a été prononcée conformément au droit.

8.             Selon le texte de l'art. 76 al. 1 LEI, l'autorité "peut" prononcer la détention administrative lorsque les conditions légales sont réunies. L'utilisation de la forme potestative signifie qu'elle n'en a pas l'obligation et que, dans la marge d'appréciation dont elle dispose dans l'application de la loi, elle se doit d'examiner la proportionnalité de la mesure qu'elle envisage de prendre.

9.             Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

10.         Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

11.        Par ailleurs, les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

12.        En l'espèce, M. A______ soutient que son expulsion à destination de l'Irak ne peut être exécutée en raison de la dangerosité de la situation générale dans ce pays et des dangers qui pèsent spécifiquement sur lui au vu des recherches dont il fait l'objet de la part d'une milice chiite. Il se réfère à cet égard aux art. 83 al. 4 LEI et 5 al. 1 de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31). Il se réfère également aux constatations faites par le Haut commissariat aux réfugiés sur le fait que les personnes forcées à retourner en Irak seraient exposées à des risques considérables, en particulier celles recherchées par des milices. Il renvoie encore aux conseils pour les voyageurs à destination de l'Irak, mis en ligne par le Département fédéral des affaires étrangères, qui souligne notamment un risque élevé d'enlèvement pouvant entraîner la mort, par des groupes terroristes ou criminels, aussi bien pour les personnes irakiennes que les personnes étrangères. Enfin, il se réfère à la lettre de menace du 19 juillet 2008 qu'il a produite durant l'audience, émanant d'une milice chiite.

La question du caractère exigible de l'expulsion de M. A______ à destination de l'Irak a fait l'objet d'une décision de non-report rendue par l'OCPM le 22 décembre 2023 et devenue à priori définitive suite au fait que le recours interjeté par M. A______ contre cette décision auprès de la chambre pénale de recours a été rayée du rôle selon les informations découlant du dossier. Il n'appartient pas au tribunal de céans de se substituer à l'autorité compétente pour examiner cette question, ce d'autant qu'en l'espèce, les circonstances entourant l'issue de la procédure susmentionnée semblent peu claires, en particulier quant à savoir si le droit d'être entendu de M. A______ a fait l'objet de notification à un mandataire professionnellement qualifié ou si cette notification lui a été directement adressée à Champ-Dollon et s'il a alors eu l'occasion d'en prendre connaissance. Ainsi, il est à tout le moins prématuré que le tribunal examine lui-même une question sur laquelle il n'est pas à priori impossible que M. A______ obtienne d'une manière ou d'une autre un nouvel examen par l'autorité normalement compétente pour cela. Il convient à cet égard de relever qu'en l'état, les autorités chargées d'exécuter l'expulsion de M. A______ ne disposent pas de documents permettant son renvoi immédiat en Irak et que les démarches nécessaires à cette fin sont susceptibles de prendre un certain temps.

Quant au fait qu'une mesure moins incisive que la détention administrative permettrait également d'atteindre le but recherché, cela apparaît peu vraisemblable, compte tenu du fait que M. A______ s'est montré à de nombreuses reprises, aussi bien en France qu'en Suisse, très peu respectueux de l'ordre juridique et qu'il a également démontré un tempérament impulsif, qui conduit à douter de sa capacité à agir de manière réfléchie et surtout contre ses intérêts, par simple respect d'une obligation administrative.

Il a également souligné qu'il ne représentait pas un danger ou une menace pour la société dans son ensemble, dans la mesure où les infractions pour lesquelles il avait été sanctionné avaient été commises à l'intérieur de son couple. Il s'agit cependant d'une représentation tronquée de la situation, puisqu'il s'est également montré violent à l'égard d'autres personnes que sa conjointe. A cet égard, il existe un intérêt public manifeste à ce que M. A______ puisse être éloigné de Suisse.

Enfin, les autorités compétentes ont agi avec diligence et la durée de détention prononcée à l'égard de M. A______ apparaît proportionnée à la durée des démarches qui apparaît à priori nécessaire pour mener à bien ces dernières.

13.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.

14.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 25 juin 2024 à 14h55 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 24 août 2024 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière