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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2390/2023

JTAPI/649/2024 du 27.06.2024 ( AMENAG ) , REJETE

Descripteurs : RACCORDEMENT;ASSAINISSEMENT(EN GÉNÉRAL);EAU;EAUX POLLUÉES
Normes : LEaux-GE.65; LEaux.12; LEaux-GE.67
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2390/2023 AMENAG

JTAPI/649/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 27 juin 2024

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCEAU

 


EN FAIT

1.             L'ancienne parcelle n° 1______ de la commune de B______ (ci-après: la commune), sise à l’époque à l'adresse 2______, route C______, en zone agricole, était la propriété de Madame A______, viticultrice.

Cette parcelle a fait l’objet d’une division parcellaire le 4 mai 2020 dont sont issues les parcelles nos 3______ – 4______, route C______ – et 5______ – 2______, route C______.

2.             Mme A______ a déposé, le ______ 2018, une requête en autorisation de construire portant sur l’édification d’une maison sur la parcelle n° 1______ auprès du département du territoire (ci-après : le département), laquelle a été enregistrée sous la référence DD 6______.

3.             Dans le cadre de l’instruction de cette demande, la direction générale des eaux, devenue l'office cantonal de l'eau (ci-après: OCEau), a rendu un préavis favorable sous conditions le 12 novembre 2018.

Concernant l’assainissement individuel, le préaviseur a indiqué avoir eu un entretien téléphonique avec Mme A______ le 25 juin 2018 lors duquel il était ressorti notamment que l’installation existante était vétuste (environ 40 ans), qu’elle était située à environ 100 m en aval de la maison d’habitation, que l’évacuation de l’effluent de l’installation était inconnue, qu’une partie de la parcelle était inscrite au registre des sites pollués par le service de géologie, sols et déchets (ci-après: GESDEC) (D______), que la DD 7______ avait été refusée par l’office des autorisations de construire, que les autorités communales étaient en train de conduire une étude de faisabilité afin de desservir le périmètre par un système public d’assainissement des eaux, que, compte tenu des circonstances particulières, du faible nombre d’équivalent-habitant (ci-après: EH) et nonobstant la non-conformité vraisemblable de l’installation individuelle d’assainissement, le service de l’écologie des eaux avait toléré, à titre exceptionnel, une situation transitoire de maintien du statu quo de maximum 5 ans avec pour objectif un raccordement au système public d’assainissement des eaux à construire et que, dans le cadre du concept d’évacuation des eaux, il avait vivement suggéré d’orienter celles-ci côté route C______ afin de faciliter les travaux de raccordement le moment venu.

L’autorisation de construire a été délivrée le ______ 2019.

4.             Le 6 janvier 2020, suite à un contrôle effectué le 5 décembre 2019, le bureau E______ a établi un rapport de conformité concernant la parcelle n° 1______ – 2______, route C______ – relatif aux écoulements des biens-fonds privés, lequel indiquait en substance que l'évacuation des eaux polluées – eaux usées s'effectuait dans une fosse individuelle.

5.             Le 24 mai 2023 s’est tenue une séance d’information à la Mairie de B______ concernant le projet de collecteur d’eaux usées et station de pompage sur la route C______ entre le domaine F______ et le hameau G______, à laquelle Mme A______ s’était faite excuser.

Concernant la mise en séparatif, il a été indiqué que les travaux relatifs au collecteur public en limite de propriété étaient à la charge de la commune et que, dans les limites de parcelles privées, les frais étaient à la charge des propriétaires privés qui choisissait son entreprise.

Le représentant de l'OCEau a précisé qu’une mise en demeure serait envoyée aux riverains concernés courant juin 2023 spécifiant un délai de mise en conformité des biens fonds privés à fin 2024.

6.             Par courrier recommandé du 14 juin 2023, le service de l’assainissement et de la gestion des eaux (ci-après : SAGE) de l’OCEau a notifié à Mme A______ une décision concernant le raccordement en système séparatif des canalisations d’eaux polluées et non polluées de la parcelle n° 3______.

Le SAGE a précisé les points suivants :

- la commune allait procéder prochainement à la construction d'un système public d'assainissement des eaux polluées dans la route C______, du n° 8______ au carrefour de la route H______ ;

- que, dans ce contexte, les eaux polluées provenant de sa/ses propriété(s) devaient être raccordées à la canalisation appropriée de l'équipement susvisé, les eaux non polluées continuant de s'écouler selon l'état existant ;

- que, sous domaine public, la commune, autorité compétente en la matière, ferait exécuter, aux frais des propriétaires, tous les travaux nécessaires et que ceux-ci seraient facturés aux propriétaires après leur réalisation, conformément aux dispositions légales en la matière ;

- qu'à l'intérieur de sa/ses parcelle(s), il lui appartenait, si nécessaire, de procéder à la séparation des eaux polluées et non polluées et de mettre définitivement hors service les éventuelles installations d'épuration individuelle ;

- qu'elle devait vérifier l'état et le bon fonctionnement de ses canalisations existantes, engager les travaux de réfection ou de reconstruction de celles-ci, et créer des dispositifs de contrôles et d'entretien distincts sur ses réseaux d'eaux polluées et non polluées si elles étaient actuellement inexistantes ;

- que le délai qui lui était accordé pour effectuer lesdits travaux était fixé au 31 décembre 2024 (pour les travaux à l'intérieur de sa parcelle) ;

7.             Par courrier du 16 juin 2023, Mme A______ a interpelé la commune suite à la séance d’information du 24 mai précédent sur différents points.

Elle a notamment fait valoir qu’étant donné que, pour se brancher au collecteur au niveau du 2______, route C______, elle se verrait dans l’obligation de réaliser une fouille d’environ 100 m sur le fond privé à sa charge, elle demandait à la commune de bien vouloir participer aux frais, à l’instar de la participation communale dont avait bénéficié la Cave I______, ce dans un esprit d’équité entre les citoyens de B______.

8.             La commune a répondu à Mme A______ le 16 juillet 2023 sur les points évoqués.

Elle a notamment précisé que seules les eaux usées étaient concernées par l’assainissement. Quant à sa demande de participation communale aux frais de raccordement, elle avait entrepris des recherches concernant ce qui fut octroyé au domaine I______.

9.             Par acte du 14 juillet 2023, Mme A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision du 14 juin 2023, concluant à son annulation.

Elle habitait au 4______, route C______ avec trois personnes en moyenne à l’année, où se situait également le siège de son activité viticole. L’OCEau l’obligeait à se brancher au niveau du 2______, route C______ ce qui représentait environ 150 m de tuyau à poser sur sa propriété au lieu des 50 m qui permettraient de rejoindre, au plus court, le domaine communal. Ces 150 m représentaient une dépense de CHF 82'500.- (soit CHF 500.- à 600.- le mètre selon le technicien de l’entreprise J______ SA). Le montant des travaux ainsi que la taxe de raccordement à rajouter équivaudrait à CHF 28'416.- par EH, ce qui était quatre fois supérieur à ce que la jurisprudence admettait.

La commune avait participé financièrement au branchement aux séparatifs de la cave viticole; elle avait ainsi demandé à la commune une participation communale.

En 1993, on avait exigé qu’elle branchât les eaux usées du 4______, route C______ au séparatif de la route H______ ; elle avait recouru contre cette décision et les juges avaient conclu que la dépense était excessive. La situation en 2023 n’avait guère changé. Elle était propriétaire de l’exploitation familiale et dégageait de faibles revenus : sa maison était toujours équipée de la station d’épuration individuelle à trois compartiments qui fonctionnait parfaitement. Si elle devait payer CHF 82'500.-, elle devrait emprunter et les limites de la charge maximale selon la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11) devraient alors être négociées. Cette dépense pénaliserait fortement ses investissements prévus à 5 ans.

Enfin, les stations d’épuration individuelles n’étaient pas les seules sources de pollution. Elle n’avait pas reçu de réponse à la question de savoir si des projections avaient été faites afin de connaitre le débit d’étiage du Nant sans l’apport des eaux des stations d’épuration.

Pour terminer, le rapport de conformité produit concernait le 2______, route C______ et non le 4______.

10.         Le 24 août 2023, la commune a répondu au courrier du 8 juillet 2023 de Mme A______. Il s’avérait que la commune avait, en son temps, avancé le montant des travaux à la charge du domaine I______ afin de réaliser les travaux sur son bien-fonds mais que son bénéficiaire avait procédé à son remboursement. Elle était consciente que de tels travaux représentaient un coût conséquent et tous les frais liés à ces raccordements seraient engagés par la commune, agissant en qualité de maître d'ouvrage ; ensuite, ils seraient facturés aux propriétaires privés riverains dont elle faisait partie. En effet, les raccordements des bien-fonds privés au réseau public d'assainissement étaient à leur charge.

11.         Le département s’est déterminé sur le recours le 18 septembre 2023, concluant principalement à son rejet, subsidiairement à ce que la recourante produise des pièces destinées à démontrer la disproportion des coûts induits par les mesures demandées (projet d’assainissement, devis comparatifs, contrat d’entretien ou contrôles techniques réguliers et récents ainsi que tout autre document utile). Il a produit un chargé de pièces.

La décision querellée s'inscrivait dans le cadre d'un projet d'assainissement global initié au début de l'année 2018, concernant le périmètre du Domaine F______ et des habitations environnantes qui n'étaient pas raccordés à un système d'assainissement public, dont la propriété de la recourante faisait partie. Les eaux usées (domestiques et liés à des activités viticoles) transitaient par des installations individuelles d'assainissement dont les effluents étaient rejetés dans le nant du K______, par l'intermédiaire des réseaux de drainage, puis dans le L______, environ 700 m en amont du barrage de M______, avec les eaux pluviales. La très mauvaise qualité de l'eau du nant du K______ et l'existence de graves pollutions avaient été confirmées au moyen des prélèvements réalisés en 2017 par le Service de l'écologie de l'eau, devenu le service de la surveillance et de la protection des eaux et des milieux aquatiques, si bien que la mise en place du projet d'assainissement communal et de raccordement des installations individuelles d'assainissement des habitations et exploitations concernées avait été considérée comme une nécessité au regard du grave impact sur le milieu naturel et du non-respect répété des exigences de la législation fédérale sur la protection des eaux, en particulier de l'OEaux.

Suite à un monitoring des eaux superficielles du Nant réalisé pour l’année 2017, la réalisation d’un concept global d’assainissement (réseau public et raccordements des réseaux d’épuration individuels) avait été considéré comme une nécessité. Cette étude avait conduit au préavis favorable sous condition de l’autorisation de construire DD 6______ du ______ 2018 concernant la construire de la maison sise sur la parcelle sise route C______ 2______ (statu quo toléré pour un maximum de 5 ans avant un raccordement au système public d’assainissement des eaux). La recourante connaissait ainsi depuis de longues années l’existence et l’origine des pollutions du Nant et avait donc été informée de la nécessité de devoir, à court terme, se raccorder au réseau public d’assainissement.

L’argument du faible débit d’étiage n’était pas pertinent, même si parfois le nant était à sec, l’absence de pollution de l’eau n’en restant pas moins une nécessité.

En sa qualité de propriétaire du bien-fonds, c’était elle qui devait prendre en charge l’intégralité des coûts liés au raccordement de son système d’épuration individuelle en suivant les recommandations de l’OCEau et de la commune.

La situation avait changé depuis la décision de 1993 : le réseau d’assainissement s’était développé et le point de raccordement imposé à la recourante se situait à 100 m de son habitation, dans la direction opposée sur la route C______, si bien que la construction d’une station de pompage n’était plus nécessaire.

Les montants avancés par la recourante ne reposaient sur aucun projet, calcul ou devis mais uniquement sur des discussions orales avec l’entreprise J______ SA : le métrage de 150 m évoqué dans le recours prêtait à confusion puisque la recourante avait mentionné une autre distance dans son courrier du 16 juin 2023 à la commune. Un raccordement directement en face de sa propriété était par ailleurs impossible du fait que, dans cette zone, la conduite était sous pression et les raccordements privés techniquement irréalisables. Ainsi, le raccordement proposé par l’OCEau de 100 m était la meilleure option possible.

Dans le calcul effectué par la recourante de la taxe de raccordement, elle avait pris en compte le tarif de CHF 25.-/ m2 correspondant à la composante des eaux pluviales mais n’avait semble-t-il pas tenu compte de la composante des eaux usées : ses calculs étaient dès lors tout à fait approximatifs, voire inexacts.

Le montant de CHF 82'500.- avancé par la recourante étant erroné, voire surévalué, il lui était dès lors difficile de se prononcer sur la pesée des intérêts en présence. En tout état la recourante avait été informée depuis de nombreuses années que ces travaux de raccordement allaient lui être imposés et qu’ils auraient pu être prévus dans les investissements budgétés.

12.         La recourante a répliqué le 6 octobre 2023, maintenant son recours.

Elle estimait que le département faisait une confusion entre le 4______ et le 2______, route C______, et notamment que le rapport de E______ ne concernait pas la présente procédure.

Il était faux de prétendre qu’elle connaissait depuis de nombreuses années l’existence et l’origine de la pollution du nant du K______. Elle savait depuis le préavis de l’OCEau de 2019 (dans le cadre de la demande d’autorisation de construire) que si la construction d’un réseau d’eau se réalisait elle devrait relier les eaux usées du 2______ route C______.

Aucun élément ne permettait de retenir que les eaux provenant des installations individuelles d’épuration étaient polluées au-delà des mesures admises. Elle prenait personnellement soin de sa fosse septique en injectant régulièrement des bactéries et en utilisant des détergents bio.

Elle maintenait que, si nécessaire, la commune de B______ avait participé aux dépenses de raccordement.

Concernant le métrage, les 150 m (exactement 141.82) avaient été calculés grâce aux instruments de mesure du système d'information du territoire genevoise (ci-après: SITG) ; le métrage exact devait encore être affiné mais il était certain qu’il ne serait pas de 100 m. Le métrage de l’OCEau de 100 m était en ligne direct impliquant l’arrache de la vigne située sur le tracé : les incidences financières liées à l’arrachage de la vigne seraient à rajouter au coût des travaux. Elle estimait que le département aurait pu formuler un prix du mètre : le sien lui avait été transmis par un technicien de l’entreprise J______ SA et ne lui semblait pas irréaliste. Enfin, comme une fouille serait réalisée sur le chemin C______ pour le passage de la conduite, cette même fouille pourrait être utilisée pour placer le tuyau de raccordement et permettre un raccordement au plus court, soit de 50 m.

N’étant pas une spécialiste, il se pouvait tout à fait qu’elle se soit trompée sur le montant de la taxe de raccordement.

Pour terminer, elle n’avait appris la réalisation du projet de mise en séparatif en 2023 seulement et sa capacité financière dépendait de ses récoltes : en l’occurrence, 2022 et 2023 avaient été des années très sèches avec une quantité de raisin divisée par deux.

13.         Le département a informé le tribunal, le 30 octobre 2023, qu’il considérait que toutes les observations émises par la recourante dans sa réplique avaient déjà été soumises dans le recours et trouvaient réponse dans ses écritures du 29 septembre 2023. Par conséquent, il n’avait aucune détermination à exprimer.

14.         Le 15 février 2024, le tribunal a procédé à l'audition des parties.

a.              La recourante a déclaré qu'elle s'opposait totalement à son obligation de se raccorder au réseau public depuis la maison sise 4______, route C______. Le système actuel pouvait selon elle être maintenu. Concernant la villa sise au 2______, route C______, tout était en ordre. Elle n'avait pas le plan relatif aux travaux réalisés sur la route C______, raison pour laquelle elle ne pouvait pas demander un devis pour les travaux à sa charge. Elle contestait que sa fosse septique fut responsable de la pollution du nant du K______ et doutait que le fait de raccorder toutes les habitations aux quatre stations d'épuration de Genève fut une bonne idée.

Elle contestait que le rapport de E______ du 12 novembre 2019 concernait la parcelle au 4______, route C______.

b.             L'ingénieur du DT-OCEau a déclaré qu'il s'agissait d'une problématique de qualité des eaux des habitations de la route C______ nécessitant des travaux. L'OCEau avait demandé à la commune d'étendre son réseau d'assainissement ; les travaux sur la route C______ étaient en cours de réalisation. Tous les propriétaires avaient reçu une décision de se raccorder.

Il pouvait produire les plans des travaux réalisés sur la route C______. Le point où la recourante devait raccorder ses canalisations avait déjà été prévu. C'était l'endroit le plus opportun qui avait été choisi. Pour un raccordement à la hauteur de la maison de la recourante, il faudrait creuser une fouille plus profonde pour se raccorder ; ces frais seraient à sa charge. Il se tenait à disposition de la recourante pour une réunion avec les ingénieurs et les entreprises, notamment la société J______ SA.

Le rapport E______ du 12 novembre 2019 avait été mis à titre indicatif et concernait l'ancienne parcelle. Dans les deux décisions rendues, soit celle relative au 2______, route C______ et celle relative au 4______, route C______, il avait mis en annexe le même rapport de E______ puisqu'il concernait la parcelle avant la division.

Les fosses septiques étaient une source de pollution de façon générale du fait que le niveau d'entretien, l'étanchéité et la qualité de l'épuration de ces fosses étaient inconnus. Elles étaient encore tolérées dans les endroits où il n'était pas possible de se raccorder.

L'OCEau a déposé des plans concernant la réalisation de la canalisation de la route C______. Il s'engageait à envoyer à la recourante, par courriel, les plans d'autorisation des travaux en cours sur la route C______ ainsi que le montant de la taxe de branchement.

c.              La juriste de l'OCEau a indiqué que le nant du K______ était un cours d'eau qui supportait le fait de ne pas être irrigué toute l'année. Par ailleurs, ce n'était pas parce qu'il serait en déficit d'eau qu'il faudrait continuer à l'alimenter par des eaux à évacuer, et donc, maintenir la fosse septique chez la recourante. L'autorité se plaçait au niveau de l'assainissement des eaux et non pas au niveau du fait que le nant du K______ pourrait être quelque temps à sec. Le département était également disposé à décaler l'obligation de réaliser les travaux dans le temps si l'aspect financier était un point bloquant, il pouvait encore attendre un petit peu mais il faudrait que ce raccordement soit réalisé à terme. La politique globale voulait que les gens se raccordassent au réseau d'assainissement public; La recourante était au courant de son obligation de se raccorder depuis le jugement du tribunal de 1993.

15.         Le 18 mars 2024, la recourante a transmis au tribunal un devis du 28 février 2024 de la société J______ SA pour les travaux de raccordement privé des eaux usées sur la parcelle n° 3______ au réseau public d'assainissement. Cette société était aussi mandatée par la commune pour effectuer les travaux de création de ce réseau. Le montant du devis était de CHF 64'633.-. Elle joignait également la taxe unique de raccordement fixée par l'OCEau d'un montant de CHF 1'983.-.

16.         Le 9 avril 2024, le département s'est déterminé sur le courrier de la recourante du 18 mars 2024.

Le devis du 28 février 2024 précité, lequel, bien que reflétant une estimation sérieuse et professionnelle, devait être considérée avec prudence, compte tenu de sa nature intrinsèquement prévisionnelle. Certains éléments du devis, notamment le calcul du métrage linéaire et le poste n° 6 (exécution de regards en béton) pouvaient bénéficier d'une réévaluation pour mieux correspondre aux coûts réels attendus. Dans l'optique d'optimiser la gestion financière de ce projet, il suggérait à la recourante de rechercher des offres alternatives, afin de favoriser une concurrence saine et l'émergence de propositions plus compétitives, et possiblement plus avantageuses en termes de coûts et de qualité. La prise en compte exhaustive des travaux nécessaires pour un raccordement intégral, y compris ceux sous le domaine public, évalué à CHF 7'273.75.- d'après un devis de J______ SA du 19 janvier 2024, s'avérait cruciale. L'ajout de frais relatifs au nettoyage et à la mise hors service de la fosse existante était également requis pour une estimation complète.

En l'absence d'un raccordement effectif au réseau public, il serait impératif de procéder à un diagnostic complet de la fosse en place, opérationnelle depuis plus de trois décennies. Vu l'ancienneté de cette installation, les éventuels travaux nécessaires en vue de sa mise en conformité pourraient entrainer des frais importants. La recourante devait également évaluer cet élément avec attention.

S'agissant des inquiétudes de la recourante au sujet du coût présumé excessif des travaux de raccordement, les interventions projetées ne nécessitaient pas de méthodes hors du commun ni de dépenses dépassant ce qui était généralement observé. Par ailleurs, ils n'étaient pas significativement plus élevés que ceux d'un raccordement similaire dans une zone à bâtir. Dès lors, on pouvait exiger de la recourante le raccordement des eaux usées provenant de sa parcelle au système d'égouts public.

17.         Le 26 avril 2024, la recourante a transmis ses observations suite au courrier du département du 9 avril 2024.

Elle ne disposait pas des compétences pour juger de la véracité des propos de l'OCEau. Elle estimait pouvoir faire confiance à l'entreprise qui avait été mandatée par la commune pour réaliser les travaux. En outre, l'ingénieur de l'OCEau était présent lors de l'établissement du devis le 22 février 2024, lequel était ainsi au plus près de la réalité. En ajoutant les frais de nettoyage et de mise hors service de la fosse existante, la facture totale des travaux augmentait.

Après deux années de sécheresse ayant provoquées d'importantes pertes de récolte, le gel avait détruit près de 50% de son vignoble. Couplé au fait que sa banque lui refusait un emprunt hypothécaire vu son âge, elle n'aurait ainsi pas les capacités financières pour engager cette dépense.

18.         Le 8 mai 2024, l'OCEau a transmis ses observations suite au courrier de la recourante du 26 avril 2024.

La véracité du devis produit n'était pas contestée, mais ce document était insuffisant à lui seul pour fournir une vision réaliste des coûts projetés. À l'occasion de ses précédentes déterminations du 18 septembre 2023 et du 9 avril 2024, il avait été demandé à la recourante d'obtenir des devis comparatifs, prenant en compte notamment les éventuels frais de nettoyage et de mise hors service de la fosse septique, et de fournir tout document relatif à l'état de la fosse. Or, elle n'avait fourni aucun de ces documents.

Lors de la rencontre du 22 février 2023, l'ingénieur de l'OCEau avait observé la présence de chevelus racinaires au niveau du regard de la fosse. Cette indice tendait à mettre en doute la fiabilité de l'étanchéité de l'installation, ce qui démontrait la pertinence des demandes précitées.

De manière générale, il était rappelé qu'en tant que procédé d'épuration, les fosses septiques ou digestives ne correspondaient plus à l'état de la technique, que la recourante avait connaissance de son obligation de raccorder sa parcelle depuis de nombreuses années, si bien qu'elle ne pouvait de bonne foi se prévaloir d'un état de fait datant des années 2023 et 2024 pour se dérober à ses obligations légales, et qu'elle n'entrait pas dans les cas de dérogation à l'obligation de se raccorder.

Concernant la question de la mauvaise situation financière de son exploitation, elle n'apportait pas d'éléments justificatifs (par exemple constat d'assurance ou indemnisation pour la perte de récolte ou la destruction du vignoble, refus de prêt hypothécaire, bilan financier, etc.).

19.         Le 27 mai 2024, la recourante a informé le tribunal qu'elle venait de recevoir de la commune un devis estimatif de l'entreprise J______ SA d'un montant de CHF 7'273.75.- pour relier le tuyau d'eaux polluées sous la route à la limite de sa propriété. La commune lui transmettrait la facture correspondante, alors qu'elle pensait que cette autorité prendrait en charge ses frais. Ainsi, le coût du raccordement de sa parcelle avoisinerait probablement les CHF 80'000.-.

Elle avait aussi demandé une expertise de ses vignes à Suisse Grêle afin de déterminer les dégâts causés par le gel, lesquels avaient été estimés entre 4/10ème et 9/10ème.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre des décisions prises par le département en application de la loi sur les eaux (LEaux-GE - L 2 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 130 LEaux-GE).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2).

4.             Les arguments formulés par les parties à l'appui de leurs conclusions respectives, ainsi que les pièces qu'elles ont produites, seront repris et discutés en tant que de besoin (cf. arrêts du Tribunal fédéral 1D_2/2017 du 22 mars 2017 consid. 5.1 ; 1C_304/2016 du 5 décembre 2016 consid. 3.1 ; 1C_592/2015 du 27 juillet 2016 consid. 4.1 ; 1C_229/2016 du 25 juillet 2016 consid. 3.1 et les arrêts cités).

5.             Conformément à l'art. 22 al. 2 let. b de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), l'autorisation de construire n'est délivrée que si le terrain est équipé. Tel est le cas, selon l'art. 19 al. 1 LAT, lorsqu'il est desservi d'une manière adaptée à l'utilisation prévue par des voies d'accès et par des conduites auxquelles il est possible de se raccorder sans frais disproportionnés pour l’alimentation en eau et en énergie, ainsi que pour l’évacuation des eaux usées.

6.             Selon l'art. 6 al. 1 de la loi fédérale sur la protection des eaux du 24 janvier 1991 (LEaux – RS 814.20, il est interdit d’introduire directement ou indirectement dans une eau des substances de nature à la polluer; l’infiltration de telles substances est également interdite.

Les eaux polluées doivent être traitées. Leur déversement dans une eau ou leur infiltration sont soumis à une autorisation cantonale (art. 7 al. 1 LEaux). Les cantons veillent à l’établissement d’une planification communale et, si nécessaire, d’une planification régionale de l’évacuation des eaux (art. 7 al. 3 LEaux).

7.             À Genève, l'art. 6 de la loi cantonale sur les eaux du 5 juillet 1961 (LEaux-GE – L 2 05) prévoit qu'il est interdit de porter atteinte aux eaux publiques ou privées, notamment par des rejets polluants ou par des travaux, et de jeter, de déposer ou de déverser dans ou hors des eaux des substances de toute nature pouvant, soit directement, soit indirectement, les polluer ou les altérer d’une façon quelconque.

8.             Les cours d'eau et leurs rives doivent être protégés afin de préserver et de rétablir notamment leurs fonctions hydrauliques, biologiques et sociales (art. 10 LEaux-GE).

9.             Les objectifs écologiques pour les eaux et les exigences concernant la qualité des eaux sont fixés par le droit fédéral (soit notamment l'ordonnance fédérale sur la protection des eaux du 28 octobre 1998 (OEaux – RS 814.201). Ils s’appliquent à toutes les eaux du canton (art. 16 al. 1 LEaux-GE). Le canton vérifie si les objectifs sont atteints et les exigences pour les eaux respectées (art. 17 al. 1 LEaux-GE). Si les objectifs et les exigences ne sont pas atteints, l’autorité demande que des mesures d’assainissement soient prises et, le cas échéant, elle fixe des exigences de qualité ou de quantité renforcées (art. 17 al. 2 LEaux-GE).

10.         Selon l'art. 12 LEaux-GE, le canton effectue les relevés et les études de base d'intérêt général qui comprennent notamment la protection contre les crues (let. a); le cadastre des dangers et les cartes de dangers (let. b); la qualité des eaux superficielles et des eaux souterraines (let. c); les constructions et installations existantes (let. d); la végétation (let. e) ; d'autres aspects de la protection des eaux (let. f) (al. 1). Les études et relevés, décidés par les communes ou les tiers, sont à leur charge. Ils en communiquent les résultats à l’autorité compétente (al. 2). Toute personne désirant réaliser une intervention, qui peut avoir des répercussions sur un cours d’eau aux abords d’une station servant à relever des données, doit obtenir au préalable l’accord de l’autorité compétente (al. 3).

11.         L’évacuation et le traitement des eaux dans les zones urbanisées sont assurés par un système d’assainissement; il se compose d’un système de collecte (réseau de collecte, installations de transport et de gestion des eaux) et d’un système de traitement (installations centralisées ou décentralisées) (art. 53 al. 1 LEaux-GE).

12.         L’art. 19 al. 2 2ème phr. LAT prévoit que le droit cantonal règle la participation financière des propriétaires fonciers.

13.         L’art. 60a al. 1 LEaux laisse également aux cantons le soin de régler le financement des installations d’évacuation et d’épuration des eaux concourant à l’exécution de tâches publiques en le mettant à la charge de ceux qui sont à l’origine de la production d’eaux usées. Comme sous l’ancien droit, la disposition fédérale réserve la tâche de légiférer en la matière aux cantons de sorte que la réglementation cantonale y afférente constitue du droit cantonal autonome (ATF 128 I 46 consid. 1.b.bb ; ATF 109 Ib 142 consid. 2).

14.         Sur le plan cantonal, s’agissant de l’évacuation et du traitement des eaux, le titre V de la LEaux-GE distingue les installations publiques (art. 57 ss LEaux-GE) et les installations privées (art. 64 ss LEaux-GE). Les installations privées ne sont pas explicitement définies dans la LEaux-GE ni dans le règlement d'exécution de la loi sur les eaux du 15 mars 2006 (REaux-GE - L 2 05.01). Les travaux préparatoires de cette loi posent la distinction entre les installations publiques et privées, ce qui n'a suscité aucun débat (MGC 1960 13/II 1050 ss ; MGC 1961 21/III 2202 ss).

L’installation privée au sens de la LEaux-GE se définit, à l’instar de la notion d’installation publique, selon les critères de la propriété des ouvrages et la qualification d’intérêt général ou local de ceux-ci. Ainsi, l’équipement situé sur des terrains appartenant à des particuliers et n’ayant pas été déclaré d’intérêt public constitue une installation privée au sens de la LEaux-GE, avec pour conséquence qu’elle est soumise aux art. 64 ss LEaux-GE (ATA/413/2013 du 2 juillet 2013 consid. 4, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_721/2013 du 15 juillet 2014).

Le droit genevois distingue les installations privées individuelles (art. 71 LEaux-GE) des installations privées collectives (art. 72 LEaux-GE).

15.         Selon l'art. 65 LEaux-GE, les propriétaires sont tenus de raccorder les canalisations d’eaux à évacuer de leur immeuble au réseau public d’assainissement (al. 1). Les canalisations de raccordement au réseau d’assainissement public ou privé sont réputées parties intégrantes de l’immeuble dont elles proviennent (al. 2). Lors de la réalisation ou de la transformation du réseau public existant, les propriétaires sont tenus d'adapter le système d'évacuation des eaux de leur bien-fonds conformément aux exigences du département, aux normes des associations professionnelles et à l'état de la technique (art. 24 al. 1 du règlement d'exécution de la LEaux-GE du 15 mars 2006 ; REaux-GE – L 2 05.01). Chaque propriétaire est tenu de raccorder, à ses frais, les canalisations d'eaux à évacuer de son immeuble aux réseaux publics appropriés (art. 24 al. 3 OEaux-GE).

16.         Le raccordement est obligatoire, sauf exception au sens de l'art. 12 LEaux. Le détenteur est notamment tenu d'évacuer les eaux polluées dans des conditions de qualité et de quantité conformes aux exigences de l'ordonnance fédérale sur la protection des eaux (annexe 3 OEaux) (Hans W. STUTZ/Jeannette KEHRLI, Commentaire de la loi sur la protection des eaux et de la loi sur l'aménagement des cours d'eau, 2016 ad art. 11 LEaux, n 23).

17.         Au fur et à mesure de la construction d’installations publiques d’évacuation et de traitement des eaux, les propriétaires peuvent être tenus de mettre leurs installations privées hors service (art. 70 LEaux-GE).

18.         Les installations privées doivent être maintenues par leurs propriétaires en parfait état d’entretien et de fonctionnement (art. 77 al. 1 LEaux-GE). Les ouvrages de collecte, d'évacuation et d'épuration doivent être exécutés et entretenus par leur propriétaire conformément aux règles de la technique et aux normes professionnelles (art. 25 al. 1 REaux-GE).

Les propriétaires des installations privées sont responsables vis-à-vis des pouvoirs publics de tout dommage consécutif à un vice de construction, à un défaut d’entretien ou à l’inobservation des prescriptions légales et réglementaires (art. 78 LEaux-GE).

19.         L'art. 66 LEaux-GE prévoit que le département fixe les conditions d’évacuation des eaux et de raccordement aux canalisations. Lors de la réalisation de nouvelles constructions ou la transformation de constructions existantes, ces conditions sont fixées dans l’autorisation de construire (al. 1). Lors de la construction d’une nouvelle canalisation d’assainissement, le branchement est réalisé selon les directives émises par le département (al. 2). Les branchements doivent être exécutés selon les règles de l’art et aux frais des propriétaires (al. 3). Toutefois, les propriétaires sont exonérés de la moitié des frais lorsqu’un système d’assainissement en remplace un autre, auquel les canalisations de leur propriété ont été raccordées dans les 5 ans précédant leur raccordement au nouveau système d’assainissement (al. 4).

20.         La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) a considéré (ATA/413/2013 précité, consid. 5) qu’il résultait d’une lecture parallèle de l’art. 66 al. 3 LEaux-GE avec le titre du chapitre y relatif (chapitre III : Installations privées et obligations des particuliers) et l’art. 65 LEaux-GE que les frais visés par l’art. 66 al. 3 LEaux-GE concernaient le raccordement des installations privées au réseau public d’assainissement. Ainsi, l’art. 66 al. 3 LEaux-GE fondait l’obligation des propriétaires de prendre en charge le coût des installations privées.

21.         La taxe unique de raccordement est exigible pour toute nouvelle construction ou pour toute construction existante, y compris toute voirie publique, lors de son raccordement au réseau secondaire (art. 89 al. 1 LEaux-GE).

22.         Selon l'art. 67 al. 1 LEaux-GE, le département peut, à la demande du propriétaire, exempter de l’obligation de raccordement : lorsqu’elle n’est pas considérée comme opportune et pouvant être raisonnablement envisagée au sens de l'OEaux, ou lorsque le raccordement à l’égout public nécessite la construction d’une canalisation dépassant 300 m; dans ces cas, une installation d’épuration particulière conforme aux prescriptions légales doit être réalisée dans le délai fixé par le département (let. a); les constructions ou installations existantes que leur propriétaire s’engage à démolir dans le délai fixé par le département (let. b). Lorsque les causes de la dérogation n’existent plus, le raccordement doit être exécuté dans un délai fixé par le département (art. 67 al. 2 LEaux-GE).

Le raccordement d’eaux polluées aux égouts publics hors de la zone à bâtir (art. 11 al. 2 let. c LEaux) est considéré comme opportun (Zweckmässig) lorsqu’il peut être effectué conformément aux règles de la technique et aux coûts de construction usuels (art. 12 al. 1 let. a OEaux); et pouvant être raisonnablement exigible (Zumutbar) lorsque les coûts du raccordement ne sont pas sensiblement plus élevés que ceux d’un raccordement comparable dans la zone à bâtir (art. 12 al. 1 let. b OEaux). Dans le cas contraire (p. ex. construction hors du périmètre des égouts et raccordement excessivement coûteux) ou lorsqu'il est nécessaire d'évacuer des eaux usées spéciales, il convient d'assurer une évacuation par un procédé particulier approprié (art. 12 et 13 LEaux ; Eloi JEANNERAT, in : Heinz Aemisegger et al. [éd.], Commentaire pratique LAT : Planifier l'affectation, Zurich 2016, no 38 ad art. 19 LAT).

23.         Un raccordement est opportun lorsque les conditions topographiques sont telles qu'il peut être réalisé sans problème, sans travaux de construction particuliers en fonction des conditions topographiques ou du terrain à bâtir, et que la capacité de la canalisation n'est pas dépassée par un tel raccordement. L'opportunité ne peut pas être contestée en arguant qu'un autre mode d'évacuation des eaux usées serait équivalent, voire supérieur, au raccordement à l'égout. Cela irait à l'encontre de la volonté du législateur d'imposer une obligation générale de raccordement, laquelle se fonde non seulement sur des considérations techniques d'évacuation des eaux, mais vise également à assurer un financement équilibré, commun et égal pour tous des canalisations et installations d'épuration (ATF 115 Ib 28 consid. 2b.aa ; 112 Ib 51 consid. 5 ; 107 Ib 116 consid. 2a). Cette position est également soutenue dans la doctrine (Hans W. STUTZ/Jeannette KEHRLI, op. cit., n 19).

Pour cette raison, même s'il existe une solution alternative fonctionnelle pour l'élimination des eaux usées (p. ex. une petite installation d'épuration des eaux usées), le raccordement à la canalisation publique peut être exigé dès que la construction concernée se trouve dans le domaine de la canalisation publique selon l'art. 11 al. 2 LEaux. Si, par exemple, une petite installation d'épuration des eaux usées a été autorisée en dehors du domaine de la canalisation publique et que la commune viabilise ultérieurement le secteur en termes de canalisation, la construction concernée se trouve alors désormais dans le domaine de la canalisation publique selon l'art. 11 al. 2 let. b LEaux. Un raccordement doit être effectué, même si la forme alternative d'évacuation des eaux usées autorisée auparavant fonctionne parfaitement (Hans W. STUTZ/Jeannette KEHRLI, op. cit., n 24).

24.         Pour vérifier si le raccordement est raisonnablement exigible, il faut se baser sur la somme des coûts effectivement à supporter (ATF 132 II 515, consid. 4). L'appréciation des coûts du raccordement aux égouts publics hors de la zone à bâtir au sens de l'art. 12 al. 1 let. b OEaux exige la prise en compte de l'ensemble des frais effectivement supportés par le propriétaire concerné. Il ne se justifie donc pas de faire abstraction de la taxe de raccordement, même au motif que les propriétaires des immeubles sis en zone à bâtir s'acquittent également d'une taxe de même nature. En effet, le montant de cette taxe et la manière de la calculer peuvent différer selon que l'immeuble à raccorder est situé en zone à bâtir ou à l'extérieur de celle-ci. La taxe de raccordement doit donc être prise en considération au même titre que les autres coûts (ATF 132 II 515, consid. 4). En outre, il convient aussi de prendre en compte une éventuelle subvention accordée par la commune, dans la mesure où elle est établie (ATF 132 II 515 consid. 5.2). 

25.         L'évaluation des frais pouvant encore être considérés comme raisonnables est généralement basée sur les frais occasionnés par « équivalent-habitant », cet indice correspondant au nombre de chambres à coucher, de pièces d'habitation et de travail d'une maison d'habitation (sans cuisine, salle de bain, WC, etc.). Mais il est également possible de procéder à une évaluation forfaitaire en fonction de la taille de la maison. Quoiqu'il en soit, il n'est pas possible de définir une valeur fixe qui serait encore considérée comme un montant acceptable, car il n'existe pas de valeur de référence absolue, mais plutôt des différences régionales (Hans W. STUTZ/Jeannette KEHRLI, op. cit., n 14).

26.         Dans sa jurisprudence, sachant que le montant des coûts de raccordement raisonnables a en principe augmenté au fil du temps, dans le cadre de l'évolution générale des prix, le Tribunal fédéral n'a pas considéré comme excessif un coût de raccordement de CHF 5'000.- par EH d'une habitation non affectée à l'agriculture (ATF 115 Ib 28 consid. 2b/bb p. 32), sous réserve des différences régionales en matière de coûts de la construction (arrêts 1A.67/1991 du 5 février 1992, consid. 3b et 1A.172/1990 du 19 août 1991, consid. 3b). De même, n'est pas disproportionné un coût de raccordement équivalant à 3,3 % de la valeur officielle du bien-fonds (arrêt 1A.162/1989 du 24 avril 1990, consid. 4c) ou à 2,5 % de la valeur estimative des bâtiments (arrêt A.359/1985 du 10 juin 1986, consid. 2 in fine). Dans d'autres cas, le Tribunal fédéral a jugé admissible un coût global de CHF 10'000.- pour un raccordement de 12 m (arrêt A.27/1985 du 17 février 1986), de CHF 18'650.- pour un raccordement d'une centaine de mètres (arrêt 1A.316/1996 du 23 avril 1997), de CHF 20'000.- pour un raccordement de 40 m (arrêt A.196/1984 du 5 novembre 1985, consid. 4d) et de CHF 23'000.- pour un raccordement de 92 m (arrêt 1A.115/1989 du 25 avril 1990). Le Tribunal fédéral a également jugé admissible au regard de ces critères un coût global de CHF 52'000.- concernant un raccordement de 96 m pour trois maisons d'habitation comprenant onze EH (arrêt 1A.183/1997 du 28 novembre 1997), ainsi qu'un coût de CHF 14'000.- pour trois EH (arrêt 1A.48/1998 précité). En 2001, le Tribunal fédéral a considéré qu'un coût de CHF 6'700.- par EH n'était pas excessif (arrêt 1A.1/2001 du 7 mai 2001, consid. 2c/bb). Enfin, dans l'ATF 132 II 515, le Tribunal fédéral a estimé qu'un montant de l'ordre de CHF 6'800.- par EH à la charge du propriétaire pour la réalisation d'un raccordement d'une longueur de 120 m n'était pas excessif (consid. 5.2).

27.         La décision relative à l'opportunité et à l'exigibilité du raccordement est une décision discrétionnaire, ce qui exige de l'autorité compétente qu'elle exerce son pouvoir d'appréciation de manière consciencieuse, en évaluant et en appréciant tous les points de vue déterminants (Hans W. STUTZ/Jeannette KEHRLI, Commentaire de la loi sur la protection des eaux et de la loi sur l'aménagement des cours d'eau, 2016 ad art. 11 LEaux, n 9).

28.         Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

Le principe de proportionnalité permet ainsi une certaine flexibilité, en particulier lorsqu’un équipement n’est pas obligatoirement nécessaire pour des raisons de police ou environnementales (Eloi JEANNERAT, op. cit., no 36 ad art. 19 LAT). Les articles 12 al. 4 et 13 LEaux autorisent d’ailleurs, sous conditions, une évacuation des eaux usées par un autre biais que le raccordement à l’égout.

29.         En l'espèce, en tant que propriétaire du bien-fonds, il appartient, en principe, à la recourante de raccorder son bien-fonds au système public d'assainissement mis en place par la commune (art. 65 al. 1 LEaux-GE), sauf exception selon les art. 12 OEaux et 67 al.1 let. a LEaux-GE.

À cet égard, l'hypothèse d'une canalisation d'une longueur de plus de 300 m de long n'est manifestement pas donnée.

Seules doivent donc être examinées le caractère opportun et raisonnablement exigible du raccordement litigieux.

Sous l'angle de l'opportunité, il ressort des explications de l'ingénieur de l'OCEau et des observations de cette autorité du 18 septembre 2023 que la réalisation du raccordement au collecteur public d'assainissement apparait opportune, dès lors que la commune est en train de finaliser la construction du collecteur public d'assainissement. En effet, si la recourante fait état d'une autre solution, soit le raccord direct au domaine public au point le plus proche (50 m), cette solution n'est manifestement pas réalisable techniquement en raison de la topographie du terrain et du fait qu'à cet endroit, la canalisation est sous pression. L'OCEau a par ailleurs ajouté que pour réaliser un tel raccord, cela nécessiterait la création d'une station de pompage, soit une variante déjà jugée excessivement onéreuse pour la recourante par l'ancienne commission de recours dans sa décision de 1993. À toutes fins utiles, comme indiqué précédemment, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le fait qu'il existe une alternative n'est pas propre à rendre le raccordement sollicité inopportun.

Sous l'angle de son exigibilité, si les frais de raccordement avancés dans le devis du 28 février 2024 de la société J______ SA sont certes importants et que le tribunal n'a pas de raison de douter de l'impact financier de ceux-ci pour la situation de la recourante, il ne faut pas perdre de vue que cet élément a déjà été pris en compte dans le cadre de la tolérance de 5 ans accordée à la recourante par l'OCEau lors de la délivrance de l'autorisation de construire DD 6______. En effet, pour rappel, l'OCEau avait conditionné son préavis favorable du 12 novembre 2018 notamment au fait que compte tenu des circonstances du cas d'espèce et du faible nombre d'EH, malgré la vétusté de l'installation d'assainissement individuel, celle-ci était tolérée pendant les cinq années à venir avec pour objectif un raccordement au système public d'assainissement à construire. La recourante était donc manifestement consciente à ce stade déjà que le raccordement devrait être effectué, au plus tard cinq ans après et ce raccordement futur était ainsi inscrit en tant que condition reprise dans l'autorisation de construire, laquelle est ainsi opposable à la recourante.

De plus, la situation actuelle ne correspond pas à celle prévalant au moment de la décision de la commission de recours de 1993, où le raccordement avait été jugé excessif. En effet, à la lecture de cette décision, hormis le coût des travaux de raccordement, ce qui avait manifestement été déterminant était le parfait état d'entretien de la fosse individuelle par rapport aux coûts qu'entrainerait un raccordement à cette époque. Or, la recourante ne fournit aucun élément à cet égard, hormis ses allégations non démontrées quant à l'état de la fosse et son entretien, et les seules constatations versées au dossier sont celles de l'ingénieur de l'OCEau, lequel, photographies à l'appui, a mis en doute le fait que cette installation individuelle soit en parfait état d'entretien vu les chevelus racinaires au niveau du regard de la fosse, étant au surplus rappelé que les installations privées doivent être maintenues par leurs propriétaires en parfait état d’entretien et de fonctionnement (art. 77 al. 1 LEaux-GE). Il est ainsi indéniable que le maintien de la fosse existante entrainerait à tout le moins un investissement financier afin de réaliser les investigations quant à son état actuel, sa mise aux normes ainsi son entretien futur, compte tenu de la vétusté de cette installation. Il est ainsi douteux d'affirmer, en l'état, que le maintien de l'installation d'évacuation individuelle existante soit véritablement plus avantageux financièrement pour la recourante. Dans cette mesure, il ne saurait être retenu que l'installation existante serait suffisante pour permettre à la recourante de déroger à son obligation de raccordement, et elle ne parvient pas à démontrer le contraire.

Il convient aussi de prendre en compte le fait que l'étude réalisée en 2017 a démontré que la pollution importante dont était victime le nant du K______ exigeait un assainissement au regard du grave impact sur le milieu naturel et du non-respect répété des exigences de la législation fédérale sur la protection des eaux. Le raccordement exigé par la décision querellée vise ainsi à permettre l'assainissement du nant du K______, soit un intérêt public prépondérant au seul intérêt privé financier de la recourante.

Il ne faut également pas perdre de vue que les coûts de travaux de raccordement dépendent des régions et de la complexité de chaque situation, comme l'a indiqué le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence.

Or, en l'absence de démonstration du caractère inopportun des travaux, notamment par la présentation d'autres devis, d'éléments indiquant le parfait état de la fosse existante ou d'autres indices permettant de conclure au caractère disproportionné des travaux tels que proposés par l'entreprise J______ SA, vu la topographie particulière du terrain, il n'apparait pas que le coût des travaux serait disproportionné. Au demeurant, lors de l'audience de comparution des parties, l'OCEau s'est déclaré favorable au fait de décaler la réalisation du raccordement afin de ménager l'impact financier des travaux pour la recourante.

À cet égard, il convient de rappeler à la recourante que si la décision querellée l'oblige à procéder au raccordement dans un certain délai, rien ne l'empêche de rechercher une offre d'un concurrent pour diminuer le coût des travaux, de sorte à les rendre plus supportables financièrement. En outre, dès lors que la commune avait déjà avancé les frais nécessaires à un citoyen de la commune, aussi viticulteur, il n'est pas exclu que cette autorité puisse apporter son aide dans le financement du projet pour permettre à la recourante de le supporter et de respecter son obligation de raccordement.

Par conséquent, compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce, il apparait que le raccordement sollicité par l'OCEau est raisonnablement exigible et proportionné, étant précisé que compte tenu du caractère discrétionnaire de la décision relative à l'opportunité et à l'exigibilité du raccordement, le tribunal de céans doit faire preuve de retenue, sauf à statuer en opportunité, ce que la loi lui interdit de faire (art. 61 al. 2 LPA).

30.         Mal fondé, le recours est rejeté et la décision confirmée.

31.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'200.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 juillet 2023 par Madame A______ contre la décision du département du territoire du 14 juin 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 1'200.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Sophie CORNIOLEY BERGER, présidente, Loïc ANTONIOLI et Damien BLANC, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière