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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1703/2023

JTAPI/221/2024 du 11.03.2024 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : LIQUIDATION DE L'ENTREPRISE(DROIT FISCAL);RÉSERVE LATENTE
Normes : LIFD.37b.al1; lipp.44A.al1
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1703/2023 ICCIFD

JTAPI/221/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 mars 2024

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par PLAFIDA SOCIETE FIDUCIAIRE SA, avec élection de domicile

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

 

EN FAIT

1.             Durant l’année 2020, Monsieur B______, né le ______ 1954, a exercé, à plein temps, une activité salariée auprès de la société C______ SA (ci-après : la SA), dont il est l’administrateur président depuis décembre 2003. Messieurs D______ et E______ sont également membres du conseil d’administration de la SA.

2.             Les trois personnes précitées étaient par ailleurs les associés uniques de la F______ (ci-après : la F______). A teneur du registre du commerce de Genève, le but de celle-ci était « parfumerie en gros, commerce et représentation de tous articles s'y rapportant ». Elle détenait un seul immeuble et le louait à la SA. Après avoir vendu ce bien, en 2020, elle a été liquidée et radiée de ce registre (le ______ 2021).

3.             Dans leur déclaration fiscale 2020, M. B______ et son épouse, Madame A______, ont notamment indiqué le salaire perçu par ce dernier auprès de de la SA (CHF 263'359.-), ainsi qu’un bénéfice de CHF 7'386.- qu’il avait réalisé au sein de la F______, précisant que celle-ci avait définitivement cessé son activité à fin 2020. A teneur de ses comptes au 31 décembre 2020, les seules recettes réalisées par la F______ étaient le loyer annuel de CHF 75'000.-, encaissé pour la location de son immeuble à la SA, et le produit de la vente de ce bien de CHF 5'409'999.-. Le bénéfice net de l’exercice 2020 s’élevait à CHF 4'639'554,83, dont CHF 1'174'298.- étaient attribués au contribuable, après une déduction de CHF 167'956.- pour l'AVS. Une annexe à ces comptes indiquait que le bénéfice perçu par le contribuable devait être imposé séparément, au taux correspondant à 1/5ème du taux ordinaire. En 2019, la F______ avait réalisé un bénéfice de CHF 9'457,46, dont CHF 3'546,55 étaient attribués au contribuable.

4.             Par bordereaux du 24 octobre 2022, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a taxé les contribuables pour l’année 2020. Elle a refusé l’imposition privilégiée du bénéfice de CHF 1'174'298.-, au motif que la F______ ne réalisait pas les conditions d’une exploitation, son activité se limitant à la gestion et la location de l’immeuble vendu. A teneur des annexes « A » et « B » à ces bordereaux, l’activité du contribuable au sein de la F______ était traitée comme une activité indépendante.

5.             Dans leur réclamation du 23 novembre 2022, les contribuables ont objecté, en substance, que la condition posée par l'AFC-GE, à savoir que la F______ devait être une exploitation commerciale, n’était prévue par aucune loi.

6.             Par décisions du 13 avril 2023, l'AFC-GE a rejeté cette réclamation.

L’activité de la F______, se limitant à la gestion et la location d’un immeuble, ne remplissait pas les conditions posées par les art. 37b de loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 44A de loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08). En particulier, deux conditions n’étaient pas réunies, à savoir (i) la participation au marché et (ii) les rendements locatifs vingt fois supérieurs aux coûts du personnel s’occupant de la gestion de l’immeuble.

7.             Par actes du 17 mai 2023, sous la plume de leur mandataire, les contribuables ont recouru contre ces décisions auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant, sous suite de frais et dépens, à leur annulation et à ce que le bénéfice de liquidation de la F______ soit imposé séparément au taux prévus par les art. 37b LIFD et 44A LIPP.

Le contribuable avait exercé son activité de parfumeur dans l’immeuble appartenant à la F______. Celle-ci le louait à la SA qui l’utilisait exclusivement pour son activité de parfumerie. L’activité de la F______ était connexe à celle de parfumeur qu’exerçait le recourant auprès de la SA et ce dernier était âgé de plus de 55 ans. Ainsi, la condition de la cessation de l’activité indépendante était remplie.

La circulaire n° 5/2004 de l’administration fédérale des contributions du 1er juin 2004 (ci-après : la circulaire n° 5/2004) n’était pas applicable en l’espèce dès lors qu’elle traitait des restructurations, et non de l’imposition privilégiée des bénéfices de liquidation d’activités indépendantes. En l’occurrence, si l’on devait considérer qu’il s’agissait d’une gestion immobilière, l’application de cette circulaire serait contraire tant à la loi qu’au principe de l’égalité de traitement. L’on ne voyait en effet pas pourquoi un contribuable qui cessait son activité accessoire de gestion immobilière ne pouvait pas bénéficier de l’imposition privilégiée, contrairement à un coiffeur, un avocat ou un architecte.

8.             Le 11 août 2023, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

L’objectif des art. 37b LIFD et 44A LIPP était d’alléger l’imposition des réserves latentes réalisées lors de la cessation d’une activité indépendante, dans un but de prévoyance. En l’occurrence, l'activité de la F______ ne remplissait pas les conditions d'une exploitation étant donné qu'il n'y avait ni participation au marché, ni rendements locatifs vingt fois supérieurs aux coûts du personnel (conformes au marché) qui gérait l'immeuble. En effet, la F______ avait uniquement loué son immeuble à la SA et cette location n’avait généré, durant les dix dernières années, que des loyers annuels de CHF 156’000.-, au maximum. Ces rendements étaient très inférieurs à vingt fois le coût du personnel chargé de la gérance d’immeubles, sachant que le salaire annuel moyen dans cette branche d'activité s’élevait à CHF 65’000.- et que, par conséquent, l’immeuble en question aurait dû avoir un rendement annuel de CHF 1'300'000.- (20 x 65'000.-).

Le fait que l’activité de la F______ était connexe à celle exercée par le recourant au sein de la SA n’était pas déterminant. En outre, après la liquidation de la F______, le recourant avait continué à exercer son activité salariée auprès de la SA, quand bien même il avait atteint l’âge de plus de soixante-cinq ans. Ces éléments démontraient qu’une imposition pleine du bénéfice litigieux ne le pénalisait pas dans sa prévoyance. En effet, de par son activité salariée, il n’avait pas de lacune de prévoyance et celle-ci ne dépendait pas des réserves latentes de la F______.

Il était cohérent de fixer des critères uniformes afin de qualifier l'existence ou non d'une exploitation dans les cas d'administration d'immeubles propres. Ces critères ayant été posés de manière claire dans la circulaire n° 5/2004, il se justifiait de s'y référer également dans un contexte de l'imposition privilégiée du bénéfice de liquidation.

Appliquer l'imposition privilégiée au bénéfice de liquidation d'une entreprise sans exploitation, reviendrait à aller à l'encontre de la volonté du législateur consistant à éviter la pénalisation des indépendants qui exploitaient réellement un commerce, au moment de la cessation de leur activité. Il ne s’agissait ainsi pas de fixer une condition supplémentaire, mais d’appliquer les art. 37b LIFD et 44A LIPP de manière conforme à la volonté du législateur. La détention et l'administration d'immeubles étaient particulières, en ce sens qu'il pouvait s'agir d'une simple gestion de la fortune privée des contribuables. Ce type d'activité étant fondamentalement distincte des autres activités accessoires indépendantes, un traitement différencié se justifiait pleinement.

9.             Les recourants n’ont pas répliqué.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 LIFD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Les art. 16 LIFD et 17 la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08) prévoient que l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques.

En lien avec la liste exemplative des art. 17 à 23 LIFD et 18 à 24 LIPP, ces deux dispositions expriment, pour l'imposition du revenu des personnes physiques, le concept de l'accroissement du patrimoine, respectivement de l'imposition du revenu global net, ainsi que la règle selon laquelle tous les revenus du contribuable sont en principe imposables, y compris les bénéfices en capital provenant de l'aliénation, de la réalisation ou de la réévaluation comptable d'éléments de la fortune commerciale (art. 18 al. 2 LIFD et 19 al. 2 LIPP). La fortune commerciale comprend tous les éléments de fortune qui servent entièrement ou de manière prépondérante à l'activité indépendante (art. 18 al. 2 LIFD et 19 al 3 LIPP).

4.             Aux termes des art. 9 al. 1 LIPP et 10 al. 1 LIFD, les sociétés en nom collectif n'ayant pas la personnalité juridique ne sont pas imposées comme telles ; chacun des associés paie les impôts sur la part de capital et de revenu à laquelle il a droit dans ces sociétés.

Une activité exercée sous la forme d’une société simple ou d’une autre société de personnes (société en nom collectif, société en commandite) est une activité indépendante pour chacune des personnes associées qui lui est directement imputée en droit fiscal (Yves NOËL, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2017 ad art. 18 LIFD n. 5). Cela résulte du fait que ces sociétés ne sont pas dotées de la personnalité juridique et, partant, que la qualité de sujet fiscal ne peut leur être conférée. Le fait que le revenu est réalisé par l'entremise d’une telle entité a toutefois un effet sur sa qualification du point de vue fiscal : la nature du revenu réalisé doit en effet être déterminée au niveau de la communauté d'associés ou de participants et non pas de l'activité exercée ou de l'investissement opéré individuellement par chacun d'entre eux (arrêt du Tribunal fédéral 2C_894/2013 du 18 septembre 2015 consid. 3.1).

5.             De jurisprudence constante, la distinction entre un gain privé en capital (non imposable sur le revenu) et un bénéfice commercial en capital provenant de l'exercice d'une activité lucrative indépendante (imposable sur le revenu), dépend des circonstances concrètes du cas. La notion d'activité lucrative indépendante s'interprète largement, de telle sorte que sont seuls considérés comme des gains privés en capital exonérés de l'impôt sur le revenu ceux qui sont obtenus par un particulier de manière fortuite ou dans le cadre de la simple administration de sa fortune privée. En revanche, si l'activité du contribuable excède ce cadre relativement étroit et est orientée dans son ensemble vers l'obtention d'un revenu, l'intéressé est réputé exercer une activité lucrative indépendante dont les bénéfices en capital sont imposables. Une telle qualification peut se justifier, selon les cas, même en l'absence d'une activité reconnaissable pour les tiers et/ou organisée sur le modèle d'une entreprise commerciale, et même si cette activité n'est exercée que de manière accessoire ou temporaire, voire même ponctuelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_918/2021 du 18 février 2022 consid. 3.2 et les arrêts cités). Les éléments patrimoniaux utilisés pour l'accomplissement d'une activité lucrative indépendante sont pour leur part considérés comme des actifs commerciaux (cf. ATF 125 II 113 consid. 6c/bb).

6.             Le Tribunal fédéral a jugé qu’il n'y avait pas d'activité lucrative indépendante, respectivement commerce professionnel d’immeubles, lorsque le contribuable se contente de gérer sa propre fortune, en particulier en louant ses propres immeubles. Le fait que sa fortune soit importante, qu’elle soit gérée de manière professionnelle et qu’une comptabilité commerciale soit tenue n’y change rien (arrêt 2C_643/2021 du 13 octobre 2022 consid. 2.3).

7.             Aux termes de l'art. 37b al. 1 LIFD, le total des réserves latentes réalisées au cours des deux derniers exercices commerciaux est imposable séparément des autres revenus si le contribuable âgé de 55 ans révolus cesse définitivement d'exercer son activité lucrative indépendante ou s'il est incapable de poursuivre cette activité pour cause d'invalidité. L’impôt est calculé sur la base de taux représentant le cinquième des barèmes ordinaires.

8.             L’art. 44A al. 1 LIPP, qui est la concrétisation de l’art. 11 al. 5 de la loi sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID - RS 642.14), est d'une teneur similaire.

9.             Les dispositions précitées exposent ensuite le mécanisme d'imposition séparée des réserves latentes réalisées. Il s'agit en substance de distinguer entre la part de ces réserves comblant une lacune de prévoyance (rachat fictif), destinée à être imposée aux taux applicables aux prestations en capital de la prévoyance, et le solde de ces réserves, qui doit être imposé de manière séparée au taux prévu par l'art. 37b LIFD pour l'impôt fédéral direct et à celui fixé par les cantons au niveau de l'impôt cantonal, dans les limites de l'art. 11 al. 5 LHID (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_1015/2015 du 8 décembre 2016 consid. 5.1 et les références citées).

Par ailleurs, l'interprétation littérale de ces dispositions permet d'emblée de retenir que seuls les revenus découlant de la réalisation de réserves latentes sont concernés par l'imposition séparée en cas de cessation de l'activité indépendante. Il s'ensuit qu'a contrario, les autres revenus de l'indépendant, et en particulier les revenus ordinaires de l'activité, ne peuvent pas bénéficier de l'allègement, et ce quand bien même leur réalisation interviendrait au cours de la liquidation de l'entreprise. Ainsi, le seul fait de réaliser un revenu au moment de la liquidation de son entreprise ne suffit pas pour que ce revenu bénéficie de l'imposition privilégiée. En outre, ces dispositions ne peuvent avoir pour effet de laisser un contribuable différer à sa guise le moment de réalisation d'un revenu en créant artificiellement des réserves latentes (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_1015/2015 précité consid. 5.5, 5.7.2 et les réf.).

10.         Entrée en vigueur le 1er janvier 2011, l'imposition privilégiée du bénéfice de liquidation dans le cas d'une entreprise de personnes a pour but de « supprimer une vieille inégalité tenant au système de la fiscalité, en imposant jusqu'alors, au moment de la liquidation d'une entreprise de personnes, les réserves latentes dans une seule période fiscale, bien que celles-ci aient été constituées sur plusieurs années. De plus, il y avait lieu de tenir compte, du point de vue fiscal, du fait que les personnes de condition indépendante placent naturellement leurs bénéfices dans des réinvestissements en cours plutôt que dans la prévoyance-vieillesse. […] Lors de la liquidation d'entreprises de personnes, les réserves latentes sont désormais imposées séparément et de façon privilégiée respectivement plus modérément, en appliquant soit le tarif de la prévoyance, soit un taux d'impôt réduit. L'imposition séparée atténue indirectement aussi la charge fiscale du revenu ordinaire » (Urs CLEMENT, Nadine SCHÖNENBERGER, Nouveautés dans la loi sur l'impôt fédéral direct au 1er janvier 2011, in TREX - L'expert fiduciaire 2010 p. 278).

11.         Le Tribunal fédéral a rappelé que l'imposition privilégiée du bénéfice de liquidation était introduite dans le but d'alléger l'imposition des bénéfices réalisés sur les réserves latentes en cas de fin d'activité indépendante. La cessation d'une activité indépendante a en effet pour conséquence la liquidation de tous les actifs et passifs de l'entreprise, ce qui entraîne la réalisation et partant l'imposition de toutes les réserves latentes. Or, le fait de les imposer avec les autres revenus a été jugé pénalisant pour l'indépendant en raison de la progressivité des taux d’impôt. Un allègement de l'imposition en cas de fin d'activité a aussi été voulu afin de pallier l'absence de prévoyance professionnelle, l'indépendant n'étant pas, contrairement au salarié, obligatoirement affilié à une institution de prévoyance (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_1015/2015 du 8 décembre 2016 consid. 5.2 et les références citées, dont le Message du Conseil fédéral in FF 2005, 4559 s. ch. 4.5.1).

12.         La doctrine a précisé que la reconnaissance de l'exercice d'une activité indépendante posait également la question du type d'activité indépendante permettant de bénéficier d'une imposition allégée. D'une manière générale, il faut reconnaître que le secteur d'activité indépendante n'est pas déterminant, la disposition légale s'appliquant tant à l'agriculteur qu'au menuisier, mais également aux professions libérales. En revanche, les contribuables dont l'activité dépasse la simple gestion de la fortune privée et qui sont donc considérés comme exerçant une activité lucrative indépendante accessoire (décrits comme des « quasi-professionnels ») ne devraient pas bénéficier de la liquidation facilitée puisqu’ils ne disposent pas d’une exploitation. En effet, une des idées sous-jacentes de l'art 37b LIFD était d'assurer au contribuable indépendant une égalité de traitement avec le contribuable salarié sur le plan de la prévoyance professionnelle, les réserves latentes d'une exploitation commerciale constituant souvent la réserve de prévoyance de l'indépendant. Or, s'agissant du quasi-commerçant sans exploitation, le but de prévoyance est rempli dans le cadre de l'exercice de son activité principale. Il est donc nécessaire, pour bénéficier de l’imposition allégée du bénéfice de liquidation, que le contribuable démontre que son activité remplit au moins les conditions d’une exploitation et que, par conséquent, il n’est pas un contribuable accessoirement professionnel, mais peut entrer dans la catégorie des « véritables » commerçants professionnels. Ce sera en particulier le cas du commerçant accessoire en immeubles, lequel devra démontrer les conditions cumulatives posées par la circulaire n° 5/2004 à la reconnaissance d’une exploitation, à savoir : (i) qu’il y a une participation au marché, (ii) l’entreprise occupe ou mandate au moins une personne pour la gérance des immeubles et (iii) les rendements locatifs sont au moins vingt fois supérieurs au coût du personnel conforme au marché pour la gérance des immeubles (Raphael GIANI, Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2017, ad art. 37b LIFD n. 7).

13.         La circulaire n° 5/2004 indique en effet qu’une exploitation ou une partie distincte d’exploitation n’est reconnue que si les exigences suivantes sont cumulativement remplies :

-          l’entreprise effectue des prestations sur le marché ou à des entreprises apparentées ;

-          l’entreprise dispose de personnel ;

-          le coût du personnel est, par rapport aux recettes, conforme à l’usage.

Elle indique par ailleurs que la détention et l’administration de propres immeubles constituent une exploitation dans la mesure où les exigences suivantes sont cumulativement remplies :

-          il y a une participation au marché ou des immeubles d’exploitation sont loués à des sociétés du groupe ;

-          l’entreprise occupe ou mandate au moins une personne pour la gérance des immeubles (un emploi à plein temps pour des travaux de gestion immobilière) ;

-          les rendements locatifs sont au moins 20 fois supérieurs au coût du personnel conforme au marché pour la gérance des immeubles.

14.         Selon la jurisprudence, en règle générale, les instructions, les circulaires et les directives administratives ou, en d'autres termes, les ordonnances administratives n'ont pas force de loi. Elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut néanmoins les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATA/1304/2019 du 27 août 2019 consid. 6).

15.         En droit fiscal, le principe de la légalité doit être strictement observé. S'agissant en particulier des déductions autorisées par la loi, leur caractère d'exception à l'impôt doit entraîner une interprétation restrictive de leur nature et de leur étendue (ATA/1728/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3f ; ATA/858/2018 du 21 août 2018 ; ATA/958/2014 du 2 décembre 2014). Les exonérations, exemptions, restitutions ou les déductions ont un caractère exceptionnel et doivent être expressément prévues par des dispositions appelant une interprétation restrictive des normes applicables (ATA/276/2006 du 16 mai 2006 consid. 5c ; ATA/510/2004 du 8 juin 2004). Le principe de la légalité ne permet donc pas d'introduire des déductions fiscales qui ne sont pas prévues par la loi (cf. ATA/1728/2019 du 26 novembre 2019 consid. 4).

16.         En l’espèce, il faut tout d’abord constater qu’en 2019 et 2020, le recourant n’a pas exercé l’activité indépendante qu’il a annoncée au registre du commerce (« parfumerie en gros, commerce et représentation de tous articles s'y rapportant »). En effet, lors de ces exercices, la F______ n’a comptabilisé aucune recette découlant de cette activité, mais uniquement le loyer provenant de l’immeuble appartenant à ses associés, étant rappelé qu’elle était dénuée de personnalité juridique. Il apparait ainsi que le recourant a cessé son activité indépendante de parfumeur bien avant 2020 et qu’il l’avait limitée - depuis une date qu’il ne précise pas - à la seule gestion de l’immeuble qu’il détenait à travers la F______. Ainsi, ce bien ne servant pas effectivement à son activité indépendante de parfumeur, sa situation semble s’apparenter à celle de gestion de sa propre fortune. Même à admettre que l’activité du recourant dépassait la simple gestion de sa fortune privée, il n’en demeurerait pas moins qu’elle était manifestement accessoire et qu’elle ne disposait pas d’une exploitation, au sens défini par la pratique administrative et la doctrine, la F______ n’ayant fourni aucune prestation commerciale sur le marché. Le recourant ne prétend au demeurant pas devoir être considéré comme un véritable professionnel de l’immobilier.

En tout état, on ne saurait admettre que la prévoyance professionnelle du recourant (2e pilier) dépendait de son activité de gestion de l’immeuble, d’autant moins qu’elle ne lui a rapporté qu’un revenu de CHF 3'546,55 en 2019 et de CHF 7'386.- en 2020. C’est en effet grâce à son activité salariée, exercée au sein de la SA à plein temps, qu’il a assuré sa prévoyance, son salaire 2020 s’élevant à CHF 263'359.-. A cet égard, il convient de rappeler que c’est notamment afin de pallier l'absence de prévoyance professionnelle que le législateur a voulu un allègement de l'imposition en cas de fin d'activité de l'indépendant, qui, contrairement au salarié, n’est pas obligatoirement affilié à une institution de prévoyance. Or, comme on l’a vu, ce n’est pas le cas du recourant. De plus, celui-ci n’a pas démontré, ni allégué d’ailleurs, que les réserves latentes, réalisées lors de la vente de l’immeuble, ont été constituées par les investissements des bénéfices de la F______, ni que cette thésaurisation des profits de la F______ aurait causé une lacune dans sa prévoyance.

17.         Au vu de tout ce qui précède, le tribunal considère que les conditions de l'allègement fiscal prévu par les art. 37b LIFD et 44A LIPP ne sont pas réunies en l’espèce.

18.         Partant, le recours sera rejeté.

19.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, pris conjointement et solidairement, qui succombent, sont condamnés au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1’200.- ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours.

20.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 17 mai 2023 par Madame A______ et Monsieur B______ contre les décisions sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 13 avril 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1’200.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 700.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Gwénaëlle GATTONI, présidente, Laurence DEMATRAZ et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière