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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3111/2023

JTAPI/360/2024 du 18.04.2024 ( LCI ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;INTÉRÊT DIGNE DE PROTECTION;OBJET DU LITIGE
Normes : LPA.60.al1.letb
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3111/2023 LCI

JTAPI/360/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 18 avril 2024

 

dans la cause

 

A______, représentée par Me Jean-Marc SIEGRIST, avocat, avec élection de domicile

 

contre

B______ SA, représentée par Me Alain MAUNOIR, avocat, avec élection de domicile

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             La parcelle n° 1______ de la commune de C______ accueille un immeuble d’habitations avec activités au rez-de-chaussée.

Située D______, elle appartient à la B______ SA (ci-après : B______).

2.             La A______ (ci-après : A______) est propriétaire des parcelles nos 2______ - contiguë à la parcelle appartenant à la B______ - et 3______ - contiguë à la parcelle no 2______ et qui longe la E______, sises F______.

3.             Par requête enregistrée par le département du territoire (ci-après : DT) le ______ 2023 sous le n° APA 4______/1, la B______ a sollicité, par le biais de son architecte, la délivrance d’une autorisation de construire en procédure accélérée portant sur l’isolation et la transformation de la toiture, la pose de panneaux solaires et le remplacement de la porte d’entrée de l’immeuble sis sur la parcelle n° 1______.

4.             Dans le cadre de l’instruction de cette demande, toutes les instances spécialisées consultées, notamment l’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEN) le 9 août 2023 et la police du feu le 25 août 2023, se sont prononcées favorablement, avec ou sans conditions.

5.             Par décision du ______ 2023, le DT a délivré l’APA 4______/1.

Les droits des tiers étaient réservés. Les conditions figurant dans les préavis de l’OCEN et de la police du feu devaient être strictement respectées et toutes précautions devaient être prises pour assurer la sécurité des occupants et la salubrité de l’immeuble.

Apparaissent notamment sur le plan « Façade Nord » visé ne varietur dans ce cadre par le DT le ______ 2023 : en rouge, les éléments à construire autorisés, soit des panneaux solaires thermiques en toiture et une nouvelle porte coulissante automatique d’entrée de l’immeuble et, en noir, les éléments existants, notamment une porte située au rez-de-chaussée entre la porte d’entrée de l’immeuble précitée et l’arcade commerciale adjacente.

6.             Par acte du 22 septembre 2023 accompagné de pièces, la A______ a interjeté recours, sous la plume de son conseil, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de l’APA 4______/1, concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

La décision attaquée violait les art. 14 al. 1 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et 105A al. 1 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01).

La parcelle n° 1______ était grevée d’une servitude de passage correspondant à un accès de 3,5 m de large établi au rez-de-chaussée du bâtiment sis D______ jusqu’à la 2______ en sa faveur. Auparavant, les parcelles nos  2______ et 3______ abritaient l’atelier de mécanique/garage G______ et ce passage permettait alors d’accéder aux locaux sis E______ en véhicule en traversant le rez-de-chaussée de l’immeuble situé D______. Par le biais de la DD 5______/4, elle avait été autorisée à rénover et à transformer ce garage en une agence de voyage. Dans ce cadre, le passage couvert sous l’immeuble sis D______ devait notamment servir de voie d’évacuation aux occupants du bâtiment de la E______, comme cela ressortait de la DD précitée. Le préavis émis par la police du feu le 27 juin 2013, qui faisait partie intégrante de cette autorisation définitive, retenait d’ailleurs ce passage comme condition du projet, en se référant aux voies d’évacuation qui devaient être installées conformément aux conditions pertinentes posées par la directive de l’association des établissements cantonaux d’assurance incendie AEAI 16-03f, qui avaient été reprises dans la version de la directive de l’AEAI 16-15f actuellement en vigueur.

Quelques années plus tôt, la B______ avait installé une porte d’entrée basculante dans le passage situé D______ sans solliciter sa permission ni requérir d’autorisation de construire. Elle avait demandé, puis mis en demeure la B______, de procéder à la suppression de cette porte afin de respecter la servitude existante et les conditions posées par la police du feu dans le cadre de la DD 5______/4. Toutefois, nonobstant des pourparlers, les parties n’étaient pas parvenues à un accord, la B______ alléguant que cette porte permettait d’éviter l’intrusion de personnes étrangères aux immeubles et n’entravait pas le passage des utilisateurs du bâtiment de la A______, qui l’empruntaient, selon elle, régulièrement pour accéder à la D______.

En bloquant, par la construction de cette porte, la voie d’évacuation de l’immeuble sis E______, la B______ mettait en danger ses voisins en les privant d’issue de secours alors que, selon les dispositions applicables, les voies d’évacuation devaient toujours rester dégagées et utilisables en toute sécurité. La B______ ne pouvait donc pas inclure cette construction dans le plan déposé dans le cadre de l’APA. Or, le plan « Façade Nord » de l’APA 4______/1 faisait état de cette porte comme étant « acquise ». En intégrant cette construction dans ses plans, la B______ tentait de la légaliser.

De plus, la demande déposée devait englober la construction de cette porte afin que la légalité de cet ouvrage soit analysée par le DT. L’autorisation querellée était ainsi incomplète, dès lors qu’elle devait contenir des informations sur cette porte ou, à tout le moins, préconiser sa suppression. Elle ne pouvait simplement faire abstraction de ce « point pourtant primordial ».

En outre, dans la mesure où le projet autorisé visait l’isolation de l’immeuble, celle-ci devait être complète. Or, la suppression de la porte litigieuse provoquerait un courant d’air au rez-de-chaussée du bâtiment, de sorte que l’isolation thermique de ce dernier serait alors insuffisante. Ainsi, la B______ devait prévoir d’autres mesures d’assainissement dans son projet. Partant, l’APA délivrée était incomplète à ce titre également.

En conclusion, la construction telle que projetée sur le plan de l’APA contestée causait des inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public et ne remplissait pas les conditions de sécurité suffisante à l’égard des voisins.

7.             Par requête du 4 octobre 2023, la B______ a sollicité, sous la plume de son conseil, la levée partielle de l’effet suspensif au recours s’agissant de l’ensemble des travaux en toiture autorisés par l’APA contestée.

8.             Interpellés par le tribunal sur cette demande :

-          le DT s’en est rapporté à justice par pli du 11 octobre 2023 ;

-          la recourante, par courrier du 13 octobre 2023, a indiqué ne pas s’opposer « à ce que la B______ réalise les travaux d’assainissement énergétiques qu’elle a programmés sur son bâtiment » ; elle souhaitait toutefois que les travaux prévus englobent la mise en conformité de l’accès qui lui était dû et lorsque l’espace nécessaire à l’exercice de sa servitude serait à nouveau ouvert, celui-ci devrait également être assaini puisqu’il ne comportait aucune isolation et était notamment équipé d’une fenêtre-vitrine en vitrage simple.

9.             Par décision du _______ 2023 (DITAI/6______), le tribunal a admis la requête de levée partielle de l’effet suspensif au recours en tant qu’elle concernait les travaux projetés en toiture tels qu’autorisés par l’APA et a maintenu l’effet suspensif s’agissant des autres travaux autorisés.

10.         Dans ses observations du 27 novembre 2023, le DT a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, sous suite de frais.

Le projet autorisé n’était constitutif d’aucun inconvénient grave au sens de l’art. 14 LCI. Le respect de la servitude de droit privé invoquée par la recourante n’était pas du ressort du DT. La décision querellée réservait en outre les droits des tiers. Le projet autorisé était conforme à la législation applicable en matière de police des constructions. De plus, la porte litigieuse ne faisait pas l’objet de l’APA puisqu’elle ne figurait ni dans son descriptif, ni dans les plans visés ne varietur en rouge ou en jaune. Ainsi, dans l’hypothèse où cette porte aurait été érigée sans autorisation, cette APA n’avait pas pour vocation de la régulariser puisqu’elle ne la concernait pas. Le projet autorisé ne s’inscrivait pas davantage dans le cadre d’un dossier d’infraction.

Rien ne permettait en outre au DT, qui examinait la conformité d’un projet sur la base des plans produits, de soupçonner que cette porte avait été érigée illégalement, ce d’autant que la B______ et la recourante avaient tout fait pour ne pas attirer son attention sur l’existence de cette porte durant leurs discussions précédant le dépôt du recours. C’était ainsi à tort que la recourante prétendait que l’APA était incomplète et qu’elle aurait dû inclure la réalisation de la porte litigieuse. En tout état, si cette dernière estimait qu’une infraction avait été commise, il lui était loisible de la dénoncer auprès de la direction de l’inspectorat des constructions. Enfin, les arguments de la recourante relatifs aux courants d’air que provoquerait la suppression de la porte litigieuse étaient irrelevants, une telle suppression ne faisant pas l’objet de l’APA litigieuse.

11.         Par réponse du 16 novembre 2023, accompagnée de pièces, la B______ a conclu, sous la plume de son conseil, à la forme, à l’irrecevabilité du recours et, au fond, à titre subsidiaire, à son rejet et à la confirmation de la décision attaquée, sous suite de frais et dépens.

Le recours était irrecevable. Les travaux prévus et autorisés par l’APA litigieuse ne portaient pas sur la porte située au rez-de-chaussée au débouché de la servitude de passage du côté de la D______. Faute d’être concernée par les travaux autorisés, la recourante ne disposait pas d’intérêt digne de protection ni, partant, de la qualité pour recourir. Les travaux autorisés, soit la rénovation de la toiture par le remplacement de l’isolation, la pose de panneaux solaires thermiques et le remplacement de la porte d’entrée de son immeuble, n’impactaient en rien la recourante. Cette dernière n’alléguait d’ailleurs aucun dommage ni immission y relatifs susceptibles de l’atteindre spécialement. Il ressortait au contraire de son courrier du 13 octobre 2023 qu’elle ne s’opposait pas à la réalisation des travaux d’assainissement énergétiques programmés.

Sur le fond, la recourante ne formulait aucun grief contre l’autorisation contestée. Quant à la requête de cette dernière tendant à ce que l’APA porte sur d’autres parties de l’immeuble concerné, l’on peinait à distinguer sur quelles bases elle se fondait pour définir, en tant que voisine, l’étendue des démarches à engager.

La recourante utilisait en réalité la voie du recours pour tenter de résoudre un différend relevant du droit privé, au sujet duquel il lui appartenait de saisir les juridictions compétentes, cas échéant. Se posait d’ailleurs la question de savoir si le dépôt de ce recours - qui confinait à la témérité - n’avait pas pour seul but de lui nuire.

12.         Par réplique du 20 décembre 2023, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Elle reconnaissait être en litige avec l’intimée s’agissant de la porte obturant la servitude de passage et admettait que ce litige pourrait être résolu par le biais d’une procédure civile visant à la reconnaissance de la servitude de passage dont elle était titulaire.

Cela étant, dans le cadre de l’APA, l’intimée avait déposé des plans non conformes à la réalité puisqu’ils indiquaient que la porte litigieuse - figurant en noir sur ceux-ci - serait un élément de son bâtiment autorisé préalablement, ce que le DT avait d’ailleurs admis dans ses observations. Or, elle ne pouvait laisser passer un tel procédé sans réagir. Elle avait en outre désormais obtenu de la part du département une déclaration selon laquelle il lui était loisible, si elle estimait qu’une infraction avait été commise, de la dénoncer, étant précisé qu’elle préférerait toutefois ne pas avoir à en arriver là. Quoi qu’il en soit, il était surprenant que l’intimée puisse produire dans une procédure officielle des plans ayant valeur de titres incluant des éléments construits illicitement.

Faute d’avoir pu trouver une solution amiable, elle avait dû se résoudre à se manifester dans le cadre de la présente procédure, afin notamment d’éviter que l’intimée ne soutienne par la suite que la porte installée sans droit faisait partie de la documentation officielle de l’immeuble, contre laquelle elle ne pourrait plus agir.

Tous les mandataires professionnellement qualifiés consultés lui avaient confirmé que la situation résultant de l’installation illicite de la porte était contraire aux règles sécuritaires. À ce titre, le rapport - joint - établi par H______ SA en décembre 2023 faisait état de très nombreuses recommandations de mise en conformité nécessaires sous l’angle de la sécurité incendie si la porte en cause devait être maintenue, pour un montant oscillant entre CHF 100'000.- et CHF 150'000.-.

Soutenir qu’elle n’avait aucun intérêt au résultat de la procédure était discutable. Si elle avait effectivement déclaré qu’elle n’était pas opposée aux travaux que l’intimée souhaitait effectuer dans son bâtiment, elle avait également précisé que cette dernière présentait une situation erronée au DT. Dès lors que celui-ci avait désormais connaissance de la situation, il serait éventuellement légitime qu’il s’en saisisse et prie l’intimée de retirer cette porte installée sans droit.

13.         Dans sa duplique du 11 janvier 2024, l’intimée a persisté dans ses conclusions.

La recourante avait explicitement reconnu que le litige les opposant était de nature civile, ce qui confirmait qu’elle ne retirerait aucun avantage d’une éventuelle annulation de l’APA. Pour le surplus, les éléments invoqués par cette dernière en lien avec les prescriptions de sécurité ne concernaient pas les travaux autorisés et le rapport de sécurité produit, non pertinent, devait être écarté.

14.         Par duplique du 11 janvier 2024, le DT a également persisté dans ses conclusions.

Contrairement aux allégations de la recourante, il n’avait nullement reconnu que les plans déposés dans le cadre de l’APA n’étaient pas conformes à la réalité, mais s’était limité à relever que la porte litigieuse ne faisait pas l’objet de cette autorisation. Il prenait en outre acte du fait que la recourante ne souhaitait pas dénoncer d’infraction.

Nonobstant le fait que la question de la conformité de la porte litigieuse aux règles sécuritaires était exorbitante au litige, il avait soumis la photographie de cette porte - produite en annexe 11 du recours - à la police du feu. Cette instance avait observé que celle-ci était munie, à l’intérieur, d’une barre transversale anti-panique permettant son ouverture même si elle était fermée à clé et qu’elle s’ouvrait dans le bon sens. Ainsi, cette porte ne constituait pas un obstacle à la voie d’évacuation.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable de ce point de vue, au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10).

3.             Se pose toutefois la question de savoir si la recourante possède la qualité pour recourir au sens de l’art. 60 LPA.

4.             Selon l'art. 60 al. 1 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

Le voisin direct de la construction ou de l'installation litigieuse, s'il a en principe la qualité pour recourir, doit en outre retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée qui permette d'admettre qu'il est touché dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l'intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée de manière à exclure l'action populaire (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; 137 II 30 consid. 2.2.3). Le voisin ne peut ainsi pas présenter n'importe quel grief ; il ne se prévaut d'un intérêt digne de protection, lorsqu'il invoque des dispositions édictées dans l'intérêt général ou dans l'intérêt de tiers, que si ces normes peuvent avoir une influence sur sa situation de fait ou de droit (ATF 139 II 499 consid. 2.2 ; 137 II 30 consid. 2.2.3 ; 133 II 249 consid. 1.3). Tel est souvent le cas lorsqu'il est certain ou très vraisemblable que l'installation ou la construction litigieuse sera à l'origine d'immissions – bruit, poussières, vibrations, lumière, fumée – atteignant spécialement les voisins. À défaut, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur le grief soulevé (arrêt du Tribunal fédéral 1C_27/2018 du 6 avril 2018 consid. 1.1 et les références citées).

5.             L'objet du litige est défini par trois éléments : principalement par l'objet du recours (ou objet de la contestation) et les conclusions du recourant, et accessoirement par les griefs ou motifs qu'il invoque. Il correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/504/2023 du 16 mai 2023 consid. 3.2 et les arrêts cités). Lorsque le recourant conclut uniquement à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée, il convient de se référer aux motifs de son recours afin de déterminer ce qui constitue l'objet du litige selon sa volonté déterminante (ATA/203/2015 du 24 février 2015 consid. 3a).

6.             La juridiction administrative est liée par les conclusions des parties, sans pour autant être liée par les motifs invoqués (art. 69 al. 1 LPA).

7.             Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative de la Cour de justice, l’objet d’une procédure administrative ne peut pas s’étendre ou se modifier qualitativement au fil des instances. Il peut uniquement se réduire, dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés devant l’autorité de recours. Si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été traitées dans la procédure antérieure. Quant à l’autorité de recours, elle n’examine pas les prétentions et les griefs qui n’ont pas fait l’objet du prononcé de l’instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d’enfreindre le principe de l’épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d’un degré de juridiction (ATA/648/2016 du 26 juillet 2016 consid. 2b ATA/1311/2020 du 15 décembre 2020 consid. 4a).

8.             Selon les principes généraux du droit, il n'appartient pas à l'administration de s'immiscer dans les conflits de droit privé pouvant s'élever entre un requérant et un opposant. La législation genevoise en matière de police des constructions a en effet pour seul but d'assurer la conformité des projets présentés aux prescriptions en matière de constructions et d'aménagements, intérieurs et extérieurs, des bâtiments et des installations (art. 3 al. 6 LCI ; cf. not. ATA/307/2021 du 9 mars 2021 consid. 4a ; ATA/169/2020 du 11 février 2020 consid. 7b ; ATA/1724/2019 du 26 novembre 2019 consid. 8e ; ATA/97/2019 du 29 janvier 2019 consid. 5 ; ATA/517/2018 du 29 mai 2018 consid. 5g ; ATA/166/2018 du 20 février 2018 consid. 5 et les arrêts cités ; ATA/588/2017 du 23 mai 2017 consid. 3d et e ; cf. aussi arrêt du Tribunal fédéral 1C_413/2019 du 24 mars 2020 consid. 7.1 et les références citées).

9.             En l’espèce, il ressort de la demande d’APA, déposée par l’intimée et enregistrée par le DT le ______ 2023, que celle-ci a pour objet l’isolation et la transformation de la toiture, la pose de panneaux solaires et le remplacement de la porte d’entrée de l’immeuble appartenant à la précitée. De plus, selon la décision rendue par le DT le ______ 2023 s’agissant de cette requête, ce sont bien, en toute logique, ces trois types de travaux qui ont été autorisés par ce biais, à l’exclusion de la construction de tout autre éventuel ouvrage - déjà existant ou à réaliser - dans ce bâtiment.

Conformément à la jurisprudence citée supra, les constructions autorisées par l’APA 4______/1, qui constitue l’acte attaqué, définissent l’objet du litige et délimitent le cadre matériel admissible du recours.

Ainsi, la question faisant l’objet du présent recours est uniquement de savoir si c’est à bon droit et sans abuser de son pouvoir d’appréciation que l’autorité intimée a autorisé les travaux précités, sur lesquels portent l’autorisation litigieuse.

La recourante conclut à l’annulation de l’APA délivrée. Cependant, il ressort des motifs invoqués par cette dernière à l’appui de son recours que sa volonté n’est pas de contester l’isolation et la transformation de la toiture, la pose de panneaux solaires et le remplacement de la porte d’entrée de l’immeuble autorisés par la décision litigieuse.

En effet, la recourante a explicitement indiqué, dans son écriture du 13 octobre 2023, s’agissant de la demande de levée partielle de l’effet suspensif au recours formulée par l’intimée, qu’elle ne s’opposait pas à ce que cette dernière « réalise les travaux d’assainissement énergétiques qu’elle a[vait] programmé sur son bâtiment ». Dans le même sens, la recourante a encore confirmé, dans sa réplique, avoir effectivement déclaré qu’elle n’était pas opposée aux travaux que l’intimée souhaitait réaliser dans son immeuble, tout en précisant également que celle-ci présentait toutefois une situation erronée au DT.

À ce titre, il sera relevé que la recourante se plaint en réalité, par le biais de son recours, uniquement de la pose par l’intimée d’une porte qui serait, selon elle, située sur le passage d’une servitude en faveur de l’une de ses parcelles et priverait les utilisateurs du bâtiment sis sur ses parcelles d’une voie d’évacuation, en violation de la servitude précitée, des dispositions applicables et des conditions posées dans le cadre d’une autre autorisation de construire délivrée antérieurement en sa faveur.

Toutefois, comme vu ci-dessus, la décision attaquée - qui délimite principalement, au même titre que les conclusions de la recourante, l’objet du litige - ne concerne pas la porte dont la recourante se plaint.

Contrairement aux allégations de cette dernière, le fait que cette porte apparaisse en noir comme existante sur le plan « Façade Nord » visé ne varietur dans le cadre de l’APA contestée n’a pas pour conséquence que celle-ci aurait été autorisée par le biais de l’APA délivrée. En effet, ont été seuls autorisés par cette APA, les travaux, tels que décrits supra, faisant l’objet de la demande relative à celle-ci, puis de l’autorisation délivrée et figurant en rouge (à construire) ou en jaune (à démolir) sur les plans visés ne varietur par le DT.

Retenir que tous les éléments figurant en noir sur un plan visé ne varietur auraient été autorisés par le DT - indépendamment de l’objet de la demande d’autorisation - reviendrait en outre à rendre lettre morte les dispositions légales et réglementaires applicables en matière de droit de la construction, notamment l’art. 1 al. 1 let. b LCI qui prévoit que nul ne peut modifier même partiellement le volume, l’architecture, la couleur, l’implantation, la distribution ou la destination d’une construction ou d’une installation sans autorisation.

Ainsi, s’agissant de la porte dont se plaint la recourante, le tribunal constate que cette dernière ne fait pas l’objet de la décision attaquée.

En conséquence, même si la recourante est propriétaire de parcelles voisines de celle concernée par l’APA litigieuse et qu’elle se prévaut d’une violation de dispositions légales et réglementaires applicables en matière de droit de la construction, soit les art. 14 LCI et 105A RCI, force est de constater que l’annulation de la décision attaquée n’aurait aucune conséquence sur la situation de la porte existante dont elle se plaint. Par conséquent, la condition posée par la jurisprudence selon laquelle le recourant doit retirer un avantage pratique de l'annulation ou de la modification de la décision contestée pour que la qualité pour recourir lui soit reconnue n’apparaît ici pas remplie.

Pour le surplus, compte tenu du fait que le DT ne s’est pas déterminé sur cet ouvrage dans la décision attaquée, le tribunal ne saurait connaître de cette question dans le cadre du présent recours, sauf à outrepasser son champ de compétence et à priver la recourante d’un double degré d’examen auquel elle aurait droit si elle devait décider, par impossible, de saisir l’autorité compétente pour connaître de cette question, étant rappelé que les mesures à prendre, cas échéant, à l’égard de constructions potentiellement illicites appartiennent, sous l’angle du droit public de la construction, en premier lieu au département, conformément aux art. 129 ss LCI.

Dès lors que la recourante ne peut, comme vu supra, pas se prévaloir de la qualité pour recourir, il n’est pas nécessaire d’examiner la recevabilité de ses griefs.

A titre superfétatoire, il sera néanmoins relevé que l'argument selon lequel la porte concernée violerait les conditions de sécurité prévues dans le cadre d’une autre autorisation de construire, doit être invoqué dans le cadre d’une procédure idoine dirigée à l’encontre de l’ouvrage concerné.

Il en va de même de l'allégation selon laquelle la suppression de cette porte aurait pour conséquence que l’isolation thermique de l’immeuble ne serait alors plus suffisante, grief qui apparaît en outre purement hypothétique à ce stade et qui ne concerne la recourante en rien, dès lors qu’elle n’est pas, elle-même, utilisatrice des locaux appartenant à l’intimée.

Enfin, s'agissant de son allégation à teneur de laquelle la porte contestée empêcherait le bon usage d’une servitude de passage instaurée en faveur de sa parcelle, le tribunal retient qu'il n'est pas compétent pour examiner cette question, dès lors qu'elle relève du droit privé et non du droit public de la construction, l’autorisation litigieuse réservant en outre, pour le surplus, explicitement les droits des tiers.

Eu égard au développement qui précède, la recourante ne peut se prévaloir d’aucun intérêt juridiquement protégé à l’admission de son recours. Partant, les conditions posées par l’art. 60 LPA ne sont pas remplies.

10.         En conclusion, le recours sera déclaré irrecevable.

11.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 800.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Le solde de l’avance de frais, d’un montant de CHF 100.-, lui sera restitué.

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante (art. 87 al. 2 LPA).

12.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à la charge de la A______ sera allouée à la B______ (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare irrecevable le recours interjeté le 22 septembre 2023 par la A______ contre la décision du département du territoire du ______ 2023 ;

2.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 800.- lequel est couvert par l'avance de frais ;

3.             ordonne la restitution à la recourante du solde de l’avance de frais de CHF 100.- ;

4.             condamne la recourante à verser à la B______ SA une indemnité de procédure de CHF 1'500.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Laetitia MEIER DROZ, présidente, Damien BLANC et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs.


Au nom du Tribunal :

La présidente

Laetitia MEIER DROZ

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière