Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/1436/2024

JTAPI/429/2024 du 07.05.2024 ( MC ) , ADMIS

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);PROLONGATION;DÉTENTION POUR INSOUMISSION
Normes : LEI.78; CEDH.3; LEI.80.al6
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1436/2024 MC

JTAPI/429/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 mai 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Jordan WANNIER, avocat

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 2000 et originaire de Turquie, en possession d'une carte nationale valable, a déposé une demande d'asile en Suisse le 4 janvier 2022.

2.             Par décision du 4 août 2023, le Secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a rejeté ladite demande d'asile et a simultanément prononcé le renvoi de Suisse de l'intéressé, lui octroyant un délai au jour suivant l'entrée en force de sa décision pour quitter la Suisse, faute de quoi le renvoi pourrait être exécuté sous la contrainte. Le SEM a chargé le canton de Genève de procéder à l'exécution de cette décision de renvoi.

3.             Par arrêt du 17 novembre 2023 (E-4776/2023), le Tribunal administratif fédéral (TAF) a rejeté le recours formé le 6 septembre 2023 par M. A______ contre la décision du SEM du 4 août 2023 précitée.

4.             Le 23 novembre 2023, le SEM a fixé à M. A______ un nouveau délai au 7 décembre 2023 pour quitter la Suisse.

5.             Au cours d'un entretien avec l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 15 décembre 2023, il a été rappelé à l'intéressé qu'il était tenu de quitter immédiatement la Suisse, le délai qui lui avait été imparti pour ce faire étant échu depuis le 7 décembre 2023. L'OCPM relevait par ailleurs que la Croix-Rouge genevoise ne l'avait pas avisé que l'intéressé s'y était rendu ou avait entrepris des démarches en vue de son retour en Turquie, ce qui tendait à démontrer qu'il n'était pas disposé à collaborer à l'organisation de son retour. Ce à quoi M. A______ a répondu qu'il ne pouvait pas retourner en ce moment en Turquie, qu'il ne voulait pas organiser son retour, et qu'il allait entreprendre par le biais de son avocat des démarches en vue d'un nouveau recours. Enfin, il a été porté à la connaissance de l’intéressé qu'en cas de non-collaboration à l'organisation de son départ, une détention administrative pourrait être ordonnée à son encontre par les services de police, lesquels seraient chargés de l'exécution de son renvoi de Suisse.

6.             Par décision du 11 janvier 2024, l’OCPM a chargé les services de police de procéder à l'exécution du renvoi de l'intéressé à destination de la Turquie.

7.             Les services de police ont immédiatement procédé à la réservation d'un vol pour
M. A______ lequel a été confirmé pour le 11 mars 2024 à 14h35 au départ de Genève.

8.             Par ordonnance du 6 mars 2024, le Tribunal administratif de première instance
(ci-après : le tribunal) a autorisé les services de police à perquisitionner le logement de M. A______, soit au centre B______.

9.             Le 11 mars 2024, M. A______ a été interpellé par les services de police, puis conduit à l'aéroport de Genève en vue de prendre le vol de ligne réservé en sa faveur pour ce même jour à 14h35, au départ de Genève.

10.         M. A______ a refusé d'embarquer à bord dudit vol.

11.         Sur ordre du commissaire de police, il a été mis à disposition du Ministère public lequel l'a condamné, le même jour par ordonnance pénale, puis l'autorité pénale a remis M. A______ aux services de police.

12.         Le 12 mars 2024, à 15h00, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois.

13.         Dite mesure a été confirmée par le tribunal dans son jugement du 14 mars 2024 (JTAPI/237/2024).

14.         Le 25 mars 2024, l'intéressé a adressé au tribunal une demande de mise en liberté, laquelle a été rejetée par jugement du 10 avril 2024 (JTAPI/1075/2024).

15.         Le 10 avril 2024, M. A______ a fait échouer le vol qui devait le reconduire – sous escorte policière (vol DEPA) – en Turquie.

16.         Selon les dernières informations reçues du SEM, les vols spéciaux à destination de la Turquie sont, à l'heure actuelle, impossibles.

17.         Le 12 avril 2024, à 9h25, le commissaire de police a ordonné la mise en détention administrative de M. A______ pour une durée d'un mois sur la base de l'art. 78 al. 1 (détention pour insoumission) de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

Au commissaire de police, l’intéressé a déclaré qu'il n'entendait toujours pas retourner en Turquie.

18.         Cet acte a été soumis le même jour au tribunal en vue du contrôle de sa légalité.

19.         Entendu le 15 avril 2024 par le tribunal, M. A______ a versé à la procédure un courrier de Me C______, avocat en Turquie, indiquant qu'il serait poursuivi pénalement dans cet État et que des sanctions sévères lui seraient imposées s'il restait en Turquie du fait de publications à caractère dissident sur les réseaux sociaux intervenues entre août et septembre 2023, bien que le formulaire pour instruction du procureur mentionnait comme date de l'incident "2023 et avant".

Il bénéficiait d'un certificat de formation de manutention de valises à l'aéroport en Turquie. Sa famille résidait essentiellement dans ce pays hormis trois oncles et tantes qui résidaient en Suisse. Sur question de son conseil, son activisme avait débuté quand il était arrivé en Suisse vers mars-avril 2022.

Le représentant du commissaire a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pour une durée d’un mois. En substance, les pièces nouvelles produites n'emportaient pas conviction. Subsidiairement, elles ne relevaient pas de la présente procédure mais plutôt d'une procédure de révision de la décision du SEM. Il a précisé qu'il disposait d'une pièce d'identité valable de l'intéressé qui leur permettaient d'organiser des vols et d'obtenir des laissez-passer.

Le conseil de M. A______ a conclu au rejet de l'ordre de mise en détention administrative pour insoumission, à l’annulation de l’ordre de mise en détention administrative et à la mise en liberté immédiate de son client. Compte tenu de la procédure pénale dont faisait l'objet son client en Turquie, son renvoi n’était pas possible. Sur demande du tribunal, il a précisé qu'il ne disposait pas de l'original du courrier de son confrère turc, lequel lui avait été fourni par un proche de son client habitant en Suisse. À défaut de vols spéciaux pour la Turquie et de la collaboration de l'intéressé, son renvoi n'était pas possible.

20.         Par jugement du 15 avril 2024 (JTAPI/341/2024), en force, le tribunal a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour insoumission du commissaire de police pour une durée d'un mois, soit jusqu'au 11 mai 2024 inclus.

21.         Le 29 avril 2024, l’OCPM a demandé la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour insoumission pour une durée de deux mois, indiquant qu’un nouveau vol DEPA à destination de la Turquie était confirmé pour le 16 mai 2024.

22.         Par courriel du 30 avril 2024, l’OCPM a transmis au tribunal la décision incidente rendue par le TAF le 5 avril 2024, rejetant la demande de suspension de l’exécution du renvoi formulée par M. A______ dans le cadre de sa demande de révision du 25 mars 2024 de l’arrêt du TAF du 17 novembre 2023.

23.         Ce courriel a été transmis au conseil de M. A______, pour information.

24.         Devant le tribunal, lors de l'audience de ce jour M. A______ a déclaré n’être toujours pas d'accord de retourner en Turquie, pour motifs déjà allégués, à savoir qu’il serait arrêté dès son arrivée sur le sol turc et en danger de mort dans son pays d'origine.

Le représentant de l’OCPM a confirmé que le vol du 16 mai 2024 était toujours d'actualité. Il n’avait pas de nouveaux éléments à communiquer au tribunal. Sur question du conseil de M. A______, le SEM était en négociation avec les autorités turques au sujet des vols spéciaux. A ce jour, ils n'avaient pas d'informations quant à une éventuelle reprise de ces derniers.

Le conseil de M. A______ a versé à la procédure quatre pièces, dont un courrier du 7 mai 2024 de la Ligue suisse des droits humains - section Genève. Selon cette dernière, un renvoi de M. A______ en Turquie violerait l'art. 3 CEDH. Les quatre pièces (dont deux étaient déjà au dossier) devaient être lues en parallèle. Sur question du tribunal, il ne les avait pas encore transmises au TAF.

Sur question du conseil de M. A______, le représentant de l’OCPM a indiqué qu’il ignorait si la Ligue suisse des droits humains prenait souvent position concernant des personnes placées en détention administrative afin de s'opposer à leur renvoi. Il a plaidé et conclu à la confirmation de la demande de prolongation de la détention administrative pour insoumission de M. A______, pour une durée de deux mois, les conditions d'une telle détention étant toujours remplies.

Le conseil de M. A______ a plaidé et conclu au rejet de la demande de prolongation de la détention pour insoumission et à la libération immédiate de son client. Subsidiairement, il a conclu à la réduction de la durée de la prolongation à un mois, soit, plus subsidiairement encore, à ce que M. A______ soit contraint de se présenter hebdomadairement à un poste de police ou auprès d'une autre autorité, en lieu et place de sa détention administrative. Le renvoi de M. A______ était impossible, en l'absence de vols spéciaux à destination de la Turquie, et contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 3 CEDH). Sa détention était en tout état disproportionnée.

Il ressort, en substance, du courrier du 7 mai 2024 de la Ligue suisse des droits humains que cette dernière faisait part au SEM de sa plus vive inquiétude face à sa pratique de rejet systématiques des demandes d’asile de ressortissant.e.s kurdes de Turquie et l’invitait à procéder à des examens approfondis de la situation individuelle de chaque demandeur d’asile kurde et à renoncer au renvoi des ressortissant.e.s kurdes, conformément au principe de non-refoulement.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour prolonger la détention pour insoumission de deux mois, puis à nouveau de deux mois tous les deux mois (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 6 al. 2 et 7 al. 4 let. e de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; cf. aussi art. 78 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr).

2.            S'il entend demander une prolongation d'une détention pour insoumission, l'OCPM doit saisir le tribunal au moyen d'une requête écrite et motivée au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. e et 8 al. 4 LaLEtr).

3.            En l'espèce, une telle requête a été valablement déposée le 29 avril 2024.

4.            Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.

5.            En vertu de l'art. 78 al. 1 LEI, si l'étranger n'a pas obtempéré à l'injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit et que la décision exécutoire de renvoi ou d'expulsion ne peut être exécutée en raison de son comportement, il peut être placé en détention afin de garantir qu'il quittera effectivement le pays, pour autant que les conditions de la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne soient pas remplies et qu'il n'existe pas d'autres mesures moins contraignantes susceptibles de conduire à l'objectif visé.

6.            Selon la jurisprudence, le but de la détention pour insoumission est de pousser un étranger, tenu de quitter la Suisse, à changer de comportement, lorsqu’à l’échéance du délai de départ, l’exécution de la décision de renvoi, entrée en force, ne peut être assurée sans la coopération de celui-ci malgré les efforts des autorités (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 et la jurisprudence citée). La détention pour insoumission constitue une ultima ratio, dans la mesure où il n’existe plus d’autres mesures permettant d’aboutir à ce que l’étranger se trouvant illégalement en Suisse puisse être renvoyé dans son pays.

7.            La prise d’une telle mesure doit respecter le principe de la proportionnalité, ce qui suppose d’examiner l’ensemble des circonstances pour déterminer si elle apparaît appropriée et nécessaire. Cet examen suppose de tenir compte de l'ensemble des circonstances, parmi lesquelles figurent la durée de la détention déjà accomplie, la persistance du détenu à ne pas collaborer, ses relations familiales, son âge, son état de santé et ses antécédents (arrêts 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 consid. 3.1; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_936/2010 du 24 décembre 2010 consid. 1.3 ; 2C_984/2013 du 14 novembre 2013 consid. 3.2). Le seul refus explicite de collaborer de la personne concernée ne constitue qu’un indice parmi d’autres éléments à prendre en considération dans cette appréciation (ATF 135 II 105 et la jurisprudence citée ; ATA/1053/2016 du 14 décembre 2016) et n'entraîne pas en soi une libération de la détention (ATF 134 I 92 consid. 2.3.2 p. 97).

8.            La détention peut être ordonnée pour une période d’un mois et prolongée de deux mois en deux mois. Moyennant le consentement de l’autorité judiciaire cantonale et dans la mesure où l’étranger n’est pas disposé à modifier son comportement et à quitter le pays, elle peut être prolongée de deux mois en deux mois (art. 78 al. 2 LEI). Elle doit être levée notamment lorsqu’un départ de Suisse, volontaire et dans le délai prescrit, n’est pas possible malgré la collaboration de l’intéressé (art. 78 al. 6 let. a LEI ; ATA/1053/2016 précité).

9.            La durée de la détention pour insoumission ne doit pas excéder, avec la détention en vue du renvoi et la détention en phase préparatoire, dix-huit mois (art. 78 al. 2 LEI et 79 al. 1 et 2 LEI ; ATF 140 II 409 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_188/2020 du 15 avril 2020 consid. 7.3).

10.        En l'occurrence, sur le principe, la détention pour insoumission de M. A______ a déjà été confirmée par le tribunal, la dernière fois par jugement du 15 avril 2024 (JTAPI/341/2024 précité).

Comme rappelé par le tribunal, l’intéressé a fait l’objet d’une décision de renvoi définitive et exécutoire du 4 août 2023 confirmée par le TAF le 17 novembre 2023 (E-4776/2023). Il n’a pas quitté la Suisse dans les délais impartis, et a refusé d’embarquer dans les vols réservés en sa faveur à destination de la Turquie les 11 mars et 10 avril 2024. Il a déclaré à plusieurs reprises, la dernière fois lors de l’audience de ce jour, qu’il n’entendait pas retourner dans son pays d’origine, exprimant ainsi clairement et par ses actes son intention de se soustraire à son renvoi. Il apparait ainsi que les conditions d'une détention pour insoumission sont toujours remplies, étant rappelé que les vols spéciaux à destination de la Turquie ne sont provisoirement pas possibles et que la collaboration de l’intéressé est ainsi indispensable.

S’agissant de la proportionnalité de sa détention, on ne voit pas en quoi une mise en liberté et une obligation de se présenter hebdomadairement à un poste de police ou auprès d'une autre autorité seraient des mesures adaptées en vue de l'exécution du renvoi ni en quoi elles rendraient M. A______, qui n'a aucune source de revenu licite ni aucune attache à Genève, plus enclin à retourner en Turquie dans ces conditions qu'en étant maintenu en détention. Il ne se justifie ainsi pas de s’écarter des précédents jugements du tribunal à cet égard. Partant, la détention ordonnée respecte également le principe de proportionnalité.

La mesure litigieuse est aussi conforme au principe de célérité, l'autorité compétente ayant entrepris et continuant d’entreprendre toutes les démarches utiles en vue du départ de l’intéressé. Un nouveau vol DEPA à destination de la Turquie est d’ailleurs confirmé pour le 16 mai 2024 et il ne peut ainsi être retenu à ce stade qu'il n'y aurait pas de perspectives sérieuses que le renvoi de l’intéressé puisse avoir lieu dans un délai prévisible.

11.        M. A______ fait valoir l'impossibilité d'exécuter son renvoi au sens de l'art. 80 al. 6 let. a LEI du fait qu’il serait immédiatement incarcéré s’il devait poser les pieds sur le sol turc. Il se prévaut d’un courrier de la Ligue des droits humains du 7 mai 2024. Son renvoi était par ailleurs matériellement impossible en l’absence de vols spéciaux vers la Turquie.

12.        La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, la détention dans l'attente de l'expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours; elle est, de plus, contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 p. 59 s.; 122 II 148 consid. 3 p. 152 s.). Les raisons juridiques ou matérielles doivent être importantes ("triftige Gründe"), l'exécution du renvoi devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 et les arrêts cités). Il s'agit d'évaluer la possibilité d'exécuter la décision de renvoi en fonction des circonstances de chaque cas d'espèce. Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible respectivement raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêt du Tribunal fédéral 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1). La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI, ainsi que le principe de proportionnalité, lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas (ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 p. 61 et les arrêts cités). Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder à l'expulsion est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 p. 61; arrêt 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1).

13.        Selon l'art. 83 LEI, l'exécution de la décision de renvoi n’est pas licite lorsque le renvoi de l’étranger dans son État d’origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3). Elle ne peut être raisonnablement exigée si le renvoi de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4). Une mise en danger concrète de l'intéressé en cas de retour dans son pays d'origine peut ainsi constituer une raison rendant impossible l'exécution du renvoi (cf. ATF 125 II 217 consid. 2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1).

14.        A teneur de l'art. 3 CEDH, nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

15.        De jurisprudence constante, en matière de mesures de contrainte, la procédure liée à la détention administrative ne permet pas, sauf cas exceptionnels, de remettre en cause le caractère licite de la décision de renvoi ou d'expulsion (ATF 129 I 139 consid. 4.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_932/2017 du 27 novembre 2017 consid. 3.2 ; 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2). Les objections y relatives doivent être invoquées et examinées par les autorités compétentes lors des procédures ad hoc et ce n'est que si cette décision apparaît manifestement inadmissible, soit arbitraire ou nulle, qu'il est justifié de lever la détention en application de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, étant donné que l'exécution d'un tel ordre illicite ne doit pas être assurée par les mesures de contrainte (arrêts du Tribunal fédéral 2C_672/2019 du 22 août 2020 consid. 5.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 ; 2C_383/2017 du 26 avril 2017 consid. 3 ; 2C_47/2017 du 9 février 2017 consid. 5.2 ; 2C_1178/2016 du 3 janvier 2017 consid. 4.2 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 7 ; 2C_206/2014 du 4 mars 2014 consid. 3).

16.        Dans ses jugements des 10 et 15 avril 2024 précités, le tribunal a confirmé qu’il n’existait aucune impossibilité à l’exécution du renvoi de M. A______ au sens de l’art. 80 al. 6 let. a LEI. L’impossibilité du renvoi alléguée par l’intéressé du fait des risques encourus dans son pays d’origine a également été écartée par le TAF dans son arrêt du 17 novembre 2023 ainsi que dans sa décision incidente du 5 avril 2024, tenant compte des nouvelles pièces versées par l’intéressé à la procédure. Le courrier du 7 mai 2024 de la Ligue suisse des droits humains ne permet pas de retenir une autre solution, ce dernier ne se référant au demeurant pas directement à M. A______ mais aux ressortissant.e.s kurdes de Turquie en général, pour lesquels elle demande à ce qu’il soit procédé à des examens approfondis de la situation individuelle, ce qui a précisément été le cas pour l’intéressé.

17.        Enfin, la durée de sa détention demeure pour l'heure tout à fait conforme au principe de proportionnalité, étant rappelé que M. A______ est en détention administrative depuis le 12 mars 2024.

18.        Au vu de ce qui précède, la demande de prolongation de la détention administrative pour insoumission de M. A______ sera admise pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 11 juillet 2024.

19.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative pour insoumission formée le 29 avril 2024 par l’office cantonal de la population et des migrations à l’encontre de Monsieur A______ ;

2.             prolonge la détention administrative de Monsieur A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 11 juillet 2024 ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière