Aller au contenu principal

Décisions | Tribunal administratif de première instance

1 resultats
A/2505/2023

JTAPI/112/2024 du 12.02.2024 ( LCR ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : PERMIS(CIRCULATION);RETRAIT DE PERMIS
Normes : LCR.15a; LCR.16a; LCR.16b; LCR.16c
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2505/2023 LCR

JTAPI/112/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 février 2024

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Blaise OBRIST, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 

 


EN FAIT

1.             Madame A______, née le ______ 1979, est titulaire d'un permis de conduire à l'essai toutes catégories, sous-catégories et catégories spéciales, délivré le 13 avril 2022, avec validité au 12 avril 2025.

2.             Le 31 mars 2023, à 4h09, elle a été interpellée par la police à Genève, au ______[GE], au volant de sa voiture de marque MINI COOPER, immatriculée GE 1______, en état d'ébriété qualifiée. Elle présentait un taux d'alcoolémie de 1.49 /00.

3.             Son permis de conduire a immédiatement été saisi et une interdiction de conduire un véhicule à moteur lui a été notifiée le 31 mars 2023 à 11h22.

4.             Il ressort du rapport d'arrestation du 31 mars 2023 que l'intéressée a tenté de prendre la fuite à plusieurs reprises après son interpellation et a injurié et asséné une gifle et un coup de pied dans la jambe d'une intervenante, laquelle a déposé plainte pénale à son encontre.

5.             Par courrier du 20 avril 2023, l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) a proposé à Mme A______ de participer à un entretien de prévention de la récidive de la conduite automobile sous l'influence de l'alcool.

6.             Le 24 avril 2023, à 2h20, Mme A______ a été interpellée par la police à Genève, sur ______[GE], au volant de sa voiture de marque MINI COOPER, immatriculée GE 1______, en état d'ébriété qualifiée, en présentant un taux d'alcoolémie de 0.55 mg/l (1.10 /00) à l'éthylomètre et alors qu'elle se trouvait sous interdiction de conduire.

7.             Le 28 avril 2023, son permis de conduire lui a été restitué à titre provisoire par l'OCV qui n'était pas encore au courant de la deuxième conduite en état d'ébriété.

8.             Après avoir pris connaissance de l'infraction du 24 avril 2023, l'OCV a, le 15 mai 2023, imparti à Mme A______ un délai de quinze jours pour faire valoir ses observations, précisant qu'une seule mesure serait prononcée pour les faits du 31 mars et du 24 avril 2023.

9.             Par courriel du 26 juin 2023, l'OCV a informé Mme A______ que compte tenu de sa récidive, elle ne pouvait pas participer à l'entretien de prévention de la récidive de la conduite automobile sous l'influence de l'alcool et que les frais inhérents déjà réglés lui seraient remboursés.

10.         Par décision du 29 juin 2023, l'OCV a retiré le permis de conduire à l'essai toutes catégories, sous-catégories et catégories spéciales à Mme A______, lui a fait interdiction de conduire des cycles et véhicules pour lesquels un permis de conduire n'est pas nécessaire et a ordonné une expertise visant à évaluer son aptitude à la conduite réalisée par un médecin de niveau 4. Il lui a été fait obligation de déposer son permis de conduire d'ici au 9 juillet 2023, ce qu'elle n'a pas fait.

11.         Par constat médical du 7 juillet 2023, le Dr. B______ a certifié que sur la base du bilan sanguin pratiqué sur Mme A______, il n'y avait pas de trace de consommation d'alcool, ni récente, ni ancienne et ce de manière chronique.

12.         Par acte du 10 juillet 2023, Mme A______ a recouru contre la décision précitée (ch. 9 supra) auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation. Il a été enregistré sous le n° A/2______.

13.         Le 26 juillet 2023, l'OCV a annulé la décision précitée. Il a rendu une décision de caducité du permis de conduire à l'essai toutes catégories, sous-catégories et catégorie spéciale de Mme A______, nonobstant recours et lui a fait interdiction de conduire des cycles et véhicules pour lesquels un permis de conduire n'est pas nécessaire. Une demande d'un nouveau permis d'élève conducteur pourrait intervenir au plus tôt un an après l'infraction commise et sur présentation d'un rapport d'expertise favorable établi par un médecin de niveau 4 et un psychologue du trafic. Son permis de conduire devait être déposé au plus tard le 6 août 2023.

Elle avait conduit le 31 mars 2023, en état d'ébriété qualifié ainsi que le 24 avril 2023, malgré la saisie de son permis de conduire, ce qui justifiait la caducité du permis au sens de l'art. 15a al. 4 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01). Dès lors que son dossier soulevait des questions en raison de l'importance des taux d'alcool avec lesquels elle avait conduit, la récidive rapprochée et la conduite malgré une interdiction, une expertise était ordonnée.

14.         Par acte du 31 juillet 2023, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du tribunal, concluant à son annulation ainsi qu'au remboursement des frais de procédure et examens médicaux. Le 29 juin 2023, elle avait fait l'objet d'une première décision de retrait laquelle avait été annulée par l'OCV le 26 juillet 2023 suite à une erreur de traitement. Dans la foulée, une nouvelle décision plus restrictive avait été prise. Il y avait confusion entre les deux évènements de conduite en état d'ébriété qu'elle ne contestait pas et regrettait. Elle aurait dû s'attendre à un avertissement pour les événements du 31 mars 2023. L'OCV avait agi par formalisme excessif. La naissance du doute objectif de l'aptitude à la conduite en état d'ébriété était fixée à un minimum de 1.6 /00 dans le sang ou 0.8 mg par litre d'air expiré. Or, elle avait conduit à des niveaux bien inférieurs. Les tests sanguins et d'urine qu'elle avait passés étaient tous négatifs. Elle avait apporté les garanties d'une absence d'alcoolisme de sorte qu'aucune expertise devait être ordonnée.

15.         Le 23 août 2023, elle a déposé une demande de restitution de l'effet suspensif. Elle regrettait les deux conduites sous influence de l'alcool mais avait pris des mesures pour que cela ne se reproduise plus. Elle en voulait pour preuve les examens médicaux qu'elle avait subis. Pour des raisons professionnelles et personnelles, elle était amenée à se déplacer en véhicule dans des destinations mal desservies par les transports publics. Sous l'angle de la sécurité routière, elle n'avait pas d'autre antécédent et ne présentait pas de risque particulier.

 

16.         Le 27 août 2023, Mme A______ a retiré le recours formé le 10 juillet 2023. Par décisions du 29 août 2023, le tribunal a pris acte du retrait du recours et rayé la cause A/2______ du rôle (RTAPI/3______).

17.         Dans ses observations du 6 septembre 2023, l'OCV s'est opposé à la restitution de l'effet suspensif. Il existait des doutes sérieux sur l'aptitude caractérielle à la conduite de la recourante. Elle avait été interpellée pour deux conduites en état d'ébriété sur une courte période et ce, alors qu'elle était titulaire d'un permis de conduire à l'essai. Lors de sa deuxième arrestation, elle était également sous interdiction de conduire. Ces doutes étaient renforcés par l'attitude de la recourante qui refusait de déposer son permis de conduire tout en continuant à conduire selon ses lignes du 23 août 2023 à l'intention du tribunal. L'intérêt public tendant à la sécurité des usagers de la route devait primer sur son intérêt privé. Il a produit son dossier.

18.         Le 12 septembre 2023, la recourante a persisté dans sa demande en restitution de l'effet suspensif. Sa dangerosité n'était pas avérée, il ne s'agissait que de soupçons. La décision de l'OCV relevait du déni de justice, du formalisme administratif voir d'un abus d'autorité. Selon l'art. 15d LCR, une enquête était diligentée lorsque la conduite en état d'ébriété était de 1.6 gr. /00 ou plus ou d'un taux d'alcool dans l'haleine de 0.8 mg ou plus. Or, elle se trouvait en dessous de ces valeurs. Il n'existait que des soupçons non avérés d'alcoolisme. Par ailleurs, l'attitude de l'OCV était arbitraire. On l'avait tout d'abord informée qu'elle pouvait recouvrer son permis de conduire, avant qu'il ne lui soit retiré à nouveau. Elle s'était d'ailleurs portée volontaire pour une consultation avec un psychologue mais celle-ci avait été annulée par l'OCV. Le 29 juin 2023, Monsieur C______ de l'OCV l'avait reçue et s'était engagé à ce que son permis lui soit restitué provisoirement si elle faisait un contrôle avec un médecin de famille pour attester qu'elle n'était pas alcoolique, ce qu'elle avait fait, avec succès. Elle remplissait toutes les conditions techniques et pratiques de la conduite.

19.         Par réplique du 20 septembre 2023, l'OCV a persisté dans ses conclusions et déterminations. Il a souligné que la recourante était titulaire d'un permis de conduire à l'essai obtenu le 13 avril 2022 et soumis à une période probatoire de trois ans durant laquelle, il lui était notamment interdit de conduire sous l'influence de l'alcool (art. 16a al. 1 let. c et 31 al. 2bis LCR). Les comportements de l'intéressée démontraient un mépris crasse de la législation en vigueur. Malgré les différentes relances et sommations, elle n'avait toujours pas déposé son permis et ne dissociait manifestement pas la conduite et la consommation d'alcool.

20.         Le 29 septembre 2023, Mme A______ a dupliqué, reprenant en substance, la motivation contenue dans ses précédentes écritures.

21.         Par décision DITAI/4______ du 3 octobre 2023, le tribunal a rejeté la demande d'effet suspensif au recours formé par Mme A______. Cette dernière a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice par acte du 16 octobre 2023.

22.         Dans ses observations du 10 octobre 2023, l'OCV a persisté dans les termes de sa décision du 26 juillet 2023. Il a en substance estimé que l'art. 15a al. 4 LCR devait s'appliquer également en cas de réitération, soit lorsqu'une infraction a été commise mais que le retrait de permis n'avait pas encore été exécuté ou que la décision y relative n'avait pas encore été prononcée. L'expertise par un médecin du trafic de niveau 4 associée à une expertise psychologique se justifiait car Mme A______ n'était pas capable de dissocier la conduite et la consommation d'alcool, qu'elle n'avait pas pris conscience des risques inhérents à la conduite en état d'ébriété et qu'elle avait en outre adopté un comportement agressif et/ou non coopératif, ce qui était conforme au guide de l'aptitude à la conduite du 27 novembre 2020. Au surplus, l'intéressée avait admis dans ses écritures continuer à conduire malgré le retrait de permis, s'obstinait à ne pas se présenter aux convocations de la police qu'elle avait tenté de fuir lors du contrôle du 31 mars 2023. Il a produit une copie du rapport de renseignements du 14 septembre 2023 d'où il ressort que Mme A______ n'avait pas restitué son permis de conduire malgré sommation et ne s'était pas présentée à l'audition du même jour fixée par la police pour l'entendre sur ces faits et conduite sans autorisation. Il était précisé que la police l'avait jointe par téléphone le 11 septembre 2023 et qu'elle avait précisé ne pas être poursuivie pour conduite sous défaut du permis de conduire et qu'on devait l'autoriser à faire usage de son permis de conduire.

23.         Dans sa duplique du 9 novembre 2023, Mme A______, sous la plume de son conseil, a conclu, sous suite de frais, principalement à l'annulation de la décision de l'OCV du 26 juillet 2023 et à ce qu'il soit rendu une nouvelle décision prolongeant sa période probatoire d'un an, subsidiairement à l'annulation de la décision rendue par l'OCV du 26 juillet 2023 et à ce que la cause soit renvoyée à l'autorité inférieure avec des instructions au sens des considérants.

Puisqu'aucune décision de retrait n'avait été prononcée au moment de la commission de la 2ème infraction le 24 avril 2023, il ne s'agissait pas d'un cas de récidive selon l'art. 15a al. 4 LCR, si bien que la décision de caducité était injustifiée. S'agissant des conclusions de l'OCV sur l'expertise en médecine du trafic, le constat médical du 7 juillet 2023 attestant l'absence de traces de consommation d'alcool démontrait qu'elle était en mesure de dissocier la conduite et la consommation d'alcool. Elle avait de plus exprimé à plusieurs reprises ses regrets dans les différents échanges avec la police ainsi que dans les échanges intervenus dans le cadre de la présente procédure. Contrairement à l'interprétation faite par l'OCV, il fallait comprendre de ses lignes du 23 août 2023 qu'elle avait besoin de manière générale de son véhicule pour son travail, ce qui ne signifiait pas qu'elle l'avait utilisé pour autant. Enfin, son comportement agressif / non coopératif ne pouvait être supposé ni sur la base des infractions reprochées lors de son interpellation ni sur la base de son absence aux convocations policières, celle-ci ayant été justifiée par un certificat médical. Elle avait fait opposition à l'ordonnance pénale rendue à son encontre.

24.         Par courrier du 14 décembre 2023, l'OCV a indiqué ne pas avoir d'observations complémentaires à faire valoir.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Selon l'art. 15a LCR, le permis de conduire est tout d'abord délivré à l'essai pour trois ans (al. 1) ; en cas de retrait du permis en raison d'une infraction, la période probatoire est prolongée d'un an (al. 3). Quant à l'art. 15a al. 4 LCR, il prévoit que le permis de conduire à l'essai est caduc lorsque son titulaire commet une seconde infraction entraînant un retrait. Conformément à l'art. 15a al. 5 LCR, un nouveau permis d'élève conducteur peut être délivré à la personne concernée au plus tôt un an après l'infraction commise et uniquement sur la base d'une expertise psychologique attestant son aptitude à conduire, étant précisé que ce délai est prolongé d'un an si la personne concernée a conduit un motocycle ou une voiture automobile pendant cette période.

5.             Le permis de conduire à l'essai a été introduit avec la révision de la LCR entrée en vigueur le 1er décembre 2005. Celle-ci avait pour but d'améliorer la formation à la conduite automobile en vue d'aider les groupes les plus « accidentogènes » à s'intégrer plus sûrement dans la circulation. Il était prévu d'inviter les conducteurs à un comportement plus respectueux des règles de la circulation et de diminuer les risques d'accident en sanctionnant par des mesures plus sévères - pouvant aller jusqu'à l'annulation du permis de conduire - ceux et celles qui compromettent la sécurité de la route par des infractions (Message concernant la modification de la LCR, in FF 1999 IV 4106, spéc. 4108 ; cf. également ATF 136 II 447 consid. 5.1 et 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_97/2016 du 2 juin 2016 consid. 2.2.2 ; 1C_559/2008 du 15 mai 2009 consid. 3.1, publié in JdT 2009 I 516).

6.             L'art. 15a LCR oblige les nouveaux conducteurs à démontrer leurs aptitudes pratiques en matière de conduite pendant une période probatoire de trois ans avant qu'un permis de conduire de durée illimitée ne leur soit définitivement octroyé. Au cours de la période probatoire, le nouveau conducteur doit faire la démonstration d'un comportement irréprochable dans la circulation. Les infractions aux règles de la circulation commises par les titulaires de permis de conduire de durée limitée ne déclenchent ainsi pas uniquement des sanctions pénales et des mesures administratives; durant la période probatoire, elles rendent également plus difficile l'octroi du permis de conduire de durée illimitée (ATF 136 I 345 consid. 6.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_226/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2 et la référence).

7.             Les retraits de permis (en raison d'infractions selon les art. 16a à 16c LCR) entraînent une prolongation de la période probatoire d'une année. La période probatoire n'est pas réussie (et le permis à l'essai tombe) si une deuxième infraction entraînant le retrait du permis de conduire est commise pendant la période probatoire (Message du Conseil fédéral du 31 mars 1999 concernant la modification de la LCR, in FF 1999 p. 4130 ; ATF 136 I 345 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_226/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2).

8.             Ce nouvel instrument poursuit une fonction éducative et son but est notamment de diminuer les accidents en sanctionnant de manière plus sévère ceux qui compromettent la sécurité routière (ATF 136 II 447 consid. 5.1 et 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_226/2014 du 28 août 2014 consid. 2.2 ; 1C_559/2008 du 15 mai 2009 consid. 3.1, in JdT 2009 I 516). Il équivaut à un retrait de sécurité pour déficience caractérielle, dont l'exécution répond à un objectif de sécurité routière (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_526/2016 du 21 décembre 2016 consid. 7.5), étant en effet souligné que cette mesure ne tend pas, en tant que telle, à réprimer une infraction fautive à une règle de la circulation, mais est destinée à protéger la sécurité du trafic contre les conducteurs considérés comme inaptes (cf. not. ATF 133 II 331 consid. 9.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_819/2013 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 6A.33/2001 et 35/2001 du 30 mai 2001 consid. 3a ; 6A.114/2000 du 20 février 2001 consid. 2).

Par ailleurs, pour les nouveaux conducteurs, l'annulation du permis à l'essai ne dépend pas de la gravité de l'infraction. L'élément déterminant est plutôt la présence d'une première infraction ayant entraîné le retrait du permis (et la prolongation de la période d'essai) et d'une seconde infraction conduisant elle aussi à un retrait. En effet, selon la ratio legis, une seule infraction grave ou moyennement grave commise pendant la période probatoire ne provoque pas la caducité du permis, alors que celui qui se rend coupable d'une deuxième infraction pendant cette période montre qu'il ne dispose pas de la maturité nécessaire pour conduire un véhicule. Une seconde infraction conduit ainsi à l'annulation du permis à l'essai même si le retrait prononcé pour la première infraction n'est pas encore entré en force et/ou n'a pas été exécuté (ATF 136 II 447 consid. 5.3).

9.             L'art. 15a al. 4 LCR définit ainsi une présomption d'inaptitude à la conduite en cas de seconde infraction entraînant un retrait pendant la période probatoire (arrêts du Tribunal fédéral 1C_526/2016 du 21 décembre 2016 consid. 7.1 ; 1C_97/2016 du 2 juin 2016 consid. 2.2.2 ; 1C_67/2014 du 9 février 2015 consid. 4.1 ; cf. également C. MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait du permis de conduire, 2015, n. 82.2.3 p. 640 s. et les références). Il prévoit impérativement la caducité du permis de conduire à l'essai si le conducteur concerné fait l'objet d'un second retrait de permis ; aucune solution moins contraignante n'est autorisée. Cette mesure d'annulation du permis à l'essai résulte en effet d'un choix délibéré du législateur justifié par le danger que représentent pour les divers usagers de la route les conducteurs visés par cette disposition (arrêts du Tribunal fédéral 1C_97/2016 du 2 juin 2016 consid. 2.4 ; 1C_361/2014 du 26 janvier 2015 consid. 4.2).

10.         Pour déterminer la durée et s'il y a lieu de prononcer un retrait d'admonestation, la LCR distingue les infractions légères, moyennement graves et graves (art. 16a à 16c LCR).

11.         Selon l'art. 16c al. 1 let. b LCR, commet une infraction grave celui qui conduit un véhicule automobile en état d'ébriété et présente un taux d'alcool qualifié dans l'haleine ou dans le sang.

Selon l'art. 2 de l'ordonnance de l'Assemblée fédérale concernant les taux limites d'alcool admis en matière de circulation routière du 15 juin 2012 (RS 741.13), sont considérés comme qualifiés un taux d'alcool dans le sang de 0,8 gramme pour mille ou plus (let. a), ou un taux d'alcool dans l'haleine de 0,4 mg ou plus par litre d'air expiré (let. b).

12.         Après une infraction grave, le permis d'élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour trois mois au minimum (art. 16c al. 2 let. a LCR).

13.         En l'espèce, la recourante, titulaire du permis de conduire à l'essai, a fait l'objet d'un retrait de permis en raison d'une conduite en état d'ébriété qualifiée le 31 mars 2023. Elle a commis une deuxième infraction le 24 avril 2023 en conduisant à nouveau en état d'ébriété qualifiée et alors qu'elle se trouvait sous interdiction de conduire, ce qu'elle ne conteste au demeurant pas. Vu son taux d'alcoolémie lors de son arrestation le 24 avril 2023, soit 0.55 mg/l (1.10 /00), il s'agit d'une infraction grave au sens de l'art. 16c al. 1 let. b LCR entraînant un retrait de permis sans dérogation possible (art. 16c al. 2 let. a LCR).

14.         Il est ainsi manifeste qu'elle a commis deux infractions à la LCR, lesquelles entraînent automatiquement un retrait de permis, durant la période probatoire de son permis de conduire à l'essai. Le fait qu'aucune décision de retrait pour la deuxième infraction n'ait été formellement prononcée avant la décision de caducité du permis de conduire du 26 juillet 2023 ne fait pas obstacle à l'application de l'art. 15a al. 4 LCR, l'OCV ne disposant à cet égard d'aucune marge d'appréciation.

15.         La recourante conteste également la portée de la sanction qui lui a été infligée, dans la mesure où elle prévoit une obligation de se soumettre à une expertise auprès d'un médecin de niveau 4 associée à une expertise psychologique afin d'élucider les doutes quant à son aptitude à la conduite, avant toute demande de restitution.

16.         Conformément à l'art. 15a al. 5 LCR, un nouveau permis d’élève conducteur peut être délivré à la personne concernée par un permis de conduire à l'essai devenu caduc au plus tôt un an après l’infraction commise et uniquement sur la base d’une expertise psychologique attestant son aptitude à conduire, étant précisé que ce délai est prolongé d’un an si la personne concernée a conduit un motocycle ou une voiture automobile pendant cette période.

17.         Quant au Guide de l'aptitude à la conduite du 27 novembre 2020, il constitue une simple recommandation, étant admis que les mesures préconisées pour chaque groupe de cas représentent des lignes directrices dont il est toutefois possible de s’écarter lorsque la situation le justifie (cf. Guide de l'aptitude à la conduite, 2 Avant-propos, p. 4).

18.         Sous l'angle du principe de la proportionnalité, l'exigence de l'expertise auprès d'un médecin de niveau 4 associée à une expertise psychologique est apte à atteindre le but qu'elle poursuit, à savoir de s'assurer que la recourante ne retourne dans la circulation routière qu'à condition qu'il soit démontré qu'elle est apte à la conduite de véhicules à moteur, notamment après prise de conscience concrète qu'elle ne peut consommer de l'alcool et prendre le volant. Aucune autre mesure moins incisive ne semble de nature à atteindre un tel but. Enfin, l'atteinte qu'elle porte aux intérêts privés de la recourante se justifie au regard du but d'intérêt public qu'elle poursuit, étant relevé la gravité de son comportement ayant récidivé dans un très court laps de temps, alors qu'il lui avait fait interdiction de conduire, son absence de prise de conscience ainsi que les faits de tentative de fuite, d'injure et de blessures consignés dans le rapport d'arrestation du 31 mars 2023. Par son comportement, la recourante fait sérieusement douter de son aptitude à mesurer les risques qu'elle peut faire encourir à autrui et à elle-même. Enfin, l'attestation médical de son médecin du 7 juillet 2023 ne saurait constituer une expertise psychologique au sens de l'art. 15a al. 5 LCR. Il n'est ainsi pas apte à attester d'une quelconque aptitude à la conduire de l'intéressée.

19.         Enfin, la recourante allègue des besoins professionnels, sans toutefois les étayer ni les démontrer. En tout état et eu égard aux biens juridiquement protégés, ils ne peuvent avoir pour effet de faire obstacle à la caducité du permis de conduire à l'essai après deux infractions au sens de l'art. 15a al. 4 LCR.

20.         Il s’ensuit que la décision de l’OCV doit être confirmée et le recours rejeté.

21.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 800.-. ; il est partiellement couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. 

22.         Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 31 juillet 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 26 juillet 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 800.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions de la recourante. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose la recourante.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière