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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1663/2023

JTAPI/81/2024 du 31.01.2024 ( DOMPU ) , REJETE

Descripteurs : AMENDE;DÉCHET DE CHANTIER
Normes : LGD.17; LGD.43; LPE.7.al6; LPE.31; Règlement LC 44 911 Versoix.24.al8; Règlement LC 44 911 Versoix.39.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1663/2023 DOMPU

JTAPI/81/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 31 janvier 2023

 

dans la cause

 

A______

 

contre

B______

 


EN FAIT

1.             A______ est une entreprise individuelle active dans le domaine du bâtiment et de la construction. Son siège social est sis à Rolle, ______[VD].

2.             Par décision datée du 7 mars 2023, la ville de B______ (ci-après : la commune), soit pour elle son service des travaux, voirie et espace public, a infligé à A______ une amende de CHF 500.- pour avoir déposé sur le territoire communal des déchets alors qu'elle n'y est pas domiciliée, le jeudi 6 avril 2023, ce qui contrevenait à l'art. 24 al. 8 de son règlement communal relatif à la gestion des déchets (LC 44 911), (ci-après : le règlement LC 44 911).

Il avait été constaté que trois personnes utilisatrices d'un véhicule utilitaire de marque Mercedes Benz, immatriculé VD 1______ lui appartenant, avaient déposé des déchets encombrants dans l'enceinte du point de collecte C______.

3.             Par acte du 12 mai 2023, A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant implicitement à son annulation et subsidiairement, à la réduction de l'amende au minimum prévu par le règlement.

Les déchets déposés à la déchetterie, soit du bois, appartenaient à une habitante de B______, Madame D______, domiciliée ______[VD]. Il apparaissait dès lors normal de les déposer à la déchetterie de B______. Dès que les collaborateurs de la déchetterie l'avaient informée de la situation, les déchets avaient été replacés dans le fourgon de sorte qu'aucun déchet ne reste sur place. La décision querellée était datée du 7 mars 2023 mais avait été postée le 5 mai 2023. Enfin, le montant de l'amende était excessif et totalement arbitraire.

La recourante a produit l'enveloppe contenant la décision attaquée, avec un timbre postal daté du 5 mai 2023, en courrier A.

4.             Dans ses observations du 25 mai 2023, la commune a relevé qu'un agent d'exploitation de la voirie assermenté, Monsieur E______, avait surpris trois personnes de l'entreprise A______ en train de déposer des déchets encombrants sur le point de collecte C______. M. E______ leur avait demandé de reprendre les déchets, ce qu'ils n'avaient fait que partiellement puisque quelques planches avaient été laissées sur ladite infrastructure. Les trois personnes s'étaient montrées si agressives à l'égard de M. E______ et de l'apprenti qui l'accompagnait que l'équipe du sous-traitant en charge de la levée mensuelle des déchets encombrants et de la ferraille, la société F______, avait dû les apaiser.

Une photographie du véhicule incriminé était jointe aux observations.

5.             Dans sa réplique du 7 juillet 2023, A______ a confirmé qu'aucun déchet déposé n'était resté sur place et qu'il y en avait déjà lorsqu'elle était arrivée sur les lieux.

6.             La commune n'a pas dupliqué dans le délai imparti.

7.             Par courrier du 24 novembre 2023, le tribunal a imparti un délai au 6 décembre 2023 à la recourante pour qu'elle produise tout moyen de preuves attestant que les déchets déposés appartenaient à Mme D______.

8.             Le même délai a été imparti à la commune pour produire le dossier complet relatif à l'infraction contestée, incluant le procès-verbal établi par M. E______.

9.             Par courrier du 28 novembre 2023, A______ a transmis au tribunal une facture datée du 6 avril 2023 adressée à Mme D______ pour des travaux de couverture avec nettoyage après chantier et évacuation des déchets.

10.         Par envoi du 1er décembre 2023, la commune a précisé que les déchets déposés par A______ étaient des déchets de chantier, lesquels ne pouvaient pas être collectés dans l'enceinte du point de collecte C______, destiné aux déchets urbains incinérables, assimilables à des ordures ménagères et recyclables des ménages privés. Par ailleurs, et même si les déchets provenaient de Mme D______, il n'en demeurait pas moins que la recourante en était devenue détentrice et qu'elle devait en assumer le transport et l'élimination comme le prévoyait l'art. 31c al. 1 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement, LPE - RS 814.01).

11.         Il ressort du procès-verbal du 6 avril 2023 établi par M. E______ que le dépôt sur le territoire de la commune de tout type de déchets par des personnes qui n'y étaient pas domiciliées avait été constaté le jeudi 6 avril 2023 à 9h56 au PDR C______ et que le contrevenant était A______. Dans la rubrique remarque, il était indiqué :"Présence sur le point de collecte PDR C______ de trois personnes utilisatrices d'un véhicule utilitaire de marque Mercedes Benz, modèle Vito 111 CDI, de couleur blanche, immatriculé VD 1______, occupées à déposer des déchets encombrants dans l'enceinte du point de collecte C______. La photographie du véhicule de la recourante fait partie du procès-verbal."

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par la commune de Versoix en application de la loi sur la gestion des déchets du 20 mai 1999 (LGD - L 1 20) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 50 LGD).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Conformément à l'art. 31b al. 1 LPE, les déchets urbains, les déchets de la voirie et des stations publiques d’épuration des eaux usées ainsi que les déchets dont le détenteur ne peut être identifié ou est insolvable, sont éliminés par les cantons. Les autres déchets doivent être éliminés par le détenteur étant précisé qu'il peut charger un tiers d’assurer cette élimination (art. 31c al. 1 LPE). Dans la mesure où cela est nécessaire, les cantons prennent des mesures propres à faciliter l’élimination de ces déchets. Ils peuvent notamment définir des zones d’apport (art. 31c al. 1 LPE).

4.             Par déchets, on entend les choses meubles dont le détenteur se défait ou dont l’élimination est commandée par l’intérêt public (art. 7 al. 6 LPE). Les autres déchets au sens de l'art. 31c al. 1 LPE sont notamment les déchets de chantier, lesquels font l'objet d'une réglementation spécifique (Flückiger in : Moor/Favre/Flückiger, Commentaire LPE, éd. 2010, ad art. 31c, p. 3). On parle de déchets de chantier lorsque ceux-ci sont produits lors de la construction, de la transformation ou de la déconstruction d’installations fixe (art. 3 let. e de l’ordonnance sur la limitation et l’élimination des déchets du 4 décembre 2015 (OLED - RS 814.600).

5.             L'obligation d'éliminer s'impose au détenteur des déchets. Le détenteur est celui qui a, en fait, un pouvoir de disposition sur les déchets (arrêt du Tribunal fédéral 1A.222/2005 du 12 avril 2006 consid. 5.1). Il ne s'agit donc pas nécessairement de la personne qui est à l'origine de leur production (ATF 119 Ib 492, p. 502). Tous les acteurs du cycle d'élimination des déchets sont visés et non seulement le premier détenteur ; la personne qui collecte des déchets, s'occupe de leur stockage provisoire ou en assure l'élimination d'une manière ou d'une autre est ainsi un détenteur (Flückiger in : Moor/Favre/Flückiger, Commentaire LPE, éd. 2010, ad art. 7, p. 14, N. 25). Ni la qualification en droit civil (propriété, possession) ni la fonction de perturbateur ne sont déterminantes (arrêt du Tribunal fédéral 1A.222/2005 du 12 avril 2006 consid. 5.1).

6.             La LGD a pour but de régler la gestion de l'ensemble des déchets résultant de l'activité déployée sur le territoire du canton ou éliminés à Genève, à l'exclusion des déchets radioactifs ; elle constitue la loi d'application des dispositions prévues en matière de déchets par la LPE et ses ordonnances d'application (cf. art. 1 LGD).

7.             Selon l'art. 17 du règlement d'application de la LGD du 28 juillet 1999 (RGD - L 1 20.01), les communes peuvent édicter des règlements communaux sur le bon fonctionnement de leurs infrastructures de collecte et sur leur gestion des déchets ménagers (al. 1), ces règlements pouvant prévoir les sanctions et les mesures prévues dans la loi (al. 2).

8.             Le règlement de la commune de B______ régit la collecte, le transport et l'élimination des déchets sur son territoire, en conformité avec les plans de gestion des déchets du canton, les législations fédérales et cantonales (art. 2 al. 1 du règlement LC 44 911).

9.             Il prévoit notamment que le dépôt sur le territoire de la commune de tout type de déchets par des personnes qui n'y sont pas domiciliées est interdit (art. 24 al. 8 du règlement LC 44 911).

10.         En vertu de l'art. 43 al. 1 LGD, est passible d’une amende administrative de 200 francs à 400 000 francs tout contrevenant aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi (let. b).

11.         Selon l'art. 39 al. 1 du règlement LC 44 911, est passible d’une amende administrative de 100 F à 60 000 F tout contrevenant à la LGD et au RGD (let. a), au présent règlement (let. b) et aux ordres donnés par le Conseil administratif ou un de ses représentants en application de la LGD, de son règlement d’application et du présent règlement communal (let. c).

12.         Les amendes peuvent être infligées tant à des personnes morales qu'à des personnes physiques (art. 43 al. 2 LGD).

13.         Les amendes sont infligées par le Conseil administratif sur la base d’un procès-verbal établi par ses représentants ayant constaté la ou les infractions (art. 39 al. 2 du règlement LC 44 911).

14.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (cf. not. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7c ; ATA/206/2020 du 25 février 2020 consid. 4b ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6b et les références citées).

15.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les art. 1 à 110 CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif aux infractions prévues par la législation genevoise, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal, comme notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP (not. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/403/2019 du 9 avril 2019 consid. 7b ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6c).

16.         Il est ainsi en particulier nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (cf. not. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d et les références citées).

17.         Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende (ATA/403/2019 du 9 avril 2019 consid. 7c ; ATA/1277/2018 du 27  novembre 2018 consid. 6d). Le juge ne la censure qu'en cas d'excès (ATA/403/2019 précité ; ATA/1277/2018 précité).

18.         Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 Cst. (cf. ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d et les arrêts cités ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/871/2015 du 25 août 2015 ; ATA/824/2015 du 11 août 2015), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (cf. ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3).

19.         En l'espèce, la recourante ne conteste pas avoir laissé du bois au conteneur de C______ le 6 avril 2023. S'agissant de bois issus de travaux de couverture et dont elle avait la responsabilité d'évacuation selon la facture du 6 avril 2023, ils doivent être qualifiés de déchets de chantier. Dans la mesure où elle avait de fait un pouvoir de disposition sur celui-ci et qu'elle l'a collecté en vue de son élimination, il est indéniable qu'elle doit être considérée comme la détentrice de ces déchets de chantier qu'elle se devait par ailleurs, d'évacuer elle-même (art. 31c al. 1 LPE). N'étant pas domiciliée sur la commune de B______, la recourante ne pouvait pas déposer le bois dans un conteneur de cette commune sous peine de violer l'art. 24 al. 8 du règlement LC 44 91, quand bien-même celui-ci était issu d'un chantier sis à B______. Enfin, le fait qu'elle ait retiré les déchets après avoir été surpris par un agent de la voirie, ne change rien au fait qu'elle les avait entreposés au préalable. L’amende apparait ainsi fondée dans son principe.

20.         S’agissant de sa quotité, la recourante estime toutefois le montant de l’amende excessif et totalement arbitraire.

21.         Le montant de l'amende de CHF 500.- apparaît proportionné par rapport à l'infraction commise et à la faute de la recourante, dès lors qu'il se situe dans le bas de la fourchette fixée par la loi et qu'en sa qualité d'entreprise active dans le domaine de la construction, elle se devait de ne pas utiliser une infrastructure de collecte pour déchets ménagers afin d'éliminer des déchets de chantier, de surcroit dans une commune qui en exclut l'usage aux non domiciliés. Compte tenu du pouvoir d'appréciation conféré à l'autorité en la matière, ce montant ne prête pas le flanc à la critique.

22.         Vu les éléments précités, le grief de l'arbitraire invoqué par la recourante apparait dénué de fondements.

23.         Au vu de ce qui précède, l’amende sera confirmée, tant dans son principe que sa quotité et le recours sera rejeté.

24.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 250.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 12 mai 2023 par A______ contre la décision de la ville de B______ du 7 mars 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 250.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Gwénaëlle GATTONI, présidente, Oleg CALAME et Aurèle MULLER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Gwénaëlle GATTONI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

 

Genève, le

 

La greffière