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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/44/2024

JTAPI/30/2024 du 16.01.2024 ( MC ) , ADMIS

Descripteurs : DÉTENTION POUR INSOUMISSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION;PROLONGATION
Normes : LEI.78
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/44/2024 MC

JTAPI/30/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 janvier 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Magali BUSER, avocate

 

contre

 

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur [recte : A______] A______, né le ______ 1977 et originaire d'Algérie, alias B______, né le ______ 1977, se trouve illégalement en Suisse depuis l'année 2008.

2.             Il a fait l'objet de :

- condamnations pour, notamment, à maintes reprises, vol au sens de l'art. 139 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), brigandage (art. 140 CP), violation de domicile (art. 186 CP) et rixe (art. 133 CP) ;

- d'une décision de renvoi de l'office cantonal de la population (ci-après : OCPM) le 7 octobre 2009 ;

- de deux interdictions d'entrée en Suisse (IES) valables respectivement du 12 mars 2013 au 11 mars 2015 et du 12 mars 2015 au 11 mars 2019 ;

- d’une interdiction de pénétrer dans le centre-ville de Genève pour une durée d'un an, ordonnée le 23 juin 2016 par le commissaire de police en application de l'art. 74 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), mesure qu'il n'a pas respectée à plusieurs reprises ;

- de décisions d’expulsion de Suisse ordonnées par jugements du Tribunal de police (ci-après : TDP) du 6 juin 2017 (pour une durée de trois ans), du 21 janvier 2019 (pour une durée de cinq ans) et le 21 avril 2020 (pour une durée de quinze ans), expulsions que l'OCPM a décidé de ne pas reporter. N'ayant pas respecté ces mesures d'expulsion, il a été condamné à plusieurs reprises pour rupture de ban (art 291 CP) ;

- d’une condamnation le 3 juin 2022, à la suite de son interpellation la veille à Genève pour infractions à la LEI et rupture de ban. M. A______ a reconnu les faits reprochés, a indiqué qu’il était consommateur régulier de crack, qu’il vivait à Genève chez sa copine dont il n’était pas en mesure d'indiquer le nom de famille ni l’adresse et n’avoir aucun moyen de subsistance ;

- d’une interdiction de quitter le territoire de la commune de C______ pendant une durée de 24 mois, interdiction prononcée le 3 juin 2022 ;

- d’une ordonnance pénale du Ministère public du 13 décembre 2022 pour infractions aux art. 19a de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), 291 CP (rupture de ban) et 119 al. 1 LEI (non-respect d'une assignation à un lieu de résidence).

3.             A la suite de nombreuses tentatives effectuées par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM), M. A______ a, finalement, été reconnu par les autorités algériennes, le 21 août 2020.

4.             Le 1er septembre 2021, il a été présenté à un entretien consulaire à Berne.

5.             Le 28 juin 2023, à sa libération de détention pénale, M. A______ s’est vu notifier un ordre de mise en détention administrative pour une durée de deux mois, sur la base de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1, en lien avec l'art. 75 al. 1 let. h LEI, ch. 3 et 4 LEI, par le commissaire de police.

Il a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Algérie, dans la mesure où il avait désormais un fils né le ______ 2023. Il avait entrepris des démarches en vue de se marier avec la mère de ce dernier, Madame D______, de nationalité suisse.

6.             Entendu le 30 juin 2023 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), l'intéressé a déclaré qu'il était d'accord d'être renvoyé en Algérie. Il souhaitait pouvoir préalablement voir son fils et le reconnaître. Par le passé, il avait demandé aux autorités à pouvoir être renvoyé en Algérie. Cela ne s'était pas fait, raison pour laquelle on l'avait assigné à un foyer. C'était durant cette période qu'il avait rencontré sa compagne qui était devenue la mère de son fils et avec laquelle il avait entrepris des démarches en vue de leur mariage. Il s'engageait à se rendre à toutes les convocations que pourraient lui adresser les autorités si on devait l'autoriser à y séjourner.

S'il devait être remis en liberté et assigné au foyer de C______, il ne pensait pas qu'il prendrait le vol du 17 juillet 2023. Il pensait qu'un mois n'était pas suffisant pour connaître son fils et faire toutes les démarches utiles en vue de sa reconnaissance. Il ne savait pas encore exactement où il vivrait avec sa compagne après leur mariage. Peut-être en France, en Belgique, en Suisse ou en Algérie ; elle lui avait dit qu'elle serait d'accord de le suivre dans son pays d'origine.

7.             Par jugement du même jour (JTAPI/1______/2023), le tribunal a confirmé l'ordre de mise en détention administrative prononcé à l'encontre de M. A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 27 août 2023 inclus.

8.             Le 17 juillet 2023, M. A______ a refusé de monter à bord d'un vol de ligne (DEPU) à destination de son pays d'origine.

9.             Le 19 juillet 2023, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté le 10 juillet 2023 par l'intéressé contre le jugement du tribunal du 30 juin 2023 (ATA/2______/2023).

Les conditions légales de sa détention étaient remplies. Le recourant faisait l'objet de décisions de renvoi définitives et exécutoires, était revenu en Suisse pendant la période prohibée après avoir été renvoyé, avait enfreint l'assignation au territoire de la commune de C______ et s'était vu condamner pour vols, brigandage et infraction grave à la LStup. De manière constante, il s'était opposé à son renvoi et n’avait pas respecté l’assignation à territoire du 3 juin 2022. Le 28 juin 2023, il avait encore déclaré au commissaire de police qu’il s’opposait à son renvoi. Son revirement soudain, par lequel il affirmait vouloir se soumettre à son renvoi, après qu’il aurait pu reconnaître son fils et se marier, paraissait peu convaincant au vu de son refus constant de respecter les décisions de renvoi et d’expulsion.

10.         Par requête du 14 août 2023, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.

11.         Le 21 août 2023, M. A______ a fait échouer son embarquement à bord de l'avion qui devait le reconduire ce jour-là - sous escorte policière (vol DEPA) - en Algérie. Sur le formulaire relatif à l'évènement, la police a indiqué: « Après une longue attente due à une fuite de kérosène, le DEPA a été embarqué, mais suite à quelques cris en arabe, et malgré le faible nombre de passagers, le commandant a décidé de débarquer l'intéressé ».

12.         Le jour même, l'intéressé s’est vu notifier par le commissaire de police un ordre de mise en détention administrative pour insoumission pour une durée d'un mois.

Il faisait l'objet de trois expulsions judiciaires, entrées en force et non exécutées, en raison de son opposition aux deux tentatives de renvoi par voie aérienne, les 17 juillet 2023 et 21 août 2023. Son rapatriement par vol spécial n'était pas possible, de sorte que sa collaboration était indispensable pour effectuer son renvoi. L'autorité avait entrepris, le même jour, toutes les démarches utiles pour assurer l'exécution de son expulsion à destination de l'Algérie.

13.         Interrogé le même jour par le commissaire de police, l'intéressé a déclaré être en bonne santé et ne suivre aucun traitement médical, et qu'il n'était pas d'accord de retourner dans son pays d'origine.

14.         Lors de l'audience du 22 août 2023 devant le tribunal, M. A______ a déclaré que s'il n'avait pas pris son vol la veille pour l'Algérie, c'était parce qu'il ne voulait pas partir menotté comme un chien. Il n'avait jamais vu son fils. Il était en couple avec la mère de celui-ci depuis environ six mois avant qu'elle ne tombe enceinte. Depuis lors et jusqu'à son incarcération, il avait vécu chez elle, dans un studio du quartier E______. Il arrivait qu'elle le rejoigne dans son foyer à C______. S'il était libéré, il chercherait un travail pour son fils, en Suisse ou en France, même s'il n'avait pas le droit de rester en Suisse. Cela faisait deux ans qu'il demandait de retourner en Algérie, mais on le lui avait refusé. Avant, il serait rentré avec plaisir en Algérie, mais maintenant il s'y refusait. S'il n'avait pas fait de démarches en vue de la reconnaissance de son enfant, c'était parce qu'il était en détention et qu'il ne savait pas qu'il pouvait les entamer, même incarcéré. Il souhaitait pouvoir s'occuper de son fils au quotidien et se marier avec Mme D______. Ils n'avaient pas fait de démarches en ce sens. Il n'avait pas l'intention de retourner en Algérie sans son fils.

Le tribunal a procédé à l'audition de Mme D______ et de sa curatrice, Madame F______.

Mme F______ a indiqué qu'elle connaissait Mme D______ depuis 2016. C'était une personne toxicomane, mais depuis qu'elle était maman, elle ne consommait plus. Elle était à l'AI et recevait des prestations complémentaires. Actuellement, elle vivait au foyer G______ avec son fils. Cela se passait très bien. Si cela continuait ainsi, elle prévoyait de lui trouver un appartement afin qu'elle y vive avec son fils. La situation était encore fragile et cela ne se ferait pas dans l'immédiat. Elle n'avait pas beaucoup parlé avec sa pupille du père de l'enfant.

Mme D______ a indiqué qu'elle avait rencontré M. A______ deux ans auparavant. Elle était en couple avec lui depuis un an et demi environ. Ils avaient un fils en commun. Avant de se retrouver au foyer G______, elle avait vécu dans un appartement avec M. A______, durant quatre à cinq mois. Elle avait été incarcérée à Champ-Dollon le 23 décembre 2022 et en était sortie le 11 mars 2023. Elle souhaitait vivre avec M. A______ et leur enfant en Suisse. Elle n'envisageait pas de vivre avec lui dans un autre pays, son enfant était trop jeune. Il y avait des possibilités pour qu'il vienne vivre avec eux à G______. Elle souhaitait l'épouser. S'ils n'avaient pas entrepris les démarches en vue de mariage, c'était parce qu’elle souhaitait en parler avec sa curatrice au préalable.

Le représentant du commissaire de police a quant à lui indiqué qu'un nouveau vol, avec escorte policière était en cours de préparation en vue du renvoi de M. A______ en Algérie. Il a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative pour insoumission, émis le 21 août 2023, par le commissaire de police pour une durée d'un mois.

Le conseil de M. A______ a indiqué que son client n'allait pas collaborer et que, partant, le but de la détention pour insoumission ne serait pas réalisé. Elle a conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative pour insoumission et à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à son assignation à résidence au foyer H______ de C______. Elle a déposé un chargé de pièces dont une demande en vue de reconnaissance de paternité qu'elle avait déposée pour le compte de son client, le 2 août 2023 auprès de l'état civil de I______.

15.         Par jugement du 23 août 2023 (JTAPI/3______/2023), le tribunal a confirmé l'ordre de mise en détention administrative pour insoumission émis par le commissaire de police à l’encontre de M. A______ pour une durée d'un mois, soit jusqu'au 20 septembre 2023 inclus.

16.         Le 11 septembre 2023, l'OCPM a demandé la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour insoumission pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 20 novembre 2023 inclus, précisant qu'il s'agissait-là de l'unique moyen de mener à terme son rapatriement dans son pays d'origine.

17.         Devant le tribunal, lors de l'audience du 19 septembre 2023, M. A______ a déclaré qu'il n'avait jusqu'ici pas encore vu son enfant. Il espérait que celui-ci puisse venir en visite à son lieu de détention, mais pour l'instant ses téléphones à ce sujet avec les assistants sociaux n'avaient rien donné. La maman de son enfant était venue le voir environ une fois par semaine bien qu'elle ait été contrainte de renoncer à certains rendez-vous. Il ne souhaitait pas rentrer en Algérie car il pensait que son fils avait besoin de lui. Sa famille en Algérie n'avait pas besoin de lui, étant précisé qu'il n'avait pas d'autre enfant que celui-ci.

Le conseil de l'intéressé a invité le tribunal à prendre note du fait que le prénom de son mandant s'écrivait A______. Elle a remis par ailleurs au tribunal un chargé de pièces. Il en ressortait que M. A______ avait reconnu en date du 14 septembre 2023 son fils J______, né le ______ 2023 à Genève. Les pièces produites contenaient en outre une attestation de la maison G______ indiquant la possibilité d'accueillir un couple sous réserve de l'accord du SPMi et du financement du séjour. Le SPMi lui avait enfin assuré, par téléphone, qu'à partir de la reconnaissance de paternité, il organiserait une rencontre entre M.  A______ et son enfant. Celui-ci souhaitait se marier avec la mère de son enfant.

Le représentant de l'OCPM a conclu à l'admission de la demande de prolongation de la détention administrative pour insoumission de M. A______.

L'intéressé, par l'intermédiaire de son conseil, a conclu principalement au rejet de la demande de prolongation de la détention administrative pour insoumission et à sa mise en liberté immédiate et, subsidiairement, à ce qu'une mesure d'assignation territoriale soit prononcée à son encontre, assortie d'une obligation de se présenter régulièrement devant les autorités compétentes.

18.         Par jugement du 19 septembre 2023 (JTAPI/4______/2023), le tribunal a prolongé la détention administrative de l'intéressé pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 20 novembre 2023 inclus.

19.         Le vol avec escorte policière (DEPA) prévu le 6 octobre 2023 à destination de l'Algérie a été annulé, à la demande du SEM, car l'ambassade d'Algérie avait refusé d'établir un laissez-passer pour M. A______.

20.         Le 6 novembre 2023, l’OCPM a demandé la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour insoumission pour une durée de deux mois.

21.         Par courriel du 13 novembre 2023, l’OCPM a transmis au tribunal une déclaration de M. A______ indiquant ne pas vouloir collaborer pour organiser son retour en Algérie mais vouloir discuter avec la mère de son enfant pour savoir si elle voulait le suivre en Algérie avec leur enfant, ainsi que des échanges de courriels avec le SEM afin de savoir si le refus de l’Algérie d’émettre un laissez-passer en faveur de l’intéressé était définitif.

22.         Ce courriel a été transmis au conseil de M. A______ le même jour.

23.         Devant le tribunal, lors de l'audience du 14 novembre 2023, M. A______ a déclaré être toujours opposé à son renvoi en Algérie. Il avait demandé à la mère de son fils si elle serait d'accord de venir avec lui et leur enfant en Algérie, elle lui avait répondu que pour l'instant elle préférait rester ici. Il n’avait pas d'éléments nouveaux à communiquer au tribunal depuis le 19 septembre 2023. Sur question de son conseil, il avait vu son fils pour la première fois la veille. Il avait pu le prendre dans les bras et c'était comme au paradis. D'autres visites n’étaient pas prévues à ce stade. Il en faisait toutefois la demande chaque semaine. Il avait des contacts téléphoniques quotidiens avec Mme D______. Cette dernière venait en principe lui rendre visite chaque semaine. Parfois elle n'était pas en mesure de venir car elle n'avait personne pour l'accompagner et garder son enfant pendant la visite. Elle et son fils vivaient toujours à la maison G______. S’il devait être libéré, et par exemple assigné au foyer H______, il était sûr et certain qu’il respecterait cette assignation, comme il l’avait déjà fait par le passé. Sur question du représentant de l’OCPM, afin de prouver son identité dans le cadre de la procédure préparatoire en vue de mariage, il demanderait à sa famille de lui renouveler ses documents d'identité. Il avait par ailleurs d'ores et déjà demandé au Consulat algérien d'établir des documents d'identité algériens pour son fils. Cela remontait à moins de deux mois, il pensait entre quinze et vingt jours mais pas la semaine passée.

Le conseil de M. A______ a versé à la procédure un chargé de pièces dont un e-mail de la curatrice de Mme D______. Elle a précisé que cette dernière était sous curatelle de portée générale, tout comme son fils et qu'une procédure préparatoire en vue de mariage était désormais ouverte.

Le représentant de l'OCPM a indiqué qu’ils n’avaient pas encore reçu de réponse du SEM à leur courriel du 7 novembre 2023. Il a conclu à l'admission de la demande de prolongation pour une durée de deux mois de la détention administrative pour insoumission de M. A______.

L'intéressé, par l'intermédiaire de son conseil, a conclu principalement au rejet de la demande de prolongation de la détention administrative pour insoumission et à sa mise en liberté immédiate et, subsidiairement, à ce qu'une mesure d'assignation à résidence, au foyer H______, soit prononcée à son encontre.

24.         Par jugement du 14 novembre 2023 (JTAPI/5______/2023), le tribunal a prolongé la détention administrative de l'intéressé pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 19 janvier 2024 inclus.

25.         Le 8 janvier 2024, l’OCPM a demandé la prolongation de la détention administrative pour insoumission de M. A______ pour une durée de deux mois.

Il était toujours en attente de nouvelles informations du SEM concernant l’établissement d’un laissez-passer pour l’intéressé.

26.         Le 9 janvier 2024, le représentant du commissaire de police a transmis au tribunal une copie du courriel reçu du SEM le 8 janvier 2024, dont il ressortait qu’il n’avait pas été possible pour lui d’éclaircir les raisons du refus du laissez-passer jusqu’à présent. Pour les mêmes raisons, il ne pouvait pas non plus indiquer combien de temps ce blocage pourrait durer.

Par contre, il pouvait assurer que le consulat général algérien établirait un laissez-passer dans les meilleurs délais pour M. A______ si celui-ci se mettait en contact avec ledit consulat et se montrait d’accord de rentrer en Algérie.

Il était en contact régulier avec le consulat général et tiendrait l’OCPM au courant si le laissez-passer était débloqué.

27.         Devant le tribunal, lors de l'audience du 15 janvier 2024, M. A______ a déclaré qu'il avait interpellé le consulat algérien il y a plus de 4 mois afin de faire reconnaître son enfant. Il n'avait pas contacté sa famille afin de renouveler ses documents d'identité comme il l'avait indiqué au tribunal le 14 novembre 2023. Il était toujours opposé à repartir en Algérie. S'il était assigné à résidence, il répondrait aux convocations qui lui seraient adressées. Il ne voulait pas retourner en Algérie car il voulait rester auprès de son fils à qui il versait maintenant entre CHF 200.- et CHF 300.- toutes les trois semaines.

Le représentant du commissaire de police a demandé la confirmation de la demande de prolongation de la détention administrative pour insoumission pour une durée de deux mois.

Le conseil de l'intéressé a déposé un chargé de pièces. Le nom de famille de son client dans la pièce n° 1 avait été mal orthographié par l'amie de ce dernier. Il a indiqué qu'à sa connaissance aucune démarche ultérieure n'avait été entreprise. Il a conclu au rejet de la demande de prolongation de la détention et à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à ce qu'il soit assigné à la résidence K______.

 

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour prolonger la détention pour insoumission de deux mois, puis à nouveau de deux mois tous les deux mois (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 6 al. 2 et 7 al. 4 let. e de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; cf. aussi art. 78 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr).

2.            S'il entend demander une prolongation d'une détention pour insoumission, l'OCPM doit saisir le tribunal au moyen d'une requête écrite et motivée au plus tard huit jours ouvrables avant l’expiration de la détention (art. 7 al. 1 let. e et 8 al. 4 LaLEtr).

3.            En l'espèce, une telle requête a été valablement déposée le 8 janvier 2024.

4.            Statuant ce jour, le tribunal respecte le délai fixé par l'art. 9 al. 4 LaLEtr, qui stipule qu'il lui incombe de statuer dans les huit jours ouvrables qui suivent sa saisine, étant précisé que, le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger.

5.            En vertu de l'art. 78 al. 1 LEI, si l'étranger n'a pas obtempéré à l'injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit et que la décision exécutoire de renvoi ou d'expulsion ne peut être exécutée en raison de son comportement, il peut être placé en détention afin de garantir qu'il quittera effectivement le pays, pour autant que les conditions de la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne soient pas remplies et qu'il n'existe pas d'autres mesures moins contraignantes susceptibles de conduire à l'objectif visé.

6.            Selon la jurisprudence, le but de la détention pour insoumission est de pousser un étranger, tenu de quitter la Suisse, à changer de comportement, lorsqu’à l’échéance du délai de départ, l’exécution de la décision de renvoi, entrée en force, ne peut être assurée sans la coopération de celui-ci malgré les efforts des autorités (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 et la jurisprudence citée). La détention pour insoumission constitue une ultima ratio, dans la mesure où il n’existe plus d’autres mesures permettant d’aboutir à ce que l’étranger se trouvant illégalement en Suisse puisse être renvoyé dans son pays.

7.            La prise d’une telle mesure doit respecter le principe de la proportionnalité, ce qui suppose d’examiner l’ensemble des circonstances pour déterminer si elle apparaît appropriée et nécessaire. Cet examen suppose de tenir compte de l'ensemble des circonstances, parmi lesquelles figurent la durée de la détention déjà accomplie, la persistance du détenu à ne pas collaborer, ses relations familiales, son âge, son état de santé et ses antécédents (arrêts 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 consid. 3.1; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 2.1 ; 2C_936/2010 du 24 décembre 2010 consid. 1.3 ; 2C_984/2013 du 14 novembre 2013 consid. 3.2). Le seul refus explicite de collaborer de la personne concernée ne constitue qu’un indice parmi d’autres éléments à prendre en considération dans cette appréciation (ATF 135 II 105 et la jurisprudence citée ; ATA/1053/2016 du 14 décembre 2016) et n'entraîne pas en soi une libération de la détention (ATF 134 I 92 consid. 2.3.2 p. 97).

8.            La détention peut être ordonnée pour une période d’un mois et prolongée de deux mois en deux mois. Moyennant le consentement de l’autorité judiciaire cantonale et dans la mesure où l’étranger n’est pas disposé à modifier son comportement et à quitter le pays, elle peut être prolongée de deux mois en deux mois (art. 78 al. 2 LEI). Elle doit être levée notamment lorsqu’un départ de Suisse, volontaire et dans le délai prescrit, n’est pas possible malgré la collaboration de l’intéressé (art. 78 al. 6 let. a LEI ; ATA/1053/2016 précité).

9.            La durée de la détention pour insoumission ne doit pas excéder, avec la détention en vue du renvoi et la détention en phase préparatoire, dix-huit mois (art. 78 al. 2 LEI et 79 al. 1 et 2 LEI ; ATF 140 II 409 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_188/2020 du 15 avril 2020 consid. 7.3).

10.        En l'occurrence, sur le principe, la détention pour insoumission de M. A______ a déjà été confirmée par le tribunal, la dernière fois par jugement du 14 novembre 2023 (JTAPI/5______/2023 précité).

Comme l’a déjà rappelé le tribunal dans son dernier jugement, l’intéressé s’est opposé à son renvoi en Algérie à deux reprises et ses intentions restent tout à fait claires, il n’entend pas collaborer à son renvoi, comme il l'a encore exprimé dans sa déclaration du 7 novembre 2023, lors du l’audience devant le tribunal 14 novembre 2023 et à l'audience du 15 janvier 2024. Il résulte pour le surplus du dossier que les autorités algériennes avaient dans un premier temps été d'accord de délivrer un laissez-passer, et que leur refus semble vraisemblablement être lié à la prise de contact de l’intéressé avec le consulat algérien afin d’obtenir des documents d’identité algérien pour son fils. Le SEM ignorait les motifs du refus mais confirmait, dans son courriel du 8 janvier 2024, que si l’intéressé se mettait en contact avec le consulat, les choses pourraient avancer. Il apparait ainsi que les conditions d'une détention pour insoumission sont toujours remplies ; les vols spéciaux à destination de l'Algérie n’étant pas possibles, la collaboration de l'intéressé est en effet indispensable à son renvoi.

Quant à la proportionnalité de sa détention, comme déjà retenu par le tribunal, on ne voit pas en quoi une mise en liberté et une assignation territoriale seraient des mesures adaptées en vue de l'exécution du renvoi ni en quoi elles rendraient M. A______ plus enclin à retourner en Algérie dans ces conditions qu'en étant maintenu en détention. L’on relèvera encore que sa situation familiale ne s’est pas modifiée depuis le prononcé du JTAPI/4______/2023, aucune démarche, notamment en lien avec le projet de mariage de M. A______ n’ayant été entamée ; le fait de verser de l'argent pour l'entretien de son fils est par ailleurs sans incidence. Il ne se justifie ainsi pas de s’écarter du dernier jugement du tribunal à cet égard. Partant, la détention ordonnée respecte également le principe de proportionnalité sous cet angle.

11.        La mesure litigieuse est aussi conforme au principe de célérité, l'autorité compétente ayant déjà entrepris toutes les démarches utiles pour assurer l'exécution de l’expulsion de l’intéressé et étant dans l’attente d’une réponse du SEM quant aux possibilités de la délivrance d’un laissez-passer en sa faveur, étant rappelé que seul un changement de comportement de M. A______ permettra de faire avancer les démarches en vue de la délivrance d’un tel document. Il ne peut ainsi être retenu à ce stade qu'il n'y aurait pas de perspectives sérieuses que l'expulsion puisse avoir lieu dans un délai prévisible.

12.        Enfin, la durée de sa détention demeure pour l'heure tout à fait conforme au principe de proportionnalité, étant rappelé que sur les dix-huit mois de détention qui peuvent être exécutés en vue d'un renvoi, il n'en a vécu jusqu'ici qu'un peu plus de six.

13.        Au vu de ce qui précède, la demande de prolongation de la détention administrative pour insoumission de M. A______ sera admise pour une durée de deux mois, soit jusqu'au 19 mars 2024.

14.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et à l’OCPM. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable la demande de prolongation de la détention administrative pour insoumission formée le 8 janvier 2024 par l’office cantonal de la population et des migrations à l’encontre de Monsieur A______;

2.             prolonge la détention administrative de Monsieur A______ pour une durée de deux mois, soit jusqu’au 19 mars 2024 ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, à l’office cantonal de la population et des migrations et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière