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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1383/2022

JTAPI/1189/2022 du 07.11.2022 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : REGROUPEMENT FAMILIAL;ADMISSION PROVISOIRE;AUTORISATION DE SÉJOUR;RESPECT DE LA VIE FAMILIALE;RESPECT DE LA VIE PRIVÉE
Normes : LEI.83.al1; LEI.85.al7; CEDH.8.par1; CDE.3.par1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1383/2022 OCPM

JTAPI/1189/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 7 novembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par CARITAS Genève, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 2005, est ressortissant afghan.

2.             Entendu les 26 et 27 juin 2020 en qualité de requérant d’asile mineur non accompagné (ci-après : RMNA) par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) suite au dépôt d’une demande d’asile le 11 juin 2020, il a notamment indiqué avoir vécu, jusqu’à son arrivée sur le sol helvétique, dans le village de B______ (Afghanistan). Scolarisé jusqu’à l’âge de 12 ans, il savait lire et écrire. Par la suite, il avait aidé son père, qui travaillait comme agriculteur, activité qui permettait à sa famille, soit son père, sa mère ainsi que deux frères et une sœur, de subvenir à ses besoins. Début 2019, soit environ six mois avant son propre départ d’Afghanistan, son père avait été enlevé par des talibans en raison de son appartenance au parti Hazb-e-Wadat. Entre juillet et août 2019, il avait lui-même été enlevé par des kuchis et avait notamment subi des attouchements sexuels et des tentatives de viol. Après avoir réussi à échapper aux précités le lendemain de son enlèvement, il n’avait eu d’autre choix que de quitter le pays, sans revoir sa famille. Les talibans avaient menacé toute sa famille, pour les mêmes raisons que celles qui avaient conduit à l’arrestation de son père, dont il demeurait sans nouvelles. Lorsqu’un ami s’était rendu récemment chez lui à sa demande pour y chercher un document, ce dernier n’y avait trouvé ni sa mère ni ses frères et soeurs, dont il était sans nouvelles également. Il se sentait mal psychiquement et pensait en permanence à sa famille.

3.             Suite à son assignation au canton de Genève, M. A______ s’est vu délivrer, le 11 août 2020, par l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) un livret N pour requérant d’asile, dont la validité a été prolongée jusqu’au 21 juillet 2021.

4.             Par décision du 29 mars 2021, le SEM a rejeté la demande d’asile déposée par le précité, l’existence d’une crainte fondée de persécution ciblée en cas de retour en Afghanistan n’ayant pas été établie. Toutefois, eu égard à la situation sécuritaire dans sa région de provenance et à sa situation personnelle, l’exécution de son renvoi n’était pas raisonnablement exigible, de sorte que son admission provisoire était prononcée avec effet immédiat.

5.             Cette décision a été confirmée par le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF), par arrêt E-2004/2021 du 9 juin 2021.

6.             Le 6 avril 2021, l’OCPM a délivré à M. A______ un permis F, dont la validité a été régulièrement prolongée jusqu’au 17 mars 2023.

7.             Par requête du 30 novembre 2021, le service juridique de CARITAS GENEVE a sollicité auprès de l’OCPM la délivrance d’autorisations d’entrée en Suisse en faveur de Madame C______ née le ______ 1987, mère de M. A______, D______ né le ______ 2007, E______ né le ______ 2010 et F______ née le ______ 2019, frères et sœurs de M. A______, tous de nationalité afghane.

Afin de permettre à M. A______ d’être réuni avec sa famille, les autorités suisses devaient autoriser l’entrée de sa famille sur le territoire suisse, sauf à violer les art. 8 et 10 de la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 (CDE – RS 0.107) et l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Séparés des siens, M. A______ avait été contraint de fuir son pays contre sa volonté, suite à la disparition de son père - vraisemblablement enlevé par des talibans - et à son propre enlèvement par des kuchis pour servir à ceux-ci de divertissement. Il avait retrouvé la trace de sa famille en août 2021, grâce à de nombreuses recherches via notamment la Croix-Rouge. Sa mère et ses frères et soeurs résidaient à Kaboul (Afghanistan) chez un tiers, tandis que son père était décédé. Contraints de vivre cachés et en péril constant pour leur survie, ce qui l’angoissait lui-même profondément, les précités se trouvaient dans une situation de précarité extrême. Sa mère, seule avec trois enfants à charge, faisait actuellement face à un danger imminent de la part des talibans en raison de l’activité qu’exerçait son époux pour le gouvernement. Le cas de cette dernière était ainsi assimilable à un cas de rigueur et son entrée devait être autorisée à ce titre également.

Plusieurs documents étaient joints, notamment :

-          une procuration établie par M. A______ en faveur de CARITAS GENEVE ;

-          un certificat médical rédigé le 21 septembre 2021 par le service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), à teneur duquel M. A______ bénéficiait d’un suivi thérapeutique à raison de deux séances par semaine depuis le 20 août 2020. Hébergé au foyer ______ [GE], il investissait positivement et sérieusement l’école et avait du plaisir à s’y rendre, malgré un manque de concentration dû au fait qu’il pensait à sa famille. Nonobstant de bonnes compétences sociales, il restait assez isolé. Le diagnostic était : symptômes de stress post-traumatique, épisode dépressif moyen, trouble de l’adaptation avec perturbation des émotions, départ du foyer pendant l’enfance, trouble réactionnel de l’attachement de l’enfance, disparition et décès d’un membre de la famille et difficultés liées à des possibles sévices sexuels. Ces éléments handicapaient son quotidien et il faisait état de manière répétée de la douleur ressentie en lien avec l’absence de nouvelles de sa famille. Le temps passé à chercher ses proches l’avait empêché de s’occuper de sa propre vie, de sa formation et de son intégration en Suisse. Après avoir, durant l’été 2021, retrouvé la trace de sa mère et de ses frères et sœurs, il avait imaginé les rejoindre en Afghanistan pour les protéger et les soutenir, se sentant responsable d’eux. Malgré ses ressources, une bonne intégration scolaire, des liens tissés avec quelques pairs, il restait très fragile et dépendant de son milieu environnant. Ayant été exposé dès son plus jeune âge à des traumatismes graves et importants, il avait besoin d’un milieu de vie stable et protecteur et d’un traitement approprié, sans quoi son développement psychologique pourrait être encore davantage perturbé. Séparés de ses proches à 14 ans et amené à penser qu’ils étaient tous décédés, son plus grand rêve était de vivre avec eux. S’il pouvait à l’avenir jouir de conditions de vie adaptées à son âge et à son état, proche de sa famille, il aurait les meilleures chances de se développer au mieux, compte tenu de ses ressources. Du point de vue médical, les auteurs du rapport soutenaient la demande de regroupement familial du patient à Genève pour qu’il puisse être entouré et porter moins de responsabilités parentales afin de se centrer davantage sur les investissements de son âge (études, intégration, avenir).

8.             Par courriel du 21 décembre 2021, l’OCPM a informé CARITAS GENEVE que sa demande du 30 novembre 2021 était classée sans suite, tout en précisant qu’un courrier de confirmation lui serait adressé prochainement.

Renseignements pris auprès du SEM, il n’était pas possible de déposer auprès de l’autorité cantonale une demande d’autorisation d’entrée en vue de l’octroi d’un titre de séjour /d’une admission provisoire en faveur d’une mère et de ses enfants pour permettre à l’enfant titulaire d’une admission provisoire d’être rejoint par sa famille. Il n’était pas davantage possible de solliciter le regroupement familial selon l’art. 85 al. 7 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), seuls le conjoint et les enfants célibataires de moins de 18 ans des personnes admises à titre provisoire, y compris les réfugiés admis à titre provisoire, pouvant bénéficier du regroupement familial et du même statut, au plus tôt trois ans après le prononcé de l’admission provisoire. Par conséquent, la mère et la fratrie de M. A______ n’avaient d’autre solution que de déposer une demande de visa humanitaire auprès de l’ambassade de Suisse compétente pour l’Afghanistan en vue d’un examen par le SEM.

9.             Par courrier du 21 décembre 2021, l’OCPM a confirmé à CARITAS GENEVE qu’il ne pouvait entrer en matière sur sa requête, pour les motifs exposés dans son courriel du même jour.

10.         Par correspondance du 11 février 2022, l’OCPM a précisé à CARITAS GENEVE que l’application de l’art. 8 CEDH aux membres de la famille de M. A______ n’était pas possible, ce dernier disposant d’un permis F depuis peu et n’ayant obtenu en Suisse ni l’asile ni le statut de réfugié.

11.         Par pli du 3 mars 2022, CARITAS GENEVE a répondu à l’OCPM que la situation de M. A______ n’excluait pas d’emblée l’application de l’art. 8 CEDH. Selon l’art. 10 CDE, toute demande d’un enfant ou de ses parents d’entrer dans un Etat partie aux fins de réunification familiale devait être considérée dans un esprit positif, avec humanité et diligence, l’intérêt supérieur de l’enfant étant prédominant.

12.         Par décision du 17 mars 2022, l’OCPM a refusé de préaviser favorablement auprès du SEM l’octroi d’une autorisation de séjour en application de l’art. 8 CEDH.

M. A______ disposait d’un permis F depuis le 6 avril 2021 et n’avait pas obtenu le statut d’asile en Suisse ni la qualité de réfugié, de sorte que l’application de l’art. 8 CEDH aux membres de sa famille n’était pas possible. Si ces derniers se sentaient en danger en Afghanistan, il leur appartenait de déposer une demande de visa humanitaire auprès de l’ambassade suisse à Islamabad (Pakistan), compétente pour l’Afghanistan. Ils étaient invités à prendre contact directement avec le SEM, ce type de requête étant de la compétence de celui-ci.

13.         Par acte du 3 mai 2021 [recte : 2022], M. A______ a interjeté recours, sous la plume de son conseil, auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), à l’encontre de la décision de l’OCPM du 17 mars 2022, concluant à son annulation et au renvoi de la cause à cet office en vue de l’octroi d’une autorisation d’entrée et de séjour en faveur de Mme C______ et de D______, E______ et F______, sous suite de frais et dépens.

La jurisprudence avait reconnu la possibilité, pour des personnes ne disposant pas d’un droit de séjour assuré, de se prévaloir de l’art. 8 CEDH à certaines conditions. La relation avec sa mère et ses frères et sœurs devait être considérée comme étroite et effective, dès lors que c’était contre sa volonté qu’il avait été séparé des siens et contraint de quitter son pays. Au vu de la situation sécuritaire et politique dramatique en Afghanistan, l’unique possibilité pour lui de vivre avec sa famille était d’autoriser l’entrée en Suisse de celle-ci. La situation difficile de sa famille continuait à l’angoisser profondément, alors même qu’il était extrêmement vulnérable et fragile, comme confirmé par le certificat médical du 21 septembre 2020. Conformément à la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : CourEDH), l’intérêt supérieur des enfants devait primer dans toutes les décisions les concernant.

S’agissant de la suggestion de l’OCPM tendant à ce que sa famille dépose une demande de visa humanitaire auprès de l’ambassade suisse compétente, il était de notoriété publique qu’à ce jour, un nombre minime de visas humanitaires avaient été délivrés par le SEM. Durant la crise afghane de 2021, la Croix-rouge faisait état, début octobre 2021, de trois réponses positives seulement sur sept mille huit cent demandes déposées.

14.         Dans ses observations du 29 juin 2022, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Ni la CDE ni l’art. 11 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) (protection des enfants et des jeunes) ne conféraient de droit à la délivrance d’une autorisation de séjour et, bien que primordial, il en allait de même de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Un permis F pouvait exceptionnellement fonder un droit durable de présence en Suisse si l’étranger bénéficiait déjà de plusieurs années de séjour et qu’il n’apparaissait pas que son admission provisoire serait révoquée. Ce n’était toutefois pas le cas du recourant, qui était au bénéfice d’un tel permis depuis un an seulement.

15.         Par réplique du 19 juillet 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions.

L’absence de prétentions directes fondées sur la CDE n’était pas remise en question. Toutefois, les recommandations de la convention devaient être prises en considération, eu égard aux responsabilités de la Suisse en qualité d’Etat signataire. Son père étant porté disparu depuis plusieurs années, son intérêt à pouvoir vivre avec son seul parent survivant était évident, conformément à la jurisprudence fédérale. Il avait d’ailleurs pensé à repartir dans son pays pour retrouver sa famille, ceci n’étant toutefois pas envisageable compte tenu des circonstances actuelles en Afghanistan. Sa famille étant en danger dans ce pays, le seul moyen de respecter l’intérêt supérieur de l’enfant et son droit à la vie privée et familiale était de permettre la réunification de la famille en Suisse.

Même s’il ne disposait pas d’un droit à proprement parler à l’octroi d’une autorisation de séjour au titre de regroupement familial, la pratique jurisprudentielle de la CourEDH et du TAF commandait de trancher son cas sur le fond. Au vu de sa qualité d’enfant privé de tout parent en Suisse, auquel il ne restait qu’un seul parent et qui avait dû fuir son pays d’origine, il avait un besoin accru de protection de son droit à la vie privée et familiale qui ne pouvait se dérouler qu’en Suisse. La CourEDH avait jugé, dans un cas concernant le Danemark, que le fait d’avoir imposé à un ressortissant syrien ayant obtenu une protection temporaire un délai d’attente de trois ans avant de pouvoir demander un regroupement familial avec son épouse était contraire à la CEDH. Bien que ce jugement, rendu à l’encontre d’un pays tiers, ne soit pas directement opposable à la Suisse, la CourEDH avait tranché en faveur de la protection de la vie privée et familiale. Ainsi, le délai d’attente de trois ans prévu à l’art. 85 al. 7 LEI violait le droit à la vie privée et familiale garanti par la CEDH et une pesée des intérêts et une prise en compte des circonstances de chaque cas d’espèce était désormais indispensable. Pour le surplus, l’expérience démontrait que les personnes admises à titre provisoire restaient en Suisse sur le long terme. Enfin, dans un cas précédent, le TAF avait considéré qu’une famille pouvait demander l’examen de ses droits à la lumière de l’art. 8 CEDH, indépendamment du statut de séjour du membre de la famille vivant en Suisse, et avait ainsi annulé la décision du SEM et renvoyé la cause à l’autorité inférieure pour qu’elle entre en matière.

16.         Par duplique du 10 août 2022, l’OCPM a persisté dans ses conclusions.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             Dans son jugement, le tribunal prend en considération l'état de fait existant au moment où il statue, en tenant compte des faits et des moyens de preuve nouveaux invoqués pendant la procédure de recours et qui sont déterminants dans l'appréciation du bien-fondé de la décision entreprise (cf., par analogie, arrêts du Tribunal administratif fédéral E-5824/2018 du 14 février 2020 consid. 2 et l'arrêt cité ; D-573/2020 du 12 février 2020 ; F-235/2018 du 4 avril 2019 consid. 3 et la jurisprudence citée ; F-3202/2018 du 28 février 2019 consid. 3 ; F-3460/2017 du 25 janvier 2019 consid. 2 et l'arrêt cité).

6.             L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/85/2022 du 1er février 2022 consid. 3a ; ATA/242/2020 du 3 mars 2020 consid. 2a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer.

7.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants d’Afghanistan.

8.             Les étrangers au bénéfice d'une admission provisoire en Suisse (art. 83 al. 1 LEI) possèdent un statut précaire qui assure leur présence en Suisse aussi longtemps que l'exécution du renvoi n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (ATF 141 I 49 consid. 3.5 ; 138 I 246 consid. 2.3).

Le droit fédéral reconnaît la particularité de ce statut, qui, s'il dure plus de trois ans, permet au conjoint et aux enfants, à certaines conditions énumérées à l'art. 85 al. 7 LEI, de bénéficier du regroupement familial et du même statut.

9.             Ainsi, conformément à l’art. 85 al. 7 LEI, le conjoint et les enfants célibataires de moins de 18 ans des personnes admises à titre provisoire, y compris les réfugiés admis à titre provisoire, peuvent bénéficier du regroupement familial et du même statut, au plus tôt trois ans après le prononcé de l’admission provisoire, aux conditions suivantes: a. ils vivent en ménage commun; b. ils disposent d’un logement approprié; c. la famille ne dépend pas de l’aide sociale; d. ils sont aptes à communiquer dans la langue nationale parlée au lieu de domicile; e. la personne à l’origine de la demande de regroupement familial ne perçoit pas de prestations complémentaires annuelles ni ne pourrait en percevoir grâce au regroupement familial.

10.         Un étranger peut, en fonction des circonstances, se prévaloir du droit au respect de sa vie familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à une éventuelle séparation de sa famille, à condition qu'il entretienne une relation étroite et effective avec un membre de celle-ci ayant le droit de résider durablement en Suisse, ce qui suppose que celui-ci ait la nationalité suisse, qu'il soit au bénéfice d'une autorisation d'établissement ou d'un droit certain à une autorisation de séjour (ATF 146 I 185 consid. 6.1 ; 144 II 1 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_249/2021 du 28 juin 2021 consid. 6.3.1). D'après une jurisprudence constante, les relations visées par l'art. 8 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire (« Kernfamilie »), soit celles qui existent entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (ATF 145 I 227 consid. 5.3 ; 144 II 1 consid. 6.1 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_249/2021 du 28 juin 2021 consid. 6.3.1).

Le Tribunal fédéral admet aussi qu'un étranger puisse, exceptionnellement et à des conditions restrictives, déduire un droit à une autorisation de séjour de l'art. 8 par. 1 CEDH s'il existe un rapport de dépendance particulier entre lui et un proche parent (hors famille nucléaire) au bénéfice d'un droit de présence assuré en Suisse, par exemple en raison d'une maladie ou d'un handicap (ATF 137 I 154 consid. 3.4.2 ; 129 II 11 consid. 2 ; arrêts 2C_584/2017 du 29 juin 2017 consid. 3 ; fédéral 2C_1083/2016 du 24 avril 2017 consid. 1.1 ; 2C_369/2015 du 22 novembre 2015 consid. 1.1 ; 2C_253/2010 du 18 juillet 2011 consid. 1.5).

11.         L'art. 8 CEDH ne confère en principe pas un droit à séjourner dans un Etat déterminé : la Convention ne garantit en effet pas le droit d'une personne d'entrer ou de résider dans un Etat dont elle n'est pas ressortissante ou de n'en être pas expulsée (cf. ATF 144 I 91 consid. 4.2 et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme citée ; cf. ATF 143 I 21 consid. 5.1). Toutefois, le fait de refuser un droit de séjour à un étranger dont la famille se trouve en Suisse peut entraver sa vie familiale et porter ainsi atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par cette disposition. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de l'art. 8 CEDH, l'étranger doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (cf. ATF 145 I 227 consid. 3.1 ; 141 II 169 consid. 5.2.1 ; 139 I 330 consid. 2.1 ; 137 I 284 consid. 1.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_603/2019 du 16 décembre 2019 consid. 6.1).

12.         Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH n'est toutefois pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est possible aux conditions de l'art. 8 par. 2 CEDH. La mise en oeuvre d'une politique restrictive en matière de séjour des étrangers constitue un but légitime au regard de cette disposition conventionnelle (ATF 137 I 284 consid. 2.1 ; 135 I 153 consid. 2.2.1). Le refus d'octroyer une autorisation de séjour fondé sur l'art. 8 par. 2 CEDH ne se justifie que si la pesée des intérêts à effectuer dans le cas d'espèce, résolue sur la base d'une pesée de tous les intérêts publics et privés en présence, fait apparaître la mesure comme proportionnée aux circonstances (ATF 139 I 145 consid. 2.2 ; 137 I 284 consid. 2.1 ; 135 II 377 consid. 4.3 ; et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_325/2019 du 3 février 2020 consid. 3.1 ; 2C_492/2018 du 9 août 2018 consid. 4.2). Cette condition correspond aux exigences de l'art. 96 al. 1 LEI (ATF 140 I 145 consid. 4.3).

13.         Un droit effectif au regroupement familial ne peut découler de l'art. 8 CEDH qu'à condition que les exigences y relatives fixées par le droit interne soient respectées (cf. ATF 137 I 284 consid. 1.3 et 2.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_325/2019 du 3 février 2020 consid. 3.1 ; 2C_677/2018 du 4 décembre 2018 consid. 6 ; 2C_555/2017 du 5 décembre 2017 consid. 3 ; 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.1 et les références). Il n'est en effet pas concevable que, par le biais de l'art. 8 CEDH, une personne qui ne dispose, en vertu de la législation interne, d'aucun droit à faire venir sa famille proche en Suisse, puisse obtenir des autorisations de séjour pour celle-ci sans que les conditions posées par les art. 42 ss LEI ne soient réalisées (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_677/2018 du 4 décembre 2018 consid. 6 ; 2C_207/2017 du 2 novembre 2017 consid. 5.1 ; 2C_1172/2016 du 26 juillet 2017 consid. 4.1 ; 2C_1075/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1). Notamment, le regroupement familial doit avoir été demandé dans les délais prévus à l'art. 47 LEI et ne doit pas intervenir en violation claire des intérêts et des relations familiales de l'enfant, la relation antérieure entre l'enfant et le parent qui requiert le regroupement devant faire l'objet d'une appréciation, et il ne doit pas y avoir d'abus de droit (cf. ATF 137 I 284 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1075/2015 du 28 avril 2016 consid. 3.1 ; 2C_176/2015 du 27 août 2015 consid. 2.1 ; 2C_303/2014 du 20 février 2015 consid. 4.1).

14.         Une personne est en droit de résider durablement en Suisse si elle a la nationalité suisse ou si elle est au bénéfice d'une autorisation d'établissement ou d'un droit certain à une autorisation de séjour en Suisse (ATF 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 130 II 281 consid. 3.1 ; 129 II 193 consid. 5.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_537/2012 du 8 juin 2012 consid. 3.2).

Le Tribunal fédéral a toutefois considéré qu’une admission provisoire pouvait, à titre exceptionnel, fonder de facto un droit de présence durable sur le sol helvétique si le ressortissant étranger concerné pouvait se prévaloir d’un séjour de plusieurs années en Suisse et que rien ne laissait à penser que son admission provisoire serait révoquée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2012 du 13 février 2013 consid. 1.2.2).

15.         Les conditions posées par la jurisprudence pour pouvoir invoquer l'art. 8 CEDH sont cumulatives (arrêts du Tribunal fédéral 2C_520/2016 du 13 janvier 2017 consid. 4.4 ; 2C_209/2015 du 13 août 2015 consid. 3.3.2).

16.         Il doit également être tenu compte de l'art. 3 par. 1 CDE, qui impose d'accorder une importance primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_639/2012 du 13 février 2013 consid. 4.3 ; 2C_247/2012 du 2 août 2012 consid. 3.2). Les dispositions de la CDE ne font toutefois pas de l'intérêt de l'enfant un critère exclusif, mais un élément d'appréciation, dont l'autorité doit tenir compte lorsqu'il s'agit de mettre en balance les différents intérêts en présence (cf. ATF 139 I 315 consid. 2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_851/2014 du 24 avril 2015 consid. 4.2), étant relevé que les dispositions de cette convention ne confèrent aucune prétention directe à l'octroi d'une autorisation de séjour (ATF 139 I 315 consid. 2.4 ; 126 II 377 consid. 5 ; 124 II 361 consid. 3b).

17.         En l’espèce, s’agissant tout d’abord du droit au regroupement familial, force est de constater que les conditions de l’art. 85 al. 7 LEI ne sont pas remplies. La demande formulée par le recourant ne concerne en en effet ni son conjoint ni ses enfants célibataires de moins de 18 ans. En outre, même dans le cas contraire, dès lors que l’admission provisoire du recourant a été prononcée par le SEM le 29 mars 2021, le délai de trois ans prévu par la disposition légale précitée n’est en tout état pas respecté. A supposer que la jurisprudence de la CourEDH citée par le recourant (M.A. c. Danemark, Requête 6697/18, arrêt du 9 juillet 2021) étende ses effets à la Suisse et conduise à considérer le délai de trois ans de l'art. 85 al. 7 LEI comme contraire à l'art. 8 CEDH, et même en admettant l'hypothèse selon laquelle cette disposition légale impliquerait la possibilité d'un regroupement familial inversé, force est de constater que la situation du recourant vis-à-vis de sa mère et de sa fratrie ne correspond plus, du fait de sa majorité, à celles auxquelles s'applique l'art. 8 CEDH. On ne saurait non plus reconnaître l'existence d'un rapport de dépendance au sens de cette disposition entre le recourant et sa mère ou sa fratrie. Le rapport médical versé au dossier ne permet pas de parvenir à une autre conclusion. Ce document, s’il fait état de la détresse du recourant en lien avec l’éloignement de sa mère et de ses frères et sœurs, précise également que ce dernier possède des ressources sur le plan psychologique et fait notamment montre d’une bonne intégration scolaire et de liens tissés avec quelques pairs. De plus et en tout état, placé au bénéfice d’une admission provisoire depuis le 29 mars 2021, soit depuis environ un an et sept mois à ce jour, le recourant ne remplit pas les critères posés par la jurisprudence pour être assimilé à un ressortissant étranger titulaire d’un droit de séjour durable en Suisse. Pour le surplus, même à supposer que le recourant puisse se prévaloir d’un droit durable à une autorisation de séjour, un tel droit n’ouvrirait un droit à la délivrance d’une autorisation de séjour en application de l’art. 8 CEDH que pour autant que les conditions posées par le droit interne soient remplies, ce qui, comme vu supra, n’est en l’espèce pas le cas.

Enfin, le recourant, au demeurant majeur à présent, ne peut se prévaloir des dispositions de la CDE pour faire venir sa mère et ses frères et sœurs mineurs en Suisse. En effet, cette convention ne permet en tout état pas de fonder une prétention directe à l'octroi ou au maintien d'une autorisation de séjour (ATF 144 I 91 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_249/2021 du 28 juin 2021 consid. 6.2 ; 2D_4/2020 du 18 septembre 2020 consid. 4.4.3 ; 2C_156/2020 du 30 avril 2020 consid. 5.3 ; 2C_293/2018 du 5 octobre 2018 consid. 1.5), ni a fortiori un droit à la délivrance d'une autorisation d'entrée en Suisse au titre du regroupement familial (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral F-5929/2019 du 19 avril 2021 consid. 8 et la référence citée).

Quant à la question de savoir si la mère et les frères et sœurs du recourant sont en danger dans leur pays et se trouveraient de fait dans une situation susceptible de justifier un statut d’asile ou de constituer un cas de rigueur, le tribunal, lié par l’objet du litige, soit la décision attaquée, ne saurait se déterminer à ce propos. L’argument du recourant selon lequel le dépôt d’une demande de visas humanitaires auprès de l’ambassade compétente au regard du lieu de résidence n’aurait que peu de chances d’aboutir n’est pas pertinent. En effet, il ne serait pas acceptable de permettre l’utilisation d’une voie de droit dont les conditions ne sont pas remplies, soit le droit au regroupement familial et au respect de la vie privée et familiale, uniquement au motif que d’autres voies de droit envisageables seraient davantage restrictives.

Par conséquent, le tribunal constate que c'est de manière conforme au droit que l'autorité intimée a refusé de préaviser favorablement l’octroi d’une autorisation de séjour en faveur de la mère et des frères et sœurs du recourant auprès du SEM sur la base du droit au regroupement familial et/ou de la protection de la vie privée et familiale.

18.         En conclusion, mal fondé, le recours est rejeté.

19.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument réduit tenant compte de sa situation particulière et s'élevant à CHF 200.-. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

20.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 3 mai 2022 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 17 mars 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 200.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève,

 

La greffière