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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2450/2023

JTAPI/1459/2023 du 22.12.2023 ( LCR ) , ADMIS

Descripteurs : ÉLÈVE CONDUCTEUR;RETRAIT DE SÉCURITÉ
Normes : LCR.10.al2; LCR.14; LCR.14a; LCR.16d; LCR.16.al1; OAC.5j; OAC.11b.al1.letc; OAC.16.al1; OAC.16.al3; OAC.23.al2; OAC.16.al4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2450/2023 LCR

JTAPI/1459/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 22 décembre 2023

 

dans la cause

 

Madame A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DES VÉHICULES

 


EN FAIT

1.             Le 19 octobre 2021, Madame A______, née le ______ 1994, a obtenu auprès de l'office cantonal des véhicules (ci-après : OCV) un permis d'élève conducteur pour la catégorie B (voitures automobiles et tricycles à moteur dont le poids total n'excède pas 3'500 kg et dont le nombre de places assises, autres que le siège du conducteur, n'excède pas huit), avec une validité au 19 octobre 2023.

2.             Ayant échoué à trois reprises à l'examen pratique visant à l'obtention du permis dans la catégorie précitée, soit les 3 mai, 27 septembre et 28 novembre 2022, l'OCV l'invitée à se soumettre à une expertise médicale visant à déterminer son aptitude à la conduite de véhicules à moteur.

3.             Le 9 mai 2023, le Docteur B______, médecin légiste FMH, médecin du trafic SSML, et Madame C______, psychologue diplômée, spécialiste en psychologie de la circulation FSP, tous deux au sein de l'Unité de Médecine et Psychologie du Trafic du Centre universitaire romand de médecine légale (ci-après : CURML), ont rendu leur rapport concernant l'aptitude psychologique à la poursuite de la formation de conductrice de Mme A______.

Les tests effectués mettaient en évidence des capacités de réaction simples satisfaisantes, de légères difficultés en attention divisée, une importante lenteur dans des tâches de flexibilité et des difficultés d'inhibition. De manière générale, Mme A______ semblait avoir de la peine à se montrer à la fois précise et rapide dans les tâches d'une relative complexité, alors que ses capacités de réaction simple ne présentaient aucune particularité. Ses performances étaient en outre peu stables. Il était toutefois vraisemblable que certains de ses résultats aient été influencés, au moins en partie, par une compréhension approximative des consignes et/ou par un manque d'assurance lié à la persistance de doutes sur ce qui était attendu d'elle. En tenant compte des meilleurs scores obtenus à chaque épreuve, ses résultats n'étaient pas incompatibles avec la poursuite de l'apprentissage de la conduite des véhicules à moteur du premier groupe. Ils suggéraient toutefois qu'elle pourrait avoir besoin d'un temps de formation plus long que d'autres élèves conducteurs. Les autres éléments recueillis dans le cadre de l'expertise permettaient de penser que les échecs qu'elle avait subis à l'examen pratique étaient essentiellement attribuables à un manque de formation auprès d'un professionnel de la conduite, à des difficultés de compréhension des enseignements de son moniteur en raison de la barrière de la langue, ainsi qu'au stress généré par le contexte spécifique de l'examen pratique. Ces éléments n'étaient pas de nature à contre-indiquer la poursuite de l'apprentissage de la conduite. Il paraissait toutefois indispensable, avant qu'elle ne se présente à un nouvel examen pratique, que Mme A______ prenne des leçons de conduite supplémentaires auprès d'un moniteur d'auto-école, qui lui permettraient de renforcer ses acquis, d'apporter les modifications nécessaires aux points problématiques relevés dans les procès-verbaux d'examen et d'optimiser ses chances de réussite à sa prochaine tentative. De plus, elle devrait être encouragée à s'exercer régulièrement en dehors de ses cours.

4.             Le 7 juin 2023, Mme A______ a échoué à une quatrième reprise à l'examen pratique.

5.             Par décision du 10 juillet 2023, l'OCV a prononcé le retrait du permis d'élève conducteur catégorie B de Mme A______ et le refus, nonobstant recours, de toute demande d'admission à nouvel examen pratique pour une durée indéterminée, mais au minimum pour deux ans dès le 7 juin 2023. Une nouvelle demande en vue de l'octroi d'un permis d'élève conducteur serait examinée au plus tôt à cette date. En sus des conditions requises pour la délivrance d'un permis d'élève conducteur, l'octroi de ce titre était soumis à l'obligation de présenter une expertise psychologique favorable et datée de moins de six mois. Un recours contre cette décision n'avait pas d'effet suspensif.

Cette décision se fondait sur le fait que Mme A______ avait échoué quatre fois à l'examen de conduite pratique de la catégorie B, dont la dernière fois en date du 7 juin 2023. Après son troisième échec, elle s'était soumise à une évaluation cognitive en lien avec la conduite. Par rapport du 9 mai 2023, les experts avaient conclu à son aptitude à poursuivre sa formation d'élève conductrice, étant précisé qu'il paraissait indispensable, avant qu'elle ne se présente à un nouvel examen, qu'elle prenne des leçons de conduite supplémentaire auprès d'un moniteur d'auto-école. Elle était également encouragée à s'exercer régulièrement en dehors de ses cours. En raison de doutes sur ses qualifications nécessaires à la conduite, le retrait de son permis d'élève conductrice pour la catégorie B était ordonné. En considération des divers résultats d'examen et compte tenu de l'ensemble des circonstances, une durée d'attente de deux ans depuis son dernier échec à l'examen pratique de conduite apparaissait dans son cas comme appropriée.

Cette décision était prononcée en vertu des art. 14, 16, 22, 23, 24,26, 29ss de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01), 4, 4a, 5 de l'ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 (OCR - RS 741.11) et 5c, 5k, 16, 23, 28 à 37 de l'ordonnance réglant l’admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 (OAC - RS 741.51).

6.             Par acte du 17 mai 2023, Mme A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant implicitement à son annulation.

Elle avait effectivement passé le permis (recte : l'examen) avec son propre véhicule et n'avait pas fait appel à un moniteur, ceci pour des raisons financières. Elle ne pouvait pas payer les frais, étant sans ressources avec des enfants à charge. Elle reconnaissait avoir commis une erreur à cette occasion, mais souhaitait à nouveau se présenter à l'examen et avoir cette fois-ci recours à un moniteur. Elle avait trouvé un emploi et avait besoin du permis de conduire pour assurer ce travail.

7.             Par écritures du 22 septembre 2023, l'OCV a persisté dans sa décision. Il a relevé notamment qu'il résultait du procès-verbal de l'examen pratique auquel s'était soumise Mme A______ le 7 juin 2023, qu'elle n'avait pas ralenti à l'approche d'un coussin berlinois et avait démarré d'un stop alors qu'un véhicule arrivait, ce qui n'était d'ailleurs pas contesté par l'intéressée. La décision litigieuse ne découlait ainsi pas d'un mauvais usage du pouvoir d'appréciation de l'autorité, visant à préserver la sécurité des autres usagers de la route.

8.             Par courriers des 29 septembre et 11 octobre 2023, Mme A______ a indiqué qu'elle n'avait pas de remarques supplémentaires à faire et souhaitait simplement conserver son permis d'élève conducteur, se présenter à un nouvel examen avec un moniteur d'auto-école et, cas échéant, reprendre des leçons de conduite.

9.             Elle a renouvelé cette demande par courrier du 10 décembre 2023.

 

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal des véhicules (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 de la loi d'application de la législation fédérale sur la circulation routière du 18 décembre 1987 - LaLCR - H 1 05).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Il convient d'examiner la conformité à la loi de la décision rendue par l'autorité intimée le 10 juillet 2023, en tant qu'elle prononce le retrait du permis d'élève conducteur de la recourante, la soumet à l'obligation de présenter une nouvelle expertise psychologique favorable avant toute délivrance d'un permis ou permis d'élève conducteur et fixe une délai d'attente de deux ans.

4.             À teneur de l'art. 10 al. 2 LCR, nul ne peut conduire un véhicule automobile sans être titulaire d’un permis de conduire ou, s’il effectue une course d’apprentissage, d’un permis d’élève conducteur.

Selon l'art. 14 al. 1 LCR, tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l’aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite.

Est apte à la conduite, aux termes de l'art. 14 al. 2 LCR, celui qui a atteint l’âge minimal requis (let. a), qui a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b), qui ne souffre d’aucune dépendance qui l’empêche de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) et dont les antécédents attestent qu’il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d).

Conformément à l'art. 14a al. 1 LCR, le permis d'élève conducteur est délivré si le candidat a réussi l'examen théorique prouvant qu'il connaît les règles de la circulation (let. a) et démontré qu'il possédait les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b).

L'attestation requise en vertu de l'al. 1 let. b est apportée, s'agissant des conducteurs professionnels de véhicules automobiles, par un certificat du médecin-conseil (let. a) et, s'agissant des autres conducteurs de véhicules automobiles, par un examen de la vue reconnu officiellement et par une déclaration personnelle sur leur état de santé (let. b).

Les permis et les autorisations seront retirés lorsque l’autorité constate que les conditions légales de leur délivrance ne sont pas ou ne sont plus remplies (art. 16 al. 1 1ère phr. LCR).

L'art. 16d al. 1 let. a et c LCR prévoit en outre que le permis d’élève conducteur est retiré pour une durée indéterminée à la personne dont les aptitudes physiques et psychiques ne lui permettent pas ou plus de conduire avec sûreté un véhicule automobile ou qui, en raison de son comportement antérieur, ne peut garantir qu’à l’avenir elle observera les prescriptions et fera preuve d’égards envers autrui en conduisant un véhicule automobile.

Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l'objet d'une enquête dans les cas énumérés de manière non exhaustive à l'art. 15d al. 1 let. a à e LCR (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.1).

5.             Ces mesures constituent un retrait de sécurité (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 122 II 359 consid. 1a ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2.1.2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1 ; 1C_384/2011 du 7 février 2012 consid. 2.3.1), en ce sens qu'elles ne tendent pas à réprimer et ne supposent pas la commission d'une infraction fautive à une règle de la circulation, mais sont destinées à protéger la sécurité du trafic contre les conducteurs inaptes (cf. not. ATF 133 II 331 consid. 9.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_819/2013 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 6A.33/2001 et 35/2001 du 30 mai 2001 consid. 3a ; 6A.114/2000 du 20 février 2001 consid. 2).

La décision de retrait de sécurité du permis pour cause d'inaptitude à la conduite constitue une atteinte grave à la personnalité et à la sphère privée de l'intéressé ; elle doit reposer sur une instruction précise des circonstances déterminantes (ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; 133 II 284 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_242/2017 du 14 juillet 2017 consid. 3.2 ; 1C_331/2016 du 29 août 2016 consid. 4 ; 1C_557/2014du 9 décembre 2014 consid. 3 ; 1C_819 du 25 novembre 2013 consid. 2 ; 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1). L'autorité compétente doit, avant d'ordonner un tel retrait, éclaircir d'office la situation de la personne concernée. L'étendue des examens officiels nécessaires est fonction des particularités du cas d'espèce et relève du pouvoir d'appréciation des autorités cantonales compétentes (ATF 129 II 82 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_331/2016 du 29 août 2016 consid. 4).

En cas de doute, il y a lieu d'ordonner un examen médical, notamment un examen psychologique ou psychiatrique (cf. ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, un tel doute peut reposer sur de simples indices (arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.1).

6.             Selon l'art. 16 al. 1 let. c OAC, le permis d’élève conducteur est valable 4 mois pour la catégorie A et la sous-catégorie A1(let. a), 12 mois pour la sous-catégorie B1 et la catégorie spéciale F (let. b) et 24 mois pour toutes les autres catégories (let. c).

La validité du permis d’élève conducteur expire lorsque le titulaire a échoué trois fois de suite à l’examen de conduite et que l’autorité compétente nie, sur la base d’un test, l’aptitude de l’intéressé à conduire (art. 16 al. 3 let. a OAC).

Seule peut demander un deuxième permis d’élève conducteur la personne qui, sur la base d’un test effectué par l’autorité compétente, est jugée apte à conduire ou qui, à la fin de la durée de validité du premier permis, n’a pas épuisé toutes les chances de se présenter à l’examen. L’autorité arrête les éventuelles conditions (art. 16 al. 4 OAC).

À teneur de l'art. 23 al. 2 OAC, quiconque échoue trois fois à l’examen pratique ne peut être admis à un quatrième examen qu’à la suite d’un test favorable selon l’art. 16 al. 3 OAC.

Selon l'art. 11b al. 1 let. c OAC, l’autorité cantonale examine si les conditions requises pour délivrer un permis d’élève conducteur, un permis de conduire ou une autorisation de transporter des personnes à titre professionnel sont remplies. Elle adresse les requérants dont l’aptitude caractérielle ou psychique à conduire un véhicule automobile soulève des doutes à un psychologue du trafic reconnu selon l’art. 5c OAC.

Selon l'art. 5j al. 2 OAC, si le résultat d’un examen soulève des doutes, un médecin ayant obtenu la reconnaissance de niveau 4 peut demander à l’autorité cantonale qu’une course visant à vérifier l’aptitude à la conduite soit réalisée avec la participation d’un médecin ayant obtenu la reconnaissance de niveau 4 et d’un expert de la circulation.

7.             Si elle met en œuvre une expertise, l'autorité est liée par l'avis de l'expert et ne peut s'en écarter que si elle a de sérieux motifs de le faire (ATF 132 II 257 consid. 4.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_557/2014du 9 décembre 2014 consid. 3).

Le rôle du médecin, en particulier du médecin-expert, est de décrire l’état clinique d’un intéressé et en aucune manière de se prononcer sur l’opportunité ou la nécessité de retirer son permis de conduire. La chose est d’autant plus vraie que certains concepts de la médecine n’ont pas la même portée en droit de la circulation routière. Cette considération doit toutefois être nuancée lorsque l’autorité compétente, administrative ou judiciaire, comme en l'espèce, demande au médecin de se prononcer également sur l’aptitude à conduire d’un conducteur. Il n'en demeure pas moins qu’il appartient fondamentalement à l’autorité administrative, respectivement au juge, d’apprécier les éléments médicaux du rapport du médecin, puis de répondre à la question - de droit - de savoir si l’aptitude de l'intéressé est ou non donnée. L’autorité administrative, respectivement le juge, apprécient librement les preuves figurant au dossier ; cette considération est toutefois relativement théorique, dans la mesure où la liberté de l’autorité trouve sa limite dans l’interdiction de l’arbitraire : si le juge n’est en principe pas lié par les conclusions de l’expert médical, il ne peut s’en défaire, sous peine de violer l’art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (protection contre l’arbitraire), qu’en exposant les motifs déterminants et les circonstances bien établies qui lui commandent d’agir de la sorte. Par contre, lorsque les conclusions médicales paraissent insuffisantes ou lacunaires, le juge se doit de les faire compléter (C. MIZEL, "Aptitude à la conduite automobile, exigences médicales, procédure d'examen et secret médical", AJP/PJA 2008 p 596 ; cf. aussi ATF 133 II 384 consid. 4.2.3 ; 118 Ia 144 consid. 1c ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2008 du 23 février 2009 consid. 2.2).

En ce qui concerne la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est décisif, c'est que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et, enfin, que les conclusions de l'expert soient dûment motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 125 V 351 consid. 3a ; 122 V 157 consid. 1c et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_557/2014du 9 décembre 2014 consid. 4 ; 1C_359/2008 du 23 février 2009 consid. 2.2).

8.             En l'espèce, la recourante ayant échoué trois fois à l'examen pratique pour l'obtention du permis B, c'est à juste titre, sur la base de l'application combinée des art. 16 al. 3 let. a et 23 al. 2 OAC, dont la teneur a été rappelée plus haut, que l'OCV lui a demandé de se soumettre à une expertise d'aptitude auprès du CURML. Les auteurs de ladite expertise ayant conclu à l'aptitude de la recourante à poursuivre sa formation de conductrice de véhicule du premier groupe, c'est par ailleurs à bon droit que l'OCV, en application de ces mêmes dispositions, a admis la recourante à passer un quatrième examen.

Suite au quatrième échec, l'autorité intimée a prononcé le retrait de sécurité du permis de conduire de la recourante, estimant que l'examen du dossier l'incitait à concevoir des doutes quant à son aptitude à la conduite des véhicules à moteur.

Or, le tribunal relève que, conformément à l'art. 16 al. 3 let. a OAC combiné avec l'art. 23 al. 2 OAC, dès lors que la recourante avait épuisé toutes les chances de se présenter à l’examen pratique, la validité de son permis d'élève conducteur expire d'office. En l'occurrence, son permis a ainsi expiré le 7 juin 2023, date à laquelle la recourante a échoué au quatrième examen. Dans ces circonstances, l'OCV n'était pas fondé à prononcer, le 10 juillet 2023, un retrait de sécurité du permis de conduire, d'emblée échu, de la recourante, l'autorité intimée pouvant tout au plus rendre une décision en constatation de la caducité de son permis d'élève conducteur à la date précitée.

9.             L'OCV a ensuite soumis la délivrance d'un deuxième permis d'élève conducteur à une expertise psychologique favorable. Pour fonder sa décision, l'autorité intimée a retenu l'existence de doutes quant à son aptitude à la conduite des véhicules à moteur en raison des quatre échecs subis et des fautes commises dans cadre.

Cependant, le simple fait d'échouer à un examen pratique (fût-il le quatrième) ne peut entraîner à lui seul la mise en œuvre d'une expertise médicale, sans violer le principe de proportionnalité, faute d'autres éléments permettant de retenir l'existence de doutes suffisants quant à l'aptitude à la conduite de la personne concernée, ce d'autant que les experts mandatés pour examiner l'intéressée suite à son troisième échec ont conclu à son aptitude à la conduite. L'autorité intimée n'expose pas davantage quels motifs déterminants ni quelles circonstances lui commandaient de retenir le contraire ensuite du quatrième échec, étant relevé que la recourante a commis les mêmes fautes graves que précédemment et que par conséquent, les experts avaient déjà tenu compte de cet élément. Il ressort du rapport d'expertise que les points litigieux ont fait l'objet d'une étude circonstanciée, qu'il se fonde sur des examens complets et que les conclusions des experts sont dûment motivées. Dès lors, en l'espèce, il n'existe pas suffisamment d'indices concrets permettant de douter de l'aptitude à la conduite de la recourante, au sens de la jurisprudence précitée. La remise en cause indirecte de l'expertise du 15 décembre 2022 par la décision litigieuse est d'autant moins conforme au principe de proportionnalité que l'art. 5j al. 2 OAC déjà cité plus haut permet, en cas de doute sur l'aptitude à la conduite, d'effectuer une course de contrôle avec la participation d'un médecin de niveau 4, ce que les experts n'avaient à ce moment-là pas jugé utile de requérir. Partant, les doutes exprimés par l’OCV dans la décision litigieuse sont mal fondés.

10.         Par conséquent, si l'autorité intimée est amenée, en application de l'art. 16 al. 4 OAC, à fixer des conditions pour la délivrance d'un nouveau permis d'élève-conducteur, celles que pose la décision litigieuse n'apparaissent pas justifiées en regard des circonstances. Il pourrait certes être intéressant de soumettre la recourante à un test au sens de l'art. 16 al. 4 OAC, par exemple sous la forme d'une course accompagnée au sens de l'art. 5j al. 2 OAC, de manière à compléter l'expertise du 15 décembre 2022, mais sans encore fixer de délai d'attente pour la délivrance d'un nouveau permis, puisque l'on ignore à ce stade si l'on a véritablement affaire à une problématique d'aptitude à la conduite, ou simplement à des difficultés d'apprentissage.

11.         Au vu de ce qui précède, dès lors que l'OCV a excédé son pouvoir d'appréciation en rendant la décision querellée, le recours sera admis et ladite décision annulée, le dossier lui étant renvoyé pour nouvelle décision au sens des considérants.

12.         Il convient cependant d'attirer encore l'attention de la recourante sur le fait que les experts qui se sont prononcés dans le rapport du 9 mai 2023 ont été tout à fait clairs sur les exercices dont elle avait besoin pour être réellement préparée à réussir un examen pratique de conduite. Ils ont préconisé en particulier, outre un entraînement individuel (bien entendu en course accompagnée), que la recourante prenne des cours avec un moniteur professionnel. Ainsi, quand bien même la recourante a exposé ses difficultés financières, qui l'ont jusqu'ici dissuadée de prendre suffisamment de cours de conduite, le tribunal souligne que cet investissement financier apparaît en réalité tout à fait nécessaire et que la recourante a tout intérêt à ne pas le sous-estimer.

13.         Vu l'issue de la procédure, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA – E 5 10.03). L'avance de frais versée par la recourante sera restituée.

14.         La recourante n'ayant pas exposé de frais particuliers, il ne lui sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 25 juillet 2023 par Madame A______ contre la décision de l'office cantonal des véhicules du 10 juillet 2023 ;

2.             l'admet ;

3.             annule la décision de l'office cantonal des véhicules du 10 juillet 2023 ;

4.             renvoie le dossier à l'office cantonal des véhicules pour nouvelle décision au sens des considérants ;

5.             dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

6.             ordonne la restitution à la recourante de son avance de frais de CHF 500.- ;

7.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

8.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière