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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3647/2023

JTAPI/48/2024 du 22.01.2024 ( AMENAG ) , REJETE

ATTAQUE

Descripteurs : PROTECTION DE LA NATURE ET DU PAYSAGE;DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION
Normes : LPN.18; OPN.14; LPA.60.al1.lete; LPA.4.al4; LPA.62.al6
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3647/2023 AMENAG

JTAPI/48/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 janvier 2024

 

dans la cause

 

A______, B______, C______, D______, représentées par Me Alain MAUNOIR, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCAN

 


EN FAIT

1.             A______ (ci-après : A______) est une association d'importance nationale fondée en 1909.

2.             Section cantonale de B______ créée en 1928, B______ est une association d'importance cantonale à but idéal dont l'objectif est notamment de protéger l'environnement afin de préserver les bases naturelles des conséquences nuisibles des activités humaines, entretenir des réserves naturelles pour la faune et la flore et assurer la sauvegarde de sites particuliers.

3.             C______ est une association d'importance nationale fondée en 1961.

4.             Section cantonale de C______ créée en 1972, D______ est une association d'importance cantonale à but idéal dont les objectifs tendent notamment à la préservation de la biodiversité locale, la prise en compte de l'environnement dans l'aménagement du territoire, la promotion de la transition énergétique, la lutte contre la surconsommation et la protection du climat.

5.             Par courrier du 23 mai 2023, B______ et D______ ont requis du département du territoire (ci-après : DT ou le département) - office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN ou l'office) une demande de constatation de biotopes dignes de protection portant sur les parcelles n° 1______, n° 2______, n° 3______, n° 4______, n° 5______, n° 6______, n° 7______, n° 8______, n° 9______, n° 10______, n° 11______, n° 12______ et n° 13______ de la commune de E______ (ci-après : la commune), au lieu-dit « F______» (G______).

En substance, elles relevaient que la partie supérieure du G______, située sur une partie des parcelles n° 14______ et n° 11______ correspondait à plusieurs habitats de la salamandre tachetée, espèce d'amphibien protégée et rappelait les obligations du canton en matière de protection des biotopes d’importance locale et régionale.

6.             Aucune suite n’a été donnée à ce courrier.

7.             Par courrier du 13 juillet 2023, A______, B______, C______ et D______ (ci-après : les associations), sous la plume d’un conseil, ont imparti au DT-OCAN un délai au 31 août 2023 pour rendre une décision de mise sous protection en application de l'art. 14 al. 5 de l’ordonnance du 16 janvier 1991 sur la protection de la nature et du paysage (OPN - RS 451.1).

8.             Par courrier du 19 juillet 2023, le service de la biodiversité du DT-OCAN a répondu que le dossier était en traitement depuis la réception de la première demande et qu'au vu de la complexité du sujet, une décision ne pourrait être prise dans le délai imparti. D’ici là, des pistes pourraient, au mieux, être évoquées et proposées aux intéressées.

9.             Le 21 septembre 2023, les associations ont imparti au DT-OCAN un ultime délai au 3 octobre 2023 pour statuer, faute de quoi elles saisiraient l'autorité de recours pour déni de justice.

10.         Par courrier du 3 octobre 2023, le service de la biodiversité du DT-OCAN a rappelé que le secteur de F______ faisait l'objet de diverses études en vue de construire une demi-bretelle de sortie d'autoroute et la route qui permettrait le lien en direction de la zone industrielle H______, connue sous l'appellation « I______». Comme ces ouvrages impacteraient certaines des parcelles concernées par la demande de mise sous protection et changeraient sensiblement les caractéristiques du lieu, il s'efforçait, avec les autres services concernés, notamment ceux de l'office cantonal des transports (OCT) et de l’office cantonal du génie civil (OCGC), qui pilotaient le dossier, de faire minimiser les emprises et d'intégrer des remplacements et compensations de qualité dans les projets en amont, par exemple des micro-habitats favorables aux espèces identifiées sur place et le rétablissement des corridors biologiques sous forme de passage à faune quand cela était possible et pertinent. A cet égard, il priorisait un accompagnement fort lors de cette phase projet, puis lors de celle de la mise en œuvre des constructions pour éviter les effets collatéraux néfastes et, surtout, il s'assurerait que les compensations, notamment l'amélioration de la qualité des habitats par la plantation de forêts claires favorables à la salamandre, seraient bien réalisées. C’était une fois l'ensemble des constructions terminées et les entretiens mis en place, qu'il conviendrait de réévaluer le gain et la nécessité d'une mise sous protection étant précisé que les intéressées étaient intégrées dans les discussions relatives aux minimisations et compensations.

11.         Par acte du 6 octobre 2023, les associations ont formé recours au Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI ou le tribunal) pour déni de justice, concluant à ce qu’il soit constaté que le DT avait refusé de statuer au sujet de la demande de mise sous protection des milieux naturels dignes de protection, respectivement de biotopes, au sens des art. 18 et suivants de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage du 1er juillet 1966, (LPN - RS 451), situés sur les parcelles concernées, à ce qu’il soit condamné à engager, dans un délai de quatre semaines dès réception du jugement à rendre, une procédure de constatation de milieux naturels sur les parcelles susmentionnées, par exemple en appliquant par analogie les dispositions relatives à la mise à l'inventaire prévues aux art. 7 et ss loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05), puis à statuer par une décision administrative conforme à l'art. 46 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) ; subsidiairement, elles ont conclu à l’annulation du courrier du 3 octobre 2023 du DT, dans l'hypothèse où il devrait être qualifié de décision administrative et au renvoi du dossier à ce dernier pour qu'il constate l'existence de biotopes dignes de protection sur les parcelles susmentionnées ; plus subsidiairement, la présence de biotopes d'importance locale ou régionale, au sens de l'art. 18b al. 1 LPN notamment, devait être constatée sur tout ou partie des parcelles susmentionnées, le tout sous suite de frais et dépens.

Depuis de nombreuses années, mais en tout cas depuis 2018, la partie supérieure du G______, située notamment sur les parcelles n° 10______ et n° 11______ correspondait à plusieurs habitats de la salamandre tachetée. Ces périmètres comprenaient notamment une zone de reproduction, une zone de chasse et d'hivernage, ainsi qu'une zone de vie terrestre. La parcelle n° 11______ accueillait par ailleurs un site prioritaire pour les plantes vasculaires, listé (n°______) dans le tableau des sites prioritaires établi notamment par le Conservatoire et Jardin botaniques de la Ville de Genève, ainsi qu’un site prioritaire flore, compte tenu de la présence de prairies grasses. On retrouvait également sur lesdites parcelles, ainsi que sur les parcelles à proximité la lisière de forêts, respectivement des forêts (cf. notamment parcelles n° 10______, n° 2______, n° 11______, n° 12______, n° 7______, n° 1______, n° 4______ et n° 5______), des zones humides au sens de la convention de RAMSAR (cf. notamment parcelles n° 1______, n° 4______, n° 5______, n° 7______, n° 3______, n° 8______ et n° 12______), des zones de repos et de nourriture au sens de l'ordonnance sur les réserves d'oiseaux d'eau et de migrateurs d'importance internationale et nationale (OROEM – RS 922.32 ; cf. notamment parcelles n° 1______, n° 4______, n° 5______, n° 7______, n° 3______, n° 8______ et n° 12______), des périmètres visant à permettre la conservation des habitats spécifiques des espèces particulièrement menacées au sens de l'ordonnance sur la protection des sites de reproduction de batraciens d'importance nationale du 15 juin 2001
(OBat – RS 451.34 ; cf. notamment parcelles n° 1______, n° 4______, n° 5______, n° 7______, n° 3______, n° 8______, n° 11______ et n° 12______), des zones catégorisées en site émeraude (cf. notamment parcelles n° 1______, n° 4______, n° 5______, n° 7______, n° 3______, n° 8______, n° 11______ et n° 12______) et des périmètres appartenant au réseau écologique national (REN) - zones humides.

En tant qu'associations d'importance nationale respectivement cantonale fondées depuis plus de trois ans, à but idéal, et dont les objectifs étaient notamment de protéger l'environnement, respectivement la préservation de la biodiversité locale ainsi que la prise en compte de l'environnement dans l'aménagement du territoire, elles disposaient de la qualité pour recourir, en application des art. 60 al. 1 let. e LPA, 63 LPMNS et 12 LPN.

Au fond, selon le droit fédéral et la jurisprudence, les cantons avaient l'obligation de mettre en œuvre le mandat impératif qui leur était assigné par la législation fédérale, en désignant les biotopes d'importance locale ou régionale par le biais d'une décision administrative formelle. En effet, la protection des biotopes d'importance régionale et locale « impliquait tout d'abord que le canton désigne les biotopes entrant en ligne de compte et qu'il fixe les buts visés par leur protection, car ceux-ci ne ressortaient tout simplement pas des notions imprécises dont se servait la loi. A la différence de ce qui se passait pour les biotopes d'importance nationale, les cantons étaient tenus d'assumer leur devoir de protection. Il leur incombait à cet égard de réglementer la procédure, étant précisé qu'ils devraient le plus souvent pouvoir recourir à celles dont ils disposaient déjà. Ils disposaient également d'instruments tels que la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700).

Selon l'art. 18b al. 1 LPN, les cantons veillaient à la protection et à l'entretien des biotopes d'importance régionale et locale. Par ailleurs, selon l'art. 14 al. 3 OPN, les biotopes étaient désignés comme étant dignes de protection sur la base notamment : de la liste des milieux naturels dignes de protection figurant à l'annexe 1, caractérisés notamment par des espèces indicatrices (let. a) ; des espèces de la flore et de la faune protégées en vertu de l'art. 20 OPN (let. b); des espèces végétales et animales rares et menacées, énumérées dans les listes rouges publiées ou reconnues par l'office fédéral de l'environnement (OFEV) (let. d).

Au sens de l'art. 20 al. 2 première phrase OPN, en plus des animaux protégés figurant dans la loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages du 20 juin 1986 (Loi sur la chasse, LChP – RS 922.0), les espèces désignées dans l'annexe 3 étaient considérées comme protégées, ainsi notamment les amphibia, soit tous les batraciens, dont la salamandre.

L'art. 14 al. 5 OPN précisait que les cantons prévoyaient une procédure de constatation appropriée pour prévenir toute détérioration de biotopes dignes de protection et toute violation des dispositions de protection des espèces figurant à l'art. 20.

En tant qu'associations cantonales, respectivement nationales, elles étaient ainsi en droit de solliciter de l'autorité cantonale compétente qu'une procédure de constatation soit engagée, en vue de la mise sous protection des biotopes situés sur les parcelles concernées. Or, malgré trois interpellations par courriers des 23 mai, 13 juillet et 21 septembre 2023, aucune décision formelle n'avait été rendue par l'OCAN, lequel reconnaissait pourtant « la présence de la salamandre tachetée, entre autres » dans le secteur visé et indiquait que « le gain et la nécessité d'une mise sous protection » seraient évalués « une fois l'ensemble des constructions terminées et les entretiens mis en place ». Dans la mesure où les autorisations de construire lesdites constructions n’avaient pas même été sollicitées à ce jour pas délivrées, cette évaluation n'interviendrait que dans plusieurs années, avec pour conséquence que l'essentiel des structures et espaces biologiques existants aurait été irrémédiablement détruit.

Force était dès lors de constater que l'OCAN n'avait rendu aucune décision depuis plus de cinq mois, respectivement refusé de rendre une décision, alors même qu'il lui incombait de le faire. Dans ces circonstances, le recours pour déni de justice devait être admis et le dossier renvoyé à l'OCAN afin qu’il engage une procédure de constatation des biotopes dignes de protection situés dans le périmètre du G______. La procédure de mise à l'inventaire (art. 7 LPMNS) pourrait être appliquée, par analogie.

12.         Dans ses observations du 23 novembre 2023, le département a conclu au rejet du recours sous suite de frais et dépens. Faute d'obligation de rendre une décision, il ne pouvait avoir commis de déni de justice.

A cet égard, selon l'art. 78 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), la protection de la nature et du patrimoine était du ressort des cantons (al. 1). Cependant, la Confédération légiférait sur la protection de la faune et de la flore et sur le maintien de leur milieu naturel dans sa diversité. Elle protégeait les espèces menacées d'extinction (al. 4). Cette dernière disposition était concrétisée par la LPN qui avait pour but de protéger la faune et la flore indigènes, ainsi que leur diversité biologique et leur habitat naturel (art. 1 let. d). Le législateur était conscient que la protection des espèces ne pouvait être indépendante de celle de leurs milieux. L'art. 18 al. 1 LPN prévoyait ainsi que la disparition d'espèces animales et végétales indigènes devait être prévenue par le maintien d’un espace vital suffisamment étendu (biotopes) ainsi que par d'autres mesures appropriées. La protection visée par les art. 18 à 23 LPN était à la fois quantitative et qualitative.

Pour bénéficier de la protection de l'art. 18 LPN, les biotopes devaient respecter certaines conditions. La notion de biotope était précisée à l'art. 18 al. Ibis LPN, qui prévoyait une protection toute particulière notamment pour les associations forestières rares, les haies, les bosquets, ainsi que pour les autres milieux qui jouaient un rôle dans l'équilibre naturel ou présentaient des conditions particulièrement favorables pour les biocénoses.

L'art. 18b LPN chargeait les cantons de veiller à la protection et à l’entretien des biotopes d'importance régionale et locale. Les notions d'importance régionale et locale dépendant des cantons, il leur appartenait de désigner les « espaces vitaux suffisamment étendus » dignes de protection (cf. art. 14 al. 3 et 4 OPN) et ils disposaient pour cette tâche d'une importante marge d'appréciation, car le droit fédéral ne prévoyait pas la protection de l'ensemble des biotopes.

Selon l'art. 14 al. 2 OPN, la protection des biotopes pouvait être assurée de diverses manières. Parmi ces dernières figuraient les mesures d'aménagement du territoire (let. c), mais aussi les autres mesures adéquates réservées par l'art. 17 al. 2 LAT, notamment les inventaires, les procédures de classement, l'édiction de prescriptions dans les règlements des zones et des constructions. Dans son principe, l'obligation de protéger les biotopes d'importance régionale et locale découlait néanmoins directement et impérativement du droit fédéral. Le mandat impératif impliquait à tout le moins que les autorités connaissent les divers biotopes dignes de protection situés sur leur territoire ainsi que leur importance spatiale et fonctionnelle. Il n’était en particulier pas nécessaire à ce titre d'aménager une procédure de classement comme étape obligatoire, une procédure de planification approuvée par le canton pouvant apparaître comme suffisante.

Ni la LPN ni l'OPN ne fixaient de critères précis pour distinguer un biotope d'importance régionale d'un biotope d'importance locale. La législation fédérale ne déterminait au surplus ni les autorités compétentes ni la procédure à suivre.
L'art. 14 al. 5 OPN mentionnait simplement que les cantons devaient prévoir une procédure de constatation « appropriée ».

La doctrine avait, pour sa part, précisé, concernant cette procédure : « Aux termes de l'article 14 al. 5 OPN, les cantons prévoient une procédure de constatation appropriée pour prévenir toute détérioration de biotopes dignes de protection; la constatation d'un biotope ne nécessite notamment pas obligatoirement une procédure de décision ou de classement préalablement à l'adoption d'une zone à protéger au sens de l'article 17 LAT, une telle zone pouvant constituer une procédure de constatation appropriée au sens de l'article 14 al. 5 OPN. La protection des biotopes peut être assurée de diverses manières, parmi lesquelles les mesures d'aménagement du territoire, mais aussi les « autres mesures adéquates », réservées par l'article 17 al. 2 LAT, notamment les inventaires, les procédures de classement, l'édiction de prescriptions dans les règlements des zones et des constructions, la conclusion de contrats ou de conventions. Différentes mesures conservatoires sont également possibles, selon l'urgence (voir notamment les art. 10 LPNMS et 3 RPNMS en droit vaudois). L'adéquation de la procédure de constatation à adopter dépend des circonstances (Anne-Christine FAVRE, Fabia JUNGO, Chronique du droit de l'environnement, Deuxième partie: La protection de la forêt, des biotopes et du paysage, RDAF 2008 1 p. 307 ss, 329 13) et « Il n'y a pas d'instrument exclusif pour protéger les biotopes, ni d'injonction précise quant à l'instrument à utiliser à telle étape. Au contraire, ces outils sont interchangeables et cumulatifs, car chacun présente avantages et inconvénients. C'est en fonction du cas particulier que l'instrument doit être choisi. Des préférences dans l'opportunité de choisir l'une ou l'autre mesure ou telle combinaison de mesures peuvent être formulées. Elles dépendent notamment du type de biotope et du profil juridique du propriétaire du terrain - collectivité publique ou un privé encore que, malgré tout, chacune des possibilités de choix reste applicable pour chacune des hypothèses. Dans tous les cas, le respect de l'égalité de traitement implique le suivi d'une ligne cohérente dans le choix des instruments. Le choix de la mesure est aussi dicté par le principe de proportionnalité (Karin SIDI-ALI, La protection des biotopes en droit suisse, Schultess 2008, p. 193).

Le cadre fixé par l'art. 18b LPN était réalisé en droit cantonal par la LPMNS et le règlement sur la protection du paysage, des milieux naturels et de la flore du 25 juillet 2007 (RPPMF - L 4 05.11). Les dispositions du chapitre V de la LPMNS relatives à la protection de la nature et des sites, complétées par les chapitres I et III du RPPMF, étaient ici pertinentes. L’art. 5 al. 1 RPPMF disposait que lorsqu'elle nécessitait des mesures particulières d'entretien ou des restrictions d’exploitation, la protection des biotopes, des géotopes et de la flore était assurée, si possible, par une convention conclue avec le propriétaire et l'exploitant. Si aucune convention ne pouvait être conclue, ou si la nature du bien-fonds ou de l'objet à protéger l'exigeait, la mise sous protection durable s’opérait conformément aux dispositions prévues par la législation fédérale et cantonale sur la protection de la nature et du paysage, ainsi que celle relative à l'aménagement du territoire
(art. 6 al. 1 RPPMF).

Les instruments de protection prévus par ces textes pour les espèces végétales et les sites présentant un intérêt biologique ainsi que pour les biotopes dignes de protection étaient le plan de site d'une part, éventuellement en concours avec une procédure de modification de zone, dont la procédure était régie par les art. 38 et ss LPMNS et, d'autre part, la mise en réserve naturelle d'autre part (cf. art. 18 et ss RPPMF). Au surplus, afin d'assurer la protection des milieux naturels, le RPPMF attribuait à l’OCAN la tâche de répertorier les biotopes dignes de protection, de veiller à leur conservation, de prendre les dispositions de protection pour les objets prioritaires, en veillant notamment à leur affectation adéquate dans les plans d'aménagement et de fixer les mesures d'entretien et de gestion pour les biotopes dignes de protection et les réserves naturelles (cf. art. 17 let. a à d RPPMF). Enfin, en cas de danger imminent ou d'atteinte à l'un des objets décrits à l'art. 3 de ce règlement, l'art. 7 RPPMF instituait des mesures conservatoires.

Il en découlait en l'espèce que :

-          Le biotope à salamandres était connu, identifié et évalué (cf. rapport du service de la biodiversité du DT-OCAN, du 20 octobre 2022); il ne courait pas de danger imminent en l'état et bénéficiait de plus de la protection de la forêt qui l'abritait.

-          Le service de la biodiversité veillait à sa prise en considération dans le cadre des études relatives aux ouvrages routiers en cours et s'efforçait de faire minimiser les emprises.

-          Au stade actuel des études en cours dans le secteur de F______, le meilleur moyen de protéger le biotope n'avait pas encore été arrêté, car les impacts potentiels n’étaient pas définitivement évalués.

-          L'adéquation de l'instrument de protection à adopter dépendrait des circonstances précises du cas particulier. Ce faisant, le canton accomplissait le mandat impératif dont il était chargé.

-          Enfin, ni le droit fédéral ni le droit cantonal ne l’obligeaient à rendre la décision de constatation sollicitée.

-          De même, l’ATF 116 lb 203, consid. 5e, cité par les recourantes n'imposait pas aux cantons de désigner les biotopes d'importance locale ou régionale par le biais d'une décision administrative formelle, rappelant au contraire que les cantons étaient libres dans le choix des instruments de protection et que la désignation des biotopes passait par la procédure dont disposaient les cantons.

Il relevait encore qu’en lien avec la procédure de modification des limites de la zone industrielle de F______ (H______), laquelle découlait du grand projet J______, il lui avait été demandé, courant 2018, de se déterminer quant à la nature forestière ou non forestière des boisés situés sur les parcelles n° 2______, n° 10______, n° 11______, n° 12______ et n° 14______ de la commune (K______, du 17 octobre 2002, selon l'état des lieux du 7 février 2018) et que, dans ce cadre, il avait relevé la présence des salamandres dans la forêt à proximité du G______, espèce qui, à l’instar d'autres espèces présentes sur place, conférait une valeur biologique significative à la forêt qui les abritait (Rapport du service de la biodiversité du
DT-OCAN, du 20 octobre 2022).

Il a joint un chargé de pièces.

13.         Dans le délai prolongé pour leur réplique, les recourantes ont relevé que la présence des biotopes situés sur la partie supérieure du G______ ainsi que les éléments mentionnés en lien avec l'intérêt digne de protection de ces derniers n’étaient pas contestés par l'OCAN. Il en découlait que tous les critères fixés par les art. 18b LPN et 14 OPN étaient réunis pour procéder à une constatation appropriée du ou des biotopes présents sur place.

Dans sa réponse du 23 novembre 2023, l'OCAN paraissait de plus admettre que les cantons devaient prévoir une procédure de constatation « appropriée », afin de confirmer l'existence d'un biotope d'importance régionale ou locale. L'instrument prévu par le droit cantonal genevois en vue de protéger un site présentant un intérêt biologique serait selon lui le plan de site, tel que défini par les art. 38 et ss LPMNS ou la mise en réserve naturelle (art. 18 et ss RPPMF). Il lui appartenait dès lors, respectivement au DT, d'engager une de ces deux procédures et, par conséquent, de faire établir un projet de plan, assorti d'un règlement, fixant notamment les mesures propres à assurer la sauvegarde et l'amélioration des biotopes dignes de protection (cf. notamment art. 38 al. 2 let. a LPMNS et/ou 18 et suivants RPPMF). Elles étaient pour leur part conscientes du fait qu'une procédure de mise sous protection de ce site naturel devrait suivre les étapes prévues par la LPMNS, soit notamment une enquête publique de 30 jours et des avis personnels envoyés sous plis recommandés aux propriétaires des terrains (cf. art. 40 al. 1 LPMNS), de façon à respecter le droit d'être entendu de toutes les personnes impliquées, raisons pour lesquelles elles avaient conclu à ce que l’OCAN soit condamné à engager la procédure de constatation des biotopes dignes de protection, à l'issue de laquelle une décision administrative sera rendue.

S'il était vrai que les cantons disposaient d'une certaine liberté dans le choix des instruments de protection des biotopes dignes d'intérêt, cette liberté ne permettait cependant pas à l'autorité cantonale compétente de simplement reporter sa décision jusqu'au moment où la quasi-totalité du site naturel visé aurait été détruit. En procédant de la sorte, l'OCAN commettait bel et bien un déni de justice. En effet, le fait de reporter dans le temps l'engagement d'une procédure de protection adéquate, jusqu'au jour où les milieux naturels existant sur place auraient disparu, revenait, matériellement, à refuser d'appliquer la législation en vigueur. Il importait donc d'inviter le DT-OCAN à lancer rapidement la procédure de constatation des biotopes existants, par exemple en engageant la procédure d'adoption d'un plan de site, en application des art. 38 et ss LPMNS.

14.         Invité à déposer une éventuelle duplique par courrier du 18 décembre 2023, le département n’a pas donné suite.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés contre les décisions prises - ou devant être prises - par le département en application notamment de la LPMNS (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05, art. 62 LPMNS et 34 RPPMF).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

La qualité pour recourir doit en particulier être reconnue aux associations en applications de l’art. 60 al. 1 let e LPA en lien avec les art. 63 LPMNS et 12 LPN (cf notamment ATF 116 Ib 203 consid. 3a).

3.             Sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 4 al. 1 LPA les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c).

4.             Lorsqu'une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA). Dans un tel cas, une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié, si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (art. 62 al. 6 LPA).

5.             Pour pouvoir se plaindre de l'inaction de l'autorité, encore faut-il que l'administré ait effectué toutes les démarches adéquates en vue de l'obtention de la décision qu'il sollicite (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 2d). Les conclusions en déni de justice sont irrecevables lorsque le recourant n'a pas procédé à la mise en demeure prévue à l'art. 4 al. 4 LPA (ATA/1210/2018 du 13 novembre 2018 consid. 5c et 6).

6.             Une autorité qui n'applique pas ou applique d'une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu'elle ferme l'accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l'autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu'elle en a l'obligation. Un tel déni constitue une violation de l'art. 29 al. 1 Cst. (ATF 135 I 6 consid. 2.1).

7.             En cas de recours contre la seule absence de décision, les conclusions ne peuvent tendre qu'à contraindre l'autorité à statuer (ATA/595/2017 du 23 mai 2017 consid. 6c). En effet, conformément à l'art. 69 al. 4 LPA, si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l'affaire à l'autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives (ATA/373/2020 du 16 avril 2020 consid. 6a).

8.             La reconnaissance d'un refus de statuer ne peut être admise que si l'autorité mise en demeure avait le devoir de rendre une décision ou, vu sous un autre angle, si le recourant avait un droit à en obtenir une de sa part (ATF 135 II 60 consid. 3.1.2 ; ATA/7/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3b). Au stade de l'examen de la recevabilité, la chambre de céans doit examiner si la décision dont l'absence est déplorée pourrait faire l'objet d'un recours devant elle au cas où ladite décision avait été prise et si le recourant disposerait de la qualité pour recourir contre elle (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 2d).

9.             En l'espèce, le tribunal est saisi d'un recours pour déni de justice. Les recourantes reprochent au département de ne pas avoir rendu de décision formelle, respectivement d’avoir refusé de rendre une décision alors même qu’il lui incombait de le faire, malgré ses trois interpellations des 23 mai, 13 juillet et 21 septembre 2023 lui demandant la constatation des biotopes digne de protection sur les parcelles n° 1______, n° 2______, n° 3______, n° 4______, n° 5______, n° 6______, n° 7______, n° 8______, n° 9______, n° 10______, n° 11______, n° 12______ et n° 13______.

Elles concluent au constat d’un déni de justice et à ce que le département soit condamné à engager, dans un délai de 4 semaines dès réception du jugement à rendre, une procédure de constatation de milieux naturels sur les parcelles susmentionnées, par exemple en appliquant par analogie les dispositions relatives à la mise à l'inventaire prévues aux art. 7 et ss LPMNS, puis à statuer par une décision administrative conforme à l'art. 46 LPA. Subsidiairement, elles concluent à l’annulation du courrier du 3 octobre 2023 du DT, dans l'hypothèse où il devrait être qualifié de décision administrative et au renvoi du dossier à ce dernier pour qu'il constate l'existence de biotopes dignes de protection sur les parcelles susmentionnées. Enfin, plus subsidiairement, la présence de biotopes d'importance locale ou régionale, au sens de l'art. 18b al. 1 LPN notamment, devait être constatée sur tout ou partie des parcelles susmentionnées, le tout sous suite de frais et dépens.

Il est patent que le DT n'a pas rendu de décision, malgré la demande des recourantes et qu’il n’entend pas donner suite à leur mise en demeure. Il motive son refus par le fait qu’il n’a pas d’obligation de rendre la décision requise, ce qui sera examiné
ci-après.

10.         Selon l'art. 78 Cst., la protection de la nature et du patrimoine est du ressort des cantons (al. 1). Cependant, la Confédération légifère sur la protection de la faune et de la flore et sur le maintien de leur milieu naturel dans sa diversité. Elle protège les espèces menacées d'extinction (al. 4). Cette dernière disposition est concrétisée par la LPN qui avait pour but de protéger la faune et la flore indigènes, ainsi que leur diversité biologique et leur habitat naturel (art. 1 let. d).

11.         En adoptant les art. 18 à 18d LPN, le législateur fédéral a conféré aux cantons le mandat de protéger les biotopes d'importance régionale et locale. Les cantons disposent dans l'accomplissement de cette tâche d'un véritable pouvoir d'appréciation. On observe à cet égard que le législateur fédéral n'a pas protégé les biotopes d'importance régionale et locale de façon générale, comme il l'a fait pour la forêt (art. 31 LFor, art. 1er et 24 ss OFor), mais qu'il s'est contenté de charger les cantons de veiller à leur protection (art. 18b LPN ; ATF 116 Ib 203 consid. 4b).

12.         Le législateur étant conscient que la protection des espèces ne peut être indépendante de celle de leurs milieux, l'art. 18 al. 1 LPN prévoit que la disparition d'espèces animales et végétales indigènes doit être prévenue par le maintien d’un espace vital suffisamment étendu (biotopes) ainsi que par d'autres mesures appropriées. La protection visée par les art. 18 à 23 LPN est à la fois quantitative et qualitative.

13.         Pour bénéficier de la protection de l'art. 18 LPN, les biotopes doivent respecter certaines conditions. Il y a lieu de protéger tout particulièrement: les rives, les roselières et les marais, les associations forestières rares, les haies, les bosquets, les pelouses sèches et autres milieux qui jouent un rôle dans l'équilibre naturel ou présentent des conditions particulièrement favorables pour les biocénoses (al. 1bis). Si, tous intérêts pris en compte, il est impossible d'éviter des atteintes d'ordre technique aux biotopes dignes de protection, l'auteur de l'atteinte doit veiller à prendre des mesures particulières pour en assurer la meilleure protection possible, la reconstitution ou, à défaut, le remplacement adéquat (al. 1ter). L'art. 18 al. 1ter LPN exige, une fois le caractère digne de protection reconnu au biotope, qu'une pesée générale de tous les intérêts soit effectuée. Si, sur cette base, le biotope ne l'emporte pas, il peut être décidé de lui porter atteinte. Dans un tel cas, il faut en assurer la meilleure protection possible, la reconstitution ou le remplacement adéquat (cf. art. 14 al. 7 OPN; ALEXANDRA GERBER, Protection des biotopes et compensation écologique en territoire urbanisé, DEP 2018 p. 503 ch. 2 et p. 505 s. ch. 4).

14.         La notion de biotope au sens de l'art. 18 al. 1bis LPN se rapporte à un espace vital suffisamment étendu, exerçant une certaine fonction (ATF 121 II 161 consid. 2b/bb p. 163 s. et la jurisprudence citée; arrêt 1C_739/2013 du 17 juin 2015 consid. 5.1 in RDAF 2016 I 357 et in DEP 2015 724). Hormis les biotopes d'importance nationale définis par l'art. 18a LPN et par les art. 16 et 17 OPN, il peut s'agir également de biotopes d'importance régionale et locale (art. 18b LPN), dont la protection, confiée aux cantons par cette dernière disposition, est une tâche fédérale déléguée par la Confédération (ATF 133 II 220 consid. 2.2 p. 223; Nina Dajcar, in Keller/Zufferey/Fahrländer, Kommentar NHG, 2ème éd., 2019, N 5 ad art. 18b LPN). L'assignation d'un tel mandat n'exclut pas, cependant, que les cantons fassent usage du pouvoir d'appréciation et de décision qui leur appartient (ATF 116 Ib 203 consid. 5d).

Il faut encore souligner que la définition d'un biotope au sens de l'art. 18 al. 1bis LPN ne doit pas être examinée uniquement à l'aune des dispositions ad hoc de niveau cantonal, mais en prenant en considération les dispositions de droit fédéral qui revêtent une portée propre et sont d'application directe. Il n'est pas non plus nécessaire que les biotopes dignes de protection soient formellement désignés et il est possible de déterminer leur existence et leur emplacement lors de la procédure de planification ou même encore au stade de l'autorisation de construire (arrêt 1C_653/2019 du 15 décembre 2020 consid. 3.6 et réf. cit.).

15.         L’art. 14 OPN précise l’étendue de la protection des biotopes (al. 1).

La protection des biotopes est notamment assurée par (al. 2) :

a.    des mesures visant à sauvegarder et, si nécessaire, à reconstituer leurs particularités et leur diversité biologique ;

b.    un entretien, des soins et une surveillance assurant à long terme l’objectif de la protection ;

c.    des mesures d’aménagement permettant d’atteindre l’objectif visé par la protection, de réparer les dégâts existants et d’éviter des dégâts futurs ;

d.   la délimitation de zones tampon suffisantes du point de vue écologique ;

e.    l’élaboration de données scientifiques de base.

Les cantons prévoient une procédure de constatation appropriée pour prévenir toute détérioration de biotopes dignes de protection et toute violation des dispositions de protection des espèces figurant à l’art. 20 (al. 3).

16.         La doctrine a précisé, concernant cette procédure : « Aux termes de l'article 14 al. 5 OPN, les cantons prévoient une procédure de constatation appropriée pour prévenir toute détérioration de biotopes dignes de protection; la constatation d'un biotope ne nécessite notamment pas obligatoirement une procédure de décision ou de classement préalablement à l'adoption d'une zone à protéger au sens de l'article 17 LAT, une telle zone pouvant constituer une procédure de constatation appropriée au sens de l'article 14 al. 5 OPN. La protection des biotopes peut être assurée de diverses manières, parmi lesquelles les mesures d'aménagement du territoire, mais aussi les « autres mesures adéquates », réservées par l'article 17 al. 2 LAT, notamment les inventaires, les procédures de classement, l'édiction de prescriptions dans les règlements des zones et des constructions, la conclusion de contrats ou de conventions. Différentes mesures conservatoires sont également possibles, selon l'urgence (voir notamment les art. 10 LPNMS et 3 RPNMS en droit vaudois). L'adéquation de la procédure de constatation à adopter dépend des circonstances (Anne-Christine FAVRE, Fabia JUNGO, Chronique du droit de l'environnement, Deuxième partie: La protection de la forêt, des biotopes et du paysage, RDAF 2008 1 p. 307 ss, 329 13) et « Il n'y a pas d'instrument exclusif pour protéger les biotopes, ni d'injonction précise quant à l'instrument à utiliser à telle étape. Au contraire, ces outils sont interchangeables et cumulatifs, car chacun présente avantages et inconvénients. C'est en fonction du cas particulier que l'instrument doit être choisi. Des préférences dans l'opportunité de choisir l'une ou l'autre mesure ou telle combinaison de mesures peuvent être formulées. Elles dépendent notamment du type de biotope et du profil juridique du propriétaire du terrain - collectivité publique ou un privé encore que, malgré tout, chacune des possibilités de choix reste applicable pour chacune des hypothèses. Dans tous les cas, le respect de l'égalité de traitement implique le suivi d'une ligne cohérente dans le choix des instruments. Le choix de la mesure est aussi dicté par le principe de proportionnalité (Karin SIDI-ALI, La protection des biotopes en droit suisse, Schultess 2008, p. 193).

17.         Dans le cadre de l’application de l’art. 18a LPN, le Tribunal fédéral a souligné que lorsque la présence de biotopes d'importance nationale, désignés comme tels par le Conseil fédéral en vertu de l'art. 18a LPN, risquait d'entrer en conflit avec des plans d'affectation en vigueur, il appartenait aux cantons de prendre, en temps utile et conformément aux objectifs de protection visés, les mesures appropriées en vue de protéger les biotopes en cause et de créer éventuellement des zones réservées au sens de l'art. 27 LAT afin de pouvoir mettre en route les adaptations de plans nécessaires. Ils restaient toutefois libres dans le choix des instruments; ils pouvaient assurer la protection requise également par voie d'arrêtés gouvernementaux, par exemple (cf. proposition du rapporteur Jagmetti au Conseil des Etats, BO 1986 CE 357). Il devait en aller en principe de même des biotopes d'importance régionale et locale. Il allait de soi que leur protection impliquait tout d'abord que le canton désigne les biotopes entrant en ligne de compte et qu'il fixe les buts visés par leur protection, car ceux-ci ne ressortaient tout simplement pas des notions imprécises dont se servait la loi. A la différence de ce qui se passait pour les biotopes d'importance nationale, les cantons étaient tenus d'assumer leur devoir de protection, respectivement de veiller à leur protection. Il leur incombait à cet égard de réglementer la procédure, étant précisé qu'ils devraient le plus souvent pouvoir recourir à celles dont ils disposaient déjà. Ils disposaient également d'instruments tels que la LAT (FF 1985 II 1471 ; ATF 116 IB 2023 consid. 5e). On trouvait une confirmation de la marge de manœuvre et d'appréciation ainsi laissée aux cantons en matière de protection des biotopes également aux art. 18c et 18d LPN
(ATF 116 IB 2023 consid. 5g).

18.         Le cadre fixé par l'art. 18b LPN est réalisé en droit cantonal par la LPMNS et le RPPMF. Les dispositions du chapitre V de la LPMNS relatives à la protection de la nature et des sites, complétées par les chapitres I et III du RPPMF, sont ici pertinentes. L’art. 5 al. 1 RPPMF dispose que lorsqu'elle nécessite des mesures particulières d'entretien ou des restrictions d’exploitation, la protection des biotopes, des géotopes et de la flore est assurée, si possible, par une convention conclue avec le propriétaire et l'exploitant. Si aucune convention ne peut être conclue, ou si la nature du bien-fonds ou de l'objet à protéger l'exige, la mise sous protection durable s’opère conformément aux dispositions prévues par la législation fédérale et cantonale sur la protection de la nature et du paysage, ainsi que celle relative à l'aménagement du territoire (art. 6 al. 1 RPPMF).

Les instruments de protection prévus par ces textes pour les espèces végétales et les sites présentant un intérêt biologique ainsi que pour les biotopes dignes de protection sont le plan de site d'une part, éventuellement en concours avec une procédure de modification de zone, dont la procédure était régie par les art. 38 et ss LPMNS et, d'autre part, la mise en réserve naturelle d'autre part (cf. art. 18 et ss RPPMF). Au surplus, afin d'assurer la protection des milieux naturels, le RPPMF attribue à l’OCAN la tâche de répertorier les biotopes dignes de protection, de veiller à leur conservation, de prendre les dispositions de protection pour les objets prioritaires, en veillant notamment à leur affectation adéquate dans les plans d'aménagement et de fixer les mesures d'entretien et de gestion pour les biotopes dignes de protection et les réserves naturelles (cf. art. 17 let. a à d RPPMF). Enfin, en cas de danger imminent ou d'atteinte à l'un des objets décrits à l'art. 3 de ce règlement, l'art. 7 RPPMF institue des mesures conservatoires.

19.         L’autorité chargée d’appliquer la loi dispose d’un pouvoir d’appréciation lorsque la loi lui laisse une certaine marge de manœuvre. Cette dernière peut notamment découler de la liberté de choix entre plusieurs solutions, ou encore de la latitude dont l’autorité dispose au moment d’interpréter des notions juridiques indéterminées contenues dans la loi. Bien que l’interprétation de notions juridiques indéterminées relève du droit, que le juge revoit en principe librement, un tribunal doit néanmoins restreindre sa cognition lorsqu’il résulte de l’interprétation de la loi que le législateur a voulu, par l’utilisation de telles notions, reconnaître à l’autorité de décision une marge de manœuvre que le juge doit respecter, étant précisé que cette marge de manœuvre ne revient pas à limiter le pouvoir d’examen du juge à l’arbitraire (ATF 140 I 201 consid. 6.1 et les références citées ; ATA/1279/2023 du 28 novembre 2023 consid. 4.7).

20.         En l’espèce, la présence de biotopes à salamandres situés sur la partie supérieure du G______ n’est pas contestée par le département qui, se référant au rapport de son service de la biodiversité du 20 octobre 2022, a relevé que le biotope à salamandre est connu, identifiée et évalué. Cela étant, le département explique, sans être contredit, qu’il ne court pas de danger imminent en l'état, bénéficiant par ailleurs de la protection de la forêt qui l'abrite. Il ressort pour le surplus des explications du département que le service de la biodiversité veille à sa prise en considération dans le cadre des études relatives aux ouvrages routiers en cours dans le secteur de F______ et s'efforce de faire minimiser les emprises. Il explique enfin qu’au stade actuel des études en cours précitées, le meilleur moyen de protéger le biotope n'a pas encore été arrêté, car les impacts potentiels ne sont pas définitivement évalués et que, par conséquent, l'adéquation de l'instrument de protection à adopter dépendra des circonstances précises du cas particulier.

Ce faisant, il doit être admis que le canton accomplit le mandat impératif de protection dont il est chargé. Les mesures d’ores et déjà entreprises rappelées ci-dessus font manifestement partie du catalogue d’instruments à sa disposition pour ce faire et son choix de ne pas rendre une décision de mise sous protection à ce stade entrent sans conteste dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation. Elles apparaissent également dictées par le principe de la proportionnalité, vu les spécificités et inconnues du cas d’espèce. Au demeurant, ni le droit fédéral ni le droit cantonal n’oblige le DT-OCAN à rendre la décision de constatation sollicitée étant, à nouveau rappelé que celui-ci est libre dans le choix de la procédure comme dans celui des instruments de protection.

A toutes fins utiles, il sera néanmoins rappelé au DT-OCAN qu’il lui appartient de veiller à la mise en œuvre effective du mandat impératif de protection découlant du droit fédéral, qui lui incombe, afin de préserver les biotopes concernés ainsi que leur importance spatiale et fonctionnelle. Comme il le laisse entendre, l’opportunité d’une mise sous protection sera réévaluée une fois les constructions envisagées dans le secteur réalisées. Dans l’intervalle, il lui sera donné acte de son engagement, avec les services concernés, à poursuivre ses efforts de faire minimiser les emprises sur les parcelles en question et d’intégrer des remplacements et compensations de qualité dans les projets en amont.

Il découle de ce qui précède que l'autorité intimée n'ayant pas d'obligation de rendre une décision formelle, le recours pour déni de justice sera rejeté, tout comme la conclusion subsidiaire des recourantes tendant à ce qu’il soit constaté la présence de biotopes d’importance locale ou régionale, au sens de l’art. 18b al. 1 LPN notamment, sur tout ou partie des parcelles susmentionnées, si tant est qu’une telle conclusion soit recevable. Au vu de cette solution, la qualification juridique du courrier du 3 octobre 2023 pourra rester ouverte.

21.         Vu l'issue du litige et le travail déployé pour le traitement de la cause, un émolument de CHF 900.- sera mis à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement, qui succombent (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; art. 1 ss du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il est couvert par l'avance de frais de CHF 900.- versée à la suite du dépôt du recours.

22.         Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à titre de dépens (art. 87 al. 2 LPA a contrario).
PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours pour déni de justice interjeté le 6 novembre 2023 par A______, B______, C______, D______ contre le département du territoire ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourantes, prises conjointement et solidairement, un émolument de CHF 900.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Diane SCHASCA et Stendardo CARMELO, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’à l’office fédéral de l’environnement

 

Genève, le

 

Le greffier