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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2725/2023

JTAPI/176/2024 du 01.03.2024 ( OCPM ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : EXPULSION(DROIT PÉNAL);AUTORISATION DE SÉJOUR
Normes : LEI.61.al1.lete; CP.66a; CP.66d
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2725/2023

JTAPI/176/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 1er mars 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Anna SERGUEEVA, avocate, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1960, est originaire de Guinée.

2.             Il est arrivé en Suisse en 1996 et a été mis au bénéfice d'un permis de séjour B.

3.             M. A______ a été condamné, le 12 novembre 2018, par la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal de Lausanne à une peine privative de liberté de quinze mois et à l'expulsion de Suisse pour dix ans (art. 66a du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 ; CP - RS 311.0) pour vol par métier (art. 139 ch. 2 CP) et violation de domicile (art. 186 CP). Ce jugement a été confirmé par arrêt du Tribunal fédéral du 27 septembre 2019.

4.             Par jugement du 13 décembre 2019, le Tribunal de police l'a déclaré coupable de violation de domicile (art. 186 CP) et de vol (art. 139 ch. 1 CP), le condamnant à une peine privative de liberté de vingt mois et ordonnant son expulsion de Suisse pour une durée de dix ans (art. 66a CP).

5.             Le 4 février 2020, suite à l'appel formé par M. A______, la chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de Justice (ci‑après : CPAR) a confirmé le jugement du Tribunal de police et a ordonné le maintien de sa détention pour motifs de sûretés.

6.             Par courrier du 3 avril 2020, le Ministère public a enjoint l'office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM) d'exécuter les peines et mesures relevant de sa compétence, prononcées à l'encontre de M. A______ par le jugement précité de la CPAR, lequel était définitif et exécutoire.

7.             L'OCPM a informé M. A______, le 17 avril 2020, que son expulsion à destination de la Guinée serait exécutable dès sa libération par les autorités judiciaires, étant relevé que rien ne s'y opposait.

Un délai au 30 avril 2020 lui était imparti pour transmettre ses observations à l'aide du formulaire joint.

8.             Le 21 avril 2020, M. A______ a retourné ledit formulaire à teneur duquel il s'opposait à son expulsion.

Il comptait faire recours par l'intermédiaire de son avocat. Il était en Suisse depuis vingt-quatre ans et trois de ses enfants, qui étaient encore mineurs, étaient nés dans ce pays.

9.             Par courrier du 29 avril 2020, M. A______ a toutefois informé l'OCPM qu'il était d'accord de retourner dans son pays d'origine une fois sa libération ordonnée par l'autorité judiciaire.

10.         Le 8 mai 2020, l'OCPM lui a répondu, en l'encourageant à effectuer des démarches auprès de la représentation diplomatique guinéenne pour obtenir un laissez-passer en vue de son expulsion, compte tenu du fait qu'il n'avait pas de passeport en cours de validité.

11.         Par décision nonobstant recours du même jour, l'OCPM a refusé de reporter l'expulsion judiciaire de M. A______.

12.         Par courrier du 23 juin 2020, l'OCPM a fait savoir à M. A______ que le secrétariat d'État aux migrations (ci‑après : SEM) avait confirmé que les autorités guinéennes étaient disposées à délivrer, le moment venu, un laissez-passer en sa faveur afin de permettre son retour dans son pays d'origine.

13.         La libération conditionnelle sollicitée par M. A______ lui a été refusée par jugement du 14 septembre 2020 du Tribunal d'application des peines et mesures.

14.         Le 16 octobre 2020, la CPAR a rejeté la demande de révision qu'avait formé M. A______ contre son arrêt du 4 février 2020.

Pour motiver sa demande, M. A______ s'était prévalu de son mauvais état de santé. Or, la péjoration de celui-ci était postérieure à l'arrêt dont il demandait la révision.

15.         Par courrier du 19 octobre 2020, M. A______ a sollicité de l'OCPM le report de son expulsion.

Son état de santé s'était passablement aggravé au cours des derniers mois et était incompatible avec une expulsion. Il souffrait notamment d'une hypertension artérielle mal contrôlée, d'une hypercholestérolémie, d'un diabète de type 2 non insulino-requérant, de troubles anxio-dépressifs, de troubles mnésiques et d'un trouble obstructif de la vidange vésicale.

16.         Le 2 novembre 2020, l'OCPM a répondu à M. A______.

La question de la mise en œuvre de son expulsion ne se posait pas dans la mesure où sa libération conditionnelle lui avait été refusée et que le terme de l'exécution de sa peine était fixé au 11 avril 2021. Son état de santé et les possibilités de soin dans son pays d'origine seraient analysés le moment venu par les services spécialisés du SEM.

17.         Par courrier du 22 janvier 2021, M. A______ a une nouvelle fois demandé le report de son expulsion à l'OCPM.

Il était hospitalisé à Curabilis. Les médicaments nécessaires à son traitement n'étaient pas remboursés en Guinée et la plupart d'entre eux étaient en rupture de stock. Il transmettait de récents rapports médicaux.

18.         Le 16 février 2021, il a fait parvenir un nouveau rapport médical à l'OCPM, persistant dans sa demande de report de l'expulsion.

Sa situation s'était dégradée de sorte qu'un renvoi dans son pays d'origine constituerait une mise en danger de sa santé, voire de sa vie.

19.         Par courrier du 30 mars 2021, M. A______ a demandé à l'OCPM de statuer quant à sa demande de report de l'expulsion, sa libération étant imminente.

Selon son dernier certificat médical, il souffrait d'une atteinte neuropsychologique dégénérative (démence à corps de Lewy) qui avait été récemment diagnostiquée. Un renvoi en Guinée était dès lors susceptible de mettre sa vie en danger.

20.         Le 9 avril 2021, l'OCPM a répondu à M. A______, le renvoyant à sa décision de non report de la mesure d'expulsion judiciaire du 8 mai 2020 qui n'avait pas fait l'objet d'un recours et à teneur de laquelle il devait quitter le territoire suisse.

21.         Selon un rapport de renseignements du 14 avril 2021 de la police à l'intention de l'OCPM, M. A______ a été libéré le 11 avril 2021.

22.         Par courrier du 29 novembre 2021, M. A______ a de nouveau sollicité un report de son expulsion de l'OCPM.

Sa situation de santé restait très préoccupante, de sorte que ses médecins traitants lui avaient tous indiqué qu'il devait pouvoir bénéficier de soins en Suisse.

23.         Par décision du 27 janvier 2022, l'OCPM a reporté l'expulsion du territoire suisse de M. A______.

Après réexamen de sa situation médicale et au regard des pièces qui avaient été produites, il apparaissait que son expulsion à destination de la Guinée ne pouvait être exécutée. Cette décision était valable pour une durée maximale de douze mois, soit jusqu'au 26 janvier 2023, date à laquelle la situation serait réexaminée.

24.         Le 6 décembre 2022, M. A______ a demandé à l'OCPM de renoncer à un examen annuel du report de sa décision d'expulsion et de consentir à lui octroyer un permis de séjour.

Ses derniers rapports médicaux attestaient que la maladie neurodégénérative dont il souffrait s'aggravait progressivement et nécessitait un accompagnement et une aide professionnelle à vie. Un renvoi risquerait d'entraîner une aggravation de ses pathologies somatiques et de provoquer des complications majeures susceptibles de menacer sa vie.

Compte tenu de son statut administratif précaire, il ne pouvait prétendre qu'à l'aide d'urgence à hauteur de CHF 10.- par mois, laquelle était insuffisante au vu de ses besoins particuliers. De plus, la garde de sa fille mineure lui avait été récemment octroyée.

25.         Par décision du 27 janvier 2023, l'OCPM a reporté l'expulsion du territoire suisse de M. A______ une deuxième fois.

Cette décision était valable pour une durée maximale de douze mois, soit jusqu'au 26 janvier 2024, date à laquelle la situation serait réexaminée.

26.         Dans un courrier du même jour, l'OCPM a expliqué à M. A______, en réponse à sa demande du 6 décembre 2022, qu'en vertu de l'art. 83 al. 9 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), une admission provisoire ne pouvait être ordonnée en sa faveur.

27.         Le 2 mai 2023, M. A______ a sollicité l'octroi d'un permis de séjour à titre humanitaire de l'OCPM.

Sur la base de ses derniers certificats médicaux, il n'existait aucune perspective d'une quelconque rémission, cela rendant tout renvoi impossible. Son statut administratif précaire l'empêchait de percevoir des prestations de l'assurance invalidité auxquelles il aurait droit au vu de son état de santé. Il était par ailleurs en charge de la garde de sa fille.

28.         Par décision du 26 juin 2023, l'OCPM a refusé d'octroyer une autorisation de séjour pour cas de rigueur (permis humanitaire) à M. A______.

Dans la mesure où la décision d'expulsion judiciaire était entrée en force, l'OCPM n'était pas en mesure d'entrer en matière sur la présente demande (art. 61 al. 1 let. e LEI). L'expulsion pénale obligatoire ordonnée par le juge pénal entraînait en effet la perte du titre de séjour et de tous les droits à séjourner en Suisse, l'obligation de quitter le pays et une interdiction d'entrer sur le territoire pour une certaine durée.

29.         Par acte du 28 août 2023, sous la plume de son conseil, M. A______ a formé recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci‑après : le tribunal), concluant préalablement à l'audition des parties et, principalement, à l'annulation de la décision, à la constatation de son droit d'être mis au bénéfice d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur et au renvoi de la cause à l'OCPM pour nouvelle décision au sens des considérants, sous suite de frais et dépens.

Il n'était pas contesté qu'il souffrait de troubles neurodégénératifs sévères et que son renvoi vers la Guinée ne pouvait être prononcé, faute de soins adéquats dans ce pays. En l'absence de possibilité de rémission, le report de son expulsion allait systématiquement être prononcé chaque année. Ce statut précaire l'empêchant de bénéficier de l'assistance de l'assurance invalidité et d'accéder aux soins indispensables, il était inadmissible de l'y maintenir à vie. Il était ainsi indispensable de régulariser sa situation administrative.

Il a joint des pièces dont plusieurs certificats médicaux.

30.         Le 3 novembre 2023, l'OCPM a transmis ses observations et son dossier, concluant au rejet du recours.

Le recourant faisait l'objet d'une expulsion pénale pour une durée de dix ans qui avait été confirmée par la CPAR le 4 février 2020. L'expulsion pénale obligatoire ordonnée par le juge pénal entraînait la perte du titre de séjour et de tous les droits à séjourner en Suisse, l'obligation de quitter le pays et une interdiction d'entrer sur le territoire pour une certaine durée. Les autorisations qui relevaient du droit des étrangers s'éteignaient dès l'entrée en force du jugement pénal même en cas de détention, d'internement ou de traitement ambulatoire, et ce, en dérogation au principe formulé à l'art. 70 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Pour ces raisons, il ne pouvait pas entrer en matière sur la demande d'autorisation de séjour déposée par le recourant, à quelque titre que ce soit.

Au demeurant, sa situation médicale avait été prise en compte dans le cadre des décisions de report de l'expulsion et allait être réexaminée en janvier 2024.

31.         Par réplique du 15 décembre 2023, le recourant a persisté dans ses conclusions.

Sa situation se distinguait de la jurisprudence citée par l'autorité intimée dans la mesure où celle-ci concernait un traitement ambulatoire, par définition limité dans le temps, alors que lui souffrait d'une maladie dégénérative et incurable rendant son expulsion impossible à vie. En cas de rejet du recours, il demeurerait à vie sur le sol suisse sans aucun titre de séjour, malgré son état de santé particulièrement précaire.

Il rappelait par ailleurs avoir la garde de sa fille mineure.

32.         Par duplique du 5 janvier 2024, l'OCPM a fait savoir qu'il n'avait pas d'observations complémentaires à formuler.

33.         Le recourant a été mis en détention provisoire par ordonnance du 6 janvier 2024 du Tribunal des mesures de contrainte du canton de Vaud pour une durée maximale d'un mois.

Il avait été appréhendé le 5 janvier 2024 pour avoir commis des vols par introduction clandestine dans des appartements à Lausanne et pour avoir séjourné illégalement en Suisse.

34.         Par décision du 2 février 2024, le Ministère public cantonal STRADA à Lausanne a ordonné la libération du recourant dans l'attente de son jugement.

35.         Par décision du 26 février 2024, l'OCPM a reporté l'expulsion du territoire suisse de M. A______ une troisième fois.

Cette décision était valable pour une durée maximale de douze mois, soit jusqu'au 26 février 2025, date à laquelle la situation serait réexaminée.

36.         Le détail des écritures et le contenu des pièces seront repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Le recourant sollicite préalablement l'audition des parties.

6.             Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit, pour l'intéressé, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités). Toutefois, ce droit ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est pas important pour la solution du cas, lorsque les preuves résultent déjà de constatations versées au dossier ou lorsque le juge parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas décisives pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2021 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_946/2020 du 18 février 2021 consid. 3.1 ; 1C_355/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.1).

7.             Par ailleurs, le droit d'être entendu ne comprend pas celui d'être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2 ; ATA/672/2021 du 29 juin 2021 consid. 3b) ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5.2.1 ; 2C_1125/2018 du 7 janvier 2019 consid. 5.1 ; ATA/672/2021 du 29 juin 2021 consid. 3b).

8.             En l'espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tels qu'ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l'autorité intimée, pour statuer sur le litige, de sorte qu'il n'apparaît pas utile de procéder aux auditions requises. En effet, le recourant n'explique pas en quoi l'audition de l'OCPM serait pertinente dans la mesure où cette dernière a produit son dossier et transmis ses observations. De la même manière, s'agissant de sa propre audition, il n'explique pas quels éléments de la procédure écrite l'aurait empêché de s'exprimer de manière pertinente et complète.

Partant, cette demande d'instruction, en soi non obligatoire, sera rejetée, dans la mesure où elle n'apporterait pas un éclairage différent sur le dossier.

9.             L'objet du litige concerne le refus de l'autorité intimée, exprimé dans la décision du 26 juin 2023, d'entrer en matière sur la demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur du recourant.

10.         Selon l'art. 121 al. 3 let. a Cst., les étrangers sont privés de leur titre de séjour, indépendamment de leur statut, et de tous leurs droits à séjourner en Suisse s'ils ont été condamnés par un jugement entré en force pour meurtre, viol, ou tout autre délit sexuel grave, pour un acte de violence d'une autre nature tel que le brigandage, la traite d'êtres humains, le trafic de drogue ou l'effraction.

Ils doivent être expulsés du pays par les autorités compétentes et frappés d'une interdiction d'entrer sur le territoire allant de cinq à quinze ans (art. 121 al. 5 Cst.).

11.         À teneur de l'art. 66a al. 1 let. d CP, dont la note marginale est « expulsion obligatoire », le juge expulse de Suisse l'étranger qui est condamné pour vol (art. 139 CP) en lien avec une violation de domicile (art. 186 CP).

12.         L'art. 61 al. 1 let. e LEI prévoit que l'autorisation de séjour de l'étranger prend fin lorsque l'expulsion au sens de l'art. 66a CP ou 49a du Code pénal militaire du 13 juin 1927 (CPM - RS 321.0) entre en force.

De la même manière, le fait d'être frappé d'une expulsion obligatoire exclut d'emblée l'octroi de toute autorisation de séjour (Arrêt du Tribunal fédéral 6B_884/2022 du 20 décembre 2022 consid. 3.1).

13.         Selon l'art. 66d al. 1 CP, l'exécution de l'expulsion obligatoire selon l'art. 66a CP peut être reportée lorsque des règles impératives du droit international s'opposent à l'expulsion.

À ce propos, le législateur était conscient du fait que les étrangers expulsés du pays ne disposent plus d'un droit de séjour, même en cas de report de l'exécution (Message du Conseil fédéral 26 juin 2013 concernant une modification du code pénal et du code pénal militaire [Mise en oeuvre de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels], in FF 2013 5373, ch. 1.2.10 p. 5403 s.). Il a été considéré que cette situation était une conséquence directe de la nouvelle disposition constitutionnelle (art. 121 al. 3 à 6 Cst.) et que rien ne justifiait de privilégier les personnes frappées d'une expulsion par rapport à celles auxquelles une admission provisoire avait été refusée en vertu de l'art. 83 al. 7 LEI (Message précité, ch. 1.2.10 p. 5403 s.).

14.         L'art. 83 al. 9 LEI dispose que l'admission provisoire n'est pas ordonnée ou prend fin notamment avec l'entrée en force d'une expulsion obligatoire au sens de l'art. 66a CP.

15.         En l'espèce, le recourant fait l'objet de deux mesures d'expulsion judiciaire obligatoire prononcées par jugements du 12 novembre 2018 de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal vaudois à Lausanne et du 4 février 2020 de la CPAR. Dans ces deux jugements entrés en force, une expulsion obligatoire d'une durée de dix ans en application de l'art. 66a CP a été ordonnée.

Le 16 octobre 2020, la CPAR a par ailleurs refusé de réviser son jugement.

Partant, le recourant est privé de tout titre de séjour et de tout droit à séjourner en Suisse.

Toutefois, compte tenu de son mauvais état de santé et en application de l'art. 66d CP, l'OCPM a reporté à trois reprises l'exécution de son expulsion par décisions des 27 janvier 2022, 27 janvier 2023 et 26 février 2024.

Contrairement à ce que soutient le recourant, ces reports et son état de santé précaire ne lui donnent pas, conformément à la jurisprudence et au Message du Conseil fédéral précités, le droit à un titre de séjour pour cas de rigueur. En effet, l'expulsion obligatoire entrée en force dont il fait l'objet empêche l'octroi de tout titre de séjour en sa faveur. Il ne revient au demeurant ni à l'autorité intimée ni au tribunal de céans de remettre en cause les jugements pénaux prononcés à son encontre. La seule possibilité dont dispose l'OCPM est celle de reporter l'exécution du renvoi, comme ce fut le cas en 2022, 2023 et 2024, si les conditions de l'art. 66d CP sont réunies.

Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que l'autorité intimée a refusé d'entrer en matière sur la demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur du recourant. Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner si les conditions d'octroi d'une telle autorisation sont réunies.

16.         À toutes fins utiles, le tribunal relèvera que l'expulsion obligatoire empêche également le recourant de bénéficier d'une admission provisoire (art. 83 al. 9 LEI).

17.         Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté et la décision confirmée.

18.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

19.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 28 août 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 26 juin 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière