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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3313/2023

JTAPI/230/2024 du 14.03.2024 ( OCIRT ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;ACTIVITÉ LUCRATIVE
Normes : LEI.18; LEI.20
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3313/2023

JTAPI/230/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 14 mars 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 


EN FAIT

1.             Monsieur B______ et son épouse Madame A______, tous deux ressortissants d’Azerbaïdjan, résident en Suisse - avec leurs trois enfants actuellement âgés de 10 ans, 8 ans et 3 ans - depuis le 9 janvier 2023 au bénéfice d’un forfait fiscal et d’une autorisation de séjour sans activité lucrative, respectivement d’une autorisation de séjour pour regroupement familial.

2.             Madame C______, ressortissante azerbaïdjanaise née le ______ 1971, n’a jamais bénéficié d’une autorisation de séjour ou de travail en Suisse.

3.             Une première demande d’autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative (permis B) déposée par Mme A______ et M. B______ en vue d’employer Mme C______ comme personnel de maison et garde d’enfants a été enregistrée par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 21 novembre 2019.

4.             Cette requête a été refusée par l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT) - auquel l’OCPM avait transmis le dossier pour raison de compétence - par décision du 18 décembre 2019, au motif que l’admission requise ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse et que l’ordre de priorité n’avait pas été respecté. En outre, l’exiguïté des contingents ne permettait pas de donner suite à des demandes dans le secteur de l’économie domestique.

En l’absence de recours, cette décision est entrée en force.

5.             Le 2 juin 2023, D______ & E______ SA (ci-après : D______ SA), mandatée par Mme A______ et M. B______, a annoncé à l’office cantonal de l’emploi (ci-après : OCE) la vacance d’un poste d’employé-e de maison/gouvernant-e.

6.             Par courriel du 3 juillet 2023, l’OCE a informé la société précitée qu’il n’avait pas pu assigner de candidat inscrit auprès de lui correspondant au profil recherché.

7.             Le 10 juillet 2023, D______ SA a publié, pour le compte de Mme A______ et M. B______ toujours, une annonce relative à la vacance d’un poste d’employée de maison/gouvernante à temps plein sur le site internet de Jobup.ch.

Étaient notamment requises : la maîtrise de l’azerbaïdjanais, du russe et de l’anglais (langues indispensables), une expérience dans le domaine d’employé de maison de plus de cinq ans ainsi que la possession d’un permis de travail valide en Suisse.

8.             Par requête enregistrée le 10 août 2023, Mme A______ et M. B______ ont sollicité la délivrance d’un titre de séjour avec activité lucrative en faveur de Mme C______, qu’ils souhaitaient engager en qualité d’employée de maison/gouvernante.

Mme C______ avait débuté son activité de garde d’enfants auprès d’eux en octobre 2013 en Azerbaïdjan mais n’avait toutefois pas pu, faute d’autorisation de travail, les suivre lors de leur arrivée en Suisse en janvier 2023. Les recherches effectuées auprès de l’OCE et par le biais de leurs relations, de l’école, de leurs voisins, de plusieurs annonces d’offre d’emploi en Suisse et en Europe ne leur avaient pas permis de trouver d’employé correspondant à la moitié de leurs exigences et les nombreux essais auxquels ils avaient procédé n’avaient conduit qu’à déstabiliser la famille. Une des grands-mères était temporairement venue les aider en avril 2023 à Genève au bénéfice d’un visa touristique, dès lors qu’entre les cours de gymnastique et d’équitation des enfants et la poursuite des études de Mme A______, la situation était « ingérable ». Ils allaient repartir durant les vacances d’été en Azerbaïdjan, où Mme C______ pourrait prendre en charge les enfants. Toutefois, ceux-ci feraient, en septembre 2023, leur rentrée scolaire à l’Institut F______ et Mme A______ débuterait, au semestre de printemps 2024, une maîtrise en psychologie à l’université de Genève. Ainsi, n’ayant toujours pas trouvé d’aide en Suisse, ils souhaitaient employer le plus rapidement possible Mme C______, en laquelle ils avaient toute confiance. Cette dernière avait plus de dix ans d’expérience en tant qu’employée de maison au sein de la famille, dont elle était considérée comme un membre à part entière. Elle serait nourrie et logée chez eux, où elle bénéficierait d’une chambre individuelle fermant à clé et percevrait un salaire mensuel brut de CHF 6'000.- déclaré aux assurances sociales et à l’administration fiscale. L’admission de leur requête était nécessaire en vue d’assurer la stabilité de leurs enfants, de leur libérer du temps et de faciliter leur intégration en Suisse.

Plusieurs pièces étaient jointes, notamment :

-          le curriculum vitae de Mme C______, dont la rubrique « langues » précisait que l’azerbaïdjanais était sa langue maternelle, qu’elle avait des « notions scolaires » d’anglais et qu’elle possédait des « notions de base en français » ; quant à son expérience professionnelle, elle avait travaillé durant trois ans, d’août 2010 à août 2013, comme garde d’enfants auprès d’une famille en Azerbaïdjan avant d’entrer au service de Mme A______ et M. B______ en octobre 2013 et

-          une dizaine de curriculum vitae - non datés - de candidats pour des gardes d’enfants et employés de maison, dont le contenu sera repris dans la partie « En droit » ci-après, en tant que de besoin.

9.             Par décision du 6 septembre 2023 - qui, en raison d’un erreur d’adressage, n’a pas pu été notifiée -, l’OCIRT a refusé de délivrer une autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative en faveur de Mme C______.

10.         Par nouvelle décision du 13 septembre 2023, l’OCIRT a refusé de délivrer une autorisation de séjour à l’année avec activité lucrative en faveur de Mme C______ et a retourné le dossier de cette dernière à l’OCPM.

L’admission requise ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse. De plus, l’ordre de priorité n’avait pas été respecté, dès lors qu’il n’avait pas été démontré qu’aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un pays de l’UE ou de l’AELE n’avait pu être trouvé. Enfin, l’exiguïté des contingents ne permettait pas de donner suite à des demandes dans le secteur de l’économie domestique, compte tenu notamment de l’intérêt économique de la Suisse.

11.         Par acte du 9 octobre 2023, Mme A______ et M. B______ ont interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) à l’encontre de la décision rendue par l’OCIRT le 13 septembre 2023, concluant à son annulation et à la délivrance du permis de séjour requis en faveur de Mme C______.

Les intérêts économiques helvétiques étaient d’une grande importance pour eux et ils avaient fait de la Suisse le lieu principal de leurs investissements actuels et futurs. Compte tenu de la taille de leur ménage et du fait qu’ils étaient tous deux occupés à travailler et à étudier, ils avaient besoin d’aide dans les tâches quotidiennes et avec les enfants. Le recourant participait en outre régulièrement à des salons et à des conférences à l’étranger, comme démontré par la facture - jointe - relative à un congrès qui s’était tenu en Espagne du 7 au 10 octobre 2023. Il était ainsi essentiel qu’ils puissent compter sur une « nounou » digne de confiance pour s’occuper des enfants, dans une ville étrangère à ces derniers et où aucun autre membre de leur famille ne vivait. En outre, dès lors que cette employée devait vivre avec les enfants au sein du foyer, il était nécessaire qu’elle assure le bien-être physique et psychologique ainsi que la sécurité de ces derniers en tenant compte de leurs traditions culturelles. Souhaitant maintenir la stabilité et la prospérité du marché du travail helvétique, ils étaient prêts à engager tout leur personnel (jardiniers, cuisiniers, nettoyeurs et chauffeurs) à Genève.

Ils avaient tenté de trouver depuis longtemps en Suisse et dans l’Union européenne une travailleuse qui puisse remplir le rôle éducatif important et sensible concerné. Ainsi, comme démontré par les curriculums vitae joints, ils avaient effectué des recherches approfondies et avait d’ailleurs engagé une travailleuse. Toutefois, très insatisfaits des qualité personnelles et professionnelles de cette dernière, ils avaient résilié son contrat de travail. Ils entretenaient depuis longtemps une relation de confiance avec Mme C______ et leurs enfants étaient très attachés à cette dernière. Vu l’impossibilité de trouver une « nounou décente » en Suisse et dans l’UE, une suite favorable devait être donnée à leur recours.

Plusieurs pièces étaient produites en annexe, notamment un contrat de travail conclu entre le recourant et Madame G______ le 20 mai 2023 en vue d’engager cette dernière en qualité d’employée de maison à compter du 1er juin 2023 moyennant un salaire annuel brut de CHF 58'800.- ainsi qu’une lettre de résiliation datée du 17 juillet 2023 à teneur de laquelle le recourant informait la précitée qu’il mettait un terme au contrat les liant avec effet au 27 juillet 2023.

12.         Dans ses observations du 15 décembre 2023, l’OCIRT a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, sous suite de frais.

Les recherches effectuées étaient insuffisantes et avaient été réalisées afin de s’acquitter d’une obligation légale. Les recourants avaient reçu plusieurs candidatures qui auraient pu entrer en ligne de compte. En outre, l’annonce contenait des exigences que Mme C______ ne possédait pas elle-même, notamment un permis de séjour valide en Suisse. Ainsi, des candidats qualifiés et prioritaires n’avaient sans doute pas postulé s’ils ne possédaient pas déjà un permis valide, alors qu’ils bénéficiaient en réalité des droits basés sur l’accord sur la libre circulation des personnes. Partant, les recourants n’ayant pas démontré avoir fait tous les efforts possibles pour trouver un travailleur correspondant au profil requis en Suisse ou au sein de l’UE/AELE, le principe de priorité dans le recrutement n’avait pas été respecté. L’approbation de l’autorité fédérale à l’octroi d’un éventuel permis demeurait en tout état réservée.

13.         Les recourants n’ont pas fait usage de leur droit à répliquer, qui leur a été offert par courrier du tribunal du 19 décembre 2023.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ  - E 2 05  ; art. 3 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente par les destinataires de la décision entreprise, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             À teneur de l’art. 18 LEI, un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a), son employeur a déposé une demande (let. b) et les conditions fixées aux art. 20 à 25 sont remplies (let. c), notamment les exigences relatives à l’ordre de priorité (art. 21 LEI) ainsi que les exigences portant sur les qualifications personnelles requises (art. 23 LEI).

En raison de sa formulation potestative, l’art. 18 LEI ne confère aucun droit au recourant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_798/2018 du 17 septembre 2018 consid. 4.1) et les autorités compétentes bénéficient d’un large pouvoir d’appréciation dans le cadre de son application (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.1).

6.             La notion d’« intérêts économiques du pays », formulée de façon ouverte, concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s’agit, d’une part des intérêts de l’économie et de ceux des entreprises. D’autre part, la politique d’admission doit favoriser une immigration qui n’entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l’équilibre de ce dernier (Message du Conseil fédéral du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469 ss, p. 3485 s. et 3536). En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d’activité, il existe une demande durable à laquelle la main d’œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5912/2011 du 26 août 2015 consid. 7.1).

Dans l’esprit du législateur, une activité lucrative revêt un intérêt économique prépondérant lorsqu’il existe sur le marché du travail un besoin avéré de main-d’œuvre dans le secteur d’activité correspondant à la formation. Cette précision garantit que ce régime particulier ne s’applique que lorsqu’il y a effectivement pénurie de travailleurs dans un certain domaine de spécialité et que des personnes au chômage établies en Suisse ou provenant des pays de l’UE ou de l’AELE ne peuvent accomplir cette activité (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.2 et la référence).

7.             L’art. 20 LEI prévoit le principe du contingentement des autorisations de séjour délivrées en vue de l’exercice d’une activité lucrative pour les ressortissants des États dits tiers (Message précité, in FF 2002, p. 3536), à savoir les pays qui ne sont pas soumis à l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) ou à la Convention du 4 janvier 1960 instituant l’Association européenne de Libre-Échange (AELE - RS 0.632.31).

L’art. 20 al. 1 1ère phr. LEI prévoit plus particulièrement que le Conseil fédéral peut limiter le nombre d’autorisations de séjour initiales (art. 32 et 33) octroyées en vue de l’exercice d’une activité lucrative. Cette compétence se trouve mise en œuvre aux art. 19, 20 et 21 OASA. Plus particulièrement, l’art. 20 al. 1 OASA dispose que les cantons peuvent délivrer des autorisations pour des séjours en vue d’exercer une activité lucrative d’une durée supérieure à un an, dans les limites des nombres maximums fixés à l’annexe 2 ch. 1 let. a OASA (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5420/2012 du 15 janvier 2014 consid. 7.1). Le nombre maximum de telles autorisations pour le canton de Genève se montait à 92 pour l’année 2023, ce chiffre ayant été ramené à 91 pour l’année 2024. Compte tenu du contingent restreint accordé aux cantons, les autorités du marché de l’emploi sont contraintes de se montrer restrictives dans l’appréciation des demandes dont elles sont saisies et ne peuvent retenir que celles qui traduisent un intérêt pour la collectivité.

8.             Un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative que s’il est démontré qu’aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d’un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n’a pu être trouvé (art. 21 al. 1 LEI). Sont considérés comme travailleurs en Suisse les ressortissants de ce pays, les étrangers titulaires d’une autorisation d’établissement, ainsi que les étrangers titulaires d’une autorisation de séjour qui ont le droit d’exercer une activité lucrative (anciennement art. 21 al. 2 LEtr).

En d’autres termes, l’admission de ressortissants d’États tiers n’est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un État membre de l’UE ou de l’AELE ne peut être recruté. Le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l’économie et du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2C_434/2014 du 8 août 2014 consid. 2.2).

9.             Les employeurs sont tenus d’annoncer le plus rapidement possible aux offices régionaux de placement (ci-après : ORP) les emplois vacants qu’ils présument ne pouvoir repourvoir qu’en faisant appel à du personnel venant de l’étranger. Les offices de placement jouent un rôle clé dans l’exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l’ensemble du territoire suisse. L’employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires - annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement - pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu’ils déploient des efforts en vue d’offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (Directives et commentaires du secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM), Domaine des étrangers, chapitre 4 Séjour avec activité lucrative, octobre 2013, état ai 1er janvier 2024, (ci-après : directives SEM, ch. 4.3.3).

10.         Il revient à l’employeur de démontrer avoir entrepris des recherches à une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d’un État membre de l’UE/AELE, conformément à l’art. 21 al. 1 LEI, et qu’il s’est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d’exercer cette activité (ATA/387/2023 du 18 avril 2023 consid. 5c et les références citées). L’employeur doit être en mesure de rendre crédible les efforts qu’il a déployés, en temps opportun et de manière appropriée, en vue d’attribuer le poste en question à des candidats indigènes ou à des candidats ressortissants de l’UE/AELE. Des ressortissants d’États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n’ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas effectuées à la seule fin de s’acquitter d’une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l’échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents, tels que des séjours à l’étranger ou des aptitudes linguistiques, techniques, etc., qui ne sont pas indispensables pour exercer l’activité en question et on attend des employeurs qu’ils déploient des efforts en vue d’offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3286/2017 du 18 décembre 2017 consid. 6.2 ; ATA/387/2023 du 18 avril 2023 consid. 5c et les références citées).

Même si la recherche d’un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l’employeur peut s’avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l’art. 21 LEI (arrêt du Tribunal administratif fédéral C_8717/2010 du 8 juillet 2011 consid. 8.1 ; ATA/387/2023 du 18 avril 2023 consid. 5c et les références citées).

11.         En l'espèce, au vu des écritures des parties et des pièces versées à la procédure, le tribunal parvient à la conclusion que l'OCIRT n'a pas violé la loi ou mésusé de son pouvoir d'appréciation en refusant l'autorisation de travail sollicitée par les recourants en faveur de Mme C______.

Premièrement, l’ordre de priorité n’a pas été respecté. En effet, les recourants se sont, à teneur des éléments au dossier, contentés, en sus d’annoncer la vacance du poste d’employée de maison/gouvernante à repourvoir auprès de l’OCE, de publier une annonce de recherche sur le site internet de Jobup.ch. Quant aux recherches prétendument effectuées auprès de leur entourage, faute d’être démontrées, elles ne sauraient entrer en ligne de compte. Or, la publication d’une annonce sur un seul site d’offres d’emploi suisse ne saurait être considérée comme étant suffisante au vu des obligations légales incombant aux recourants telles qu’exposées supra. Ceci est d’autant plus valable que ces derniers exigent le respect de certaines conditions particulières de la part des potentiels candidats, soit notamment la maîtrise du russe et de l’azerbaïdjanais, une expérience de plus de cinq ans dans le domaine d’employé de maison ainsi que la possession d’un permis de travail valable.

Il sera en outre relevé qu’un délai d’un peu plus de deux mois à peine sépare l’annonce de poste à l’OCE du dépôt la requête de titre de séjour avec activité lucrative en faveur de Mme C______. Or, force est de constater que des recherches d'une durée aussi brève, de surcroît durant la période estivale, ne sont à l'évidence pas suffisantes pour trouver un employé disposant de l'ensemble des compétences demandées. Comme relevé à juste titre par l’OCIRT, certaines des conditions requises par les recourants ne sont d’ailleurs pas mêmes remplies par Mme C______. En effet, à teneur de son curriculum vitae, cette dernière ne parle pas le russe ; elle ne totalisait pas davantage plus de cinq années d’expérience dans le domaine d’employé de maison lorsqu’elle est entrée en poste auprès des recourants en 2013. Enfin, la précision de l’exigence de la possession d’un permis de séjour valide en Suisse était de nature à laisser penser - à tort - à certains candidats susceptibles d’en obtenir un mais n’étant pas encore en possession d’un tel titre, qu’ils ne remplissaient pas les conditions requises. Ainsi, la combinaison des conditions requises exigeait qu'il soit procédé à des recherches plus poussées pour trouver un candidat les réalisant toutes, celles-ci n’étant pas même toutes réalisées par la personne que les recourants souhaitent employer.

Pour le surplus, aucun élément du dossier ne permet de considérer que l’activité de Mme C______ puisse représenter un intérêt économique pour la Suisse au sens de l’art 18 al. 1 LEI, cela que ce soit en termes de création de places de travail, d'investissements ou de diversification de l'économie régionale. En effet, il n’existe pas actuellement, à Genève, un besoin avéré de main-d’œuvre dans le domaine de l’économie domestique, comme le démontrent d’ailleurs la dizaine de curriculum vitae de potentielles candidates figurant au dossier. Même si aucune d’entre elles ne remplit, tout comme Mme C______, l’ensemble des conditions requises par les recourants, il n’en demeure pas moins que le nombre de dossiers reçues démontre la présence de candidats potentiels sur le marché de l’emploi suisse et UE/AELE. En outre, il sera rappelé, à cet égard, qu’il convient de ne pas confondre l'intérêt économique de la Suisse avec celui des recourants à engager Mme C______, avec laquelle ils ont déjà eu l’occasion de travailler par le passé à satisfaction et ont, partant, créé un lien de confiance, en lieu et place d’un autre employé recruté au sein du marché du travail helvétique ou UE/AELE, qui pourrait potentiellement être tout aussi compétent que cette dernière dans le domaine de l’économie domestique.

12.         En conclusion, mal fondé, le recours est rejeté et la décision attaquée est confirmée.

13.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

14.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 12 octobre 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 13 septembre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière