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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/4442/2022

JTAPI/537/2023 du 11.05.2023 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : CEDH.8; CDE.3.par1; LEI.64d; LEI.64.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4442/2022

JTAPI/537/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 11 mai 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Kevin SADDIER, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Ressortissant portugais né le ______ 1973, Monsieur A______ est père de deux enfants citoyens suisses, B______, né le ______ 2005 et C______ née le ______ 2008. Tous deux vivent avec leur mère, Madame D______. Celle-ci et M. A______ n’ont jamais été mariés.

2.             Le 27 janvier 2010, l’intéressé a récupéré son autorisation d’établissement UE/AELE qu’il avait perdue à la suite de son départ pour son pays d’origine. Son permis C a par la suite été régulièrement renouvelé.

3.             Par ordonnance pénale du 31 août 2012, M. A______ a été condamné par le Ministère public à une peine de cent jours-amende avec sursis, ainsi qu’à une amende de CHF 700.- pour faux dans les titres, menaces, dommages à la propriété et lésions corporelles simples, infractions commises au préjudice de Mme D______.

4.             Par ordonnance pénale du 14 janvier 2020, le précité a été condamné par le Ministère public à une peine de soixante jours-amende avec sursis pour menaces et dénonciation calomnieuse. Ces infractions ont été commises à l’encontre de Madame E______, son ex-compagne.

5.             Le 3 mai 2021, M. A______ a annoncé à l’office cantonal de la population et des migrations (ci‑après : OCPM), au moyen de la formule idoine, son départ définitif pour la République dominicaine avec effet au 31 mai suivant. Il n’a pas indiqué de date de retour. Il a en outre mentionné qu’il ne conservait ni adresse ni activité à Genève.

6.             Par courriel du 27 mai 2021, la fondation institution supplétive LPP (ci-après : l’institution supplétive) a fait part à l’OCPM de ce que M. A______ souhaitait retirer sa prestation de libre passage du deuxième pilier, car il quittait la Suisse. Elle souhaitait s’assurer qu’il était réellement parti et qu’il ne s’était pas réenregistré par la suite.

7.             Le 8 juin 2021, l’OCPM a informé l’institution supplétive, par courriel, que M. A______ n’était plus domicilié dans le canton de Genève.

8.             Par jugement du 20 septembre 2022 (cause P/______/2022), en force, le Tribunal de police a reconnu M. A______ coupable de brigandage aggravé, lésions corporelles simples de peu de gravité, menaces, violation d’une obligation d’entretien, violation grave des règles de la circulation routière et infraction à la loi fédérale sur les armes du 20 juin 1997 (LArm – RS 514.54). Il l’a condamné à une peine privative de liberté de dix-huit mois et a renoncé à ordonner son expulsion de Suisse.

Ce brigandage se rapportait à un braquage qu’il avait commis dans une station-service à I______ le ______2021.

Lors de son audition par la police, le 31 mai 2022, il avait notamment déclaré qu’il vivait en République dominicaine. Il avait définitivement quitté la Suisse le 31 mai 2021, y était revenu en octobre de la même année pendant un ou deux mois et y était reparti jusqu’au 31 janvier 2022.

Le 18 mai 2022, il avait également été entendu par la police. À cette occasion, il a notamment reconnu qu’il avait omis de verser en mains de Mme D______ la contribution destinée à l’entretien de leurs enfants pour la période de septembre 2020 à novembre 2021.

9.             À la suite au prononcé de ce jugement, l’intéressé a été incarcéré.

10.         Par décision du 22 décembre 2022 prise en application de l’art. 64d al. 1 et 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), l’OCPM a prononcé le renvoi de Suisse de M. A______. Les services de police étaient chargés d’exécuter ce prononcé, dès qu’il serait remis en liberté.

Il ne pouvait se prévaloir ni du statut de travailleur, ni de celui d’indépendant au sens de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681). Il n’était pas non plus considéré comme un chercheur d’emploi et ne disposait pas des moyens financiers suffisants pour son séjour. Aucun motif important ne justifiait par ailleurs l’octroi d’un titre de séjour.

En outre, il représentait une menace pour l’ordre et la sécurité publics, au vu de sa condamnation prononcée le 20 septembre précédent par le Tribunal de police.

11.         Par lettre datée du 23 décembre 2022, M. A______ a contesté son renvoi.

Père de deux enfants âgés de 17 et de 14 ans, il avait de forts liens avec la Suisse. Il ne représentait pas un risque pour le pays et détenait toujours un permis C, car il n’avait jamais quitté la Suisse durant plus de six mois. En outre, il occupait un emploi d’installateur sanitaire. Son employeur lui avait dit de le contacter à sa sortie de prison. Il était donc à même de subvenir à ses besoins. Il disposait par ailleurs d’un domicile, à savoir chez son frère. À sa sortie, il travaillerait pour subvenir aux besoin de ses enfants.

En revanche, il n’avait aucun lien avec le Portugal. Il regrettait les erreurs qu’il avait commises et souhaitait qu’une seconde chance d’être un bon père lui soit accordée. Toute sa famille vivait en Suisse.

Attendu que cet acte a été adressé à l’OCPM, celui-ci l’a adressé au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) pour raison de compétence.

12.         Dans ses observations du 20 mars 2023, l’OCPM a proposé le rejet du recours.

Étant donné que M. A______ avait annoncé son départ de Suisse le 3 mai 2021 pour le 31 mai suivant, son autorisation d’établissement avait pris fin à cette date. Le retrait de ses avoirs du deuxième pilier confirmait le caractère définitif de son départ. Il séjournait dès lors sans titre de séjour.

Il ne pouvait pas se prévaloir de l’ALCP, puisqu’il n’exerçait pas d’activité lucrative et qu’il avait indiqué, dans le formulaire de demande d’assistance juridique, être dépourvu de ressources financières. Il représentait une menace pour l’ordre et la sécurité publics, dès lors qu’il avait été condamné à une peine privative de liberté de dix-huit mois.

13.         Dans sa réplique du 14 avril 2023, le recourant, sous la plume de son conseil, a conclu à la restitution de l’effet suspensif, à sa comparution personnelle, à l’annulation de la décision du 22 décembre 2022 et à l’octroi d’un titre de séjour, le tout sous suite de frais.

Il convenait de restituer l’effet suspensif à son recours car son renvoi pourrait entraîner des conséquences irréversibles pour lui, dès lors qu’il devrait quitter un pays où vivaient ses enfants.

L’OCPM avait considéré qu’il représentait une menace pour la sécurité et l’ordre publics, sans toutefois procéder à un examen du cas d’espèce.

Étant arrivé à Genève à l’adolescence, il y avait passé quelque trente ans. Il remplissait les conditions pour se voir délivrer une autorisation d’établissement en application de l’art. 61 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

Bien qu’il eût annoncé son départ définitif de Suisse, il n’avait jamais quitté le territoire, hormis pour quelques séjours en République dominicaine. Il avait toujours travaillé, par exemple en 2021, respectivement 2022, pour les entreprises F______ SA et G______ SA. Dès lors, il pouvait continuer à résider en Suisse sur la base de l’art. 2 par. 1 Annexe I ALCP. Il serait en mesure de rechercher un emploi à sa sortie de prison.

Il était déterminé à retrouver un emploi dès qu’il serait libéré. Avec l’aide de la société H______ SA, ses recherches devraient déboucher sur un emploi, de sorte qu’il pourrait s’assumer financièrement. Par ailleurs, son frère avait accepté de l’héberger. Il s’affilierait également à l’assurance-maladie.

Il parlait couramment le français. Formé en tant qu’installateur sanitaire, il avait travaillé dans ce domaine dès la fin de sa formation. Malgré ses quelques voyages en République dominicaine, d’une durée de quatre mois au maximum, il avait toujours été en mesure de travailler en Suisse. Ses deux enfants et son frère y résidaient. Hormis sa condamnation par le Tribunal de police, il n’était pas connu pour des comportements contraires à l’ordre juridique suisse. Hormis un bref séjour de 2007 à 2010, il n’avait plus vécu au Portugal depuis 1986. Il paraissait disproportionné d’exiger qu’il y retourne, en tirant un trait sur les trente ans de vie à Genève. La décision attaquée violait dès lors l’art. 20 de l’ordonnance sur l'introduction progressive de la libre circulation des personnes entre, d'une part, la Confédération suisse et, d'autre part, l'Union européenne1 et ses États membres, ainsi qu'entre les États membres de l'Association européenne de libre-échange du 22 mai 2002 (Ordonnance sur l'introduction de la libre circulation des personnes, OLCP – RS 142.203).

Il se prévalait également de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Ses enfants résidaient tous deux à Genève et leur vie étaient ancrée en Suisse. Avant son incarcération, il entretenait des relations régulières avec eux. Si C______ ne venait pas lui rendre visite en détention, tel n’était pas le cas de B______. Il entendait renouer un lien fort avec eux à sa sortie de détention, ce qui ne serait guère possible s’il était renvoyé au Portugal. Son intérêt privé à séjourner en Suisse prévalait l’intérêt public à son renvoi, si tant est que celui-ci existât.

14.         Le 25 avril 2023, l’OCPM s’est opposé à la restitution de l’effet suspensif.

Sur le fond, il a repris les arguments exposés dans ses précédentes observations, rappelant que le recourant ne pouvait pas se prévaloir de l’ALCP.

Toutefois, à sa sortie de prison, il pourrait déposer une demande d’autorisation de séjour s’il fournissait la copie d’un contrat de travail. Si, en revanche, il ne trouvait pas d’emploi, il pourrait déposer une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur. Les arguments qu’il avait développés au sujet de la délivrance d’un titre de séjour étaient exorbitants de l’objet du litige.

15.         Le 4 mai 2023, M. A______ a informé le tribunal qu’il persistait dans son écriture du 14 avril précédent.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b).

5.             Le recourant sollicite sa comparution personnelle.

6.             Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l’administration des preuves (ATF 142 II 2018 consid. 2.3).

Le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes, de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières ou de mettre un terme à l'instruction, lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1). Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1).

7.             En l’espèce, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer par écrit à plusieurs reprises durant la présente procédure, d’exposer son point de vue et de produire toutes les pièces qu’il estimait utiles à l’appui de ses allégués. L’autorité intimée a également répondu à son recours, se prononçant sur les griefs qu’elle estimait pertinents pour l’issue du litige et le recourant s'est vu octroyer la possibilité de répliquer, ce qu'il a fait. Le dossier comporte en outre tous les éléments pertinents et nécessaires à l’examen des griefs et arguments mis en avant par les parties, permettant ainsi au tribunal de se forger une opinion et de trancher le litige.

Par conséquent, il n’y a pas lieu de procéder à l’audition du recourant, cet acte d’instruction ne se révélant pas utile et étant, en soi, non obligatoire pour le surplus.

8.             L’objet du litige consiste à déterminer si c’est à bon droit que l’OCPM a prononcé le renvoi du recourant.

9.             La LEI et ses ordonnances d'exécution règlent l'entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), dont l'ALCP qui s'applique aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne et de la Suisse (art. 1 ALCP).

10.         En l’occurrence, le recourant, ressortissant portugais, peut a priori se prévaloir de l’ALCP.

11.         Le Tribunal fédéral (arrêt 2C_1110/2013 du 17 avril 2014 consid. 3.2) a retenu, dans une affaire concernant un ressortissant portugais dont le titre de séjour avait pris fin en raison de sa détention d’une durée de deux ans en Allemagne, que l'art. 6 al. 5 annexe I ALCP, selon lequel les interruptions de séjour ne dépassant pas six mois consécutifs, ainsi que les absences motivées par l'accomplissement d'obligations militaires n’affectaient pas la validité du titre de séjour, prévoyait, pour la cause litigieuse, une réglementation semblable à celle de l’aLEtr, raison pour laquelle c’était cette dernière qui trouvait application.

12.         L'autorisation de séjour ou d'établissement prend fin lorsque l'étranger déclare son départ de Suisse (art. 61 al. 1 let. a LEI). Cette extinction s’opère de iure (arrêt du Tribunal administratif fédéral 139/2016 consid. 5.1 et les références citées).

Sur demande, l'autorisation d'établissement peut être maintenue pendant quatre ans (art. 62 al. 2 LEI). L’art. 6 par. 5 Annexe I ALCP prévoit également que les interruptions de séjour ne dépassant pas six mois consécutifs n'affectent pas la validité du titre de séjour.

Après un séjour à l’étranger, l’autorisation d’établissement peut être octroyée une nouvelle fois lorsque le requérant a déjà été titulaire d’une telle autorisation pendant dix ans au moins et que son séjour à l’étranger n’a pas duré plus de six ans (art. 61 al. 1 OASA, qui se réfère à l’art. 34 al. 3 LEI). L'art. 34 al. 3 LEI concerne donc une personne étrangère qui, après un séjour préalable de plusieurs années, a quitté provisoirement la Suisse et veut y revenir (FF 2002 3547, Message du conseil fédéral concernant la loi sur les étrangers du 8 mars 2002, FF 2002 3469 ss, p. 3547).

13.         En matière d’un tel octroi anticipé d’une autorisation d’établissement, le ch. 3.5.3.2.1 de la directive édictée par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM), domaine des étrangers, état au 1er mars 2023, pose le principe suivant : « Lorsque l’étranger sollicite une nouvelle autorisation après un séjour à l’étranger (art. 49 à 51 OASA), le SEM peut tenir compte de tout ou partie des séjours antérieurs passés en Suisse pour fixer la date à partir de laquelle une autorisation d’établissement peut être accordée (art. 61 OASA). Sont déterminants la durée des séjours antérieurs, les circonstances et la durée du séjour à l’étranger et le fait que l’étranger ait ou non été titulaire d’une autorisation d’établissement avant son départ de Suisse ».

14.         La jurisprudence a retenu qu’une durée de séjour en Suisse, au bénéfice d’une autorisation de séjour, d’au minimum deux ans, pouvait être considérée comme suffisante pour justifier l’octroi anticipé d’une autorisation d’établissement en application de l’art. 61 OASA (ATAF F-139/2016 du 11 avril 2017 consid. 5.2).

15.         En l’espèce, par formulaire du 3 mai 2021, le recourant a annoncé à l’OCPM son départ définitif de Suisse avec effet le 31 mai suivant. Il a par ailleurs indiqué qu’il ne conservait ni adresse, ni activité à Genève. L’extinction de son autorisation d’établissement s’est ainsi opérée de iure à cette date.

Par ailleurs, conformément à l’art. 5 al. 1 let. a de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 17 décembre 1993 (LFLP - RS 831.42), à l’exception de cas non pertinents en l’espèce, le retrait de la prestation de sortie n’est possible que lorsque l’assuré quitte définitivement la Suisse. La requête que le recourant a adressée à l’institution supplétive vient donc corroborer son annonce à l’OCPM.

En outre, lors de son audition par la police, le 31 mai 2022, l’intéressé a confirmé qu’il avait définitivement quitté la Suisse le 31 mai 2021. Il y était revenu en octobre de cette année pendant un ou deux mois et y était reparti jusqu’au 31 janvier 2022.

Au vu des éléments qui précèdent, le recourant ne dispose actuellement plus d’aucune autorisation d’établissement, ni même de séjour. Il s’ensuit que le renvoi du recourant se justifie pour ce motif déjà. Il n’est dès lors pas besoin d’examiner la question de savoir s’il se révèle également fondé, parce que l’intéressé représente une menace pour l’ordre et la sécurité publics.

16.         Dans son recours, M. A______ sollicite l’octroi anticipé d’une autorisation d’établissement au sens de l’art. 61 al. 1 OASA.

Or, cette question est exorbitante de l’objet du litige, qui ne concerne que son renvoi de Suisse. Comme exposé ci-dessus, l’intéressé ne dispose actuellement d’aucun titre de séjour valable et il n’a jamais déposé de requête d’octroi anticipé auprès de l’autorité intimée. Le tribunal ne peut se prononcer sur cette question, sous peine de violer la compétence fonctionnelle de l’OCPM, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/648/2016 du 26 juillet 2016 consid. 2b et les arrêts cités). Au surplus, il est douteux que le recourant remplisse les conditions pour bénéficier de la disposition susmentionnée, dès lors qu’il n’a pas bénéficié d’un quelconque permis depuis son départ de Suisse en mai 2021.

17.         Le recourant se prévaut également des dispositions de l’ALCP et de l’OLCP relatives aux salariés, aux personnes n’exerçant pas d’activité économique, ainsi qu’aux autorisations de séjour délivrées pour des motifs importants.

Le raisonnement qui a été exposé ci-dessus peut être repris. La question de l’octroi d’une autorisation de séjour est exorbitante de l’objet du litige, étant relevé que l’intéressé ne dispose d’aucun permis lui permettant de résider en Suisse et n’en a jamais sollicité aucun auprès de l’OCPM. Ainsi que celui-ci le relève à juste titre dans son écriture du 25 avril 2023, il lui sera loisible, à sa sortie de détention, de déposer une demande d’autorisation de séjour avec ou sans activité lucrative, ou encore pour des motifs importants.

18.         Cela étant, le recourant soutient que son renvoi de Suisse viole l’art. 8 CEDH.

19.         Selon la jurisprudence, exceptionnellement et à des conditions restrictives, un étranger peut, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens de l’art. 8 par. 1 CEDH, pour s’opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu’il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 145 I 227 consid. 3.1). Les relations ici visées sont avant tout celles qui existent entre époux, ainsi que les relations entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 140 I 77 consid. 5.2). Pour autant, les liens familiaux ne sauraient conférer de manière absolue, en vertu de cette disposition, un droit d’entrée et de séjour (ATF 139 I 330 consid. 2.1). Une personne est en droit de résider durablement en Suisse si elle a la nationalité suisse ou si elle est au bénéfice d’une autorisation d’établissement ou d’un droit certain à une autorisation de séjour en Suisse (ATF 135 I 143 consid. 1.3.1).

20.         Le parent étranger qui n’a pas la garde d’un enfant mineur disposant d’un droit durable de résider en Suisse ne peut d’emblée entretenir une relation familiale avec celui-ci que de manière limitée, en exerçant le droit de visite dont il bénéficie. Il n’est en principe pas nécessaire que, dans l’optique de pouvoir exercer son droit de visite, il soit habilité à résider durablement dans le même pays que son enfant. Sous l’angle du droit à une vie familiale, il suffit en règle générale que le parent vivant à l’étranger exerce son droit de visite dans le cadre de séjours brefs, au besoin en aménageant ses modalités quant à la fréquence et à la durée ou par le biais de moyens de communication modernes. Le droit de visite d’un parent sur son enfant ne doit en effet pas nécessairement s’exercer à un rythme bimensuel et peut également être organisé de manière à être compatible avec des séjours dans des pays différents (ATF 144 I 91 consid. 5.1 et les références citées).

Un droit plus étendu ne peut le cas échéant exister qu'en présence (1) de relations étroites et effectives avec l'enfant d'un point de vue affectif et (2) d'un point de vue économique (3) de l'impossibilité pratique à maintenir la relation en raison de la distance qui sépare le pays de résidence de l'enfant du pays d'origine de son parent et (4) d'un comportement irréprochable. Ces exigences doivent être appréciées ensemble et faire l'objet d'une pesée des intérêts globale (ibid.).

21.         Les conditions posées par la jurisprudence pour pouvoir invoquer l’art. 8 CEDH sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 2C_520/2016 du 13 janvier 2017 consid. 4.4).

22.         Le lien affectif particulièrement fort est tenu pour établi lorsque les contacts personnels sont effectivement exercés dans le cadre d'un droit de visite usuel selon les standards d'aujourd'hui (en Suisse romande, il s'agit d'un droit de visite d'un weekend toutes les deux semaines et durant la moitié des vacances) ; seuls importent les liens personnels, c'est-à-dire l'existence effective de liens familiaux particulièrement forts d'un point de vue affectif et non pas seulement les décisions judiciaires ou les conventions entre parents se répartissant l'autorité parentale et la garde des enfants communs (ATF 144 I 91 consid. 5.2.1).

23.         Le lien économique est particulièrement fort lorsque l'étranger verse effectivement à l'enfant des prestations financières dans la mesure décidée par les instances judiciaires civiles. La contribution à l'entretien peut également avoir lieu en nature, en particulier en cas de garde alternée. Il convient de distinguer la situation dans laquelle l'étranger ne contribue pas à l'entretien de l'enfant faute d'avoir été autorisé à travailler de celle dans laquelle il ne fait aucun effort pour trouver un emploi. Les exigences relatives à l'étendue de la relation que l'étranger doit entretenir avec son enfant d'un point de vue affectif et économique doivent rester dans l'ordre du possible et du raisonnable (ATF 144 I 91 consid. 5.2.2).

24.         La possibilité d’exercer le droit de visite depuis le pays d’origine, pour éviter qu’il ne s’agisse que d’une possibilité théorique, doit être examinée concrètement et notamment, tenir compte de l’âge des intéressés, des moyens financiers, des techniques de communication et des types de transport à disposition ainsi que de la distance entre les lieux de résidence: l’impossibilité pratique à maintenir la relation sera tenue pour réalisée si le pays de l’étranger qui bénéficie d’un droit de visite est très éloigné de la Suisse (par exemple : le Mexique, ATF 144 I 91 consid. 5.2.3).

25.         On ne saurait parler de comportement irréprochable lorsqu'il existe, à l'encontre de l'étranger, des motifs d'éloignement, en particulier si l'on peut lui reprocher un comportement répréhensible sur le plan pénal ou en regard de la législation sur les étrangers, étant entendu qu'en droit des étrangers, le respect de l'ordre et de la sécurité publics ne se recoupe pas nécessairement avec la violation de dispositions pénales, de sorte que l'appréciation émise par l'autorité de police des étrangers peut s'avérer plus rigoureuse que celle de l'autorité pénale (ATF 144 I 91 consid. 5.2.4).

26.         Il doit également être tenu compte de l’art. 3 par. 1 de la Convention relative aux droits de l’enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989, approuvée par l’Assemblée fédérale le 13 décembre 1996. Instrument de ratification déposé par la Suisse le 24 février 1997 (CDE - RS 0.107), qui impose d’accorder une importance primordiale à l’intérêt supérieur de l’enfant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2012 du 13 février 2013 consid. 4.3). Les dispositions de la CDE ne font toutefois pas de l’intérêt de l’enfant un critère exclusif, mais un élément d’appréciation, dont l’autorité doit tenir compte lorsqu’il s’agit de mettre en balance les différents intérêts en présence, étant relevé que les dispositions de cette convention ne confèrent aucune prétention directe à l’octroi d’une autorisation de séjour (ATF 139 I 315 consid. 2.4).

27.         En l’espèce, B______ et C______ disposent d’un droit durable de séjourner en Suisse, puisqu’ils en sont ressortissants. En conséquence, le recourant – leur père – peut a priori se prévaloir de l’art. 8 CEDH.

Il ne ressort pas des pièces du dossier que le recourant et Mme D______ ont effectué une déclaration commune au sens de l’art. 298a al. 1 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210). Dès lors, B______ et C______ sont soumis à l’autorité parentale exclusive de leur mère (art. 298a al. 5 CC).

Dans son recours, M. A______ allègue qu’il entretenait des relations régulières avec ses enfants avant son incarcération. Cependant, il n’apporte aucun élément propre à démontrer cette affirmation, se contentant d’offrir de prouver cette allégation par sa comparution personnelle. Or, le fait de répéter en audience les termes de ses écritures ne confère, en soi, aucune valeur probante supplémentaire à de telles déclarations par rapport aux explications déjà données par écrit (JTAPI/150/2023 du 7 février 2023 consid. 7). Il convient dès lors de retenir que l’intéressé n’a pas justifié l’existence d’un lien affectif fort avec B______ et C______. Il ne peut pas non plus se prévaloir de relations étroites et effectives avec eux d'un point de vue affectif économique. En effet, non seulement il n’apporte aucune pièce démontrant qu’il les a entretenus, mais surtout, il a admis devant la police, le 18 mai 2022, ne pas avoir versé à leur mère la contribution pour leur entretien des mois de septembre 2020 à novembre 2021.

Le recourant ne peut en outre pas se prévaloir d’un comportement irréprochable, étant donné qu’il a été condamné pénalement le 20 septembre 2022 à une peine privative de liberté de dix-huit mois par le Tribunal de police, notamment pour brigandage aggravé, infraction qualifiée de crime (art. 10 al. 2 et 140 ch. 1 al. 1 et 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0).

Ressortissant communautaire, l’intéressé a le droit de se rendre en Suisse sans visa et y séjourner jusqu’à trois mois par période de six mois, ce qui est largement compatible avec l’organisation de visites à B______ et C______. En outre, le Portugal peut être atteint depuis la Suisse en deux heures et demie environ par avion. En conséquence, le renvoi du recourant dans son pays d’origine ne rendra pas illusoire le maintien des relations avec son fils et sa fille.

Pour le surplus, s’il est de manière générale préférable que des enfants puissent grandir aux côtés de leur père, il faut rappeler que la CDE n’accorde ni à l’enfant ni à ses parents un droit à la réunion de la famille dans un État particulier ou une prétention directe à l’obtention d’une autorisation de séjour.

28.         Enfin, s’il est exact que dans sa jurisprudence récente, le Tribunal fédéral a jugé qu’un séjour légal d’environ dix ans permettait en principe de se prévaloir de l’art. 8 CEDH sous l’angle de la vie privée (ATF 144 I 266 consid. 3.9), le recourant ne peut invoquer cette disposition qui, sous cet angle étroit, n’ouvre le droit à une autorisation de séjour qu’à des conditions très restrictives, l’étranger devant en effet établir l’existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d’une intégration ordinaire. En effet, il ne séjourne pas légalement en Suisse depuis dix ans. Ayant quitté définitivement la Suisse en mai 2021, il réside actuellement sans titre de séjour. En outre, les conditions très restrictives précitées ne sont pas remplies en l’espèce, tel que cela ressort des considérants qui précèdent (ATF 130 II 281 consid. 3.2.1).

Il en résulte que le recourant ne peut se fonder sur l’art. 8 CEDH pour s’opposer à son renvoi.

29.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

30.         Le renvoi constitue la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande tendant à la délivrance ou la prolongation d'une autorisation de séjour, l'autorité ne disposant à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation (ATA/1118/2020 du 10 novembre 2020 consid. 11a).

31.         Le recourant n’obtenant pas de titre de séjour, c'est à bon droit que l'autorité intimée a prononcé son renvoi de Suisse, ne disposant dans ce cadre d’aucun pouvoir d’appréciation.

32.         Ne reposant sur aucun motif valable, le recours doit être rejeté.

33.         Dès lors que le présent jugement tranche le fond du litige, la demande de restitution de l’effet suspensif devient sans objet.

34.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.-.

Le recourant étant au bénéfice de l'assistance juridique, cet émolument sera laissé à la charge de l’État de Genève, sous réserve du prononcé d'une décision finale du service de l’assistance juridique sur la base de l’art. 19 al. 1 du règlement sur l'assistance juridique et l’indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - E 2 05.04).

Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

35.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 23 décembre 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 22 décembre 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.- ;

4.             le laisse à la charge de l’État de Genève, sous réserve de la décision finale de l'assistance juridique en application de l'art. 19 al. 1 RAJ ;

5.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière