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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1671/2023

JTAPI/144/2024 du 20.02.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR
Normes : ALCP, Annexe I.6; OLCP.20; CEDH.8
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1671/2023

JTAPI/144/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 20 février 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Jacopo OGRABEK, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1963, est ressortissante d'Espagne et de Bolivie.

2.             Elle est arrivée à Genève le 30 juin 2019, accompagné de son fils, Monsieur B______, ressortissant de Bolivie née le ______ 1991.

3.             Le 31 juillet 2019, en même temps que son fils, Mme A______ a déposé auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d'autorisation de séjour

4.             Par décision du 21 décembre 2022, l'OCPM a rejeté la demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité formée par M. B______ et a prononcé son renvoi de Suisse. Cependant, étant donné que ce dernier était atteint du virus d'immunodéficience humaine (VIH) et compte tenu du traitement spécifique dont il avait besoin, dont l'interruption le mettrait en danger de mort, l'OCPM proposait son admission provisoire et transmettait son dossier à cette fin au secrétariat d'État aux migrations (SEM).

5.             Par courrier du 10 février 2023, l'OCPM a invité Mme A______ à exercer son droit d'être entendu, l'informant de son intention de refuser sa demande de permis de séjour et de prononcer son renvoi de Suisse.

6.             Par écritures du 6 avril 2023, dans le délai qui avait été prolongé à sa demande au 10 avril suivant, Mme A______ a expliqué qu'elle était âgée de plus de 59 ans et qu'ainsi, elle peinait à trouver du travail, ses recherches d'emploi étant restées infructueuses jusque-là. Elle ne désespérait cependant pas de trouver du travail à l'avenir. Par ailleurs, un retour en Espagne serait inapproprié, car elle n'y avait jamais vécu. Elle n'avait aucune famille dans ce pays et son intégration y était fortement compromise. Elle constituait en outre une ressource et un soutien pour son fils, qui devait faire face aux défis multiples du VIH, notamment le rejet social. Son soutien dans ce contexte était primordial et ne pouvait être retiré à son fils. Elle-même souffrait de différentes affections, notamment d'une hypothyroïdie requérant la prise d'un comprimé d'Euthyrox et d'un suivi au moins annuel par prise de sang des hormones thyroïdiennes. Elle avait également des douleurs à la jambe droite, compatibles avec une lombosciatique non déficitaire. Un traitement antalgique d'Irfen, de Tramadol et de Dafalgan avait été mis en œuvre. Cette problématique justifiait une prise en charge physio-thérapeutique et pourrait, en cas de mauvaise évolution, nécessiter la réalisation d'une IRM lombaire. Elle avait enfin des douleurs aux épaules, qui semblaient découler d'une tendinopathie de la coiffe des rotateurs à gauche. Une consultation neurologique avait également été mise en place en raison d'engourdissements récurrents des mains, suspects d'un syndrome du canal carpien. Dans le cas d'un tel diagnostic, il conviendrait d'analyser la possibilité d'une intervention. À l'appui de ses explications relatives à ces problèmes de santé, elle a déposé un certificat médical établi le 2 décembre 2021 par la C______.

7.             Par décision du 14 avril 2023, l'OCPM a rejeté la demande d'autorisation de séjour de Mme A______ et a prononcé son renvoi de Suisse. Les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour en vertu des dispositions conventionnelles s'appliquant aux ressortissants européens n'étaient pas réalisées, en l'absence d'une activité lucrative exercée, de moyens financiers propres et suffisants, ou encore de raisons majeures. Peu après son arrivée à Genève, elle avait sollicité l'aide sociale et y émargeait à ce jour, ce qui représentait une dépendance d'une durée de plus de trois ans. Sans activité lucrative, elle ne pouvait se prévaloir du statut de travailleur communautaire et ne pouvait se voir octroyer une autorisation de séjour à cet effet. Aucune raison majeure ne pouvait non plus être reconnue sous l'angle des dispositions relatives aux ressortissants européens. En effet, elle avait effectué un court séjour en Suisse et ne pouvait pas non plus se prévaloir d'une intégration irréprochable en raison de sa dépendance à l'aide sociale. Elle n'avait pas non plus d'attaches particulières avec la Suisse. Quant au respect de la vie privée et familiale, ce principe ne pouvait être invoqué dans la mesure où il était applicable entre époux et dans le cadre des relations entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun.

8.             Par acte du16 mai 2023, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant principalement à son annulation et préalablement à ce que le tribunal procède à son audition.

9.             La décision litigieuse, qui ne tenait pas compte des observations qu'elle avait formulées le 6 avril 2023, dans lesquelles elle expliquait en particulier pour quelles raisons un renvoi en Espagne n'était pas possible, ainsi que les motifs plaidant pour la protection de la vie privée et familiale, avait ainsi été prise en violation de son droit d'être entendue et devait être annulé pour ce motif.

10.         En outre, rappelant son âge, le fait qu'elle n'avait jamais vécu en Espagne et qu'elle n'y avait aucune famille, ainsi que la maladie dont souffrait son fils, pour lequel elle constituait une ressource et un soutien, elle a soutenu que son renvoi en Espagne n'était, dans ces conditions, pas envisageable, puisqu'elle se retrouverait seule dans un pays qu'elle ne connaissait pas, et sans travail, de même que privée de la possibilité de soutenir son fils aussi précieusement que si elle pouvait rester auprès de lui. En outre, elle souffrait elle-même de diverses affections, de sorte que l'ensemble de ces circonstances constituait un cas individuel d'extrême gravité.

11.         La décision litigieuse violait également les dispositions conventionnelles relatives à la protection de la vie privée et familiale, en particulier parce qu'elle l'empêcherait de continuer à soutenir son fils, qui avait besoin d'elle afin de faire face aux multiples défis du VIH. Une ingérence dans l'exercice de son droit au respect de la vie familiale n'était pas justifiée, étant donné qu'elle était exempte de tout reproche, tant au niveau pénal que civil.

12.         Enfin, la décision litigieuse violait le principe de la proportionnalité. L'OCPM n'avait pas suffisamment tenu compte des affections de santé dont elle souffrait elle-même, auxquelles s'ajoutait l'aide qu'elle pouvait apporter à son fils. Dans ces circonstances, l'OCPM avait fait une pondération critiquable des intérêts en présence, l'intérêt public à son éloignement n'apparaissant pas prépondérant.

13.         Par écritures du 13 juillet 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours, expliquant que les écritures par lesquelles la recourante avait exercé son droit d'être entendu lui était parvenues le 14 avril 2023, soit quatre jours après l'échéance du délai prolongé qui lui avait été octroyé. Dans ces circonstances, la recourante ne pouvait se prévaloir d'une violation de son droit d'être entendu, alors que ses propres manquements avaient eu pour conséquence que ses observations étaient arrivées tardivement en mains de l'autorité.

Sur le fond, même si le fils de la recourante, âgé de 32 ans, devait suivre un traitement à vie en raison de son infection au VIH, la présence de sa mère auprès de lui ne constituait pas pour autant un cas entrant dans le cadre d'application des dispositions garantissant le respect de la vie familiale. Au demeurant, la situation n'était pas figée, la recourante demeurant libre de requérir à nouveau une autorisation de séjour dès qu'elle aurait trouvé une activité lucrative. Enfin, il fallait préciser que le SEM n'avait pas encore approuvé l'octroi d'une admission provisoire en faveur du fils de la recourante.

14.         Par écritures du 5 août 2023, la recourante a répliqué. Contrairement à ce que soutenait l'OCPM, le suivi des envois postaux démontrait que cette autorité avait reçu les écritures manifestant l'exercice du droit d'être entendu en date du 8 avril 2023, et non du 14 avril 2023. Le tampon apposé par l'OCPM sur ces écritures le 14 avril 2023 n'avait pas valeur de preuve concernant la date à laquelle ces dernières étaient parvenues en possession de l'autorité.

Sur le fond, l'autorité intimée se trompait en examinant les circonstances d'un retour en Espagne, puisque la recourante n'y avait jamais vécu. L'autorité intimée avait en outre insuffisamment tenu compte du soutien émotionnel qu'elle constituait pour son fils. Enfin, la décision litigieuse ne faisait aucune référence aux pathologies dont elle souffrait.

15.         Par courrier du 28 août 2023, l'OCPM a indiqué n'avoir pas d'observations complémentaires à formuler.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             La recourante sollicite préalablement son audition par le tribunal.

4.             Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d'être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu'elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 et les références citées).

5.             Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 134 I 140 consid. 5.3).

6.             Le droit d'être entendu ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3).

7.             En l'espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tel qu'ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l'autorité intimée, pour statuer sur le litige sans qu’il soit utile de procéder à l’audition de la recourante, rien ne permettant de penser que les éléments qu'elle pourrait apporter oralement ne pouvaient pas l’être par écrit, ni qu’ils seraient déterminants pour l’issue du litige. Par conséquent, la demande d'instruction tendant à l’audition de la recourante, en soi non obligatoire, sera rejetée.

8.             La recourante conteste le refus de l’OCPM de lui délivrer une autorisation de séjour, se prévalant tout d'abord d'une violation de son droit d'être entendu. Elle explique à ce sujet que l'autorité intimée n'a pas tenu compte des explications qu'elle avait fournies par écritures du 6 avril 2023, pourtant distribuées par la poste le 8 avril 2023, puisque le tampon apposé par cette autorité sur ses écritures date du 14 avril 2023, qui coïncide avec le jour où la décision litigieuse a été notifiée.

9.             Quant à l'autorité intimée, qui, dans un premier temps, a reproché à la recourante d'avoir déposé ses écritures tardivement, elle ne s'est pas prononcée, dans sa duplique, sur les explications circonstanciées données par la recourante au sujet de ce qui précède.

10.         Le contenu essentiel du droit d'être entendu ayant été rappelé plus haut, il convient encore de préciser que la réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_240/2017 du 11 décembre 2018 consid. 3.2 ; 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1) En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/802/2020 du 25 août 2020 consid. 4c et les références cités).

11.         En l'espèce, on ne saurait contester que le droit d'être entendu de la recourante a objectivement été violé, quand bien même c'est en l'occurrence par un pur concours de circonstances, sans que l'autorité intimée n'ait elle-même eu la possibilité de s'en apercevoir. En effet, force est de constater, à teneur du dossier, que la recourante a expédié ses déterminations, dans le cadre de l'exercice de son droit d'être entendu, le 6 avril 2023, et que ces dernières sont parvenues en mains de l'autorité le 8 avril 2023. Par conséquent, rien ne devait empêcher l'autorité intimée d'en tenir compte dans une décision notifiée six jours plus tard. L'apposition du timbre humide de l'OCPM, sur les déterminations de la recourante, le 14 avril 2023, est à cet égard sans incidence, la recourante n'étant pas responsable de l'acheminement interne du courrier auprès des services compétents de l'autorité intimée.

Cela étant, il n'y a pas lieu d'annuler la décision litigieuse pour ce motif. En effet, les considérants qui suivent indiquent que l'on se trouve loin d'un cas-limite dans lequel l'autorité intimée disposerait d'une marge de manœuvre par rapport à l'application de la loi. Les écritures de l'autorité intimée, dans la présente procédure, confirment d'ailleurs que même en prenant entièrement en considération les explications données par la recourante dans ses écritures du 6 avril 2023, la position exprimée dans la décision litigieuse n'a subi aucune variation. Par ailleurs, la procédure devant le tribunal a permis à la recourante d'exprimer pleinement son point de vue. Dans ces conditions, le renvoi de la procédure à l'autorité intimée pour nouvelle décision ne constituerait qu'une vaine formalité et s'avérerait contraire au principe d'économie de la procédure.

12.         Ainsi, bien que le grief de violation du droit être entendu soit fondé sur le principe, cette violation a en tout état été réparée dans la présente procédure, de sorte qu'il n'y a pas lieu de prononcer l'annulation de la décision litigieuse.

13.         La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n’est pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), notamment par l’ALCP.

14.         L’ALCP, entré en vigueur le 1er juin 2002, et l’OLCP s’appliquent en premier lieu aux ressortissants des pays membres de l’UE/AELE. La LEI ne s'applique aux ressortissants des États membres de l'Union européenne que lorsque l’ALCP n'en dispose pas autrement ou lorsqu’elle prévoit des dispositions plus favorables (art. 12 ALCP et 2 al. 2 LEI).

15.         En l’occurrence, la recourante étant de nationalité espagnole, sa situation doit être examinée sous l’angle de l’ALCP et de l’OLCP.

16.         Aux termes de l’art. 16 par. 2 ALCP, dans la mesure où l’application de l’accord implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes (actuellement : Cour de justice de l’Union européenne; ci-après : la Cour de justice UE) antérieure à la date de sa signature. La jurisprudence postérieure à la date de la signature de l’ALCP est cependant prise en compte par le Tribunal fédéral pour assurer le parallélisme du système qui existait au moment de la signature de l’accord et tenir compte de l’évolution de la jurisprudence de l’UE (ATF 136 II 5 consid. 3.4).

Pour prétendre à l'application des dispositions de l'ALCP, il faut que le ressortissant étranger dispose d'un droit de séjour fondé sur l'accord (arrêt 2C_308/2017 du 21 février 2018 consid. 5.1).

Selon l'art. 4 ALCP, le droit de séjour et d'accès à une activité économique est garanti sous réserve des dispositions de l'art. 10 et conformément aux dispositions de l’annexe I.

En vertu de l’art. 2 al. 1 Annexe I ALCP, les ressortissants d'une partie contractante ont le droit de séjourner et d'exercer une activité économique sur le territoire de l'autre partie contractante selon les modalités prévues aux chapitres II à IV de l’annexe I ALCP. Les ressortissants d’une partie contractante ont le droit de séjourner et d’exercer une activité économique sur le territoire de l’autre partie contractante selon les modalités prévues aux chapitres II à IV de l’Annexe I ALCP (art. 2 al. 1 Annexe I ALCP). L’art. 6 al. 1 Annexe I ALCP prévoit que le travailleur salarié ressortissant d’une partie contractante qui occupe un emploi d’une durée égale ou supérieure à un an au service d’un employeur de l’État d’accueil reçoit un titre de séjour d’une durée de cinq ans au moins à dater de sa délivrance. Celui-ci est automatiquement prolongé pour une durée de cinq ans au moins. Lors du premier renouvellement, sa durée de validité peut être limitée, sans pouvoir être inférieure à un an, lorsque son détenteur se trouve dans une situation de chômage involontaire depuis plus de douze mois consécutifs.

17.         La notion de travailleur, qui délimite le champ d’application du principe de la libre circulation des travailleurs, doit être interprétée de façon extensive, tandis que les exceptions et dérogations à cette liberté fondamentale doivent, au contraire, faire l’objet d’une interprétation stricte. Doit ainsi être considérée comme un « travailleur » la personne qui accomplit, pendant un certain temps, en faveur d’une autre personne et sous la direction de celle-ci, des prestations en contrepartie desquelles elle touche une rémunération (existence d’une prestation de travail, d’un lien de subordination et d’une rémunération). Cela suppose l’exercice d’activités réelles et effectives, à l’exclusion d’activités tellement réduites qu’elles se présentent comme purement marginales et accessoires (ATF 141 II 1 consid. 2.2.4 et 3.3.2 ; arrêt 2C_761/2015 du 21 avril 2016 consid. 4.2.1). Ne constituent pas non plus des activités réelles et effectives celles qui ne relèvent pas du marché normal de l’emploi, mais sont destinées à permettre la rééducation ou la réinsertion de personnes diminuées sur le plan physique ou psychique. En revanche, ni la nature juridique de la relation de travail en cause au regard du droit national (par ex. contrat de travail sui generis), ni la productivité plus ou moins élevée du travailleur, ni son taux d’occupation (par ex. travail sur appel), ni l’origine des ressources pour le rémunérer (privées ou publiques), ni même l’importance de cette rémunération (par ex. salaire inférieur au minimum garanti) ne sont, en eux-mêmes et à eux seuls, des éléments décisifs pour apprécier la qualité de travailleur au sens du droit communautaire (arrêts 2C_289/2017 du 4 décembre 2017 consid. 4.2.1 ; 2C_761/2015 du 21 avril 2016 consid. 4.2.1).

18.         En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que depuis son arrivée en Suisse en juin 2019, la recourante n'a exercé d'activité lucrative, ce qu'elle exprime en indiquant que ses recherches d'emploi étaient jusque-là restées infructueuses.

Par conséquent, elle ne peut se prévaloir du statut de travailleuse au sens de l’art. 6 Annexe I ALCP pour prétendre au renouvellement de son autorisation de séjour.

19.         Il en découle que la recourante ne peut pas non plus se prévaloir (ce qu'elle ne fait d'ailleurs pas) des dispositions régissant la poursuite du séjour en Suisse des personnes qui, ayant eu une activité lucrative, ont dû y mettre un terme en raison de la survenue d'une incapacité de travail (art. 4 al. 1 et 2 Annexe I ALCP ; art. 2 al. 1 let. b du règlement (CEE) 1251/70 (pour les travailleurs salariés) et directive 75/34/CEE (pour les indépendants)).

20.         La recourante ne saurait non plus bénéficier d’un titre de séjour pour ressortissant d’une partie contractante n’exerçant pas d’activité lucrative, étant donné qu’elle dépend depuis longtemps et dans une mesure importante de l’aide publique et ne dispose donc pas de moyens suffisants pour assurer ses propres besoins. Elle ne prétend d'ailleurs pas le contraire.

21.         Partant, faute de se trouver dans l’une des situations de libre circulation prévues par l’ALCP et d’en remplir les conditions, la recourante ne peut prétendre à l’octroi d’une autorisation de séjour fondées sur les dispositions précitées, seules pertinentes en l’espèce, de cet accord international.

22.         La question se pose encore de savoir si la recourante remplit les conditions pour bénéficier d’un permis de séjour pour « cas d’extrême gravité ».

23.         Aux termes de l’art. 20 OLCP, si les conditions d’admission sans activité lucrative ne sont pas remplies au sens de l’ALCP, une autorisation de séjour UE/AELE peut être délivrée lorsque des motifs importants l’exigent. Il n’existe cependant pas de droit en la matière, l’autorité cantonale statuant librement, sous réserve de l’approbation du secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM ; art. 29 OLCP ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_59/2017 du 4 avril 2017 consid. 1.3). Les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son degré d’intégration (art. 96 al. 1 LEI). Cette liberté d’appréciation est toutefois limitée par les principes généraux de droit tels que notamment l’interdiction de l’arbitraire et l’égalité de traitement (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1).

Les conditions posées à l’admission de l’existence de motifs importants au sens de cette disposition correspondent à celles posées à la reconnaissance d’un cas de rigueur en vertu de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, en lien avec l’art. 31 OASA, de sorte qu’une application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI ne saurait entrer en ligne de compte si les exigences prévues par l’art. 20 OLCP ne sont pas réalisées (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.1).

24.         À teneur de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d’admission notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d’une extrême gravité ou d’intérêts publics majeurs.

L’art. 31 OASA énumère, à titre non exhaustif, une liste de critères qui sont à prendre en considération dans l’examen de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, à savoir l’intégration, le respect de l’ordre juridique, la situation familiale, la situation financière et la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation, la durée de la présence en Suisse et l’état de santé, étant précisé qu’il convient d’opérer une appréciation globale de la situation personnelle de l’intéressé. Aussi, les critères précités peuvent jouer un rôle déterminant dans leur ensemble, même si, pris isolément, ils ne sauraient fonder en soi un cas de rigueur (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3).

25.         Selon la jurisprudence constante relative à la reconnaissance des cas de rigueur en application de l’art. 30 al. 1 let. b LEI, applicable par analogie à l’art. 20 OLCP, il s’agit de normes dérogatoires présentant un caractère exceptionnel et les conditions auxquelles la reconnaissance d’un cas de rigueur est soumise doivent être appréciées de manière restrictive. Il est nécessaire que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, autrement dit qu’une décision négative prise à son endroit comporte pour lui de graves conséquences (ATF 138 II 393 consid. 3.1).

Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas particulier. La reconnaissance d’un cas individuel d’une extrême gravité n’implique pas forcément que la présence de l’étranger en Suisse constitue l’unique moyen pour échapper à une situation de détresse. Par ailleurs, le fait que l’étranger a séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il s’y est bien intégré (au plan professionnel et social) et que son comportement n’a pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas individuel d’une extrême gravité ; encore faut-il que la relation de l’intéressé avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger de lui qu’il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d’origine (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d’une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu’elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu’en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d’études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n’arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l’aide sociale ou des liens conservés avec le pays d’origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5).

26.         Les directives et commentaires concernant l'ordonnance sur la libre circulation des personnes édictées par le SEM, état en janvier 2023, (ci-après : directives OLCP) précisent (ch. 8.5) que, dans la mesure où l’admission des personnes sans activité lucrative dépend simplement de l’existence de moyens financiers suffisants et d’une affiliation à une caisse maladie, les cas visés par l’art. 20 OLCP en relation avec l’art. 31 OASA ne sont envisageables que dans de rares situations, notamment lorsque les moyens financiers manquent ou, dans des cas d’extrême gravité, pour les membres de la famille ne pouvant pas se prévaloir des dispositions sur le regroupement familial (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 8.5).

27.         En l’occurrence, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, le tribunal constate qu’aucun motif important ne commande que la recourante puisse demeurer en Suisse en vertu de l’art. 20 OLCP.

Ayant immigré en Suisse en juin 2019, elle y séjourne depuis moins de cinq ans, ce qui représente une durée relativement courte.

En outre, il ne ressort pas du dossier qu’elle y soit particulièrement intégrée, tant sur le plan professionnel que sur le plan social. Elle ne soutient pas s’être engagée dans la vie associative ou culturelle à Genève et ne fait pas état de liens personnels particulièrement forts qu’elle y aurait tissés, au-delà éventuellement du réseau de connaissances pouvant être raisonnablement attendu de tout étranger ayant passé un nombre d’années équivalent dans le pays. Son intégration sociale ne peut ainsi être qualifiée de bonne. Son intégration professionnelle ne saurait pas plus être qualifiée d’exceptionnelle. Enfin, elle émarge à l’Hospice général depuis son arrivée en Suisse et la probabilité qu'elle trouve du travail en étant âgée de bientôt 61 ans et en ne disposant apparemment d'aucune formation particulière, quand bien même elle disposerait d'un titre de séjour, apparaît relativement faible.

La recourante soutient que son départ à destination de l'Espagne, où elle dit ne disposer d'aucune famille et n'avoir jamais vécu, ne lui permettrait pas de s'y intégrer, mais l'on ne voit pas en quoi son départ dans ce pays la placerait dans une situation très différente de celle qui était la sienne en arrivant en Suisse, et qui le reste encore dans une très large mesure, sous l'angle de son intégration socio-professionnelle, sinon en lui donnant l'avantage de la maîtrise de la langue de ce pays, qui correspond très vraisemblablement à sa langue maternelle. Dans la mesure où elle affirme qu'elle est un soutien pour son fils, et non l'inverse, son départ en Espagne ne constituerait pas non plus, sous cet angle, une dégradation dramatique de sa situation. La recourante ne soutient pas non plus, d'ailleurs, qu'un départ en Bolivie, dont elle ne dit mot, ne lui offrirait pas également les ressources nécessaires à la poursuite de son existence.

Quant à ses problèmes de santé, il faut observer, même s'ils sont relativement nombreux, qu'aucun d'entre eux ne constitue, même à moyen terme, une menace grave pour son intégrité physique et, en tous les cas, que son départ en Espagne ne l'empêcherait pas d'y recevoir des soins équivalents à ceux dont elle bénéficie en Suisse. Elle ne tente d'ailleurs pas de soutenir le contraire.

28.         La recourante prétend encore que la décision litigieuse viole son droit au respect de la vie privée, tel qu'il est garanti par l'art. 8 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

29.         Aux termes de l'art. 8 CEDH, dont la teneur est à cet égard identique à l'art. 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a droit au respect de sa vie familiale.

Selon la jurisprudence, la question de l'existence d'un droit à demeurer en Suisse au bénéfice d'une autorisation de séjour en raison d'un enracinement particulier dans le pays implique cependant de se demander, dans chaque cas, si la personne étrangère concernée entretient des relations privées de nature professionnelle ou sociale particulièrement intenses en Suisse, allant au-delà d'une intégration normale. Si tel est le cas, il convient de procéder à une pesée globale des intérêts en présence plaidant en faveur ou en défaveur d'une autorisation de séjourner en Suisse (ATF 144 II 1 consid. 6.1; ATF 130 II 281 consid. 3.2.1; ATF 126 II 377 consid. 2c; ATF 120 Ib 16 consid. 3b; cf. aussi ATF 138 I 246 consid. 3.2.1).

Un droit à une autorisation de séjour fondée sur ce droit fondamental dépend en règle générale de la durée pendant laquelle la personne requérante a déjà vécu en Suisse. Lorsqu'elle-ci réside légalement dans le pays depuis plus de dix ans, il y a lieu de présumer que les liens sociaux qu'elle y a développés sont à ce point étroits qu'un refus de renouvellement d'autorisation de séjour, respectivement la révocation de celle-ci ne peuvent être prononcés que pour des motifs sérieux (ATF 146 II 185 consid. 5.2 ; ATF 144 I 266 consid. 3). Cependant, la reconnaissance finale d'un droit à séjourner en Suisse issu du droit au respect de la vie privée garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH peut s'imposer même sans séjour légal de dix ans en cas d'intégration particulièrement réussie (ATF 144 I 266 consid. 3.8 et 3.9; aussi arrêt 2C_666/2019 du 8 juin 2019 du consid. 4.2). Autrement dit, dans les situations où la personne étrangère ne peut pas se prévaloir d'un précédent séjour légal de dix ans en Suisse, la question d'un éventuel droit de séjour issu du droit au respect de la vie privée reste régie par la jurisprudence originelle impliquant de se demander si la personne étrangère concernée entretient des relations privées de nature professionnelle ou sociale particulièrement intenses en Suisse, allant au-delà d'une intégration normale, avant de procéder à une pesée des intérêts en présence (cf. supra consid. 5.3.1).

Le Tribunal fédéral a par ailleurs précisé que la notion de "séjour légal" de dix ans, qui n'inclut évidemment pas les années passées en clandestinité dans le pays, ne comprend pas non plus le temps passé en Suisse au bénéfice d'une simple tolérance (cf. notamment arrêts 2D_19/2019 du 20 mars 2020 consid. 1.3 et 2C_436/2018 du 8 novembre 2018 consid. 2).

Le Tribunal fédéral a ensuite posé le principe que la personne qui quitte le pays pour une longue période et qui voit pour cette raison son titre de séjour s'éteindre conformément à l'art. 61 al. 2 LEI, ne peut plus se prévaloir de la durée de son séjour légal en Suisse au sens de l' ATF 144 I 266 pour prétendre à l'octroi d'une nouvelle autorisation de séjour fondé sur la protection de la vie privée garantie par l'art. 8 CEDH (ATF 149 I 66, consid. 4.8). Retenir le contraire et permettre de facto à toute personne étrangère ayant quitté la Suisse de se prévaloir d'un droit à récupérer un titre de séjour issu de la protection de la vie privée, au seul motif qu'elle a déjà séjourné plus dix ans dans le pays, viderait en effet l'art. 61 LEI de sa substance.

Dans l' ATF 149 I 72, le Tribunal fédéral a souligné que le droit de demeurer en Suisse après un séjour légal de dix ans - tel qu'il découle de la garantie de la vie privée sous l'angle de l' ATF 144 I 266 - ne concerne que les cas de prolongation et de renouvellement d'autorisations de séjour, à l'exclusion des situations dans lesquelles de nouveaux titres de séjour en Suisse sont appelés à être délivrés. Cette dernière jurisprudence clarifie le fait qu'une personne étrangère ne peut pas se prévaloir d'un droit potentiel à l'obtention d'une autorisation de séjour fondé sur l'art. 8 CEDH, tel que reconnu par l' ATF 144 I 266, lorsqu'elle a vécu sans autorisation en Suisse ou a refusé de quitter le pays malgré une décision de révocation ou de refus de renouvellement de son permis entrée en force (cf. arrêt précité consid. 2.1.3).Le Tribunal fédéral souligne toutefois l'importance de garder à l'esprit que, dans toutes les situations qui viennent d'être décrites, seule la présomption d'enracinement en Suisse posée par l' ATF 144 I 266 n'entre pas en ligne de compte. La jurisprudence ancienne, déduite du respect de la vie privée et reconnaissant un droit potentiel à l'obtention d'une autorisation de séjour tiré de l'art. 8 CEDH en cas d'intégration particulièrement réussie en Suisse, reste en tous les cas applicable (cf. supra consid. 5.3.1 et 5.3.2). Il n'est ainsi pas exclu qu'une personne étrangère puisse invoquer son droit à la protection de sa vie privée garanti par l'art. 8 CEDH en vue d'obtenir une autorisation de séjour initiale ou un nouveau titre de séjour dans le pays après en avoir perdu un précédent, en alléguant notamment avoir vécu longtemps en Suisse (cf. d'ailleurs ATF 147 I 268 consid. 1 et 4 et arrêt 2D_19/2022 du 16 novembre 2022 consid. 1.2.3), ce même s'il est vrai que le respect de la vie privée garanti par l'art. 8 CEDH ne donne "en règle générale" pas droit à entrer ou à revenir dans le pays (cf. arrêt 2C_89/ 2022 du 3 mai 2022 consid. 2.2.3).

Enfin, dans l'ATF 149 I 207, le Tribunal fédéral a encore précisé que les auteurs de doctrine qui interprètent la jurisprudence fédérale en ce sens que, désormais, le droit à la protection de la vie privée garanti à l'art. 8 CEDH ne s'appliquerait qu'en cas de prolongation d'une autorisation de séjour et qu'il ne pourrait plus être invoqué en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour initiale ou d'un nouveau titre de séjour dans le pays, perdent ainsi de vue que l'objectif de l' ATF 144 I 266 n'était pas de fixer de manière exhaustive les conditions auxquelles une personne d'origine étrangère peut invoquer le droit au respect de la vie privée consacré à l'art. 8 CEDH pour obtenir le droit de vivre légalement en Suisse, mais de simplifier l'application de ce dernier et d'en renforcer la portée pratique en présence d'un séjour légal d'au moins dix ans. l n'en va pas autrement des arrêts postérieurs - dont les ATF 149 I 66 et ATF 149 I 72 - qui n'ont fait que clarifier ou "préciser" cette jurisprudence, en délimitant le champ d'application de la présomption d'enracinement en Suisse et du droit de demeurer dans le pays qu'elle reconnaît (ATF 149 I 207 consid. 5.3.5 p. 213 et réf. cit.). Et le Tribunal fédéral d'ajouter, dans ce même arrêt, qu'il serait d'ailleurs contraire à la pratique de la CourEDH de considérer que le droit à la protection de la vie privée au sens de l'art. 8 CEDH ne peut jamais être invoqué à l'appui d'une requête tendant à la délivrance d'une autorisation de séjour initiale ou d'un nouveau titre de séjour en Suisse, la jurisprudence de la CourEDH ayant précisément admis que le respect d'un tel droit pouvait dans certaines circonstances contraindre l'Etat à régulariser le statut de personnes étrangères séjournant illégalement dans le pays ou souffrant d'une situation juridique précaire (ATF 149 I 72 consid. 2.2.2, et les diverses références à la jurisprudence de la CourEDH).

30.         En l'espèce, la recourante séjourne illégalement en Suisse depuis quatre ans et demi, de sorte qu'elle ne saurait bénéficier de la présomption d'enracinement en Suisse que la jurisprudence susmentionnée admet à partir de dix années de séjour légal. A défaut d'une telle présomption, son intégration socio-professionnelle n'est pas telle qu'elle puisse être qualifiée de particulièrement réussie, puisque, comme déjà dit, la recourante n'exerce ni activité lucrative, ni a fortiori une activité dénotant une progression particulièrement marquée, qu'elle émarge à l'aide sociale et qu'elle ne fait pas état d'engagements particuliers dans la vie de la cité.

Elle ne saurait donc se prévaloir de la protection de la vie privée conférée par l'art. 8 § 1 CEDH. Quant à la protection de la vie familiale également protégée par cette disposition, et qui concerne avant tout les relations entre conjoints ou entre parents et enfants mineurs ou dépendants, la recourante ne prétend pas que son fils, majeur, serait dépendant d'elle au quotidien pour des actes ou des soins qu'elle seule serait en mesure de dispenser.

31.         En conclusion, c’est à bon droit que l'autorité intimée a refusé de délivrer une autorisation de séjour en faveur de la recourante.

32.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

33.         En l’occurrence, la recourante n'obtenant pas le renouvellement de son autorisation de séjour, c'est également à bon droit que l'autorité intimée a prononcé son renvoi de Suisse. Il n'apparaît en outre pas que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, serait illicite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

34.         Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision contestée confirmée.

35.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 600.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

36.         La recourante étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

37.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 16 mai 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 14 avril 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 600.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière