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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2896/2023

JTAPI/1285/2023 du 16.11.2023 ( AMENAG ) , REJETE

Descripteurs : ARBRE
Normes : RCVA.3.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2896/2023 AMENAG

JTAPI/1285/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 16 novembre 2023

 

dans la cause

 

Mesdames A______ et B______ et Monsieur C______, représentés par Me Gian-Reto AGRAMUNT, avocat, avec élection de domicile

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OCAN

Madame D______ et Monsieur E______, représentés par Me David BENSIMON, avocat, avec élection de domicile


EN FAIT

1.             Monsieur E______ et Madame D______ sont les propriétaires de la parcelle n° 1______ de la commune de G______.

2.             Par requête adressée le 18 juillet 2023 au département du territoire (ci-après : DT ou le département), soit pour lui l'office cantonal de l'agriculture et de la nature (ci-après : OCAN), M. E______ a sollicité l'autorisation d'abattre deux hêtres, en le motivant par le fait qu'il s'agissait d'arbres secs en mauvais état, représentant un danger de chute de branches.

3.             Par décision du 20 juillet 2023, l'OCAN a délivré l'autorisation sollicitée avec l'indication « Sécurité/arbres fortement dépérissant » et en la soumettant à l'obligation de replanter deux arbres dans la partie boisée de la parcelle dans l'année suivant l'abattage. Un projet de plantation devait être transmis pour accord préalable au service du paysage et des forêts. Cette autorisation était exécutoire immédiatement, nonobstant recours.

4.             Par acte du 14 septembre 2023, Madame B______ et Madame A______, respectivement propriétaires des parcelles n° 2______ et n° 3______, respectivement adjacente et proche de la parcelle de M. E______, ainsi que Monsieur C______, habitant de l'immeuble sis sur la première des deux parcelles susmentionnées, ont recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), en concluant à son annulation. Préalablement, ils demandent le retrait de l'effet exécutoire de la décision, la production de différents documents et une expertise sur les deux arbres en question.

Ils exposent que le litige trouve place dans le cadre d'un contentieux actuellement en cours au sujet du fait de savoir si le boisement situé notamment sur la parcelle de M. E______ est de nature forestière, ce qui a été contesté dans un premier temps par l'OCAN puis les juridictions cantonales, avant que le Tribunal fédéral ne renvoie la cause au canton pour complément d'instruction. Celle-ci consiste actuellement à enquêter sur l'évolution du boisement litigieux sur plusieurs années, notamment avant les possibles récentes interventions qui en auraient atténué le caractère forestier. Ils ajoutent que depuis le relevé initialement effectué par l'OCAN, d'autres arbres n'ont cessé d'être abattus sur la parcelle litigieuse.

Sur le fond, il découle de ce qui précède, selon les recourants, que l'autorisation litigieuse ne pouvait se fonder sur la réglementation cantonale relative à la végétation arborée, laquelle s'applique aux arbres situés en dehors d'une forêt, mais devait se fonder sur la législation forestière. Par ailleurs, les recourant se plaignent d'une violation de leur droit d'être entendu au motif qu'ils n'ont pas pu prendre connaissance de la requête en autorisation et ont simplement été mis devant le fait accompli.

5.             Par décision sur mesures superprovisionnelles du 14 septembre 2023, le tribunal a interdit l'exécution de la décision du 20 juillet 2023. Un délai au 20 septembre 2023 était imparti à M. E______ pour s'exprimer sur la demande de retrait de l'effet suspensif.

6.             Par courrier du 19 septembre 2023, M. E______, sous la plume de son conseil, a sollicité le report de ce délai au 29 septembre 2023, date à laquelle il a produit sa réponse au recours, en concluant au rejet de ce dernier, ainsi qu'au refus de restituer l'effet suspensif au recours.

Son argumentation sera reprise ci-après en droit dans la mesure utile.

7.             Par écritures du 20 septembre 2023, le département a répondu au recours en concluant à son rejet, ainsi qu'au refus de restituer l'effet suspensif au recours.

C'était dans le cadre de l'instruction de la procédure relative à la nature forestière du boisement que trois collaborateurs du département, dont un ingénieur spécialisé, s'étaient déplacés le 18 juillet 2023 sur la parcelle de M. E______ et avaient constaté que les deux hêtres litigieux, d'environ 25 m de hauteur, étaient secs et en mauvais état, certaines branches menaçant de tomber. Concernant des hêtres, de telles constatations étaient caractéristiques de spécimens fortement dépérissant, dont la dégradation était rapide, et qui présentaient un danger de chute mettant en cause la sécurité des biens et des personnes. La chute de ces arbres pouvait se produire en toute direction et, compte tenu de leur hauteur, ils pouvaient tomber aussi bien sur la parcelle en question, que sur l'une des parcelles des recourants. Pour prévenir ce risque, il faudrait interdire à M. E______ la jouissance de l'entier de son jardin, mais également la jouissance du jardin des recourante, ainsi que l'accès à une partie d'une autre parcelle, sur laquelle passait un chemin. Enfin, la compensation de l'abattage par l'obligation de replanter des arbres garantirait le caractère boisé de la parcelle, qu'il soit ou non qualifié de forêt dans la procédure pendante à ce sujet.

Par ailleurs, le fort dépérissement des deux arbres empêchait leur maintien, quelle que soit la législation à appliquer.

8.             Le 5 octobre 2023, le tribunal a procédé à un transport sur place.

Devant le hêtre situé à l'orée de la partie boisée de la parcelle en cause, en y accédant par le nord, Monsieur F______, technicien forestier intervenant pour le département, a fait observer que toute la partie supérieure (le houppier) était dépourvue de feuilles. Selon lui, cela ne résultait pas des sécheresses de l’été, mais tout simplement de la mort de cette partie. C'était celle qui faisait vivre l’arbre et que l’on ne pourrait pas se contenter de couper, étant précisé que le hêtre était un arbre extrêmement fragile et qui avait tendance à se nécroser très rapidement. Il s'agissait d'un phénomène appelé descente de cime. Si l’intention de M. E______ était de conserver l’arbre encore un peu, on pourrait préconiser l’élagage de la partie supérieure, mais le phénomène continuerait à aller vers le bas, l’arbre étant de toute manière condamné. Ce sujet avait vraisemblablement subi, comme d’autres hêtres du voisinage, la conséquence des sécheresses à répétition des années passées, qui affaiblissaient l’arbre et qui permettaient la pénétration et l’installation de différents types de champignons. Le département n'avait pas fait une analyse détaillée du type de champignon dont il s’agissait, car ce n’était désormais plus la question.

Mme A______ a relevé que quelques années auparavant, une discussion avait eu lieu avec un autre voisin au sujet de la conservation d’un chêne dont la partie supérieure se portait mal. Après l’élagage, il s'était avéré que la partie restante se portait extrêmement bien, ce qui restait le cas depuis une dizaine d’années.

Sur ce, M. F______ a relevé que le chêne était un arbre qui se prêtait bien à l’élagage, comme en témoignait la pratique du chêne-têtard coupé régulièrement et qui repoussait malgré tout. Cette pratique était tout à fait impossible avec le hêtre, comme en témoignait l'inexistence de ce type d'arbres. Il était possible que le sol ne soit pas idéal pour les hêtres, mais en tout état, on pouvait supposer qu’ils étaient condamnés à moyen long terme en raison des changements climatiques. S’agissant des deux arbres à replanter, ce serait de toute façon assez difficile compte tenu de l’ombrage lié aux autres arbres existants. On pouvait imaginer faire cette opération en plusieurs fois : l’élagage en vue d'enlever la partie supérieure coûterait environ CHF 6'000.-, mais il faudrait recommencer la même opération deux ou trois fois, jusqu’à ce que l’arbre ait complètement disparu.

Monsieur H______, dont l'entreprise avait commencé à intervenir peu après la délivrance de l'autorisation litigieuse, a expliqué que ce que l'on voyait au sommet du hêtre en question, était des bourgeons complètement desséchés. Il avait été constaté en montant au sommet de l’arbre qu’il était rempli de champignons. On pouvait d’ailleurs observer à environ quatre mètres de haut un carpophore qui signalait que l’arbre était définitivement condamné. À ce sujet, le fait de conserver l’arbre encore quelques années aurait pour conséquence que ce champignon pourrait continuer à disperser ses spores et contaminer les arbres du voisinage.

M. F______ a encore ajouté que l'on ne pouvait pas prévoir exactement à quel moment des branches seraient susceptibles de tomber. Cela pouvait survenir dans un jour ou dans trois mois, mais de toute façon le risque était présent.

Le tribunal s'est ensuite déplacé à proximité du second hêtre, vers l’angle de la parcelle située côté Salève. Le tribunal a constaté qu’il s'agissait d’un arbre d’un diamètre d’environ 70 à 80 cm, dont la partie supérieure ne présentait plus que quelques grosses branches sèches et plus aucuns rameaux.

M. F______ a indiqué que tout ce qui avait été dit jusque-là pouvait être répété, sous réserve du fait que ce second arbre était plus avancé au niveau des nécroses.

M. E______ a attiré l’attention du tribunal sur un tas de quelques bûches et branchages secs au pied de l’arbre qui résultaient des débuts de travaux d’élagage qui avaient eu lieu précédemment et qui faisaient que l’arbre ne présentait plus toute la partie existante au moment de l’autorisation d’abattage. Le conseil des recourant a observé que les branchages situés au pied de l’arbre portaient des feuilles actuellement sèches, mais qui étaient vertes au moment de l’élagage. M. E______ a précisé que les branches tombées au pied de cet arbre résultaient de chutes qui avaient eu lieu après la première intervention en vue de son abattage.

M. F______ a indiqué qu'il s'agissait manifestement de branchages encore verts sur les parties basses de l’arbre. Il y avait bien sûr toujours quelques cas exceptionnels, mais de manière générale on pouvait prédire que cet arbre, même en lui enlevant la partie supérieure, et pour autant qu’il ne prenne pas un coup de soleil dans la partie inférieure encore verdoyante, était malgré tout condamné à relativement court terme. Peut-être que cela prendrait encore une année ou peut-être cinq ans, mais en tous les cas, dans dix ans, il n’en resterait vraisemblablement rien. Le département procédait à une pesée des intérêts qui prenait notamment en considération les coûts à répétition qu’entraineraient pour le propriétaire des opérations successives, mais inversement aussi, cas échéant, la présence, par exemple, d’un insecte figurant sur la liste rouge qui amènerait plutôt le département à vouloir conserver l’arbre le plus longtemps possible, quand bien même il faudrait l’abattre au bout du compte.

Le tribunal a pour finir constaté, sur la parcelle, l'existence d’autres hêtres qui présentaient un état que M. F______ a qualifié de problématique sur le plan sanitaire, ces sujets étant probablement appelés à subir le même sort que les deux arbres litigieux.

9.             Par réplique du 16 octobre 2023, les recourants ont notamment souligné que le délai pris par l'OCAN pour décider de la nature forestière du boisement, depuis que la procédure était retournée au canton, était selon eux excessif. Il était curieux de ne trouver dans le dossier aucune note ou rapport résultant de la visite que les collaborateurs du département auraient faite sur la parcelle en cause le 18 juillet 2023. La décision litigieuse démontrait le manque de professionnalisme de l'autorité, puisque celle-ci n'avait pas jugé utile de procéder à un examen des arbres au niveau de leur sommet ou de prélever des échantillons pour analyser les champignons ou les maladies dont les arbres étaient éventuellement atteints. L'autorité aurait également pu analyser l'environnement immédiat des deux arbres afin de déterminer s'il existait un espace suffisamment exposé à la lumière pour permettre la repousse des branches et du feuillage après l'élagage des éléments dépérissants. Le risque imminent de chute était contesté, puisque le transport sur place avait permis de constater qu'un des deux arbres ne faisait l'objet d'aucune zone délimitatrice. D'ailleurs, le propriétaire organisait régulièrement des fêtes le week-end dans son jardin et de nombreux invités se promenaient sous les arbres. Le même jardin disposait de jeux d'accrobranche, mais ce dispositif avait étonnamment été enlevé quelques jours avant le transport sur place.

Les affirmations du département lors du transport sur place, selon lesquelles les deux hêtres étaient fortement dépérissants, n'étaient pas dignes de foi en l'absence d'analyses plus spécifiques. Il était également inexact d'affirmer que les hêtres pouvaient souffrir de sécheresses répétées, puisque l'office fédéral de la métrologie et de la climatologie indiquait sur son site Internet que l'été 2021 avait été l'un des plus arrosés en moyenne au nord des Alpes depuis le début des mesures.

Quant aux déclarations faites durant le transport sur place par M. H______, elles devaient être retirées du procès-verbal car l'on ne voyait pas en quelle qualité il aurait pu assister à cette mesure d'instruction, alors qu'il n'était pas un expert choisi par les parties et qu'il n'avait pas été invité formellement par le tribunal à témoigner.

Sous l'angle du principe de proportionnalité, l'élagage de la partie supérieure des arbres pouvait être envisagée. La décision litigieuse n'examinait pas le problème sous cet angle et n'avait pas évalué le rapport entre les coûts prétendument élevés pour le propriétaire et l'intérêt de laisser vivre les arbres encore quelques années. Il n'était pas non plus indiqué que les arbres à replanter doivent avoir un certain nombre d'années pour remplacer des arbres vieux de plus de 60 ans. De toute manière, un tel projet ne paraissait pas viable en raison de l'ombrage lié aux autres arbres existants. Enfin, des spécialistes relevaient que des campagnes d'abattage de deux arbres se multipliaient actuellement dans toute la Suisse, se fondant toujours sur les mêmes arguments relatifs à l'âge et à la maladie, ainsi que la sécurité. Les risques de chute pouvaient cependant être réduits avec des soins adaptés.

10.         Par observations du 16 octobre 2023, les recourants ont détaillé les raisons pour lesquelles les déclarations de M. H______ lors de l'audience de transport sur place ne pouvaient être prises en considération. À cet égard, ils ont notamment soutenu qu'il ne pouvait être considéré comme un mandataire professionnellement qualifié, étant donné qu'il n'avait pas publié de thèse ou d'autres écrits dans des revues spécialisées, démontrant des connaissances certaines en mycologie ou en matière d'arboriculture.

Ils ont en outre demandé que le procès-verbal de transport sur place soit complété dans ce sens que le hêtre situé à l'orée de la partie boisée de la parcelle n'était pas délimité au sol par de la rubalise, à l'inverse du second hêtre. En outre, un banc, ainsi qu'un but et des ballons de football se trouvaient sous le même arbre, mais l'on n'y avait vu aucune branche ou feuillage.

Enfin, en raison des compétences scientifiques particulières qu'il convenait d'avoir pour déterminer si l'un ou l'autre des deux arbres n'était plus sain ou n'était que partiellement vivant, les parties ne pouvaient se substituer à des experts en la matière pour établir ces éléments. Par conséquent, ils persistaient dans leur conclusion relative à ce qu'une expertise soit ordonnée.

11.         Par écritures du 16 octobre 2023, le département a tout d'abord remis en cause l'intérêt des recourants dans la procédure, dans la mesure où l'on ne voyait pas quel serait l'avantage qu'ils retirerait du maintien d'arbres dépérissants. Il a en outre persisté dans ses précédentes déterminations. Si la décision litigieuse ne désignait pas la disposition légale sur laquelle elle se fondait, qu'il s'agisse de la réglementation relative à la végétation arborée ou de la réglementation en matière forestière, c'était afin de ne pas préjuger de l'issue de la procédure actuellement en cours sur la nature forestière du boisement. En tout état, ces deux législations imposaient l'obtention d'une autorisation pour procéder à l'abattage et les motifs de sécurité y étaient pris en compte de la même manière et impliquaient une pesée des intérêts. La condition de replantation dont la décision litigieuse était assortie pouvait également résulter des deux législations. Pour le surplus, les explications du département seront reprises ci-après dans la partie en droit, en tant que de besoin.

12.         Par écritures du 16 octobre 2023, M. E______ a en substance repris son argumentation précédente.

13.         Par écritures spontanées du 2 novembre 2023, les recourants ont contesté certains ajouts que M. E______, par ses écritures du 16 octobre 2023, souhaitait apporter au procès-verbal du transport sur place. Ils ont en outre contesté l'essentiel des conclusions que M. E______ entendait tirer du transport sur place et de l'argumentation qu'il développait à ce sujet, et ont en outre sollicité le témoignage d'une voisine sur le fait que M. E______ organisait des fêtes lors desquelles les invités accédaient au jardin sans délimitation autour des deux arbres concernés. Ils ont ensuite derechef critiqué le travail selon eux non professionnel du département dans ce dossier, qui se lisait dans les remarques faites par cette autorité à la suite du transport sur place. Cette dernière devait par ailleurs être invitée à se déterminer par une écriture de réponse sur le fond, ce qu'elle n'avait fait ni dans ses écritures sur effet suspensif du 20 septembre 2023, ni dans ses observations du 16 octobre 2023 qui concernaient les constatations faites lors du transport sur place.

Les recourants ont par ailleurs repris leurs arguments précédents au sujet de l'insuffisance d'éléments permettant d'évaluer correctement l'état sanitaire des deux arbres, soulignant que selon eux, le département n'avait pas à prendre en considération, dans l'examen de la proportionnalité, la question des coûts qu'engendreraient pour M. E______ les interventions répétées sur les arbres, puisqu'en contrepartie, il fallait aussi évaluer combien d'années les arbres partiellement coupés pourraient encore vivre. A cet égard, l'autorité intimée avait ignoré sa mission consistant à renforcer l'infrastructure écologique et le patrimoine arboré. Une expertise s'avérait nécessaire. Enfin, le technicien forestier présent lors du transport sur place avait lui-même admis la difficulté de replanter des arbres sur la parcelle. La crainte d'une inexécution des mesures de replantation était donc fondée.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, soit contre les décisions prises par le département en application de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) et du RCVA (art. 62 al. 2 LPMNS et 23 RCVA), soit contre les décisions prises en application de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10 – art. 63 al. 1).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             À titre préalable, s'agissant de l'instruction de la présente cause, les recourants requièrent une expertise judiciaire afin de déterminer l'état sanitaire des arbres dont l'abattage est prévu. Ils considèrent par ailleurs que les déclarations de M. H______ lors du transport sur place devraient être retirées du procès-verbal. Ils contestent également les ajouts que les intimés voudraient apporter au procès-verbal du transport sur place. Ils demandent en outre l'audition d'une voisine pouvant attester du fait que les intimés organisent sur leur parcelle des fêtes lors desquelles les invités circulent sans précaution particulière par rapport aux arbres concernés. Enfin, ils sollicitent un nouvel échange d'écritures en ce sens que l'autorité intimée devrait être invité à se prononcer sur le fond du litige.

4.             Garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu est une garantie constitutionnelle de caractère formel, dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l’autorité de recours n’est pas possible, l’annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 137 I 195 consid. 2.2 ; 135 I 279 consid. 2.6.1 ; 135 I 187 consid. 2.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_529/2016 du 26 octobre 2016 consid. 4.2.1 ; 5A_681/2014 du 14 avril 2015 consid. 31 ; ATA/289/ 2018 du 27 mars 2018 consid. 2b). Ce moyen doit dès lors être examiné en premier lieu (ATF 137 I 195 consid. 2.2).

Le contenu du droit d’être entendu et les modalités de sa mise en œuvre sont déterminés en premier lieu par les dispositions de droit cantonal de procédure (arrêt du Tribunal fédéral 8C_615/2016 du 15 juillet 2017 consid. 3.2.1 et les références citées ; ATA/289/ 2018 du 27 mars 2018 consid. 2b). Il est concrétisé à l’art. 41 LPA, selon lequel les parties ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision.

Le droit d’être entendu sert non seulement à établir correctement les faits, mais constitue également un droit indissociable de la personnalité garantissant à un particulier de participer à la prise d’une décision qui touche sa position juridique. Il comprend, en particulier, le droit pour la personne concernée de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment, de fournir des preuves pertinentes quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos. En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 138 II 252 consid. 2.2 ; 138 I 484 consid. 2.1 ; 138 I 154 consid. 2.3.2 ; 137 I 195 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_472/2014 du 3 septembre 2015 consid. 4.1 ; ATA/80/2016 du 26 janvier 2016 consid. 2). L’étendue du droit de s’exprimer ne peut pas être déterminée de manière générale, mais doit être définie au regard des intérêts concrètement en jeu. L’idée maîtresse est qu’il faut permettre à une partie de pouvoir mettre en évidence son point de vue de manière efficace (ATA/778/2018 du 24 juillet 2018 consid. 3a et les références citées).

5.             En l'occurrence, la requête d'expertise des recourants se fonde sur l'idée selon laquelle l'autorité intimée ne pourrait pas, s'agissant de sa propre décision, se mettre en position d'experte. Cette affirmation contredit cependant l'idée de base de la procédure administrative non contentieuse, qui confie aux autorités compétentes, cas échéant avec l'appui de spécialistes, le soin de faire une application correcte de la loi, notamment en tenant compte de ses aspects techniques. On ne peut donc pas simplement affirmer ou sous-entendre la partialité de l'autorité administrative pour prétendre que les avis techniques sur lesquels elle se fonde seraient eux-mêmes biaisés ou dénués de pertinence. Pour remettre en cause une décision administrative sous l'angle de ses aspects techniques, il faut au moins être en mesure d'expliquer en quoi ces derniers paraissent contenir des erreurs. En l'occurrence, les recourants se contentent de substituer leur propre appréciation, d'ailleurs toute générale, à celles d'un collaborateur spécialisé de l'autorité intimée, sans démontrer en quoi l'appréciation de ce dernier paraîtrait particulièrement critiquable.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer une expertise judiciaire.

6.             S'agissant des déclarations faites par M. H______ lors du transport sur place, il n'y a pas lieu de les retirer du procès-verbal. Contrairement à ce que soutiennent les recourants, le précité peut parfaitement intervenir dans la procédure en tant que mandataire professionnellement qualifié au profit de l'autorité intimé, quand bien même il ne serait pas l'auteur d'une thèse ou n'aurait pas publié dans des revues spécialisées en matière de mycologie ou d'arboriculture. L'art. 9 al. 1 LPA, qui autorise l'intervention d'un mandataire professionnellement qualifié pour la cause dont il s'agit, ne pose aucune exigence de ce type. Il suffit que l'expérience professionnelle de la personne concernée lui permette d'assister utilement un justiciable devant la juridiction administrative, ce qui est manifestement le cas pour un collaborateur d'une entreprise spécialisée en matière d'abattage et d'élagage. Cela ne signifie pas pour autant que son avis puisse être confondu avec celui d'un expert privé.

7.             Concernant les propositions faites par les intimés dans leurs écritures du 16 octobre 2023 en vue d'ajouter quelques éléments au procès-verbal du transport sur place, il découle du considérant 12 en fait et des considérants de la partie en droit qu'il n'est nul besoin d'en tenir compte pour trancher le litige, de sorte que les conclusions prises à ce sujet par les recourants sont sans objet.

8.             S'agissant de l'audition d'une voisine pour les motifs évoqués ci-dessus, cette mesure d'instruction ne se justifie pas non plus. En effet, l'état sanitaire des arbres ressort des constatations faites par l'autorité compétente, sans que les risques auxquels les intimés exposent prétendument leurs hôtes n'aient une quelconque incidence à cet égard. Il en sera également question plus loin.

9.             Enfin, les recourants sollicitent un nouvel échange d'écritures en ce sens que l'autorité intimée devrait être invitée à se prononcer sur le fond du litige, ce qu'elle n'aurait fait jusqu'à présent ni dans ses écritures sur effet suspensif du 20 septembre 2023, ni dans ses observations du 16 octobre 2023 qui concernaient les constatations faites lors du transport sur place. Cette requête et l'argumentation qui la soutient frisent la témérité et n'ont vraisemblablement pour but que de tenter de gagner du temps. En effet, l'objet essentiel du litige est de savoir si l'autorisation d'abattage des deux hêtres est fondée sur une appréciation correcte de leur état sanitaire. Or, c'est bien cette question que l'autorité intimée a abordée dans toutes ses prises de positions, ainsi que lors du transport sur place et à la suite de ce dernier. Les recourants ont ainsi amplement eu l'occasion de se déterminer en conséquence, ce que reflètent d'ailleurs abondamment leurs écritures.

10.         Dans un grief de nature formelle qu'il convient d'examiner en premier, les recourants se plaignent du fait que la décision litigieuse consacrerait une violation de leur droit d'être entendu (dont la teneur a été rappelée plus haut). À ce titre, ils relèvent qu'ils ont été mis devant le fait accompli, n'ayant pas pu prendre connaissance de la requête en abattage.

11.         Selon l'art. 5 al. 1 RCVA, les requêtes en abattage sont publiées dans la Feuille d'avis officielle, à l'exception :

a)  de celles liées à des demandes d'autorisation de construire ou de démolir soumises à la procédure d'autorisation accélérée; et

b)  de celles non liées à des projets de construction.

12.         En l'espèce, il résulte de cette disposition légale il n'y avait pas lieu de publier une requête en abattage s'agissant des deux arbres en question, étant donné que cet abattage n'est pas lié à un projet de construction.

Il n'y a par ailleurs pas lieu de se demander si une telle publication aurait été nécessaire sous l'angle de la LForêt, étant donné que cette législation n'est en l'espèce pas applicable, ainsi qu'il en sera question ci-dessous.

13.         Pour ces motifs, le grief de violation du droit d'être entendu sera rejeté.

14.         Sur le fond, les recourants considèrent tout d'abord que la décision litigieuse viole la législation en matière forestière, qui aurait dû s'appliquer dans le cas d'espèce.

15.         Cependant, sur ce point, toute leur argumentation se fonde sur la prémisse selon laquelle les arbres en cause appartiendraient à une forêt, ce qui, en l'état, n'est précisément pas le cas, puisque c'est à cette conclusion que tendent actuellement leurs efforts dans le litige qu'ils ont précédemment porté devant le Tribunal fédéral.

Le principe de la légalité implique qu'une décision fasse application du droit en fonction de la situation existant au moment où elle est rendue, et non pas d'une hypothétique évolution future de la situation.

Au demeurant, les propres développements des recourants, qu'il n'est pas utile de détailler ici, confirment la possibilité d'obtenir une autorisation de coupe en forêt lorsque cette mesure répond à des exigences qui priment l'intérêt à la conservation des arbres. Comme dans le cadre de l'application du RCVA, une telle possibilité implique de la part de l'autorité compétente une pesée des intérêts, mais n'exclut nullement, sur le principe, la possibilité d'un abattage.

Le tribunal observera encore, à toutes fins utiles, que l'argumentation des recourants relative au fait que la décision litigieuse aurait pour but ou pour conséquence de rendre plus compliquée la constatation de la nature forestière du boisement tombe à faux, puisqu'en l'état, la procédure pendante à ce sujet implique de la part du département une instruction qui l'oblige à tenir compte des abattages dont le boisement aurait fait l'objet précédemment. En d'autres termes, les intimées n'obtiendront aucun bénéfice, sous l'angle de cette procédure, du fait de l'abattage des deux hêtres concernés.

16.         Le grief relatif à la violation de la LForêt sera donc rejeté.

17.         Les recourants estiment enfin qu’aucun motif objectif ne justifie l’abattage litigieux.

18.         La LPMNS a notamment pour but d’assurer la sauvegarde de la nature, en ménageant l’espace vital nécessaire à la flore et à la faune, et en maintenant les milieux naturels (art. 1 let. c LMPNS).

À teneur de l'art. 36 al. 1 LPMNS, le Conseil d’État édicte les dispositions nécessaires à la protection, la conservation et l’aménagement des sites visés à l’art. 35 LPMNS. Il peut n’autoriser que sous condition ou même interdire l'abattage, l’élagage ou la destruction de certaines essences d’arbres, de cordons boisés, de boqueteaux, buissons ou de haies vives (art. 36 al. 2 let. a LPMNS).

Sont protégés conformément à la loi, les sites et paysages, espèces végétales et minéraux qui présentent un intérêt biologique, scientifique, historique, esthétique ou éducatif (art. 35 al. 1 LPMNS). Le Conseil d'État peut n'autoriser que sous condition ou même interdire l'abattage, l'élagage ou la destruction de certaines essences d'arbres, de cordons boisés, de boqueteaux, buissons ou de haies vives (art. 36 al. 2 let. a LPMNS).

En application de cette disposition, le Conseil d’État a adopté le RCVA qui a pour but d'assurer la conservation, à savoir la protection, le maintien et le renouvellement, de la végétation formant les éléments majeurs du paysage (art. 1 RCVA). Il est applicable aux arbres situés en dehors de la forêt, telle que définie à l'art. 2 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10), ainsi qu'aux haies vives et boqueteaux présentant un intérêt biologique ou paysager (art. 2 al. 1 RCVA).

Selon l’art. 3 al. 1 RCVA, aucun arbre ne peut être abattu ou élagué, ni aucune haie vive ou aucun boqueteau coupé ou défriché, sans autorisation préalable du DETA, sous réserve de l’alinéa 2, non pertinent en l'occurrence. L’autorisation d’abattage d’arbres ou de défrichage de haies vives et de boqueteaux est assortie, en principe, de l’obligation de réaliser des mesures compensatoires (art. 15 al.1 RCVA).

Le département édicte des directives en matière de sauvegarde des végétaux maintenus, de leur mise en valeur et de l’exécution correcte des mesures compensatoires (art. 16 RCVA).

La directive d'août 2008 concernant la conservation des arbres (ci-après : la directive) précise les règles décisionnelles en matière de conservation du patrimoine arboré et vise à assurer la protection des arbres en place et le renouvellement du patrimoine arboré (art. 1 de la directive). La décision de maintenir un arbre est prise lorsque l’intérêt de maintien prime sur les motifs d’abattage et celle d'abattage seulement si des motifs valables empêchent le maintien de l'arbre (art. 2 de la directive).

Les critères de maintien sont évalués en relation directe avec l'espèce par une personne ayant autorité en la matière (art. 2.1 de la directive). Les art. 2.1.1 à 2.1.4 de la directive énumèrent lesdits critères, à savoir : la beauté et l’intérêt du sujet (élément majeur du paysage, arbre remarquable, intérêt écologique), son état sanitaire (vigueur, absence de maladies, de blessures, qualité statique, couronne et charpente équilibrées) et son espérance de vie (potentialités de développement futur, espace disponible, conditions environnementales), ainsi que d’autres cas (impossibilité de compenser et de renouveler, maintien d’un espace plantable, situations particulières).

Les art. 2.2.1 à 2.2.5 de la directive énumèrent les motifs d’abattage, à savoir : les dangers et incidences de l’arbre sur les biens et les personnes, le type et l’importance de la construction ou de l’aménagement projeté, la mise en valeur d’autres arbres, l’entretien d’un ensemble végétal, la prévention phytosanitaire et le respect des lois, servitudes ou conventions, pour autant qu’un préjudice soit prouvé (ATA/552/2013 du 27 août 2013 ; ATA/398/2013 du 25 juin 2013 ; ATA/114/2010 du 16 février 2010).

19.         Si les directives, circulaires ou instructions émises par l'administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 129 V 205 consid. 3.2 ; 127 V 61 consid. 3a ; 126 V 68 consid. 4b ; 427 consid. 5a; 121 II 478 consid. 2b et les références ; ATA/552/2013 du 27 août 2013 ; ATA/114/2010 du 16 février 2010). Émise par l'autorité chargée de l'application concrète d’une loi, l'ordonnance administrative est un mode de gestion : elle rend explicite une ligne de conduite, permet d'unifier et de rationaliser la pratique, assure ce faisant aussi l'égalité de traitement et la prévisibilité administrative et facilite le contrôle juridictionnel, puisqu'elle dote le juge de l'instrument nécessaire pour vérifier que l'administration agit selon des critères rationnels, cohérents et continus, et non pas selon une politique virevoltante du cas par cas (P. MOOR/A. FLÜCKIGER/V. MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, pp. 426-427).

Sous cet angle, la directive concernant la conservation des arbres peut être prise en considération (cf. ATA/552/2013 du 27 août 2013).

20.         En l’espèce, les recourants contestent l'appréciation de l'autorité intimée selon laquelle les deux hêtres concernés seraient fortement dépérissants et condamnés à brève échéance. D'une part, ils considèrent en substance qu'une mesure mieux proportionnée consisterait à élaguer le sommet des deux arbres ainsi que les branches mortes, ce qui permettrait d'éliminer les risques de chute tout en permettant aux arbres de poursuivre leur existence. D'autre part, ils contestent toute urgence, relevant en particulier qu'il existerait sur la parcelle des intimés différents indices (notamment présence de jeux pour enfants, absence de périmètre de protection autour de l'un des deux arbres) démontrant qu'il ne se soucierait en réalité pas d'un risque de chute.

21.         Tout d'abord, le tribunal retiendra que le transport sur place a clairement permis de constater le mauvais état sanitaire des deux arbres, dont une partie importante du sommet apparaissait complètement desséchée, conformément aux explications du département. Cette situation, connue sous le terme de descente de cime, était visible même pour des non-spécialistes, dans la mesure où cette partie du houppier ne contient actuellement presque plus aucune ramille, mais uniquement des rameaux, voire de grosses branches nues. Les explications générales des recourants, telles que le fait que l'été 2021 a été particulièrement pluvieux, ne contredisent ni la réalité des changements climatiques et de ses conséquences sur l'évolution de l'environnement, ni l'état sanitaire spécifique des deux arbres.

Quant à l'urgence d'une intervention, il est indifférent à la présente cause de savoir si les intimés prennent ou non des mesures de précaution par rapport au danger de chute de branches et si l'on peut trouver sur sa parcelle des indices selon lesquels des personnes, notamment des enfants, seraient occasionnellement exposés à un tel risque. Celui-ci se mesure objectivement en fonction de l'état des arbres et non pas de l'attitude de leur propriétaire.

22.         En réalité, étant à nouveau rappelé qu'aucune des explications des recourants ne remet valablement en cause l'avis du spécialiste du département sur le mauvais état sanitaire des arbres, le transport sur place a montré que les recourants ne contestent pas tant leur dépérissement, que le fait d'y remédier en les abattant, plutôt qu'en les élaguant.

A cet égard, sans qu'il soit nécessaire de se référer ici aux déclarations faites durant le transport sur place par M. H______, le technicien forestier qui a participé à cette audience a expliqué de manière tout à fait claire qu'une intervention telle que celle que proposent les recourants ne serait pas supportée par une essence telle que le hêtre, au contraire de ce qui pourrait être le cas pour un chêne. Dans leurs déterminations suite au transport sur place, les recourants n'ont fourni aucune référence susceptible de contredire cette indication, qu'il n'y a aucune raison pour le tribunal de remettre en cause.

Le technicien forestier a également indiqué, sans pouvoir se prononcer sur un décompte d'années très précis, que le fait d'éliminer leur houppier serait non seulement très mal supporté par les deux hêtres, essence très fragile, mais que cela n'empêcherait de toute manière pas la poursuite du processus de dépérissement en cours. En ceci, c'est non plus l'urgence d'une intervention qui se joue, mais la question de la pesée des intérêts entre ceux des intimés en faveur d'un abattage immédiat et ceux consistant dans un maintien, le plus longtemps possible, des deux arbres, jusqu'à leur mort complète. Contrairement à ce que soutiennent les recourants dans leurs dernières écritures, le principe de proportionnalité, qui s'applique à toute décision administrative, signifie que l'autorité doit prendre en considération l'ensemble des intérêts en présence, c'est-à-dire aussi bien ceux qui commanderait de prendre telle décision, que ceux qui s'y opposerait. Il n'y a donc aucune raison d'écarter d'emblée, comme s'ils ne faisaient pas partie de cette pesée des intérêts, ceux qu'ont en l'espèce les intimés à obtenir un abattage des arbres. En l'occurrence, le tribunal n'a pu que se convaincre du fait qu'en application du principe de proportionnalité, cette pesée des intérêts penchait en faveur de ceux des intimés. En effet, il n'existe pas, à teneur du dossier, d'indication relative à un intérêt spécifique de maintenir aussi longtemps que possible la présence des deux arbres, tandis que, de l'autre côté, il est clair que leur abattage progressif en plusieurs étapes, au fur et à mesure de leur dessèchement par le haut, entraînerait autant d'interventions représentant finalement un coût très important pour les intimés. Le fait que les arbres puissent encore vivre plusieurs années après l'élimination des parties hautes desséchées est certes un élément susceptible d'être pris en considération, à condition que cela représente un avantage suffisamment important pour contrebalancer les intérêts privés qui viennent d'être évoqués. Or, en l'occurrence, on ne voit pas quel avantage spécifique, tel que la protection d'une espèce rare, résulterait d'un maintien des arbres aussi longtemps que possible.

Quant au fait que les nouveaux arbres puissent cas échéant avoir de la peine à croître correctement sur la parcelle en cause, cet aspect est complètement étranger à la question de savoir si les deux hêtres sont ou non dépérissants et s'ils représentent un danger. La condition de la replantation est la meilleure chose que l'autorité intimée puisse faire dans les circonstances du cas d'espèce et, à supposer que les intimés soient obligés de conserver les deux arbres actuels jusqu'à leur mort naturelle, il n'y aurait alors aucune obligation de les compenser par une nouvelle plantation.

23.         Au vu de ce qui précède, il apparaît que l'autorité intimée n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation et que la décision litigieuse est correctement fondée en droit.

24.         Le recours sera ainsi rejeté.

25.         Cette issue rend sans objet la requête préalable des recourants tendant à la restitution de l'effet suspensif de leur recours.

26.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, sont condamnés solidairement au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 1'300.-, qui tient compte notamment de l'instruction menée par le tribunal ; il est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 900.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

27.         Vu l'issue du litige, une indemnité de procédure de CHF 1'600.-, à la charge des recourants, pris solidairement, sera allouée à Monsieur E______ et Madame D______ (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2023 par Madame B______, Madame A______ et Monsieur C______ contre la décision du département du territoire du 20 juillet 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Madame B______, Madame A______ et Monsieur C______, pris solidairement, un émolument de CHF 1'300.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 900.- ;

4.             condamne Madame B______, Madame A______ et Monsieur C______, pris solidairement, à verser à Monsieur E______ et Madame D______, pris ensemble, une indemnité de procédure de CHF 1'600.- ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Patrick BLASER et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

 

Genève, le

 

La greffière