Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/1169/2024

JTAPI/324/2024 du 11.04.2024 ( MC ) , CONFIRME

Descripteurs : DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION POUR INSOUMISSION
Normes : LEI.78
Rectification d'erreur matérielle : rectifications matérielles au ch. 22 p. 4 et consid. 11 p. 6 (art. 85 LOJ)
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1169/2024 MC

JTAPI/324/2024

Rectifications matérielles au ch. 22 p. 4 et consid. 11 p. 6 (art. 85 LOJ)

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 avril 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Joanna YBARRA, avocate

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______ (alias B______), né le ______ 1986, est originaire d'Algérie.

2.             M. A______ est très défavorablement connu de la justice suisse. L'intéressé comptant douze condamnations pour, notamment, de nombreux vols, vols par métier, vols en bande, violations de domicile, dommages à la propriété et rupture de ban conformément aux art. 139 ch. 1, 2 et 3, 186, 144 al.1 et 291 al.1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

3.             Le 20 juillet 2009, les autorités genevoises ont requis le soutien du secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après: le SEM) en vue de l'identification formelle de l'intéressé par un Etat, étant observé qu'il se trouvait sous le coup d'une décision de renvoi.

4.             M. A______ a fait l'objet de deux interdictions d'entrée en Suisse valables, respectivement, du 30 juillet 2009 au 29 juillet 2014 et du 30 septembre 2014 au 6 octobre 2019.

5.             Le 10 janvier 2017, le consulat algérien a informé le SEM que l'intéressé avait été identifié comme ressortissant algérien sous le nom de A______ et qu’il était disposé à délivrer un laissez-passer en sa faveur.

6.             Par Jugement du 13 octobre 2017, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a prononcé l'expulsion obligatoire de Suisse de M. A______ pour une durée de dix ans, conformément à l'art. 66a CP.

7.             Le 12 février 2020, M. A______ a été présenté par les autorités vaudoises aux consultations consulaires en vue du retour des personnes reconnues comme ressortissants algériens (counseling) à Berne.

8.             Un vol prévu pour le 27 avril 2020 a été annulé le 25 mars 2020 malgré l'obtention d'un laissez-passer en raison de la fermeture des frontières pour cause de crise sanitaire liée à la Covid-19. A compter de la réouverture des frontières et jusqu'à la fin de l'année 2021, seuls les retours volontaires pouvaient être effectués. Ce n'est que depuis le début de l'année 2022 que les vols avec escorte policière ont pu progressivement être à nouveau opérés.

9.             Par jugement du 25 janvier 2021, le Tribunal de police du canton de Genève a prononcé l'expulsion obligatoire de Suisse de M. A______ pour une durée de 20 ans, conformément à l'art. 66a al.1 let d et 66b al.1 CP.

10.         Le 10 juin 2021, l'OCPM a notifié à l'intéressé une décision de non-report d'expulsion judiciaire, en vertu de laquelle il était informé qu'il devait quitter la Suisse dans un délai de 48 heures. L'intéressé n'a pas donné suite à cette injonction.

11.         Par jugement du 7 mars 2023, confirmé en appel, le Tribunal de police du canton de Genève a prononcé une nouvelle expulsion de Suisse de M. A______ pour une durée de 20 ans, conformément à l'art. 66b al.1 CP.

12.         Le 23 mai 2023, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après: l'OCPM) a notifié à l'intéressé un courrier l'invitant à se déterminer sur une décision de non-report de son expulsion du 7 mars 2023. Par réponse du 25 mai 2023, M. A______ a indiqué ne pas vouloir retourner en Algérie et préférer rejoindre des membres de sa famille en France.

13.         Par ordonnance du 5 février 2024, le Tribunal d'application des peines et des mesures a refusé la libération conditionnelle de M. A______, la fin de sa peine arrivant à échéance le 1er septembre 2024. L'argumentaire de la juridiction avait notamment la teneur suivante : "S'agissant du pronostic, il se présente sous un jour fort défavorable au vu des nombreux antécédents du cité, en particulier s'agissant de vols et de cambriolages commis à réitérées reprises et d'infractions en matière de séjour des étrangers en Suisse. Les diverses peines privatives de liberté qui lui ont été infligées ne l'ont pas dissuadé de demeurer, respectivement de revenir en Suisse, et de commettre de nouvelles infractions contre le patrimoine. Sa situation personnelle demeure inchangée et on ne perçoit aucun effort du cité pour modifier sa situation, étant rappelé qu'il fait l'objet d'une expulsion de Suisse d'une durée de 20 ans. Aucun projet concret et étayé n'est présenté, de sorte qu'il se retrouvera à sa sortie dans la même situation personnelle que celle ayant mené à ses dernières condamnations, à savoir, en situation illégale en Suisse, sans travail, ni logement. Il n'a enfin aucune garantie de pouvoir séjourner légalement en France, où il dit vouloir se rendre à sa sortie. En l'état, rien n'indique que l'intéressé saurait mettre à profit une libération conditionnelle et le risque qu'il commette de nouvelles infractions apparaît très élevé, étant précisé qu'à teneur des dernières condamnations figurant au casier judiciaire, ce risque ne se limite pas à des infractions à la LEI."

14.         Le 15 février 2024, l'OCPM sollicitait les services de police afin d'entamer les démarches en vue de l'organisation du renvoi de l'intéressé dès la fin de sa peine, le 1er septembre 2024.

15.         Le 5 mars 2024, l'OCPM était informé que M. A______ serait libéré le lendemain à la suite du paiement de ses amendes.

16.         Le 5 mars 2024, les services de police ont sollicité auprès de swissREPAT, la réservation d'une place à bord d'un avion de ligne. Un vol a été réservé par swissREPAT pour le 8 avril 2024.

17.         Le 6 mars 2024, à 15h45, le commissaire de police a ordonné la mise en détention administrative de M. A______, pour une durée de trois mois, en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI, renvoyant à l'art. 75 al. 1 let. h de cette même loi ainsi que de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEI.

18.         Le 7 mars 2024, le Tribunal administratif de première instance (ci-après: le tribunal) a confirmé l’ordre de mise en détention administrative du commissaire de police pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 5 juin 2024 inclus (JTAPI/197/2024).

19.         Le 11 mars 2024, les services de police ont requis de swissREPAT que le vol du 8 avril 2024 soit transformé en vol avec escorte policière, ce qui s'est concrétisé le 22 mars 2024.

20.         Le 8 avril 2024, M. A______ a fait échouer son embarquement à bord de l'avion qui devait le reconduire, sous escorte policière, dans son pays d’origine.

21.         Le 9 avril 2024, à 16h10, le commissaire de police a ordonné la mise en détention administrative de M. A______ pour une durée d'un mois sur la base de l'art. 78 al. 1 LEI (détention pour insoumission).

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il n'entendait toujours pas retourner dans son pays d'origine. Cet acte a été soumis le même jour au tribunal en vue du contrôle de sa légalité.

22.         Entendu le 10 11 avril 2024 par le tribunal, M. A______ a indiqué qu'il n'était pas d'accord de retourner en Algérie et qu'il ne prendrait pas l'avion qu'on lui réserverait, sous escorte policière à destination de son pays d’origine. La dernière fois, les agents lui avaient fait mal aux poignets, aux cuisses et au visage. Il ne souhaitait pas retourner en Algérie car toute sa famille vivait en France où il ne possédait pas de permis de séjour en France. Il comptait solliciter un visa pour se rendre en France. S'il était libéré, il s’engageait à quitter immédiatement la Suisse pour la France.

Le représentant du commissaire de police a indiqué qu’un nouveau vol avec escorte policière allait être organisé. La date de celui-ci n'était pas encore déterminée. Il a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative pour insoumission pour une durée d'un mois.

Le conseil de l'intéressé a plaidé et s'en est rapporté à justice.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi dans le délai de nonante-six heures prévu par l'art. 80 al. 2 LEI, l’ordre de mise en détention ayant été émis le 9 avril 2024.

3.            Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 78 al. 4 LEI et l’art. 9 al. 4 LaLEtr, qui énoncent qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.

4.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale et respecte le principe de la proportionnalité.

5.            En vertu de l'art. 78 al. 1 LEI, si l'étranger n'a pas obtempéré à l'injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit et que la décision exécutoire de renvoi ou d'expulsion ne peut être exécutée en raison de son comportement, il peut être placé en détention afin de garantir qu'il quittera effectivement le pays, pour autant que les conditions de la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne soient pas remplies et qu'il n'existe pas d'autres mesures moins contraignantes susceptibles de conduire à l'objectif visé.

6.            Elle doit être levée notamment lorsqu’un départ de Suisse, volontaire et dans le délai prescrit, n’est pas possible malgré la collaboration de l’intéressé (art. 78 al. 6 let. a LEI ; ATA/812/2023 du 4 août 2023).

7.            Selon la jurisprudence, le but de la détention pour insoumission est de pousser un étranger, tenu de quitter la Suisse, à changer de comportement, lorsqu’à l’échéance du délai de départ, l’exécution de la décision de renvoi, entrée en force, ne peut être assurée sans la coopération de celui-ci malgré les efforts des autorités (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 et la jurisprudence citée). La détention pour insoumission constitue une ultima ratio, dans la mesure où il n’existe plus d’autres mesures permettant d’aboutir à ce que l’étranger se trouvant illégalement en Suisse puisse être renvoyé dans son pays.

8.            La prise d’une telle mesure doit respecter le principe de la proportionnalité, ce qui suppose d’examiner l’ensemble des circonstances pour déterminer si elle apparaît appropriée et nécessaire. Cet examen suppose de tenir compte de l'ensemble des circonstances, parmi lesquelles figurent la durée de la détention déjà accomplie, la persistance du détenu à ne pas collaborer, ses relations familiales, son âge, son état de santé et ses antécédents (arrêts 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 consid. 3.1; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_936/2010 du 24 décembre 2010 consid. 1.3 ; 2C_984/2013 du 14 novembre 2013 consid. 3.2). Le seul refus explicite de collaborer de la personne concernée ne constitue qu’un indice parmi d’autres éléments à prendre en considération dans cette appréciation (ATF 135 II 105 et la jurisprudence citée ; ATA/1053/2016 du 14 décembre 2016) et n'entraîne pas en soi une libération de la détention (ATF 134 I 92 consid. 2.3.2 p. 97).

9.            La détention peut être ordonnée pour une période d’un mois et, moyennant le consentement de l’autorité judiciaire cantonale et dans la mesure où l’étranger n’est pas disposé à modifier son comportement et à quitter le pays, elle peut être prolongée de deux mois en deux mois (art. 78 al. 2 LEI). Elle doit être levée notamment lorsqu’un départ de Suisse, volontaire et dans le délai prescrit, n’est pas possible malgré la collaboration de l’intéressé (art. 78 al. 6 let. a LEI ; ATA/1053/2016 précité).

10.        La durée de la détention pour insoumission ne doit pas excéder, avec la détention en vue du renvoi et la détention en phase préparatoire, dix-huit mois (art. 78 al. 2 LEI et 79 al. 1 et 2 LEI ; ATF 140 II 409 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_188/2020 du 15 avril 2020 consid. 7.3).

11.        En l’espèce, la légalité de la détention de l’intéressé pour insoumission (art. 78 LEI) a déjà été confirmée par le tribunal dans son jugement du 7 mars 2024 (JTAPI/197/2024), de sorte qu’en l’absence de changement des éléments qui ont conduit à cette conclusion, et qu'aucune des conditions de l'art. 78 al. 6 LEI n'est réalisée, la détention reste fondée dans son principe, ce qui n’est pas contesté.

12.        S’agissant de la proportionnalité de sa détention, l’intéressé n'a aucune source de revenu licite, ni aucune attache à Genève et persiste à refuser de quitter la Suisse, pays qu’il n’a pas quitté malgré trois expulsions judiciaires prononcées à son encontre.

13.        Au vu de ces éléments, on peut admettre l'existence d'un risque réel et concret que, s'il était libéré, il n'obtempérerait pas aux instructions de l'autorité lorsque celle-ci lui ordonnera de monter à bord de l'avion devant le reconduire dans son pays et qu'il pourra être amené à disparaître dans la clandestinité. Ses promesses de quitter la Suisse pour la France une fois libéré ne suffisent pas à pallier le risque de fuite avéré en l’espèce. A ce sujet, on entend mal pour quelles raisons, M. A______ respecterait sa promesse alors qu’il s’est soustrait à toutes les décisions administratives et judiciaires prises à son encontre jusqu’alors. Aussi, l'intérêt public au départ de l’intéressé n'a pas disparu et aucune mesure moins incisive que la détention administrative d'une durée d’un mois, n'est susceptible d'assurer son expulsion dans son pays d'origine au vu de sa situation et de son comportement.

14.        La mesure litigieuse est également conforme au principe de célérité, dès lors que l’autorité a réservé des billets d’avion dès l’annonce de la libération de l’intéressé qui a refusé, à deux reprises de prendre le vol qui lui avait été réservé. Ainsi, le prolongement de la procédure de refoulement est imputable à M. A______ qui pourrait décider de lui-même qu'il soit mis un terme à sa détention en acceptant de retourner dans son pays.

15.        Ces circonstances constituent typiquement celles qui autorisent la mise en détention pour insoumission au sens de l’art. 78 LEI et aucune des situations visées par l'art. 78 al. 6 LEI n'est réalisée.

16.        Enfin, la durée de sa détention demeure pour l'heure conforme au principe de la proportionnalité.

17.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative pour insoumission de M. A______, pour une durée d’un mois.

18.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocate et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l'ordre de mise en détention administrative pour insoumission émis le 9 avril 2024 à 16h10 par le commissaire de police à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée d'un mois, soit jusqu'au 8 mai 2024 inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocate, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière