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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3561/2023

JTAPI/228/2024 du 13.03.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : VISA(AUTORISATION)
Normes : OEV.39; LEI.2.al4; LEI.2.al5
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3561/2023

JTAPI/228/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 13 mars 2024

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1989, est ressortissante de Thaïlande.

2.             Le 27 juillet 2023, l’intéressée s’est vu délivré, pour la dernière fois, un visa Schengen valable jusqu’au 24 octobre 2023.

3.             Mme A______ est arrivée dans l’espace Schengen le 4 août 2023.

4.             Par demande du 22 octobre 2023, Mme A______ a sollicité une prolongation de son visa, faisant valoir qu’elle devait se présenter au tribunal le 23 janvier 2024.

Était notamment joint un mandat de comparution du Ministère public daté du 16 octobre 2023 pour une audience le 23 janvier 2024 à 14h30 au sujet de : « Instruction de la plainte de A______ et des violations de la législation sur les armes reprochées à B______ et instruction des actes de violence de A______ contre B______ ».

5.             Par décision du 25 octobre 2023, l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) a répondu négativement à cette demande de prolongation de visa et prononcé le renvoi de Mme A______, lui impartissant un délai de sept jours pour quitter la Suisse et le territoire des États membres de l’espace Schengen.

Les raisons invoquées ne constituaient malheureusement pas à ce jour un cas de force majeure ni humanitaire. L’existence de raisons personnelles n’était également pas constatée. En effet, elle n’avait pas démontré un empêchement de quitter l’espace Schengen au sens des directives édictées dans le Manuel des visas I et Complément du secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM). Elle séjournait sur le territoire suisse sans les autorisations idoines et ne satisfaisait plus aux conditions d’entrée, dans la mesure où elle n’était plus munie d’un visa en cours de validité.

La décision précisait qu’un éventuel recours contre celle-ci n’avait pas d’effet suspensif.

6.             Par acte du 31 octobre 2023, M. B______, indiquant représenté les intérêts de sa compagne Mme A______, à sa demande, a interjeté recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, le priant de réexaminer cette dernière et de tenir compte des circonstances exceptionnelles.

L’OCPM n'avait pas retenu ni pris en considération le mandat de comparution de Mme A______ établi par le procureur tant en qualité de prévenue que de victime, lequel « justifie de manière pertinent de motifs personnels et des circonstances exceptionnelles ». De surcroît, l'OCPM avait omis de reconnaitre la nécessité de lui accorder une extension de visa pour lui permettre de comparaitre au tribunal le 23 janvier 2024, l’empêchant de présenter sa version des faits devant l'instance judiciaire, en violation de l’art. 125 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Dans sa situation, l'expulsion dans le court délai de sept jours accordé aurait des conséquences irréparables et il demandait par conséquent sa suspension. Il relevait encore que la situation avec sa compagne s’était arrangée et qu’il se portait garant pour son séjour supplémentaire jusqu'à l'audience.

Ce recours était contresigné par Mme A______

7.             Par courrier recommandé du 2 novembre 2023, le tribunal a accusé réception du recours et notamment informé Mme A______ qu’il lui adresserait directement ses correspondances, M. B______ ne pouvant valablement la représenter.

8.             Par courrier du 24 novembre 2023, la recourante a exposé au tribunal avoir des problèmes de santé et ne pas être en condition de rentrer dans son pays jusqu’au 12 décembre 2023, pour le moment. Elle était notamment dans l’attente d’un rendez-vous chez le cardiologue. Informé de ses problèmes de santé, l’OCPM lui avait envoyé un formulaire à remplir par son médecin. Si la date de l’examen médical devait être lointaine, il était probable qu’elle abandonne le recours et rentre en Thaïlande, si elle trouvait un arrangement avec l’OCPM. Elle invitait le tribunal à lui accorder un délai pour le paiement de l’avance de frais, dans l’attente des réponses de cet office et des HUG.

Elle a transmis au tribunal diverses pièces médicales dont un certificat médical du 8 novembre de la Dre C______ indiquant qu’elle n’était pas autorisée à voyager depuis le 20 octobre jusqu’au 15 décembre 2023.

9.             Le 2 décembre 2023, la recourante a transmis sa demande d’assistance juridique au tribunal.

10.         Dans ses observations du 4 janvier 2024, l’OCPM a produit son dossier et proposé le rejet du recours.

La procédure pénale et les rendez-vous médicaux en cours ne constituaient pas des raisons de force majeure, respectivement humanitaires, justifiant la prolongation de la durée de validité du visa au sens des directives européennes applicables en la matière.

11.         Par réplique du 25 janvier 2024, la recourante a persisté dans sa demande de réexamen de la décision querellée.

Le mandat de comparution avait nécessité une modification de son itinéraire de voyage la conduisant à rester sur le territoire au-delà de la validité de son visa initial. Ses problèmes de santé et en particulier la difficulté de trouver un cardiologue ainsi que la lenteur de la procédure pour activer sa couverture d'assurance voyage avaient prolongé son séjour sur le territoire. Ces circonstances cumulatives, tant médicales que juridiques, avaient créé une situation exceptionnelle, justifiant une dérogation aux normes énoncées par l'OCPM, même si les charges au pénal seraient finalement abandonnées. Son retour dans son pays était prévu le 25 janvier 2024 et elle s'engageait à quitter l’Espace Schengen en date du 25.11.2024 (sic).

Elle a joint des certificats médicaux ainsi que des rapports, qui devaient rester confidentiels, attestant de son état de santé et de la nécessité qu’elle avait eu de prolonger son séjour. Il ressort en substance des derniers rapports médicaux du 17 janvier 2024 que l’intéressée était apte à voyager depuis le 25 janvier 2024 et que son hypertension réactionnelle ne nécessitait pas de traitement sur le long terme. Il était au par ailleurs mentionné qu’elle avait eu le Covid 19.

12.         Dans sa duplique du 21 février 2024, l’OCPM a indiqué maintenir sa position. Le Ministère public n’avait pas donné suite à sa demande s’agissant de la nécessité ou pas de la présence de la recourante à l’audience. Par ailleurs et surtout, il ressortait des pièces médicales fournies par cette dernière que ses soucis de santé, réactionnels, s’étaient stabilisés et qu’elle était apte à voyager depuis le 25 janvier 2024.

13.         Ce courrier a été transmis à la recourante, pour information.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Aux termes de l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

3.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

4.             Aux termes de l'art. 2 al. 4 et 5 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2015 (ci-après : LEI ; RS 14220), les dispositions nationales sur la procédure en matière de visa ainsi que sur l'entrée en Suisse et la sortie de ce pays ne s'appliquent que dans la mesure où les accords d'association à Schengen ne contiennent pas de dispositions divergentes.

5.             Selon l'art. 1 al. 1 et 2 de l'ordonnance du 15 août 2018 sur l'entrée et l'octroi de visas (ci-après : OEV ; RS 142.204), cette ordonnance régit l'entrée en Suisse, le transit aéroportuaire et l'octroi de visas aux étrangers et est applicable dans la mesure où les accords d'association à Schengen n'en disposent pas autrement.

6.             Selon l'art. 39 OEV, les autorités cantonales de migration sont compétentes en matière d'octroi de visas lorsque le séjour est soumis à autorisation cantonale (al. 1). Elles sont compétentes pour notamment prolonger les visas de court durée, au nom du SEM et du département fédéral des affaires étrangères (DFAE)
(al. 2 let. b).

7.             Aux termes de l'art. 33 par. 1 du règlement (CE) 810/2009 du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 établissant un code communautaire des visas (code des visas [JO L 243 du 15 septembre 2009, p. 1-58]), la durée de validité et/ou la durée de séjour prévue dans un visa délivré est prolongée si les autorités compétentes de l'État membre concerné considèrent que le titulaire du visa a démontré l'existence d'une force majeure ou de raisons humanitaires l'empêchant de quitter le territoire des États membres avant la fin de la durée de validité du visa ou de la durée du séjour qu'il autorise. La prolongation du visa à ce titre ne donne pas lieu à la perception d'un droit.

8.             Selon les directives édictés dans le Manuel des visas I et Complément SEM une raison de force majeure peut être notamment donnée en cas de modification à la dernière minute, par la compagnie aérienne, d'un horaire de vol (en raison, par exemple, de conditions météorologiques ou d'une grève). Des raisons humanitaires peuvent notamment être reconnues en présence d'une maladie grave et soudaine de la personne concernée (impliquant que la personne n'est pas en mesure de voyager), ou d'une maladie grave et soudaine ou décès d'un parent proche vivant dans un État membre (ch. 5.1 ss).

9.             Conformément aux accords visant à faciliter la délivrance des visas, il est uniquement obligatoire de prolonger un visa pour des raisons de force majeure, pas pour des raisons humanitaires (cf. Manuel des visas I et Complément SEM précité),

10.         En l’espèce, à l'appui de sa demande de prolongation de visa, la recourante a d’abord fait valoir la nécessité de se présenter au tribunal en date du 23 janvier 2024 puis des raisons médicales, l’empêchant notamment de voyager. Or, il ressort des écritures et pièces versées par l’intéressée d’une part que les charges au pénal ont été abandonnées et d’autre part que ses soucis de santé, réactionnels, se sont stabilisés et qu’elle est apte à voyager depuis le 25 janvier 2024.

Partant, en l’absence de situation de force majeure et/ou de raison personnelle impérative au sens qui vient d'être rappelé ci-dessus, la décision de refus de prolongation du visa de la recourante ne peut qu’être confirmée.

11.         Aux termes de l'art. 64 al. 1 LEI, l'autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger qui n'a pas d'autorisation alors qu'il y est tenu (let. a), d'un étranger qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée en Suisse (let. b) et d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé (let. c).

Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10).

12.         Étant donné que la recourante est dépourvue à ce jour de titre de séjour valable en Suisse, l'autorité intimée n'avait d'autre choix que de prononcer son renvoi en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI, ne disposant, dans ce cadre, d’aucun pouvoir d’appréciation. Pour le surplus, l’intéressée ne fait valoir aucun obstacle à l’exécution de son renvoi.

13.         Par conséquent, ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

14.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986
(RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.-.

La recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010
(RAJ - E 2 05.04).

15.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée
(art. 87 al. 2 LPA).

16.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 31 octobre 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 25 octobre 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l’assistance juridique en application de l’art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier